L'art roman dans la baie du Mont Saint-Michel (suite)

Un dossier (avec photos) de Marie Lebert pour la Galerie Nef, octobre 2005.

Suite à un article général, Itinéraire roman en douze églises, voici trois articles plus spécialisés. Ces articles concernent l'église de Saint-Pair, qui est de loin l'église la plus ancienne de la région, puisqu'elle a vu le jour dès le 6e siècle, les églises de Bréville et d'Yquelon, très sobres, qu'on peut considérer comme cousines, et enfin le beau portail roman de l'église de Sartilly.

[A gauche, les colonnettes engagées du portail roman de l'église de Sartilly. Les sculptures des chapiteaux, taillées dans le granit, sont particulièrement soignées.]


L'église de Saint-Pair, du 6e siècle à nos jours

Le bourg de Saint-Pair est sis sur la côte ouest du Cotentin, à trois kilomètres environ au sud de Granville (voir la carte). Son église, placée sous le vocable de Saint Pair, est un lieu de pèlerinage voué au culte de Saint Gaud, un des nombreux saints guérisseurs de la région.

La vie de Saint Pair fut résumée par Adrien et Joseph Tardif d'après le récit de Fortunat, évêque de Poitiers et contemporain de Saint Pair. Saint Pair "naquit à Poitiers au commencement du règne de Clovis, vers 482, d'une famille noble, d'origine probablement gallo-romaine. (...) Tout jeune encore, il entra au monastère d'Ension. (...) Il était encore novice ou convers lorsqu'il quitta ce monastère avec Scubilion et se fixa à Scissy. Quelques disciples se groupèrent autour de lui. (...) Ils formèrent ainsi un petit monastère. (...) [Saint Pair fut] ordonné prêtre par Saint Léontien, évêque de Coutances vers 512, à l'âge de trente ans environ. Il fonda plusieurs monastères dans les diocèses de Coutances, Bayeux, Avranches, Le Mans et Rennes. (...) A l'âge de soixante-dix ans, vers 552, il succéda à Egidius, évêque d'Avranches. (...) Après treize années d'épiscopat, il mourut à l'âge de quatre-vingt-trois ans, le 16 avril 565. Il fut inhumé avec son compagnon Saint Scubilion, à l'extrémité orientale de l'oratoire de Scissy qu'ils avaient bâti. Son cercueil en calcaire coquiller y a été retrouvé dans les fouilles de 1875 à côté du cercueil de Saint Scubilion." (Saint-Pair-sur-la-Mer et les saints vénérés dans l'église de cette paroisse, Rennes, A. Le Roy, 1888, p. 76-78.)

Scissy (Scessiacus, en latin) était une localité construite à l'emplacement d'un fanum ou sanctuaire païen. L'oratoire de l'abbaye fondée au 6e siècle attira toute une population qui se fixa à proximité. Richard II, duc de Normandie, fit don de l'abbaye de Saint-Pair et de ses dépendances aux religieux du Mont Saint-Michel. Au 12e siècle, une construction romane fut bâtie à l'emplacement de l'oratoire primitif. Le bourg de Saint-Pair était le centre du doyenné et de la baronnie éponyme. L'agglomération fut prospère jusqu'au 15e siècle, date à laquelle ses habitants commençèrent à migrer vers Granville. A la fin du 19e siècle, on décida d'agrandir un édifice devenu insuffisant pendant la saison des bains. La nef romane fut détruite pour être remplacée par une nef et un transept de grandes dimensions.

De l'oratoire primitif, il ne subsiste que les fondations et les sarcophages de cinq saints: Saint Gaud, Saint Pair, Saint Scubilion, Saint Sénier et Saint Aroaste. Les fondations et les sarcophages furent découverts lors de fouilles exécutées en septembre 1875 par l'abbé Baudry (à l'exception du sarcophage de Saint Gaud, qui avait été retrouvé dès 1131 en creusant les fondements de la tour).

Les fondations de l'oratoire primitif sont situées sous le dallage de la seconde travée du choeur actuel. Elles se composent d'une abside semi-circulaire prolongée par des murs latéraux qui se perdent dans les constructions du 12e siècle. Dans son Inventaire des découvertes archéologiques du département de la Manche (thèse d'histoire de l'université de Caen, 1962, p. 415), Claude Bouhier écrit: "A 50 cm du pavage de 1875, on trouva un béton de 5 à 6 cm d'épaisseur qui formait le sol de l'église primitive; 40 cm plus bas on dégagea les restes de 2 sarcophages en tuf de Sainteny, démunis de leur couvercle, reposant sur un mur de forme semi-circulaire, en petit appareil régulier (52 cm de large, pierres de 9 à 10 cm de large sur 3 à 4 cm de haut). Le mur constituait les fondations de l'abside du premier sanctuaire." Le carrelage du choeur actuel présente une double ligne de dallages noirs encadrant une rangée de dallages blancs, qui recouvrent de manière très précise les fondations de l'ancien oratoire.

L'église contemporaine comprend une nef de deux travées précédée d'un porche, un large transept à bras saillants et un choeur de trois travées terminé par une abside semi-circulaire. Les croisillons du transept ouvrent à l'est sur deux absidioles à chevet plat. Le choeur ouvre au nord sur deux chapelles, une côté chevet et une côté tour. A l'angle formé par le bras sud du transept et le choeur, on note l'ajout d'une construction rectangulaire qui abrite la sacristie.

La nef et le transept, tous deux du 19e siècle, sont en granit et en pierre de Caen. La première pierre de cette "nouvelle" construction fut posée le 5 juillet 1877. Entre 1877 et 1888 furent édifiés une nef de deux travées et un large transept à bras saillants dans un style d'inspiration gothique. La construction du transept a totalement modifié l'allure de l'église, qui était jusque-là formée d'un vaisseau rectangulaire.

Dans les maçonneries extérieures du choeur roman, on note la présence de trois modillons au nord et quatre modillons au sud, à un mètre environ de l'extrémité supérieure des murs latéraux. Ces modillons ressemblent à ceux qui supportent la corniche de la tour. Ils sont situés entre la construction romane et la maçonnerie ajoutée lors de l'exhaussement des murs latéraux au 15e siècle, lorsque le choeur a reçu une voûte de pierre. A la même époque, le mur sud a été renforcé par deux contreforts à ressaut. Le mur nord était quant à lui suffisamment maintenu par la chapelle romane.

Alors que les maçonneries du choeur sont formées d'un appareil irrégulier de granit et de schiste, l'appareil régulier de la tour et de sa flèche est en granit seul.

La tour romane, de forme carrée, est surmontée d'une flèche octogone. Actuellement sise à la croisée du transept, elle était située entre choeur et nef avant 1880. Le premier étage est orné au nord et au sud de deux arcatures aveugles reposant sur un bandeau chanfreiné. Les arcades en plein-cintre, ornées d'une simple moulure torique, reposent sur d'épaisses colonnettes engagées. Les chapiteaux sont surmontés d'un tailloir carré se prolongeant entre les arcatures par un bandeau chanfreiné parallèle au bandeau inférieur. Le deuxième étage, en très léger retrait par rapport au premier, est orné sur chaque face d'une baie géminée. Ces baies, séparées par une colonnette trapue, sont entourées d'une arcade en plein-cintre ornée d'un tore et reposant sur des colonnettes engagées.

Les angles de la flèche octogonale sont adoucis par des tores. Aux extrémités de la base, quatre clochetons coniques sont ornés à mi-hauteur d'un boudin. La flèche fut reconstruite à la fin du 19e siècle après avoir été endommagée par la foudre. De quand datait la première flèche en pierre? Aucun document ne permet de le savoir.

A l'intérieur de l'église, la tour repose sur quatre piliers massifs. Ces piliers supportent des arcs fourrés et légèrement brisés déterminant une voûte d'arêtes. Les corbeilles de chapiteaux des piliers nord-ouest, sud-est et nord-est sont ornées de crochets d'angle en faible relief. Celles du pilier sud-ouest sont différentes. D'un côté, un cône de pin et une feuille de chêne entourée de deux glands encadrent des formes peu visibles qui pourraient être des animaux. De l'autre, un buste d'homme orne l'angle de la corbeille, avec une branche de chêne visible à gauche. Toutes ces sculptures, taillées en bas-relief dans le granit, sont très frustes.

Le choeur de l'église est de grandes dimensions. Sa longueur atteint presque celle de la nef primitive aujourd'hui détruite. Côté nord, près du chevet, ce choeur ouvre sur une chapelle romane voûtée en berceau (chapelle qui a subi des tranformations au 20e siècle). Au 19e siècle, le tiers du mur nord situé près de la tour fut détruit afin de ménager une ouverture pour une nouvelle chapelle dédiée à Saint Gaud, consacrée en 1853. Le mur plat du chevet fut ouvert pour construire une abside semi-circulaire d'inspiration gothique. Visible dans le mur nord, la petite baie en plein-cintre à fort ébrasement est d'origine. Le mur sud est lui aussi percé de trois petites baies en plein-cintre. Agrandies et transformées en baies trilobées au 15e siècle, lors de la construction de la voûte de pierre, ces baies ont été ramenées à leurs proportions d'origine au 19e siècle.

De quelle époque dater les parties romanes? On connaît précisément la date de la construction de la tour. On sait que ses fondations datent de 1131, grâce à un manuscrit rédigé à cette date, à l'occasion de la découverte du sarcophage de Saint Gaud dans le choeur. Le même manuscrit cite le nom du maître d'oeuvre qui dirigea la construction de la tour, un certain Rogerius de Altomansiunculo. Ceci est d'autant plus intéressant que les architectes d'édifices romans restaient le plus souvent anonymes. Le choeur et sa chapelle sont très difficiles à dater du fait de leurs nombreux remaniements. Il n'est pas possible non plus de déterminer si leur construction est antérieure ou postérieure à celle de la tour.


Les églises de Bréville et d'Yquelon: des similitudes

A proximité de Granville, les églises Notre-Dame de Bréville et Saint-Pair d'Yquelon sont en partie romanes. Situées sur la voie montoise qu'empruntaient les pèlerins du nord-ouest du Cotentin pour se rendre au Mont Saint-Michel, toutes deux sont des églises paroissiales construites avec des matériaux locaux, schiste et granit.

Sise sur la côte, à six kilomètres au nord de Granville (voir la carte), l'église de Bréville est un vaisseau rectangulaire formé d'une nef de deux travées et d'un choeur de deux travées à chevet plat. La tour, implantée dans l'axe du vaisseau, s'élève entre choeur et nef.

La façade occidentale, remaniée en 1783, est percée d'une porte et d'une grande baie sans caractère. Cette façade est entièrement recouverte d'un enduit de ciment.

Le mur sud de la nef est épaulé d'un contrefort plat central. Parmi les modillons taillés en biseau supportant la corniche, on remarque deux petits modillons grossièrement sculptés de têtes humaines au-dessus de la baie de la seconde travée. Deux larges baies au cintre surbaissé ont remplacé les petites baies romanes en 1832.

Le mur nord est aveugle. Sa partie occidentale est percée d'une porte dont les voussures aux arcs brisés reposent sur de fines colonnettes. Cette porte date sans doute du 13e siècle.

Une porte romane est ouverte dans la base sud de la tour. Son arcade en plein-cintre est formée d'une voussure moulurée d'un tore. Le chanfrein surmontant le tore est sculpté de dents-de-scie peu visibles. Le claveau central de l'arcade est orné d'une grande tête en fort relief. L'archivolte est un épais bandeau orné de dents-de-scie sculptées en creux d'un rang de bâtons brisés. A droite, elle repose sur une pierre sculptée d'une tête humaine. A gauche, elle disparaît dans les maçonneries de la nef.

L'étage de la tour est percé sur chaque face d'une ouverture longue et étroite surmontée d'un petit gâble reposant sur de fines colonnettes. Au-dessus de la tour s'élève une flèche octogonale de pierre aux angles adoucis par des tores. L'étage et la flèche dateraient du 15e ou 16e siècle.

Les murs latéraux du choeur sont épaulés chacun de deux contreforts plats prenant appui sur un épais soubassement de pierre. Ces contreforts supportent une corniche dont les modillons sont presque tous biseautés. Au nord, un seul modillon est sculpté d'une tête humaine. Au sud, deux autres modillons sont chacun sculptés de deux têtes accolées peu visibles.

En 1832, deux baies sans caractère furent percées de chaque côté de la première travée. Ces baies ont remplacé les petites baies romanes primitives. Au nord, on voit encore les piédroits de granit de deux baies bouchées à cette époque, ainsi que le cintre de l'une d'elles.

Le chevet plat est prolongé par une construction à cinq pans du 19e siècle, qui abrite la sacristie. La baie du chevet, bouchée par un mur de briques, fut dégagée en 1961. Cette baie géminée, probablement contemporaine de la voûte du choeur, est visible dans la sacristie.

A l'intérieur de l'église, la nef est séparée de la base de la tour par un arc fourré et légèrement brisé aux claveaux irréguliers. Cet arc, qui appartient à l'édifice roman, repose sur deux épais pilastres pris dans l'épaisseur du mur. L'imposte des pilastres est moulurée en forme de bandeau chanfreiné. L'arc situé entre la base de la tour et le choeur a quant à lui été entièrement remanié lors de la réfection du choeur au 15e ou 16e siècle. Il a été renforcé par un arc intérieur aux arêtes chanfreinées reposant sur des demi-colonnes engagées.

La travée entre choeur et nef est surmontée d'une voûte en croisée d'ogives sur plan barlong. Cette voûte fut sans doute construite à la même époque que les voûtes en croisée d'ogives surmontant les deux travées du choeur.

Une grande partie de l'église date de la seconde moitié du 12e siècle, le principal indice de datation étant la porte sud. A l'extérieur, un ensemble roman assez homogène est formé par la majeure partie de la nef, la base de la tour et les murs latéraux du choeur. Les contreforts plats reposent sur un soubassement de pierre le long des murs latéraux du choeur. Un trait d'architecture local que l'on retrouve dans l'église d'Yquelon.

La nef pourrait avoir été terminée au 13e siècle puisque le mur nord dispose d'une porte à l'arcade brisée. L'église fut ensuite profondément remaniée à la fin du 15e ou au début du 16e siècle. A l'intérieur, transformation de la travée sur laquelle repose la tour, construction d'une voûte en croisée d'ogives au-dessus du choeur, percement d'une grande baie géminée dans le mur du chevet. A l'extérieur, construction de l'étage et de la flèche de la tour.

A deux kilomètres à l'est de Granville, non loin de la rivière du Boscq (voir la carte), le village d'Yquelon est regroupé autour de son église. Celle-ci est formée d'une nef de deux travées suivie d'un choeur de deux travées à chevet plat. La tour, massive, est accolée à la première travée du choeur côté nord.

La façade occidentale est consolidée à chaque extrémité par deux contreforts plats prenant appui sur un petit muret de pierre. Son mur pignon se termine par une croix antéfixe aux branches bifides.

En 1896, les baies en plein-cintre surmontant le portail d'entrée ont remplacé une grande ouverture rectangulaire, qui avait elle-même remplacé deux petites baies romanes. L'oculus, de petite dimension, est d'origine. Des billettes ornent son pourtour. Sa partie inférieure inclut une pierre sculptée de deux têtes humaines.

L'arcade en plein-cintre du portail est formée d'une voussure non moulurée reposant sur des piédroits sans ornement. Le claveau central est orné d'une tête humaine en fort relief. L'archivolte repose sur des pierres sculptées de têtes humaines, tout comme celle du portail sud de l'église de Bréville.

Est également romane la porte (en grande partie bouchée) comprise dans la première travée du mur sud du choeur. Son arcade en plein-cintre est formée d'une voussure moulurée d'un tore. Le tore est surmonté d'un chanfrein sculpté d'une rangée de dents-de-scie peu marquées. L'archivolte est formée d'un épais bandeau aux arêtes chanfreinées. Cette porte a certainement été remaniée. Les chapiteaux, sans astragale, sont mal raccordés au fût des colonnes, et mal raccordés aussi au départ de la voussure.

La seule baie romane est une étroite petite baie au cintre creusé dans un linteau de granit. Elle est située dans le mur nord du choeur.

La tour, massive et de forme carrée, est surmontée d'un toit en bâtière. Elle présente trois étages en léger retrait les uns par rapport aux autres, et de même appareil que la nef et le choeur. Des ouvertures rectangulaires indiquent une reconstruction, au moins partielle, depuis le 12e siècle. A quelle époque? Aucun élément d'architecture ne permet de donner une date précise.

A l'intérieur de l'église, les deux travées du choeur sont séparées par un doubleau sans ornement et légèrement brisé. Chaque travée est surmontée d'une voûte en croisée d'ogives romane. Les ogives, très larges, sont ornées de deux épais tores d'angle entourant une petite moulure triangulaire saillante. Doubleau et ogives reposent sur des culots en forme de pyramide renversée. Les clefs de voûte sont sculptées de motifs géométriques en faible relief compris dans un cercle.

Dans le mur nord de la nef, un enfeu surmonté d'un arc surbaissé abrite une pierre tombale en calcaire tendre datant du 12e siècle. Elle est décrite ainsi dans le Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie (tome 14, 1886-1887, p. 44-45):

"La pierre tombale supporte un chevalier en relief, représenté les mains jointes, la tête appuyée sur un oreiller, et ayant un lévrier à ses pieds. (...) Elle ne porte ni indication de nom, ni indication d'année. Il serait par conséquent impossible de déterminer le personnage dont elle recouvrait les restes. Ce que l'on peut dire avec certitude, c'est qu'il appartient à la puissante famille d'Yquelon, dont un des membres, Roger d'Yquelon, apposa sa signature au bas de deux grandes chartes de l'abbaye de la Luzerne (désormais appelée abbaye de la Lucerne, ndlr), en 1162."

Découverte en 1885 dans le cimetière jouxtant le nord de l'église, la pierre tombale fut encastrée dans l'enfeu en 1893.

La voûte en croisée d'ogives du choeur, le portail occidental et la porte sud permettent de dater la nef et le choeur de l'église de la seconde moitié du 12e siècle.

Les portes des églises d'Yquelon et de Bréville présentent de nombreuses similitudes.

Le portail occidental d'Yquelon et la porte sud de Bréville ont tous deux une archivolte formée d'un épais bandeau orné de dents-de-scie en fort relief. Le rang de dents-de-scie est lui-même sculpté en creux d'une rangée de bâtons brisés. L'archivolte repose sur des têtes sculptées. Une sculpture de tête humaine en fort relief orne le claveau central de la voussure. Les têtes d'Yquelon, sculptées dans le granit, sont beaucoup plus visibles que celles de Bréville, sculptées dans une pierre calcaire beaucoup plus friable.

Les portes sud d'Yquelon et de Bréville présentent elles aussi des traits communs: une voussure moulurée d'un tore épais surmonté d'un chanfrein orné de dents-de-scie peu marquées, des corbeilles de chapiteaux sculptées de crochets d'angle aujourd'hui pratiquement effacés.

La porte sud de l'église de Bréville est en quelque sorte la synthèse des deux portes (portail occidental et porte sud) de l'église d'Yquelon. Elles furent sans doute exécutées dans le même atelier. On retrouve aussi le même type d'archivolte sculptée de dents-de-scie et reposant sur deux têtes humaines dans le beau portail roman de l'église de Sartilly, dont les moulurations sont beaucoup plus soignées.


Le beau portail roman de l'église de Sartilly

Le bourg de Sartilly est situé sur l'axe routier Avranches-Granville, à quinze kilomètres au sud de Granville (voir la carte). Sa vaste église fut construite au 19e siècle à l'emplacement d'un édifice roman. Le portail sud de l'église actuelle, en granit, est le seul élément qui subsiste de l'église détruite (dont il était le portail ouest).

L'arcade du portail est formée d'une voussure au cintre surbaissé surmontée de quelques blocs de granit de taille régulière. Cette première voussure est moulurée d'un tore d'angle suivi d'un listel et d'un large cavet orné de gros besants légèrement renflés. Elle est suivie de deux autres voussures en plein-cintre entourées d'une archivolte. La première voussure en plein-cintre est moulurée d'un tore d'angle alors que la deuxième est moulurée de deux tores encadrant un listel. L'archivolte est ornée de dents-de-scie en fort relief, qui sont sculptées en creux d'une rangée de bâtons brisés. Cette archivolte repose de part et d'autre de l'arcade sur deux têtes sculptées aux traits fins et bien dessinés.

Des colonnettes engagées supportent les voussures par le biais d'une imposte moulurée d'un cavet. L'imposte se prolonge légèrement pour surmonter les deux pilastres encadrant l'ensemble. Les colonnettes présentent toutes le même profil. La corbeille sculptée des chapiteaux est surmontée d'un tailloir carré. Leur base carrée est ornée de deux tores entourant une scotie. Les sculptures des chapiteaux sont taillées en fort relief dans le granit. Leurs motifs sont variés: feuilles de chêne, feuilles d'acanthe très simplifiées, volutes encadrant une feuille d'acanthe à l'angle, volutes d'angle.

L'archivolte du portail de Sartilly ressemble aux archivoltes du portail occidental d'Yquelon et de la porte sud de Bréville, constructions romanes de la seconde moitié du 12e siècle. Les moulurations de l'arcade et les sculptures des chapiteaux sont le fruit d'un travail particulièrement soigné. Les moulurations de la voussure au cintre surbaissé dénotent l'influence exercée par l'église de Saint-Loup, édifice du début du 12e siècle, qui fut le point de départ d'une petite école d'architecture.


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