NEF (Net des études françaises) - Dossiers du NEF
par Marie Lebert, janvier 2006
Cet article humoristique est dédié à mes collègues, passés, présents et à venir, dans nombre de pays, le monde du livre n'ayant pas de frontières.
Avis au lecteur
Introduction
Qu’est-ce qu’un livre?
Qu’est-ce qu’un signet?
Le papier n’est pas mort, loin de là...
La vie d’un livre en bibliothèque
Les livres anciens
Les bases de données
Le téléphone cartonne
Café serré ou thé léger?
Le zoo informatique
Les multiples usages d'un site web
Du bibliothécaire au cyberthécaire
Hommage à une profession méconnue
Cher lecteur, si vous êtes à la recherche d’un dossier sérieux, il faut passer votre chemin pour cette fois-ci. Une fois n’est pas coutume, ce dossier accorde une place prioritaire à l’humour. Après douze studieuses années passées à traquer l’incidence des technologies numériques dans le monde du livre, j’en avais grand besoin.
Cher lecteur, si vous êtes au bord de l’implosion après dix heures passées à vous battre avec les caractères syriaques de votre base de données, et que vous cherchez à vous reposer les méninges avec un dossier de lecture facile quoique intelligente, vous êtes sur la bonne page web. En fait, vous ne pouvez pas mieux tomber. Bienvenue.
(Note 1) Les lignes qui suivent sont publiées sur le web pour pouvoir être lues sans souci de frontières. Elles sont toutefois régies par le droit d’auteur, avec un copyright apposé en bas de cette longue page web. Si d’aventure vous en citez quelques-unes, pour inciter votre responsable de service à vous accorder une augmentation par exemple, merci de bien vouloir en citer la source.
(Note 2) Une version antérieure de certains passages fut publiée en son temps dans Edition Actu, lettre d'information électronique de CyLibris, et dans E-Doc, lettre d'information électronique de FTPress, deux publications défuntes ayant marqué leur temps.
Qui a jamais dit que travailler avec les livres n’a rien à voir avec l’aventure, le voyage, le risque? Qui a jamais dit que les professionnels du livre sont des êtres gris, sans couleur, sans odeur et sans saveur? Il est vrai que, il y a quelque temps de cela, ils avaient parfois l’impression de travailler dans une grande boîte à chaussures aux parois un peu grises. Mais, avec le passage du papier à l’écran, la boîte à chaussures s’élargit aux dimensions du monde, et le gris se transforme en un arc-en-ciel allant du pastel au fluo.
Ce dossier est dédié à tous ceux qui aiment les livres: les professionnels du livre bien sûr, et plus généralement tous ceux qui travaillent de près ou de loin avec les livres, et plus généralement encore tous ceux qui sont entourés de livres, et plus généralement enfin la planète tout entière. Qui n’a pas un livre de poche traînant sous son lit, sous son futon, sous son matelas posé à même le sol, sous son tatami ou sous sa natte, ou encore sous un des pieds de sa table de travail, pour éviter que celle-ci ne chancelle sous le poids de la plume crissant sur le papier ou sous la pression des doigts courant sur le clavier?
Voici une vaste question à laquelle nous nous efforcerons de répondre en quelques lignes seulement, la littérature sur le sujet étant déjà surabondante.
A l’origine, le livre est un assemblage de feuilles imprimées formant un volume. Une définition simple qui a le mérite d’être claire. Depuis plus de cinq siècles, l'ange gardien du livre est le bibliothécaire, qui s'efforce d'assurer sa sécurité envers et contre tout, malgré les exactions des corsaires, pirates, révolutionnaires, militaires et autres pyromanes.
L'inventivité des professionnels du livre n'ayant pas de limite, les formats du livre sont devenus multiples au fil des siècles: in-folio (feuille d’imprimerie entière), in-quarto (feuille d’imprimerie pliée en quatre), in-octavo (feuille d’imprimerie pliée en huit), à l’italienne (largeur supérieure à la hauteur), à la française (hauteur supérieure à la largeur), etc. Quant à la présentation, elle est tout aussi variée. Le livre peut être relié (couverture rigide), broché (couverture souple), cartonné (couverture en carton), plastifié (couverture recouverte d’une feuille plastique). Le livre peut encore être un livre de poche, un livre sous coffret ou un livre sous jaquette. Les deux petits derniers sont le livre numérique (version numérisée d’un livre) et le livre électronique (appareil de lecture), qui ont tous deux pris le joli diminutif d'ebook (“book” signifiant “livre” en anglais, et “e” étant ajouté à titre décoratif, un peu comme une lettrine dans un livre ancien).
Dans la grande tourmente numérique, tout autant que le livre, quoique nettement plus discret, le signet a lui aussi singulièrement mué.
A l’origine, le signet était le ruban ou le rectangle cartonné qui servait à marquer la page d’un livre pour la retrouver la fois suivante. Fait main, constitué de pétales pris à jamais dans un papier à l’ancienne, publicitaire ou discret, coloré ou pas, grand ou petit, parfois en cuir ou en tissu, le signet traditionnel était le fidèle compagnon du lecteur. Si le signet traditionnel reste toujours de mise, les temps changent, et le signet aussi. Avec les nouvelles technologies est apparu le signet informatique. Le signet nouveau modèle a pour but de conserver l’adresse d’un site web. Au lieu de taper à chaque fois une adresse web souvent longue et compliquée, vous sélectionnez d’un simple clic le signet correspondant au site recherché. En bref, non seulement vous vous simplifiez la vie, mais vous gagnez un temps fou. Votre collection de signets informatiques s’enrichit au fil des mois, plus rapidement peut-être que celle de vos signets papier, malgré les divers modèles régulièrement offerts par votre bibliothèque municipale pour vous rappeler les jours et heures d’ouverture. Le signet est également appelé favori. Pratique et fonctionnel, le signet informatique n’a pas le même charme que le signet traditionnel, mais cela va peut-être venir. Les ordinateurs sont désormais transparents ou fluo et les modèles de souris se multiplient. Pourquoi le signet informatique ne gagnerait-il pas lui aussi en fantaisie?
Le papier n’est pas mort, loin de là. Non seulement le papier est loin d’être mort, mais il ne s’est jamais si bien porté. Dans les années 2000, le papier se présente toujours sous de multiples formes: papier aluminium, papier d’argent, papier d’Arménie, papier bible, papier brouillon, papier buvard, papier cadeau, papier carbone, papier collant, papier collé, papier en continu, papier à cigarettes, papier couché, papier crépon, papier à dessin, papier doré, papier d’emballage, papier émeri, papier à en-tête, papier filtre, papier glacé, papier d’identité, papier d’imprimante, papier journal, papier de journaliste, papier kraft, papier à lettres, papier mâché, papier machine, papier millimétré, papier monnaie, papier à musique, papier peint, papier pelure, papier de verre. Les couleurs du papier sont multiples. Ne voulant ni lasser le lecteur ni lui faire perdre son temps, nous éluderons ici la liste complète des couleurs possibles.
Ces dernières années, la palme va sans conteste au papier d’imprimante. Fidèle compagne de l’ordinateur, qu'elle ne quitte pas d'une semelle, l’imprimante est une machine servant à imprimer des données électroniques sur papier (qui l’eut cru?). Les modèles d’imprimante sont très nombreux, les principaux étant l’imprimante à jet d’encre (l’encre étant un liquide chargé de piments noirs) et l’imprimante laser (le laser étant un appareil produisant un faisceau de lumière cohérente). La taille des imprimantes est très variable. L’imprimante portable s’apparente à un livre volumineux (quand elle est fermée et hors ligne, ce que les publicités oublient souvent de préciser). La grosse imprimante s’apparente à une photocopieuse industrielle (avec, en prime, le bruit qui va avec). Parfois l’imprimante fait aussi des photocopies, et réciproquement, avouez qu’il y a de quoi s’y perdre. L’imprimante de bureau ressemble souvent à un gros parallélépipède gris, beige ou noir (à quand les couleurs fluo d’Apple?), bien en vue sur la table de travail pour montrer qu’on a une activité professionnelle prenante, ou alors cachée sous la table parce que celle-ci est tellement encombrée de choses et d’autres qu’il serait vraiment impossible d’y poser un objet supplémentaire.
Même si les bibliothèques numériques ont la cote, avec une capacité de stockage presque illimitée, il ne faut pas pour autant oublier les bibliothèques dites "traditionnelles" et leurs problèmes de place.
Dans une bibliothèque traditionnelle, le plus souvent, tous les rayonnages sont pleins, à l’exception des rayonnages les plus bas, presque personne n’aimant choisir ses livres à plat ventre, et à l’exception des rayonnages les plus hauts, le lecteur lambda ne dépassant en général pas un mètre quatre-vingt et ne pouvant entrer en lévitation, sauf s'il a bu la potion magique du druide bien connu.
On demande aux livres d’être sagement alignés, et rangés sur le rayonnage adéquat. La vie d’un livre de bibliothèque n’est pas drôle, croyez-moi. Il ne peut en aucun cas se permettre la fantaisie d’un livre de librairie (traditionnelle). Il doit se conformer à l’impitoyable classement représenté par l’étiquette collée sur son dos pour toujours, contrairement au poisson d’avril qui ne dure qu’un jour. S’il arrive qu’un bouquin perde son étiquette, le bibliothécaire se trouve plongé dans la plus grande perplexité pendant de longues secondes, sinon dans l’angoisse quand arrive la fin de la journée. Où va-t-on bien le mettre, celui-là?
Dans certains cas, non seulement les livres doivent être rangés, mais ils sont soumis à un effroyable manque d’air, alors qu'eux aussi devraient avoir le droit de respirer. Ils sont parfois serrés à un tel point que le lecteur ne peut en retirer un sans devoir fournir un effort très violent, quitte à abandonner si l’opération est vraiment trop difficile. De temps à autre, on assiste même à des scènes proprement sidérantes (et vraies, ndlr). Un lecteur qui tenait absolument à lire ce titre et pas un autre, et qui voyait le livre de ses rêves en train de s’asphyxier, irrémédiablement coincé entre deux gros livres brillant de stupidité, alla jusqu'à s’emparer d’une longue règle en bois pour éjecter le bien-aimé et lui rendre sa liberté, toute provisoire malheureusement. On vit aussi des lecteurs enthousiastes suer à grosses gouttes sous l’effort demandé pour l'extraction d'un livre et, dans les cas extrêmes, se voir catapultés vers l’étagère d’en face. Dans le pire des cas, l’étagère d’en face vacille et tombe. Quand il a un peu de savoir-vivre, le lecteur se confond en excuses. Il n’empêche, c’est encore au bibliothécaire de tout ramasser et de tout reclasser. Le bibliothécaire est le saint des temps modernes, on ne le dira jamais assez.
Tous problèmes qui sont en passe d’être obsolètes avec la généralisation de l’ebook.
De l’avis de nombreux lecteurs, rien ne vaut le contact direct avec le livre imprimé, surtout si celui-ci est chargé du poids des ans. Dans le cas de livres anciens, il importe de nettoyer la reliure en cuir de temps en temps. La meilleure formule est celle de la bibliothèque nationale, qui sait en général de quoi elle parle, bien qu’il soit fort peu probable que la personne répondant au courrier ait jamais nettoyé de livres elle-même, mais on ne sait jamais.
Voici une version librement inspirée du document sérieux reçu il y a fort longtemps déjà, grâce auquel j’ai pu nettoyer quelques centaines de livres dans une petite bibliothèque municipale sise en bord de mer, tout en haut d'un rocher.
Passer un chiffon à poussière sur les reliures. Pas de couleur spécifique pour le chiffon. Enduire les reliures d’un savon de sellerie qui nettoie le cuir et fait revenir les ors. Choisir ensuite la couleur adaptée dans la gamme des tubes de cire étalés sous vos yeux. N'utiliser en aucun cas les tubes de cire destinés aux chaussures en cuir. Vérifier si besoin qu’il s’agit bien de tubes de cire pour reliures en cuir, au cas où on aurait tenté de vous refourguer du matériel inadapté. Veiller à ce que ce ne soit pas la cire, mais les tubes qui soient étalés sur votre table de travail. Prendre délicatement une crotte de la cire adéquate avec un chiffon classique, qui peut être issu d’un drap ayant fait son temps, mais ceci n’est pas obligatoire. Frotter avec un chiffon de laine jusqu’à ce que l’ouvrage scintille de mille feux.
Dans le cas de cuirs très secs n’ayant pas été traités depuis longtemps, pour cause d’activités autrement plus urgentes, il est tout à fait déconseillé d’ouvrir les livres avant de les cirer. Ceci casse les cuirs et leur fait perdre toute valeur, même dans le cas de reliures très luxueuses signées par les plus grands relieurs.
Le bibliothécaire peut également communiquer la formule de la bibliothèque nationale aux visiteurs qui en font la demande. En effet, lors de la journée portes ouvertes, ceux-ci risquent de trouver vos livres anciens très beaux et très bien entretenus, preuve s’il en est que vous n’avez pas frotté pour rien. Un compliment occasionnel fait toujours plaisir à entendre.
Depuis la fin du 20e siècle, les bases de données sont devenues la véritable coqueluche de la profession. Toutes les bibliothèques en demandent, et dans toutes les régions du globe.
Au début, croyez-moi, il ne fut pas facile de créer des bases de données, de rentrer les livres dans des bases de données, en les forçant un peu parfois, et de montrer aux bibliothécaires ce qu’était une base de données. Parfois les bases de données se coinçaient dans les ordinateurs, et réciproquement, si bien que cela ne marchait pas très bien, ou alors cela ne marchait pas du tout. Les bases de données voyaient les piles de livres s’effondrer, catastrophées, avant même d’être rentrées dans la machine. Une réaction bien compréhensible. Les bases de données voyaient aussi les bibliothécaires soupirer face à tant de travail et tant de problèmes. Certains bibliothécaires surmenés avaient les nerfs qui lâchaient alors que d’autres pleuraient. A l’époque, le rôle des ordinateurs consistait à procurer des problèmes, et non pas à les résoudre. Chacun se débrouillait comme il pouvait. Les informaticiens, débordés, couraient d’un ordinateur à l’autre tout en parlant un jargon que personne ne comprenait.
L’assise des bases de données était donc au départ on ne peut plus incertaine, et cela a duré un certain temps. Et puis les choses se sont arrangées, et tout le monde s’est habitué. Les livres rentraient dans le moule, et les bibliothécaires aussi. Les ordinateurs devenaient moins gros et moins moches, ce qui ne gâchait rien. Les informaticiens étaient toujours aussi nerveux, mais de ce point-de-vue là, malheureusement, il n’y avait pas grand chose à faire. Il existait aussi quelques informaticiens zen et qui parlaient un langage compréhensible, et c’était une bénédiction de tomber sur eux.
Après l'ordinateur, le téléphone. Le téléphone, né en 1876, fut un appareil révolutionnaire en son temps, pour transmettre la parole à longue distance. Cent trente ans plus tard, en 2006, le téléphone se conjugue avec fil ou sans fil. Contrairement aux modèles de livre électronique (appareil de lecture), qui ne sont pas légion, les modèles de téléphone sont innombrables. Au fil des années, si la transmission devient de plus en plus claire (encore que...), joindre son correspondant s’avère de moins en moins facile, ce qui est tout de même un comble. Soit votre correspondant est systématiquement occupé quand vous cherchez à le joindre, soit sa secrétaire (appelée aussi sa collaboratrice) vous informe qu’il est en réunion, en déplacement, en conférence à Tokyo, en voyage d’étude dans la Silicon Valley, et de toute manière très occupé. Une chance pour ceux que cela énerve, le courriel permet enfin d’échapper à tous ces désagréments. Son arrivée en force a permis d’éviter de nombreuses dépressions, à commencer par celle de l'auteure de ces lignes, qui, sans le courriel, aurait depuis longtemps "pété les plombs", si je puis me permettre cette expression quelque peu argotique.
Apparu il y a moins d’une décennie, le téléphone mobile a envahi les maisons, les rues, les restaurants, les bus, les avions, et même la chambre à coucher. L’avantage étant de pouvoir être joint à tout moment, le jour comme la nuit, au travail comme en vacances, chez soi comme à l’étranger. Pire, on voit maintenant débarquer le téléphone de troisième génération, appelé encore 3G, par souci de concision. Le téléphone de troisième génération est (on ne peut plus) logiquement précédé du téléphone de deuxième génération, à savoir le téléphone GSM (groupe spécial mobile). Le téléphone de deuxième génération fut lui-même précédé du téléphone de première génération qui, il est vrai, gonflait démesurément la poche du professionnel du livre, tout en ayant l’avantage d’être plus difficile à perdre. Comme on le voit, on perd d’un côté pour gagner de l’autre. Mais nous éluderons ici les platitudes d’usage sur les avantages et les inconvénients du progrès.
La cerise sur le gâteau est le SMS qui, comme son nom l’indique, est un service de messages courts. Deux personnes équipées de téléphones mobiles de deuxième ou troisième génération peuvent échanger des messages préalablement tapés sur le clavier du téléphone au moyen du pouce ou de tout autre doigt. Autre détail qui a son importance, il faut faire court et conçis (enfin...), le message ne devant pas excéder cent soixante (160) caractères. A recommander, donc, pour l'envoi de rapports émanant des Nations Unies ou de la Commission européenne. Pour résumer, le SMS fait fureur, à la (grande) surprise générale dans un premier temps, puis à la (grande) satisfaction des opérateurs de téléphonie mobile dans un deuxième temps. Certains spécialistes parlent de retour en force de l’écrit, mais, là, il ne faut peut-être pas exagérer, encore que... Il existe déjà des mail-romans par SMS, mais aucun n’est pour le moment sur la liste des prix littéraires. Par contre une nouvelle orthographe se dessine, tout comme une nouvelle langue, qui a déja ses propres linguistes et ses thèses sur le sujet.
Terminons par le smartphone, un téléphone mobile combiné avec un assistant personnel (appelé aussi PDA). Quand le téléphone ne sonne pas et que votre agenda n’est pas surchargé, vous pouvez lire un livre numérique sur le Mobipocket Reader, le Microsoft Reader ou l'Adobe Reader. En bref, on peut lire sur son téléphone au lieu de parler. Un conseil à suggérer à votre voisin de TGV. De plus, on peut prendre des photos et les envoyer dans les secondes qui suivent. La question est désormais de savoir ce que l'on ne peut pas faire avec son téléphone. Une bonne tasse de café?
Ce qui nous amène tout naturellement une digression sur un thème que d’aucuns jugeront quelque peu anecdotique mais qui a beaucoup plus d’importance qu’il n’en a l’air, à savoir l’impact du café et du thé sur le moral des professionnels du livre.
Boisson le plus souvent chaude obtenue par infusion de la graine de café torréfiée et broyée, le café peut aussi être soluble, au grand dam des puristes, alors qu’il s’agit d’une solution parfois bien pratique, surtout quand on n’a pas que cela à faire. Le café se boit soit seul(e), soit entre collègues. Il est parfois offert par l’employeur, mais pas souvent. La gestion de la cagnotte permettant d’acheter du café soluble ou pas soluble est un sujet de conversation inépuisable, surtout lorsqu'il existe des divergences de vue sur la dite gestion. Le café est très important pour le moral, et même vital en cas de problème informatique, de problème de connexion, de problème avec son supérieur administratif, ou de problème tout court.
A titre anecdotique, voici une histoire vraie. Tous les matins, avant de nous engouffrer sans enthousiasme dans l'immeuble gris d'une organisation internationale, parce qu’il faut bien gagner sa vie, nous (à savoir l'auteure de ces lignes et ses collègues bien-aimés) prenions un café dans le café-brasserie du coin. Plaisir indéfiniment renouvelé, notre café était toujours accompagné d'une chouquette gratuite délicatement posée sur une soucoupe blanche. La chouquette était réservée aux habituées (femmes) et non aux habitués (hommes). Une attention du patron pour les travailleuses de sexe féminin, une fois n’est pas coutume. Pour nos lectrices et lecteurs non parisiens (on oublie trop souvent que la France, et à plus forte raison la Francophonie, ne se résume pas à Paris), précisons qu’une chouquette est une petite pâtisserie sucrée de forme à peu près ronde. C’est le petit frère - ou plutôt la petite soeur - du chou à la crème, mais sans crème. Aux dernières nouvelles, ce café-brasserie a fermé, alors qu’il avait pourtant été immortalisé dans un roman de Léo Malet. Preuve s'il en est que toutes les bonnes choses ont une fin.
Le serveur (ou la serveuse) est la personne qui vous sert votre café et croissant quotidien, votre café-calva, votre bière bien fraîche, votre ballon de rouge, ou encore votre steak-frites, votre entrecôte saignante ou votre menu diététique, tout dépend de l’heure de la journée et de votre régime du moment. Le serveur s’est récemment découvert deux cousins éloignés officiant uniquement sur le réseau, et n’ayant pas (encore) de correspondant féminin. Il s’agit du serveur proxy et du serveur web. (Un collègue non technophile vient de me demander d'abréger et de proposer plutôt un lien vers une source sûre, ce que je fais de bonne grâce.) Après cette courte incursion cyber, donc, revenons au sujet qui nous préoccupe aujourd’hui, à savoir les boissons prisées par les professionnels du livre.
Appelé "tea" par les collègues anglophones, le thé est également une boisson très prisée dans la profession. Il s’agit d’une infusion tonique et désaltérante préparée avec des feuilles de thé, et servie le plus souvent chaude. Le thé se décline en de multiples versions, pas encore informatiques, dont il est inutile de donner une liste ici. Signalons toutefois que le thé s’achète en vrac ou en sachets, et que le sachet est souvent plus pratique au travail, sauf pour ceux qui n’ont que cela à faire, sous-entendu boire du thé toute la journée. Le récipient va du gobelet en plastique (ou en carton) à la tasse en porcelaine offerte par votre grand-mère, tasse dont la présence permet d’égayer votre bureau, qui en a bien besoin. Entre ces deux extrêmes, on trouve la chope et le mazagran, ou encore le bol en duralex incassable pour ceux qui font toujours tout tomber.
Sur l’internet, le professionnel du livre slalome entre les spams (messages électroniques non sollicités), les virus, les spywares (logiciels espions), le phishing (hameçonnage) et le spoofing (qui accompagne l'hameçonnage), cela finit par être vraiment fatigant. Les maux s’abattent désormais sur le réseau comme les dix plaies d’Egypte en d’autres temps.
Résolument à contre-courant, l’image de la puce observe un net progrès. A l’origine, la puce est un insecte appartenant à la catégorie des siphonaptères (rien à voir avec Napster), dépourvu d’ailes, brun, sauteur, parasite des êtres humains et de certains mammifères. Pas très sympathique donc. La puce informatique, elle, permet à la puce originelle de sérieusement "relooker" son image. Pour nos lecteurs non technophiles, rappelons que la puce technophile est une plaquette de silicium dont la surface peut être inférieure au millimètre carré (elle perd en volume) et sur laquelle est gravé un microprocesseur (elle gagne en intelligence). Elle aussi prolifère ces dernières années puisqu’elle est désormais présente dans pratiquement toutes les machines, et nombre d’objets, usuels ou non. Tôt ou tard les puces équiperont nos lunettes, nos dentiers, et peut-être même nos préservatifs.
La souris fait encore mieux que la puce. Dans la série des animaux ayant retrouvé leurs lettres de noblesse, la souris cartonne. Auparavant, la souris était un petit mammifère rongeur qui ne jouissait pas d’une grande cote de popularité chez les professionnels du livre, pour des raisons évidentes qu’il est inutile de rappeler ici. La souris informatique a considérablement évolué puisqu’elle occupe désormais la place d’honneur sur le bureau, et peut même se retrouver occasionnellement sur la table de la salle à manger. Pour nos lecteurs non technophiles, rappelons que la souris technophile est un "petit dispositif électronique de commande, manuel et mobile, permettant de repérer et de pointer sur l’écran un point d’image que l’on souhaite traiter" (Dictionnaire universel francophone en ligne, aujourd'hui défunt). La souris repose souvent sur un petit tapis caoutchouteux. Terminé le temps où on la chassait à coups de balai ou au moyen de tapettes. La souris peut se faire discrète en s’intégrant au clavier, surtout dans les ordinateurs portables. Elle se conjugue aussi en version sans fil, pour les souris férues d’indépendance.
Terminons par une courte digression sur le tapis, qui n’est plus disposé sous la table, mais dessus, une ascension sociale bien méritée, qui va de pair avec celle de la souris. Le tapis sur lequel la souris évolue est soit standard (acheté en magasin) soit fait sur mesure (pour vous). Les modèles de tapis sont innombrables, et vont du tapis uni au tapis géographique (la grande bleue), artistique (le Mont Saint-Michel), amical (votre groupe de copains) et familial (votre conjoint(e) et vos enfants). Si vous utilisez un ordinateur portable avec souris intégrée, vous n’avez pas besoin de tapis, à moins que vous n’y teniez vraiment, dans un but purement décoratif, ou alors pour poser votre tasse de café, vu que vous n’aimez pas les soucoupes, ou que toutes les soucoupes sont cassées.
Comme vous n'êtes pas sans l'avoir remarqué, de plus en plus de bibliothèques, librairies, maisons d'édition, etc., n'ont ni murs, ni rayonnages, ni vitrines. Leurs locaux sont un site web, et toutes leurs transactions s'effectuent par le biais du réseau. Quels sont donc les usages possibles d'un site web?
En tant qu'auteur (connu ou non), votre site web vous permet de faire connaître vos écrits, sans attendre de trouver un éditeur pour être publié, et le courriel vous facilite grandement les échanges avec les lecteurs.
En tant qu'auteur (connu et vivant), votre site web vous permet de présenter votre oeuvre complète, votre biographie, votre bibliographie, un album photo, ainsi que quelques textes lus à haute voix qui enchanteront vos lecteurs.
En tant que fervent admirateur d'un auteur (vivant ou mort), votre site web vous permet non seulement de présenter son oeuvre complète, sa biographie et sa bibliographie, mais aussi les différentes variantes d'un texte, le fac-similé des manuscrits originaux, les corrections, les commentaires, l'appareil critique, les notes de lecture, des documents iconographiques, des éléments littéraires, historiques, socio-politiques, scientifiques et techniques retraçant son époque, quand ce n'est pas la voix de l'auteur lisant son texte (s'il s'agit d'un auteur relativement récent).
En tant que lecteur assidu (à titre professionnel ou non), vous pouvez lire votre quotidien préféré en ligne, consulter moult autres titres et sites informatifs pour tout savoir sur l'actualité politique, économique, sportive, etc., "feuilleter" en ligne vos magazines préférés, lire à l'écran toutes sortes d'oeuvres scientifiques, littéraires et autres, suivre de près l'actualité du livre, consulter les nouveautés à l'écran, lire en ligne le résumé des titres qui vous intéressent, et souvent même l'intégrale du premier chapitre, acheter un livre en ligne en version numérique et/ou en version imprimée, et commander si nécessaire des publications spécialisées ou bien des ouvrages dans d'autres langues.
En tant que journaliste ou pigiste, votre site web - ou le site web de votre journal ou magazine - permet à vos lecteurs de lire vos articles en ligne, et d'échanger avec vous par courriel. De journaliste ou pigiste "traditionnel", vous pouvez devenir cyberjournaliste ou cyberpigiste. Si vous êtes nouveau dans la profession, vous pouvez vous lancer directement dans le cyberjournalisme et travailler pour un cybermag, ou bien contribuer au lancement d'un nouveau titre dans la catégorie des cybermédias.
En tant qu'éditeur, votre site web vous permet de présenter votre catalogue, vos nouveautés et le premier chapitre de ces nouveautés. Vous pouvez également discuter avec vos lecteurs et leur ouvrir grand votre site pour mettre en ligne leurs commentaires personnels sur tel ou tel ouvrage. D'éditeur "traditionnel", vous pouvez devenir cyberéditeur. Si vous êtes nouveau dans la profession, vous pouvez vous lancer directement dans l'édition en ligne.
En tant que libraire "traditionnel" - avec local en dur, vitrine et monceaux de livres alignés sur des rayonnages ou disposés en pile sur des présentoirs - votre site web vous permet de renforcer votre activité et d'avoir une deuxième vitrine - cette fois-ci "cyber" (certains diraient "virtuelle") - à destination de vos clients géographiquement éloignés. Il vous permet aussi de créer parallèlement une librairie en ligne. De libraire "traditionnel", vous pouvez donc devenir cyberlibraire. Si vous êtes nouveau dans la profession, vous pouvez opter directement pour la cyberlibrairie.
En tant que bibliothécaire, votre site web vous permet de faire connaître vos services à votre quartier, votre ville, votre région et même au monde entier, et de faire connaître aussi les collections de votre bibliothèque (livres, périodiques, images, manuscrits, fonds local, etc.) en montant une bibliothèque numérique. Ce site vous permet aussi de tisser davantage de liens avec vos usagers réels et potentiels. De bibliothécaire "traditionnel", vous pouvez devenir cyberthécaire. Si vous êtes nouveau dans la profession, vous pouvez directement opter pour un poste de cyberthécaire.
En tant qu'enseignant, votre site web vous permet de faire connaître votre établissement, diffuser les écrits de vos élèves et de vos collègues, proposer des cycles d'enseignement à distance et recruter des étudiants et des professeurs indépendamment de leur lieu d'habitation. D'enseignant "traditionnel", vous pouvez devenir enseignant en ligne. Si vous êtes nouveau dans la profession, vous pouvez directement opter pour un poste de cyberprofesseur.
Dans tous les cas, si vous êtes un cyberprofessionnel très expérimenté, vos collègues et/ou amis ont besoin de vos lumières pour leurs propres sites web. Si tout le monde pleure sur un web contaminé par l'emprise des multinationales et du cyber-commerce, le web est aussi une plate-forme "conviviale" permettant de s'informer, d'échanger renseignements variés et expériences diverses, de demander avis et conseils, et de nouer des relations professionnelles et amicales, l'un n'empêchant pas l'autre.
"Toute ma vie, j'ai eu une histoire d'amour avec les livres et la lecture. Elle continue sans être affectée par l'automatisation, les ordinateurs, et tous les gadgets du 20e siècle", écrivait Robert Downs dans Books in My Life (Les livres dans ma vie, Librairie du Congrès, 1985). Le bibliothécaire-documentaliste des années 2000 ne peut pas en dire autant, loin s'en faut.
Tout d'abord, il y a quelques décennies, son activité professionnelle fut bouleversée par l'informatique. Et ensuite, il y a quelques années, son activité professionnelle fut bouleversée par l'internet. Deux bouleversements majeurs dans une carrière qui n'a plus grand-chose à voir avec la tranquille carrière de ses prédécesseurs. Il est vrai que le monde va de plus en plus vite. Tentons donc de dresser une liste de ces changements.
L'informatisation: (a) lui a permis de localiser la pharmacie du coin (si ce n'était déjà fait) pour s'alimenter en aspirine ou produits dérivés, du moins les premiers temps; (b) lui a permis de ne plus passer des heures à classer manuellement ses fiches dans de multiples tiroirs en bois; (c) lui a permis de remplacer les énormes catalogues sur fiches par des catalogues informatiques consultables à l'écran, avec un classement alphabétique ou systématique effectué non plus par lui-même mais par la machine; (d) lui a permis de mettre en place le prêt informatisé des documents et la gestion informatisée des commandes, ce qui a fait disparaître l'impressionnant stock de fiches et bordereaux nécessaires lors d'opérations manuelles; (e) lui a permis, le cas échéant, de se reconvertir en tant que bibliothécaire multimédia.
L'informatique en réseau: (f) lui a permis de contribuer à des catalogues collectifs regroupant dans une même base de données les catalogues de bibliothèques et services documentaires de la même région, du même pays ou de la même spécialité; (g) lui a permis par la même occasion de s'entendre avec ses collègues pour que le service du prêt inter-bibliothèques gagne en efficacité, ce dont il avait bien besoin; (h) lui a permis de s'entendre avec les mêmes collègues (ou d'autres) pour le regroupement des commandes auprès de fournisseurs.
Le minitel: (i) lui a permis d'ouvrir un serveur permettant au lecteur de consulter le catalogue à domicile.
L'internet: (j) lui a permis de transférer ce catalogue sur le web, avec une consultation plus souple et plus attractive que sur le minitel; (k) lui a permis d'offrir aux usagers réels ou potentiels (certains diraient "virtuels") des informations complètes sur la bibliothèque, ses jours et heures d'ouverture, sa situation dans la ville et - pourquoi pas - le plan détaillé des locaux; (l) lui a permis d'offrir à sa ville, sa région, son pays et même au monde une bibliothèque électronique suite à la numérisation de ses collections, les collections en question pouvant être des ouvrages, des images fixes, des images animées, des bandes sonores, des manuscrits, et j'en passe; (m) lui a permis de créer un portail - avec choix d'hyperliens vers d'autres sites et classement thématique - ce qui évite aux usagers de se perdre sur la toile; (n) lui a permis de se faire quelques cheveux blancs sur l'utilité de son métier à l'heure de l'internet, avant que nombre d'études ne démontrent qu'on aurait encore besoin pour longtemps de ses compétences, et de spécialistes à même de sélectionner, classer, indexer, stocker et diffuser l'information; (o) lui a permis, le cas échéant, de se reconvertir en tant que cyberthécaire et de faire partie de cette nouvelle génération de professionnels spécialistes de l'internet; (p) lui a permis de dialoguer avec ses collègues grâce au courriel; (q) lui a permis de s'inscrire à des listes de diffusion et des forums, et donc de s'informer, suivre et participer à des débats, demander avis et conseils, et fréquenter des collègues venant d'autres horizons, le tout constituant un grand bol d'air sur l'extérieur.
Les prochains développements: (r) lui permettront de travailler entièrement en ligne à partir de chez lui/elle; (s) lui permettront d'avoir enfin l'esprit tranquille pour élever ses enfants et/ou écrire le roman, les nouvelles, l'essai politique ou le recueil de poèmes qu'il/elle a rêvé d'écrire toute sa vie; (t) lui permettront de militer pour un livre électronique (e-book) d'un prix enfin accessible pour toutes les bourses, y compris celle des bibliothécaires travaillant dans la fonction publique.
Ai-je oublié une étape essentielle? Il reste encore à utiliser les six dernières lettres de l'alphabet (u-z), à moins que celles-ci ne soient réservées aux développements dont on n'a pas encore idée.
Bien que très sinon trop discret, le bibliothécaire a un rôle charnière dans le monde du livre, preuve que les vrais héros des temps modernes sont rarement ceux que l’on croit.
Depuis la Révolution française (de 1789), date à laquelle les bibliothèques de la noblesse et du clergé furent confisquées pour alimenter les premières bibliothèques municipales, le bibliothécaire s’échine comme il peut, avec beaucoup de conviction et peu de moyens, dans toutes sortes de bibliothèques et centres de documentation.
Après avoir été, pendant de nombreuses décennies, une activité confiée aux historiens locaux et aux dames tricoteuses, la profession obtient enfin des statuts. Signe qu’elle colle à son époque, l’image de la bibliothèque évolue elle aussi. Souvent rebaptisée médiathèque, la bibliothèque des années 2000 comprend non seulement une salle de référence et un service de prêt, mais aussi une discothèque, une vidéothèque, une artothèque, une salle d’exposition, une salle de conférences (pouvant être utilisée aussi pour des rencontres, débats, signatures et concerts, si ce n'est pour des séances de yoga), une salle pour l’heure du conte, un espace multimédia et un cyberespace.
Le documentaliste est le cousin germain du bibliothécaire. Le bibliothécaire officie dans une bibliothèque alors que le documentaliste officie dans un centre de documentation. Quant au bibliothécaire, il se décline désormais en plusieurs variantes: le médiathécaire, qui officie dans une médiathèque, le discothécaire, qui officie dans une discothèque, le vidéothécaire, qui officie dans une vidéothèque, et enfin le petit dernier (et déjà promis à une belle carrière), le cyberthécaire, qui officie dans le cyberespace. Rappelons que le cyberthécaire, catégorie professionnelle en plein essor, a pour tâche de piloter les usagers sur le web, filtrer et organiser l’information à leur intention, créer et gérer un site web, effectuer des recherches dans des bases de données spécialisées, plus quelques autres attributions prospectives qui restent assez floues puisqu’elles sont du domaine de l’avenir.
Contrairement à ce que l’on entend parfois de la bouche de personnes mal intentionnées, les bibliothécaires ne sont pas des êtres tristes et gris. Ils sont comme tout le monde, il y a des collègues sérieux avec costume et cravate, d’autres collègues en tongs et chemisette fleurie, des collègues qui fument, y compris des joints (uniquement dans les pays où c'est légal), des collègues qui ne fument pas, des collègues qui lisent dans le métro, d’autres qui préfèrent regarder les gens vu qu’ils lisent déjà toute la journée, pour raisons professionnelles s’entend.
A titre personnel, à son domicile, le bibliothécaire évite en général d’inventorier ses livres, de les code-barrer, de les ranger, de les étiqueter, de les cataloguer, de les indexer et de les résumer, sauf s'il est quelque peu maniaque, ce qui est son droit. Chose qui n’est guère possible au travail, il laisse souvent traîner ses livres n’importe où. Certains tiennent toutefois à ce que leur bibliothèque personnelle soit impeccablement rangée et qu’elle soit aussi nickel à la maison qu’au travail, mais c'est chose assez rare.
Même si le bibliothécaire reste très attaché au livre imprimé, il franchit tête haute le cap du 21e siècle en tentant de lire des livres numériques (appelés aussi ebooks) sur son ordinateur, son assistant personnel (appelé aussi PDA) ou son smartphone, avec plus ou moins de conviction, histoire d’être dans le coup. Mais, en professionnel du livre digne de ce nom, le contact avec le papier lui est indispensable. La nuit, le professionnel du livre non technophile rêve du temps où l'ordinateur n'avait pas encore envahi la planète en général et les bibliothèques en particulier. Pendant ce temps, le professionnel du livre technophile rêve au papier électronique, sans très bien savoir de quoi il s’agit exactement, puisqu’il est encore dans les éprouvettes mais ne devrait pas tarder à en sortir.
Tôt ou tard, le cyberthécaire pourrait se retrouver bardé de multiples appareils électroniques autour de la ceinture ou même à l’intérieur du corps. Dans le cas de contacts réels et non plus seulement virtuels, il pourrait même se déplacer dans une voiture ou sur un scooter volants, aux frais de son employeur bien entendu. Perspective excitante, non, pour ceux qui aiment voyager. En fait, une fois de plus, on copie les anciens. Le cheval volant fut lancé il y a fort longtemps, dans la mythologie grecque, sous le nom de Pégase.
Après cette courte digression, on terminera en soulignant avec force le rôle de pivot du bibliothécaire-cyberthécaire dans un monde du livre en pleine mutation. Le bibliothécaire était déjà là pour classer les manuscrits des moines-copistes. Le bibliothécaire était encore là pour conserver ce que Gutenberg et ses successeurs imprimaient. Le bibliothécaire était toujours là pour organiser les premières bibliothèques municipales (à partir de 1789, est-il utile de le rappeler?). Au début du 21e siècle, le bibliothécaire gère non seulement du papier, mais aussi des disquettes, des CD, des DVD, des pages web et moult autres documents numériques. Vu le nombre de documents et la multiplicité des supports, la tâche devient de plus en plus rude. Mais, depuis cinq siècles qu’il est d’attaque sur tous les fronts, un pari de plus ne lui fait pas peur.
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