NEF - Le Livre 010101 de Marie Lebert - Articles
paru dans Edition-actu n° 48, 1er décembre 2001
Novembre 2001 est une date anniversaire. Un an, déjà. En effet, en novembre 2000, deux auteurs de best-sellers, Frederick Forsyth et Arturo Pérez-Reverte, se lancent dans la publication numérique, prenant le relais de Stephen King qui, lui, jette l'éponge après neuf mois d'efforts et beaucoup plus de téléchargements que de paiements, sous le feu roulant des critiques de ceux qui attendaient de pied ferme qu'il se casse la figure. La critique est facile, mais l'art est difficile, une constatation qui vaut aussi dans le monde du livre.
Pour mémoire, voici les faits en quelques lignes.
En mars 2000, l'américain Stephen King, maître du suspense, distribue une nouvelle (Riding The Bullet) sur l'internet. Cela marche très fort, certains parlent même de raz-de-marée (numérique). En juillet 2000, l'auteur récidive et commence à autopublier en épisodes un roman épistolaire (The Plant). Mais le nombre des paiements est beaucoup moins satisfaisant que celui des téléchargements. L'auteur arrête donc les frais en novembre 2000. Patience, une suite est quand même prévue dans un ou deux ans. Un délai que les fans de l'auteur trouvent un peu long.
L'Europe prend aussitôt le relais de l'Amérique, avec plus de prudence toutefois. Cette fois les auteurs utilisent les services des éditeurs, preuve s'il en est que ceux-ci servent encore à quelque chose.
En novembre 2000, l'anglais Frederick Forsyth, autre maître du suspense, traite avec Online Originals, éditeur en ligne londonien, pour débuter la publication de Quintet, cycle de cinq nouvelles électroniques. "La publication en ligne sera essentielle à l'avenir, déclare l'auteur sur le site de l'éditeur. Elle crée un lien simple et surtout rapide et direct entre le producteur original (l'auteur) et le consommateur final (le lecteur), avec très peu d'intermédiaires. Il est passionnant de participer à cette expérience. Je ne suis absolument pas un spécialiste des nouvelles technologies. Je n'ai jamais vu de livre électronique. Mais je n'ai jamais vu non plus de moteur de Formule 1, ce qui ne m'empêche de constater combien ces voitures de course sont rapides."
Parallèlement, en collaboration avec Alfaguara, son éditeur habituel, Arturo Pérez-Reverte, romancier bien connu des hispanophones, décide de proposer sur le portail Inicia son nouveau roman d'aventures (El Oro del Rey) en version numérique pendant un mois, avant la sortie du livre imprimé le 30 novembre 2000. Là aussi le nombre des téléchargements dépasse de beaucoup celui des paiements. "Pour tout acheteur du livre électronique, il y avait une clé pour le télécharger en 48 heures sur le site internet, explique à l'époque Marilo Ruiz de Elvira, directrice de contenus du portail Inicia (citée par l'AFP). Surtout au début, beaucoup d'internautes se sont échangés ce code d'accès dans les forums de dialogue en direct (chat) et ont téléchargé leur exemplaire sans payer. On a voulu tester et cela faisait partie du jeu. Arturo Pérez-Reverte voulait surtout qu'on le lise."
Depuis, bien d'autres auteurs se sont lancés via Amazon.com, Barnes & Noble Digital et les sites de leurs éditeurs. Et les lecteurs s'habituent doucement à lire des livres sur leur Pocket PC, leur Palm Pilot, leur Cybook ou tout simplement sur l'écran de leur ordinateur. Pas la peine de pleurer sur la mort du papier, qui en a vu d'autres et qui va très bien, merci pour lui, ou sur la mort du livre électronique, qu'on veut enterrer avant même de lui laisser le temps de faire ses preuves. Bien sûr les machines laissent encore à désirer, et leur prix aussi. Bien sûr le nombre de titres est encore faible par rapport à la production imprimée. Bien sûr (presque) tout le monde préfère encore lire sur papier que sur écran. Mais, un jour ou l'autre, cela risque de changer.
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