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Domaine public et droit d'auteur, un vaste sujet...

paru dans Edition-actu n° 92, 15 mars 2004

Si, à une époque lointaine, 50% des oeuvres appartenaient au domaine public, et pouvaient donc être librement utilisées par tous, aujourd’hui, 99% des oeuvres sont régies par le droit d’auteur, et certains aimeraient que ce pourcentage soit de 100%. Accrochez-vous, parce que nous allons tenter d’y comprendre quelque chose...

Tout d’abord, quelques définitions.

Qu’est-ce exactement que le domaine public? Une oeuvre tombe dans le domaine public à une date déterminée après la mort de son auteur. Ce délai varie selon les pays (entre 50 et 70 ans après la mort de l’auteur). A la date dite, il devient possible de reproduire l’oeuvre et de la diffuser librement, y compris sur l’internet. C’est la raison pour laquelle des bibliothèques numériques telles que Gallica ou le Project Gutenberg constituent l’essentiel de leur fonds à partir d’oeuvres du domaine public, qui sont libres de droit. Ceci n’autorise pas pour autant la mutilation ou la déformation de l’oeuvre, puisque le droit moral de l’auteur (respect de l’oeuvre et paternité de celle-ci) est intemporel.

Qu’est-ce exactement que le droit d’auteur? Le droit d’auteur désigne l’ensemble des droits dont jouissent les créateurs sur leurs oeuvres. Ce sont par exemple les droits que possèdent les écrivains et les journalistes sur leurs écrits, les artistes interprètes ou exécutants sur leurs prestations, les producteurs d'enregistrements sonores sur leurs enregistrements, et les organismes de radiotélédiffusion sur leurs programmes radiodiffusés et télévisés. Les oeuvres protégées par le droit d'auteur comprennent: a) les oeuvres “littéraires” (romans, poèmes, pièces de théâtre, ouvrages de référence, journaux et logiciels); b) les bases de données; c) les films, compositions musicales et oeuvres chorégraphiques; d) les oeuvres artistiques (peintures, dessins, photographies et sculptures); e) les créations architecturales; f) les créations publicitaires, cartes géographiques et dessins techniques. Le droit d’auteur est l’un des deux aspects de la propriété intellectuelle, l’autre étant la propriété industrielle. La propriété intellectuelle est gérée à l’échelon mondial par l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), basée à Genève.

Qu’est-ce que le copyright? Le copyright – terme qui signifie littéralement: droit de copie – est une mention apposée au début ou à la fin d’un texte pour informer le public que ce texte est protégé et qu’il ne peut être reproduit sans autorisation préalable de l’auteur ou de ses ayants droit. Définie par l’Unesco dans la Convention universelle sur le droit d’auteur (signée en septembre 1952 et révisée en juillet 1971), la mention normalisée comprend trois éléments: le symbole © pour: copyright, le nom du titulaire du droit d’auteur et enfin l’indication de l’année de première publication. Cette mention normalisée vaut aussi pour les pages web.

En France, comme dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, une oeuvre tombe dans le domaine public 70 ans après le décès de son auteur (voir le code de la propriété intellectuelle (CPI) institué par la loi n° 97-283 du 27 mars 1997), alors que ce délai était auparavant de 50 ans. Le délai de 50 ans est toujours de mise au Canada, en Australie et dans de nombreux pays. Quand ce délai passe de 50 à 70 ans, ceci est une catastrophe pour les bibliothèques numériques du pays concerné, puisqu’il leur faut retirer de nombreux livres en ligne qui appartenaient jusque-là au domaine public. C’est le problème auquel fait face pour le moment le Project Gutenberg Australia, qui s’inquiète d’une possible extension prochaine du copyright à 70 ans après le décès de l’auteur, au lieu de 50 ans. Si cette nouvelle loi passe, ce qui est fort probable, 90% des collections devraient alors être retirées du web. Le gouvernement avance le besoin d’harmoniser la législation avec celles des Etats-Unis et de l’Union européenne, ce qui paraît difficile à gober. S’il est évidemment nécessaire que les créateurs soient payés pour leur travail, et puissent en vivre, et qu’il existe donc un copyright, on se demande à quoi riment de telles extrémités, sinon à enrichir plus encore les intermédiaires que sont les éditeurs, diffuseurs et distributeurs, aux dépens du grand public et du droit à l’accès libre au savoir. Plus les gouvernements parlent d’âge de l’information, plus ils durcissent les lois relatives à la mise à disposition libre des écrits. La contradiction n’est-elle pas flagrante?

Toutefois, chez les auteurs et créateurs numériques, les adeptes du copyleft sont de plus en plus nombreux, afin de respecter la vocation première du web, qui est d’être un réseau de communication et de diffusion à l’échelon mondial. Conçu à l’origine pour les logiciels, et étendu ensuite à toute oeuvre de création, le copyleft contient la déclaration normale du copyright affirmant la propriété et l’identification de l’auteur. Son originalité est de donner au lecteur le droit de librement redistribuer le document et de le modifier. Le lecteur ne peut toutefois revendiquer ni la paternité du travail original ni celle des changements effectués par d’autres. De plus, tous les travaux dérivés sont eux-mêmes soumis au copyleft. Le copyleft est formalisé par la licence GPL (General Public License), dont l’auteur est le Projet GNU.


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