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Les langues minoritaires sur le Web

paru dans E-Doc n° 9, 3 août 2000

Le Web a déjà fait ses preuves en tant qu'outil de soutien des langues minoritaires. Voici quelques réalisations concrètes de la part de personnes qui - plutôt que de pleurer sur la suprématie de l'anglais sans faire quoi que ce soit pour la promotion d'autres langues - oeuvrent concrètement à la défense de leur propre langue (minoritaire) et/ou des langues minoritaires en général.

Caoimhín P. Ó Donnaíle enseigne l'informatique en langue gaélique à l'université Sabhal Mór Ostaig, située sur l'île de Skye, en Ecosse. Il est également l'auteur du site Web de l'université qui, à l'échelon international, est le principal site d'information sur le gaélique écossais. D'après lui, "le développement d'Internet amène le danger de la suprématie de l'anglais. Toutefois, si les gens ont la ferme volonté d'accorder une place à d'autres langues, Internet permettra de les aider dans cette démarche." C'est ce qu'il est le premier à faire, en tenant à jour, en gaélique et en anglais, European Minority Languages (Langues européennes minoritaires), une liste de langues minoritaires disponible par ordre alphabétique et par famille linguistique.

Windows on Haiti (Fenêtres sur Haïti) a été créé par Guy Antoine en avril 1998, d'une part pour proposer une source d'information majeure sur la culture haïtienne, d'autre part pour contrer les images continuellement négatives que les médias traditionnels donnent d'Haïti. Les pages Web sont en anglais, en créole ou en français selon les documents. "Pour des raisons pratiques, l'anglais continuera à dominer le Web, écrit-il. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose, en dépit des sentiments régionalistes qui s'y opposent, parce que nous avons besoin d'une langue commune permettant de favoriser les communications à l'échelon international. Ceci dit, je ne partage pas l'idée pessimiste selon laquelle les autres langues n'ont plus qu'à se soumettre à la langue dominante. Au contraire. Internet peut héberger des informations utiles sur les langues minoritaires, qui seraient autrement amenées à disparaître sans laisser de trace." Sur son site, Guy Antoine anime un forum de discussion en créole (Fowòm Kreyòl).

Depuis nombre d'années, la "bible" des langues en général, et des langues minoritaires en particulier, est l'Ethnologue: Languages of the World (Ethnologue: les langues du monde), qui en est à sa 13e édition. Cette encyclopédie très documentée existe en version Web, sur CD-Rom et en version imprimée. Elle répertorie 6.700 langues, avec de multiples critères de recherche. Depuis la 8e édition (1971), et jusqu'à la 14e édition, à paraître cette année, Barbara F. Grimes en est la directrice de publication. Elle précise: "Il s'agit d'un catalogue des langues dans le monde, avec des informations sur les endroits où elles sont parlées, une estimation du nombre de personnes qui les parlent, la famille linguistique à laquelle elles appartiennent, les autres noms utilisés pour ces langues, les noms de dialectes, d'autres informations sociolinguistiques et démographiques, les dates des Bibles publiées, un index des noms de langues, un index des familles linguistiques et des cartes géographiques relatives aux langues."

Un tiers seulement des 6.700 langues répertoriées sont à la fois écrites et parlées. "Les langues menacées sont essentiellement des langues non écrites", explique Robert Beard, créateur en février 2000 de yourDictionary.com, un portail majeur dans le domaine des langues. "Je ne pense pas que le Web va contribuer à la perte de l'identité des langues et j'ai même le sentiment que, à long terme, il va renforcer cette identité. Par exemple, de plus en plus d'Indiens d'Amérique contactent des linguistes pour leur demander d'écrire la grammaire de leur langue et de les aider à élaborer des dictionnaires. Pour eux, le Web est un instrument à la fois accessible et très précieux d'expression culturelle." Sa société travaille en lien avec le Endangered Language Fund (Fonds pour les langues menacées) aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, afin de rassembler des fonds permettant de financer des projets.

Un Web multilingue n'est cependant pas sans poser problème. Surtout dans le cas de systèmes d'écriture non alphabétiques, on se heurte régulièrement à des pages remplies de hiéroglyphes parfaitement incompréhensibles dans quelque langue que ce soit. Dans quelques semaines, on fera le point sur les outils permettant la lecture des pages Web dans différentes langues, y compris dans les langues minoritaires.


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