La Jérusalem médiévale - Marie Lebert - 2006

Introduction

Dessinée en 1581, cette carte de Heinrich Buenting [1] représente Jérusalem au centre du monde, point de convergence de trois continents: l’Europe, l’Afrique et l’Asie.

Depuis de nombreux siècles, la ville est aussi la ville sainte de trois grandes religions: le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam.

L’époque médiévale est marquée par des luttes acharnées entre Juifs, Chrétiens et Musulmans. Batailles immenses ou combats de quelques centaines d’hommes, sièges, prises de villes, représailles, règlements de comptes, on ne compte pas les manifestations de fanatisme et de cruauté sanguinaire.

Sous la dynastie fatimide, le calife Al-Hakim, dit le “calife fou”, massacre tous les Juifs et Chrétiens de Jérusalem, et détruit les synagogues et les églises. La prise de Jérusalem par les Croisés le 15 juillet 1099 est suivie du massacre des Musulmans et des Juifs. La ville est pillée et incendiée. Les Juifs et Musulmans ayant survécu sont vendus comme esclaves en Europe. En 1244, débarquant d’Asie centrale, des hordes de Tartares pillent Jérusalem, massacrent les Chrétiens et dévastent le Saint-Sépulcre. Trois exemples parmi tant d’autres.

Parfois, pour peu de temps, certaines périodes sont marquées par la compréhension, la tolérance religieuse et la liberté. Sous le calife Al-Ariz, pendant la dynastie fatimide, les Chrétiens et les Juifs jouissent d’une grande liberté. De même, à la fin du 12e siècle, Saladin reconnaît les droits de la communauté juive de Jérusalem.

En Terre Sainte, l'époque médiévale se divise schématiquement en quatre grandes périodes: la période musulmane entre 640 et 1099, la période croisée entre 1099 et 1187, la période ayyubide entre 1187 et 1250, et la période mamelouke entre 1250 et 1517.

Chaque période donne lieu à un foisonnement d’édifices: églises, mosquées, temples, palais, mausolées, colonnades. Certains sont incendiés, détruits, rasés, nivelés, puis construits à nouveau. Les fondations et les vestiges ayant subsisté sont parfois réutilisés. Seul le Dôme du Rocher, vénéré dans les trois religions, est épargné par ce flot de violence.

Jérusalem est une ville de pierre calcaire, cette pierre blanche sur laquelle se réfracte le soleil. Les bâtiments sont souvent d’une grande beauté architecturale. Le Dôme du Rocher est le joyau de la ville, une image de Jérusalem transportée aux quatre coins du monde. L’église croisée Sainte-Anne est un chef-d’oeuvre d’art roman, de par la pureté de ses lignes, et la plus belle église de la Vieille Ville. Les chapiteaux sculptés, les archivoltes et les linteaux du Saint-Sépulcre sont de véritables merveilles.

L’orientaliste suisse Max van Berchem fait son premier séjour à Jérusalem à l’âge de 23 ans. Le 29 mars 1888, il écrit à sa mère pour lui donner ses impressions. “J’ai vu des choses plus belles, mais rien d’aussi saisissant. Ces rues étroites, tortueuses, montantes, ces maisons tout en pierres déguenillées, pleines de recoins pittoresques, enjambant les rues dans les arcades sombres, ce mélange de tous les styles, de tous les temps, des souvenirs juifs, grecs, romains, chrétiens, musulmans, les églises du moyen âge à côté de la mosquée, tout cela enserré dans une grande muraille en pierres, perché sur une montagne entre deux ravins profonds, avec des arrière-plans de montagnes bleues, un ciel d’Italie et un soleil d’Orient. Dans les rues on coudoie toutes les nations, des gens venus de tous les coins du monde, réunis ici dans une même pensée religieuse, mais séparés par les moeurs et les idées; rien ne peut rendre cette impression…” Et il ajoute en post-scriptum: “A chaque pas on rencontre un endroit consacré par la légende et numéroté comme dans un catalogue… Puis on retrouve avec une certaine émotion tous ces noms de la Bible qu’on connaît depuis son enfance...” [2]

Max van Berchem est venu pour photographier la ville. Depuis le milieu du 19è siècle, la photo supplante le croquis, le dessin, la gravure ou l'estampe, ou plutôt les relaie pour devenir elle aussi document d'architecture. Comme l'écrit Auguste Salzmann, autre photographe de Jérusalem, dans la préface de son livre, "les photographies ne sont plus des récits, mais bien des faits dotés d'une brutalité concluante..." [3] Un avis partagé par Horace Vernet, Maxime du Camp, Louis Félicien de Saulcy, Francis Frith, Félix Bonfils et bien d'autres, dont les albums de photos envahissent peu à peu les librairies pour faire connaître la Ville Blanche à d'autres cultures.


Notes

[1] Itinerarium Sacrae Scripturae. Helmstadt, 1581. Cliquer sur la carte pour la voir en grand format.

[2] Gautier-van Berchem (Marguerite) et Ory (Suzanne). La Jérusalem musulmane. Lausanne, éditions des Trois Continents, 1978, p. 18-19.

[3] Salzmann (Auguste). Jérusalem. Etude et reproductions photographiques de la Ville Sainte... Paris, Gide & Baudry, 1856. Préface datée de juin 1854.


Haut de page / Chapitre suivant / Table des matières

Galerie Nef / NEF


© 2006 Marie Lebert. Tous droits réservés.