J.-F. Féraud, Dictionaire critique: Préface de 1787

¶ DÉFINITIONS
     IV. Les DÉFINITIONS des mots ont été assez peu réfléchies par les Auteurs des Dictionaires: et l'on ferait un gros Volume de Remarques sur cet article. Nous n'en avons fait que sur celles, qui sont les plus importantes, ou dans lesquelles il y a plus d'obscurité ou d'erreur. Le plus souvent, nous avons emprunté celles, qui se troûvent dans le Dictionaire de l'Académie, que nous ne confondons point avec les aûtres. Elles sont ordinairement les plus claires et les plus précises. Parmi les Exemples, qui les éclaircissent, et qui sont, nous ôsons le dire, souvent prodigués sans nécessité, nous avons choisi ceux, qui pouvaient mieux en justifier l'heureûse aplication. Enfin nous leur avons doné un nouveau jour par la comparaison des Synonymes, tirés de divers Auteurs, surtout de l'excellent Traité de l'Abbé GIRARD, et des ingénieuses augmentations, qu'y a faites M. BEAUZÉE. Nous avons également profité du nouveau travail de M. l'Abbé ROUBAUD, dans les articles, qui sont susceptibles d'extrait. Nos propres réflexions nous ont fourni des additions, qui rendront cette partie plus complète. = Quant aux diférentes Acceptions des mots, nous les avons raprochées, le plus qu'il a été possible, pour en rendre le raport ou la diférence plus sensibles; et nous les avons cottées et marquées d'un chifre, pour faciliter les renvois ou d'un mot à un aûtre, ou des diverses remarques faites sur le même mot.
¶ REM.
     V. Ces REMARQUES sont la partie la plus considérable et la plus intéressante de notre travail. Elles ont pour objet les Régimes des Verbes, des Noms, des Adverbes, des Prépositions; la Construction des mots, qui nous a paru être, malgré son importance, l'article le plus négligé par les Gramairiens et par les Critiques; la distinction des persones, et des chôses dans l'emploi des mots, du sens propre ou figuré, du sens actif ou passif des noms, du sens afirmatif, ou négatif ou interrogatif des phrâses; les diférents Styles et leurs nuances, plus variées peut-être dans la Langue Française que dans aucune aûtre Langue. Car outre le style poétique ou oratoire, le style élevé ou familier, dont on n'a pas toujours distingué les diférentes espèces; il y a le style du Bârreau ou du Palais, où l'on parle une langue toute particulière; le style médiocre ou de dissertation; le style simple ou de conversation, qu'on ne doit pas confondre avec le style familier, qui a un degré de plus d'aisance et de liberté; le style polémique, qui a ses licences, moindres pourtant que celles du style critique, qui, à son tour, en a moins que le style satirique; le style badin, plaisant, ou comique, dont les nuances sont diférentes, et vont en enchérissant l'une sur l'aûtre; le style marotique, qui se done encôre plus de libertés, moindres pourtant que le style burlesque. Nous avons profité de toutes les ocasions, qui se sont présentées, de marquer toutes ces diférences, que l'usage et le goût ont introduites dans l'emploi d'un grand nombre de mots.
     Dans ce vaste champ de Remarques et d'Observations, nous avons recueuilli une abondante moisson. Nous nous sommes surtout atachés aux Poètes, pour deux raisons; la première, c'est qu'on retient mieux les Vers que la Prôse, et que les incorrections de style, inévitables dans la Poésie Française, peûvent, à caûse de cela, induire plus facilement en erreur; la seconde, c'est que la contrainte de la mesûre et de la rime et le droit des inversions, jettent comme nécessairement dans des fautes gramaticales, qui pâssent trop aisément pour des licences autorisées, parceque l'harmonie des Vers les dérobe facilement aux yeux et aux oreilles. Pour s'en apercevoir, il faut déranger la Construction. Alors on est étoné de trouver souvent dans les plus beaux Vers des barbarismes et des solécismes. (6) = Ce n'est pas que nous condamnions tout ce que nous relevons: mais il nous a paru utile d'avertir de ce qui n'est pas selon l'exactitude gramaticale, pour qu'on ne l'imite point dans la prôse. Ce qu'on fait remarquer être contre les règles et l'usage les fait bien mieux conaître: la meilleure manière de les inculquer dans l'esprit, c'est de citer des phrâses où elles sont violées. (7) Que si l'on trouvait mauvais que nous ayions étendu notre critique jusque sur nos plus grands Écrivains, nous troûverions notre justification dans ce que dit BOUHOURS: ""L'exemple des bons Écrivains est plus contagieux que celui des aûtres; et l'on ne sauroit trop "se précautioner contre certaines locutions, qui, toutes méchantes qu'elles sont, pâssent "pour bonnes, parcequ'elles se troûvent dans d'excellens Livres." = Les Traductions ne fournissent pas moins que les Vers une riche Récolte de Remarques critiques. On peut le dire sur-tout de celles des Livres Anglais, qui se multiplient journellement. Quelque habile que soit un Traducteur, il ne se tient pas toujours en garde contre la sourde influence de la Langue étrangère, dans laquelle est écrit l'Ouvrage qu'il traduit; et, sans trop s'en apercevoir, il en fait pâsser les tours et les expressions dans la copie qu'il en fait. L'Histoire d'Angleterre, composée en Anglais par M. Hume et traduite en Français en partie par l'Abbé Prévot et en partie par Mde. B... en est une preûve frapante. Cette Traduction, écrite d'un style coulant et quelquefois élégant, fourmille d'Anglicismes; et elle a fourni à ce Dictionaire un grand nombre d'articles. Que dirons-nous de ceux, qui aprènent l'Anglais en traduisant, et donent ensuite au Public leurs versions d'écolier. On leur reproche de faire leurs traductions à coups de Dictionaires. Il serait à souhaiter qu'ils les consultassent plus souvent: ils éviteraient des expressions et des constructions étrangères, qui sont de vrais barbarismes dans notre Langue.
     Parmi ce grand nombre de Remarques de toute espèce, plusieurs paraîtront minucieuses, plusieurs triviales, plusieurs inutiles, plusieurs trop souvent répétées: mais nous prions les Gens de Lettres de faire atention que ce Dictionaire est spécialement destiné à l'instruction des étrangers, des jeunes gens, des Habitans des diférentes Provinces; et que ce qu'il a de particulier et de plus utile est l'aplication en détail des principes, et des règles générales; ce qui ne peut se faire sans répétitions.
¶ NÉOLOGISMES.
     VI. La fureur du Néologisme a saisi les meilleurs esprits, et non seulement dans les mots, mais dans les expressions composées, dans les régimes, les tours de phrâse, etc. Il y a peut-être deux mille mots nouveaux, qui se sont éforcés de s'introduire dans notre Langue depuis vingt ans. Un assez grand nombre ont été déjà adoptés par l'Usage. Plusieurs, qui ne le seront peut-être jamais, sont dans des Livres fort répandus. Nous les avons insérés dans ce Dictionaire avec des remarques.
¶ GASCONISMES, etc.
     VII. Quant aux Gasconismes, aux Provençalismes, aux Normanismes, et aûtres locutions et manières de parler vicieûses, qui sont particulières aux diférentes Provinces, il entrait dans notre plan de les relever; et nous en avons fait conaître le plus qu'il nous a été possible. Il fut un temps, où nous aurions pu rassembler aisément un grand nombre de remarques en ce genre. Aujourd'hui, nous ne pouvons qu'inviter les Gens de Lettres, répandus dans les Provinces, à entreprendre, en faveur de leurs compatriotes, ce travail peu pénible et vraiment utile, comme a fait M. DESGROUAIS, dans ses Gasconismes corrigés. = Nous ôsons encôre exhorter les Litérateurs zélés des aûtres Nations à faire pour leurs Langues respectives ce que nous avons fait pour la nôtre, et à nous rendre le même service, que nous nous sommes proposé de leur procurer à eux-mêmes.
¶ RÉPONSE à quelques OBJECTIONS.
     VIII. Il nous reste, en finissant cette Préface, à répondre à quelques Objections et à quelques Critiques, que nous avons déjà essuyées depuis la distribution du Prospectus; et à prévenir en partie celles que nous ne manquerons pas d'essuyer dans la suite. = 1°. La première, et celle qui paraîtra à plusieurs la plus spécieuse et la mieux fondée, n'est qu'un éfet du préjugé. Elle est tirée du lieu où cet Ouvrage a été composé et où il s'imprime. Je sais que, dans la Capitale, on a les plus terribles préventions contre les Provinces méridionales, pour tout ce qui regarde le langage; et l'on me le mande encôre tout récemment. Mais ces préventions n'ont tout au plus quelque fondement que pour la Langue parlée et la Prononciation; et nous avons pris sur cet objet toutes les précautions possibles pour ne pas nous tromper, et pour ne pas induire en erreur ceux, qui consulteront ce Dictionaire. Nous nous sommes défié de nous-mêmes; et nous ne disons rien de notre chef. Ce n'est pas nous qui parlons, ce sont les Gramairiens et les Critiques les plus estimés. C'est l'Académie Française elle-même, dont nous avons recueuilli les principes, les décisions; et tout notre travail a consisté à apliquer à chaque mot les Règles générales de la Prononciation ou leurs exceptions (8). Si nous ne citons pas à tout prôpos nos guides et nos garans, c'est que cela serait fort ennuyeux et tiendrait trop de place dans l'ouvrage. Du reste, on peut s'en fier à nous pour l'attention à ne rien dire de nous-mêmes sur cet article. = C'est une erreur de croire qu'on puisse puiser les principes de la Prononciation dans la conversation des persones, qui ont la réputation de bien parler. La méthode n'est ni sûre, ni facile. Il y a tant de variété dans les opinions et dans la pratique entre les diférentes persones, et souvent tant de variations dans la même, dificiles à saisir dans la liberté et la rapidité de la conversation, qu'on se troûve dans le plus grand embarrâs, soit qu'on observe, ou qu'on consulte. En tout câs, d'aûtres ont observé ou consulté pour moi, et mieux que je ne pourrais faire moi-même; et l'on doit plus se fier à ce que je dis d'après leurs observations, qu'à ce que je dirais d'après les miennes, si j'avais travaillé dans ce centre du goût et de la Litératûre, hors duquel on croit qu'il n'y a pas de salut. = Quelle que soit donc la Prononciation personelle de l'Auteur de ce Dictionaire, on ne doit pas prendre de la défiance de son travail sur cette partie. On peut être un bon Musicien et un mauvais Chanteur; et avec une voix faûsse, rude et désagréable, noter très-exactement l'air le plus dificile. = Quant à la Langue écrite, n'a-t-on pas dans les Provinces les mêmes secours que dans la Capitale; et ayant les mêmes Livres ne peut-on pas faire les mêmes études? Que pensera-t-on, si nous ôsons dire qu'on y a peut-être moins d'obstacles et plus d'avantages de côté-là? Ne regardera-t-on pas cette proposition comme un Paradoxe insoutenable? Cependant, sans parler des jargons des Sociétés de la Capitale, dont on aperçoit l'influence dans un grand nombre d'Écrits modernes, parceque les Écrivains de nos jours sont plus répandus dans le Monde, que les Gens de Lettres ne l'étaient aûtrefois; à en juger par les discours de ceux, qui y ont fait un assez long séjour, et qui se sont étudiés à y prendre le bon ton et le bon air en tout genre; par les lettres qui en viènent de la part même des persones, qui pâssent pour avoir des lettres, du monde et du goût; et surtout par les nouvelles productions, qui sortent de ce centre si célèbre de la Litératûre, il paraît qu'on y parle toute sorte de Langues; et qu'un Litérateur y doit être bien embârrassé à découvrir, parmi tant de variantes, la véritable version. = Dâilleurs, la présomption qu'inspire ce séjour si vanté, et les préventions, les préjugés de toute espèce, dont on y est environé, peûvent contribuer à égarer et à faire prendre pour l'usage universel ce qui n'est que le goût particulier des Coteries qu'on fréquente. Je ne suis pas seul de ce sentiment. = Je ne sais donc si un travail assidu, dans le silence du Cabinet, la défiance de soi-même, qui empêche de précipiter son jugement, l'art de savoir douter, la réflexion, qui creûse, qui aprofondit, qui combine, qui compâre l'usage avec les principes, qui, dans le partage des opinions et des pratiques, se décide par le génie et l'analogie de la Langue, ne peûvent pas remplacer avantageûsement un séjour de quelques années dans la Capitale, où les Auteurs sont aujourd'hui trop dissipés et trop répandus pour doner beaucoup de temps à l'étude et à la réflexion. = Si tout cela peut inspirer quelque confiance, nous ôsons dire que nous la méritons. Outre le travail et les soins qu'avait exigé le Dictionaire Gramatical; depuis vingt ans que la seconde Édition a paru, nous n'avons cessé de travailler à l'Ouvrage que nous mettons au jour. Nous aurions pu le faire paraître plutôt, et nous avions amâssé un assez grand nombre d'Observations et de Remarques pour le doner au Public, il y a dix ans: mais nous avons voulu laisser asseoir et murir nos idées. Ce retard, que la prudence nous prescrivait, a contribué à étendre l'utilité de cet Ouvrage par un plus grand nombre d'utiles réflexions et d'articles importans. = Il nous a procuré aussi des secours précieux dans les soins et les bontés d'un Homme de Lettres, fort conu et fort estimé dans le monde Litéraire, et par ses Ouvrages, et par les emplois, qu'il a remplis dans la Capitale, tous relatifs à la Litératûre (9). Il a revu ce Dictionaire, non avec l'insouciance d'un Censeur négligent, mais avec l'atention d'un Homme de Lettres, zélé pour l'utilité publique. Il a bien voulu nous communiquer des Observations intéressantes; et nous avons puisé dans ses Ouvrages (10) des exemples aussi instructifs que piquans.
     2°. Je me suis toujours atendu que l'article de l'Ortographe serait celui, qui atirerait le plus de critiques. Quoique tout le monde ne soit pas juge en ce genre, tout le monde se croit en droit d'en faire les fonctions; et rien de plus facile. Il ne faut, pour cela, que des yeux et un peu de lectûre. Aussi nous avons déjà essuyé, et de vive voix et par écrit des représentations et des remontrances de plusieurs persones, qui se disent nos amis, et qui paraissent s'intéresser au succès de notre Ouvrage. Mais ils ne sont pas d'acord dans leurs Critiques. Les uns condamnent toutes les tentatives en ce genre: les aûtres se partagent. Il en est, qui ne disent rien de la supression des doubles consones, et qui s'élèvent avec force contre l'adoption de l'Ortographe de Voltaire (ai pour oi), il en est d'aûtres, qui disent qu'on me pardonera cette manière d'ortographier; mais qu'on ne me pardonera pas le retranchement d'une des doubles consones dans un si grand nombre de mots. Celui-là prétend que, quoiqu'on ne les prononce pas, il faut les conserver: celui-ci soutient que je les retranche mal-à-propôs dans des mots où elles se prononcent. L'un attaque la Prosodie, et ne sait peut--être pas que ses traits tombent sur M. l'Abbé d'Olivet, qui me sert de guide: l'aûtre m'invite à prendre pour modèle le Dictionaire d'Ortographe, comme si j'ignorais que ce Dictionaire existe. Un de ces Critiques m'aprend sérieusement qu'il y a trois cens mille Volumes, dont l'Ortographe est diférente de celle que je veux introduire. Il m'aprend que toute innovation est répréhensible, du moment qu'elle ne présente pas un avantage bien important, comme si j'avais embrassé une nouvelle Ortographe, sans en balancer les avantages et les inconvéniens. En remerciant tous ces Messieurs, tant ceux, qui ont gardé l'anonyme, que ceux qui se sont només, je les prie de vouloir lire et peser avec attention ce que je dis dans cette Préface, à l'article de l'ORTOGRAPHE, n°. I. et de vouloir bien observer, que je conserve l'anciène manière d'écrire, dans l'ordre alphabétique; et qu'ainsi l'on peut dire que, à proprement parler, il n'y a pas d'innovations dans le Dictionaire, quoiqu'on puisse acuser l'Auteur d'avoir le projet d'en introduire quelques unes, qu'il croit utiles, pour des raisons, qui lui paraissent fort bones, et dont il a rendu compte; c'est ce que je ne saurais trop répéter.
     3°. Un Homme de Lettres, qui m'a fait la grâce de me comuniquer ses réflexions, me reproche un étalage d'érudition déplacée; parceque, en relevant quelques Anglicismes, j'ai cité le mot Anglais, qui avait induit en erreur; et parceque, à la tête des Lettres, dans la suite alphabétique, j'ai mis les sons, qui y correspondent dans les principales Langues de l'Europe. Assurément j'aurais bien grand tort d'avoir mis à cela de la gloriole; et je ne m'atendais pas à ce reproche. La première érudition, comme le Critique l'apelle, m'a paru toute naturelle, et je l'ai employée tout bonement et sans prétention. La seconde, je l'ai tirée avec la même simplicité, de la Gramaire du P. Bufier, et je ne croyais pas qu'elle dût jamais m'atirer ni louange, ni blâme. Le Censeur m'assûre que les Gens de goût sont très-dificiles sur ces sortes d'éruditions. Il me permettra d'en douter; et j'ai peine à croire qu'il ait recueuilli là-dessus un grand nombre de sufrages. Tout ce qui peut arriver, et ce qui arrivera probablement, c'est qu'ils n'y prendront pas garde et ne les honoreront pas de leur atention.
     4°. Enfin, quelques-uns ont censuré le titre du Dictionaire. Ils nous ont demandé si nous prétendions critiquer la Langue Française; et ce que nous voulions dire. Mais par leur censûre, ils donent lieu à deux Observations. = Dabord, ils font mal-à-propôs raporter le régime de la préposition de à l'Adjectif critique, au lieu de le faire raporter à Dictionaire. J'aurais pu mettre, Dictionaire de la Langue Française, critique et gramatical; et j'aurais ôté par-là tout prétexte à la chicanerie; mais je crois que, dans les intitulations, on doit dabord mettre le mot, qui caractèrise un Ouvrage et le distingue d'un aûtre. = Ensuite, les Censeurs se sont mépris sur la signification de l'Adjectif critique. Il ne supôse pas toujours la censûre: il anonce souvent l'éloge. Et certainement les Observations critiques des Comentateurs enthousiastes des Auteurs anciens n'étaient rien moins que des censûres. Critique, joint avec Remarque, avec Dissertation, Histoire, Dictionaire, etc ne signifie donc que des Observations, que l'Auteur anonce sur la matière qu'il traite. Si l'on composait une Histoire critique de la Médecine, de la Philosophie, persone ne s'aviserait de penser que c'est la Philosophie ou la Médecine, qu'on voudrait critiquer. = Un plaisant, bon ou mauvais (on en jugera) a ataqué le titre d'une aûtre manière. Il prétend qu'on a oublié de mettre un accent sur l'e de critique, et qu'il faut lire, DICTIONAIRE CRITIQUÉ. Quoiqu'il en soit de la finesse de cette plaisanterie, que l'Auteur a faite sans malice, et dont il n'est probablement que l'écho, je répondrai très-sérieûsement, qu'il n'y a point d'Auteur, qui doive moins que moi redouter les critiques. Elles entrent dans mon plan. Et qu'est aûtre chose mon Dictionaire qu'un Recueuil de Remarques sur la Langue, et un Dépôt des diférentes opinions et des diverses pratiques, anciènes et modernes, sur cette matière. = Mais, pour que je puisse profiter, et faire profiter mes Lecteurs de pareilles Observations, il faut qu'elles viènent de persones conûes, et que je puisse citer; ou que ceux qui ne se font pas conaître, les apuyent de quelque bone raison, que je puise aporter; aûtrement, je me verrai réduit à cette Formule, employée dans quelques endroits de ce Dictionaire: quelques-uns pensent, ou écrivent, ou prononcent aûtrement: formule, qui n'aprend rien, et ne signifie rien.
     Voilà tout ce que j'avais à dire pour le moment. Si après la publication du premier Volume, on m'honôre de quelque aûtre Critique, ou l'on me demande quelque aûtre éclaircissement, qui en vaille la peine, j'y satisferai dans un Avertissement, qui sera placé au commencement du Second Tome.

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Notes

6. Lorsque le Dictionaire Gramatical parut, on me reprocha trop de sévérité envers Molière. Voici ce qu'en dit La Bruyere. "Il n'a manqué à Molière que d'éviter le jargon et le barbarisme, et d'écrire purement.

7. En fait de Gramaire, l'exposition des fautes est plus utile que celles des Préceptes; et c'est par-là que le travail d'un Ecrivain éclairé seroit très-avantageux aux Provinces méridionales du Royaume. L'Ab. Sabatier, Trois siècles, etc. Art. DESGROUAIS.

8. C'est ce que nous avons fait conaître depuis peu dans la Réponse à une Lettre écrite de Paris par un Littérateur, qui s'est masqué sous le nom de Philandre. Il prétend qu'on prononce les deux mm dans Grammaire, les deux tt dans Littérature, les deux nn dans innombrable, etc. Nous ne lui avons répondu qu'en citant nos guides, et nos garans, Duclos, M. de Wailli, etc. qui ont une doctrine et une pratique contraires à la sienne. Nous n'avons pas dit, comme M. Philandre: c'est ainsi que nous prononçons; mais nous avons dit: c'est ainsi que d'habiles Gramairiens, qui ont fait une étude particulière de la Langue, nous avertissent de prononcer.

9. M. MARIN, de plusieurs Académies, long-temps Censeur-Royal; Censeur de la Police et des Théâtres; Secrétaire-Général de la Librairie de France; aujourd'hui Lieutenant-Général en l'Amiraute de la Ciotat. Inspecteur de la Librairie de Provence.

10. L'HISTOIRE DE SALADIN, fort estimée des Savans et des Gens de Lettres; l'HOMME AIMABLE, ouvrage de moeurs et de caractères, qui n'a d'aûtre défaut que d'être trop court; un THÉATRE, qui renferme cinq pièces, qui font beaucoup de plaisir à la lectûre; l'HISTOIRE DE LA CIOTAT, qui est un modèle de la manière de traiter l'Histoire des petites Villes. MÉMOIRE sur l'anciène ville de TAUROENTUM, etc.