GAGNER. v. a. Faire un gain, tirer un
profit. Un bon ouvrier peut gagner tant par jour. Il a gagné cent
mille francs sur sa charge. Une si forte somme ne se gagne pas en un
jour. On l'emploie souvent absolument. Il a beaucoup gagné
dans le commerce, dans cette entreprise. Je ne gagne point sur ce
marché.
Gagner sa vie à filer, à
chanter, etc., Gagner de quoi vivre en filant, en chantant, etc.
Absol., Gagner sa vie, Gagner de quoi
vivre en travaillant. Il gagne bien sa vie. Ce pauvre homme a bien de la
peine à gagner sa vie. On dit dans le même sens, Gagner
son pain à la sueur de son corps, à la sueur de son
front.
Prov. et fig., N'est pas marchand qui
toujours gagne, On doit s'attendre à des
contrariétés, à des vicissitudes, dans les affaires de
la vie.
GAGNER, se dit aussi en
parlant Du gain que l'on fait au jeu ou aux loteries. Il a gagné
deux cents francs à l'écarté. Gagner à la
loterie. Gagner un extrait, un ambe, etc. Gagner un lot.
Gagner quelqu'un, Lui gagner son argent
au jeu. Cet homme-là me gagne toujours. Je n'ai jamais pu le
gagner. Il gagne tout le monde.
Jouer à qui perd gagne, Jouer
à un jeu où l'on convient que celui qui perdra selon les
règles ordinaires, gagnera la partie. Cela se dit, figurément
et familièrement, Lorsqu'un désavantage apparent procure un
avantage réel.
Au Jeu de la paume, Au dernier la balle la
gagne, Pour gagner la chasse, il faut mettre la balle au dernier, ou
plus près du fond du jeu.
À certains Jeux, Telle carte
gagne, signifie que Celui qui a cette carte gagne ce qu'on y a mis.
Aux Loteries, Tel billet, tel numéro
gagne, Il est échu un lot à tel billet, à tel
numéro.
GAGNER, signifie encore,
Obtenir, remporter quelque chose que l'on désire. Il a
gagné le prix de la course, de la lutte. Vous ne gagnerez rien
à lui parler de cela. Je n'ai pu lui persuader cela, voyez si vous
y pourrez gagner quelque chose. Vous vous tourmentez inutilement pour cette
affaire, vous n'y gagnerez rien.
Il se dit, particulièrement, De
l'avantage que l'on remporte dans une lutte ou un débat quelconque;
et alors le régime indique l'espèce de lutte ou de
débat. Gagner une bataille, la bataille. Gagner sa cause. Gagner
son procès. Gagner une gageure, un pari. Gagner la partie.
Il se joint quelquefois avec la
préposition Sur, pour marquer sur qui l'on remporte
l'avantage. Il a gagné le prix sur un tel.
Gagner quelque chose sur quelqu'un, sur
l'esprit de quelqu'un, Lui persuader quelque chose, en obtenir quelque
chose. Je n'ai jamais pu gagner cela sur lui. On dit de même,
Tâcher de gagner cela sur vous, Faites cet effort sur vous,
faites-vous violence en cela, obtenez cela de vous.
Gagner temps, gagner du temps,
Ménager le temps, employer le temps pour avancer ou pour
différer. Écrivez par ce courrier pour gagner temps. Il fit
mille chicanes pour gagner temps, pour gagner du temps.
GAGNER, signifie aussi
figurément, Mériter. Il l'a bien gagné. Il gagne
bien l'argent qu'on lui donne. Il gagne bien son argent. Si je faisais cela
pour cette somme, je la gagnerais bien.
Ironiq., Il l'a bien gagné, se
dit De quelqu'un qui s'est exposé volontairement à un affront,
à une déconvenue, etc. Il n'a pas à se plaindre, il
l'a bien gagné.
Gagner le ciel, gagner le paradis,
Mériter d'aller dans le ciel, d'aller au paradis.
Gagner le jubilé, les
indulgences, Mériter les grâces qui y sont
attachées.
Gagner les oeuvres de
miséricorde, Faire des oeuvres de charité, gagner les
récompenses que Dieu a promises. Servir les malades, visiter les
prisonniers, c'est gagner les oeuvres de miséricorde.
GAGNER, signifie encore
figurément, Acquérir, en parlant Des coeurs, des esprits, etc.
Gagner le coeur de quelqu'un. Il m'a gagné le coeur. Gagner le
coeur des peuples. Sa bonté lui gagne tous les esprits. Ce ton de
franchise me gagna. Gagner l'amitié, l'affection, la bienveillance
de quelqu'un. Gagner les bonnes grâces du prince. Gagner les
suffrages, les voix.
Il signifie également, Attirer
quelqu'un à son parti, se le rendre favorable. Il faut gagner cet
homme-là, à quelque prix que ce soit, et l'avoir pour
nous.
Il se prend souvent en mauvaise part, dans le
sens de Corrompre. Il avait gagné le geôlier. Il avait
gagné les juges, les témoins, les gardes. Gagner quelqu'un
à force d'argent.
GAGNER, se dit aussi en
parlant Des avantages, des qualités qu'une personne ou qu'une chose
acquiert. Ce jeune homme gagne en modestie, ce qu'il perd en
vivacité. Le langage perdit en naïveté ce qu'il gagnait
en élégance et en finesse. L'art ne gagne rien à ces
innovations bizarres. On l'emploie souvent absolument. Ce jeune homme
a beaucoup gagné depuis que je ne l'ai vu. Cette femme gagne à
être vue aux flambeaux. Cette statue gagne à être vue de
ce côté. Cette pièce de théâtre gagne
beaucoup à la représentation.
Il gagne beaucoup à être
connu, Plus on le connaît, plus on l'estime. On dit dans le sens
contraire, Il ne gagne pas à être connu.
GAGNER, signifie en
outre, Prendre quelque mal, tomber dans un inconvénient. Je dois
bien me souvenir de ce voyage-là, j'y ai gagné un bon rhume.
J'y gagnai une pleurésie. C'est un mal qui se gagne facilement. Il
n'y a que des coups à gagner.
Gagner du mal, Prendre quelque maladie
honteuse.
GAGNER, signifie
quelquefois, S'emparer, se rendre maître. Gagner la contrescarpe.
Gagner la demi-lune, le bastion, etc. Gagner du terrain. Gagner le fort de
l'épée.
Fam., Gagner chemin, gagner pays,
Avancer, faire du chemin. Il est tard, gagnons chemin. Gagnons pays.
On dit aussi, Gagner du chemin, gagner du pays.
En termes de Marine, Gagner le vent, le
dessus du vent, Prendre le dessus du vent.
Fig. et fam., Gagner le dessus, Prendre
l'avantage, avoir l'avantage, surmonter.
GAGNER, signifie aussi,
Se diriger vers quelque endroit, et y arriver, y parvenir. Gagner le
rivage. Gagner la haute mer, le large. Gagner le gîte. Gagner le
logis. Il faut gagner le grand chemin pour arriver à ce village. Il
avait déjà gagné la frontière, lorsqu'on
l'arrêta. On dit dans un sens analogue: Gagner le temps. Gagner
l'heure. Etc.
Prov. et fig., Gagner au pied; gagner la
guérite, le haut; gagner les champs, le taillis; gagner le large,
S'enfuir.
Fam., Gagner la porte, Se diriger vers
la porte pour s'enfuir.
Gagner le devant, gagner les devants,
Partir avant quelqu'un, le dépasser en allant plus vite. Gagnons
le devant, les devants, pour arriver plus tôt qu'eux.
Gagner quelqu'un de vitesse, Arriver
avant lui, parce qu'on est allé plus vite. Gagner l'ennemi, gagner
un vaisseau, etc., Le joindre, l'attendre, ou même le
dépasser. On dit, en des sens analogues: La nuit nous gagne.
Hâtons-nous, le temps nous gagne.
Fig., Gagner quelqu'un de vitesse, Le
prévenir. Je voulais avoir cette place, mais il m'a gagné
de vitesse. On a dit aussi, dans le même sens, Gagner de la
main.
GAGNER, se dit encore,
tant activement que neutralement, Des choses qui font du progrès, qui
s'étendent, se propagent. Le feu gagnait déjà la
maison voisine. Le feu a gagné jusqu'au toit. L'eau a gagné
le second étage, jusqu'au second étage. La gangrène a
gagné le dedans, au dedans. La contagion gagna plusieurs quartiers
de la ville. La contagion gagna rapidement, gagna jusqu'à telle
province. Ces doctrines gagnèrent les hautes classes,
gagnèrent parmi le peuple.
Il se dit quelquefois Des besoins, des maux
qui se font sentir par degrés. La faim me gagne. Le sommeil
commençait à me gagner. Le froid m'avait déjà
gagné.
En termes de Manége, Gagner
l'épaule d'un cheval, Corriger par le secours de l'art quelque
défaut dans cette partie. Gagner la volonté d'un
cheval, Triompher, par la patience et par la douceur, de la
résistance de l'animal. Votre cheval vous gagne, Vous n'en
êtes plus le maître.
GAGNÉ, [GAGN]ÉE. participe.
Fam., Donner gagné, se dit D'une
personne qui reconnaît que son adversaire l'emporte, qu'il a
gagné. Je vous donne gagné. On dit aussi, Donner
cause gagnée, et dans un sens analogue, Avoir cause
gagnée.
Fig. et fam., Avoir ville
gagnée, Avoir remporté l'avantage qu'on se promettait.
Crier ville gagnée, Crier qu'on a remporté le prix,
l'avantage.