© août 2000 Gabrielle Saint-Yves
Le Québec a connu, au cours des dix dernières années, une période d'effervescence dans le domaine de la lexicographie. De nombreux dictionnaires de langue ont vu le jour durant cette période; certains d'entre eux ont suscité de vives réactions de la part d'organismes gouvernementaux, de la presse, ainsi que du public enseignant. Une grande polémique s'est développée autour de la question du contenu de ces ouvrages ainsi que des marques sociolinguistiques et normatives qu'on y trouve. En rapport avec les questions de langue et d'identité québécoises, qui sont centrales dans ces dictionnaires, se sont dégagées des opinions et des idéologies distinctes qui manifestent un profond désaccord quant à l'image sociologique que devrait refléter le dictionnaire de langue.
Ce débat linguistique, qui fait rage depuis le début des années 1980 (suscité par la parution du Dictionnaire de la langue québécoise, de Léandre Bergeron), n'a pas encore fait toute la place qu'il faudrait aux problèmes langagiers des minorités francophones hors Québec, notamment en ce qui a trait à la réception et à la fonctionnalité sociale, pédagogique et culturelle d'un dictionnaire fait au Québec et qui est appelé à être utilisé ailleurs au Canada et aux États-Unis. Les lexicographes québécois peuvent-ils ne pas écouter la voix des minorités francophones du continent nord-américain?
Nous avons examiné la place qu'occupe l'Acadie dans les nouveaux dictionnaires québécois, en particulier dans le Dictionnaire du français plus (DFP, 1988), dérivé d'un dictionnaire Hachette adapté pour le public francophone du Canada par le lexicographe Claude Poirier, et le Dictionnaire québécois d'aujourd'hui (DQA, 1992), qui dérive des dictionnaires Robert, adapté «en fonction de l'usage du français en Amérique du Nord» par le lexicographe Jean-Claude Boulanger. L'analyse métalexicographique que nous avons faite a été confrontée avec les intentions des auteurs telles qu'elles sont explicitées dans les préfaces.
Cette étude fait partie d'une recherche plus large sur la question de l'impact social du dictionnaire québécois qui a été inscrite comme thèse de doctorat à l'université de Toronto sous la direction du professeur Russ Wooldridge, spécialiste reconnu dans le domaine de la métalexicographie et de l'histoire des dictionnaires en France.
Le sujet dont nous traiterons dans cet article est le suivant: comment a-t-on, dans les nouveaux dictionnaires du Québec, pensé la situation des minorités francophones du Canada et plus spécifiquement celle de l'Acadie? Nous essayerons de dégager, à travers l'analyse de la partie liminaire du DFP et du DQA, quelles sont les intentions des auteurs. Nous examinerons ensuite la place de l'Acadie dans la macrostructure et la microstructure de ces deux dictionnaires.
Pour aborder la question d'un point de vue plus large, nous avons parcouru les préfaces de quelques dictionnaires faits en France, comme le Nouveau Petit Robert (1993), le Dictionnaire Hachette encyclopédique (1994) et le Petit Larousse (1993), pour voir la place que pouvait occuper la réalité acadienne dans ces ouvrages et avoir un point de comparaison. Nous présenterons donc un aperçu sommaire de cette recherche avant de passer à l'examen des dictionnaires québécois.
Le Nouveau Petit Robert (1993) fait mention, dans sa partie liminaire, qu'il tient compte de la variation régionale de la langue mais qu'il ne vise pas à se substituer aux dictionnaires couvrant des aires spécifiques; pour le Québec notamment, l'auteur de la préface incite les lecteurs à se reporter au DQA, qui est un produit de la maison Robert. Le nom Acadie figure une fois dans ce développement en parlant des territoires où l'on parle le français comme langue maternelle. On remarque cependant que le terme acadianisme ne figure pas dans la liste des termes désignant les particularités régionales: «[...] belgicismes, helvétismes, québécismes, africanismes, antillanismes, etc. [...]» (p. XIII).
Dans le dictionnaire lui-même, le mot acadien reçoit un traitement acceptable. Des mots acadiens typiques comme chiac et poutine ne font pas partie de la nomenclature du dictionnaire. Cette absence est révélatrice de la place qu'occupe la langue et la culture de cette minorité francophone. Par contre, l'Acadie est implicitement présente à l'article sagouin, par l'allusion qui est faite au roman d'Antonine Maillet, La Sagouine.
Il nous a été possible de consulter la liste des canadianismes qui sont inclus dans le Dictionnaire Hachette encyclopédique (1994). Cette liste, qui comprend 212 unités lexicales, a été tirée, pour l'essentiel, des textes préparatoires au DFP (qui est un produit Hachette). On ne rencontre, parmi ces mots du Canada, qu'un seul acadianisme, soit le mot poutine râpée. On trouve cependant dans l'ouvrage un long développement encyclopédique à propos du nom Acadie (inspiré de l'article acadien du DFP); de plus, le terme acadianisme fait l'objet d'un article. D'autre part, il n'y a pas de référence littéraire à l'oeuvre d'Antonine Maillet dans la définition du mot sagouine.
Le Petit Larousse (1993) n'indique pas dans sa partie liminaire qu'il a tenu compte des acadianismes; le terme acadianisme n'est pas non plus inclus dans sa nomenclature. La définition du mot acadien est très succincte; les mots chiac, aboiteau et poutine râpée sont absents du dictionnaire. Le Petit Larousse ne parle pour ainsi dire pas de la réalité francophone canadienne hors Québec.
Ce parcours des préfaces et du contenu de quelques dictionnaires français nous a permis de voir que l'Acadie occupe une place marginale dans ces ouvrages. La situation est-elle meilleure dans les dictionnaires faits au Québec? Pour répondre à cette question, nous avons examiné de la même façon les parties liminaires ainsi que le contenu du DFP et du DQA.
Les données que nous avons réunies ici proviennent d'un travail que nous avons effectué à Québec, à l'été 1994. Nous avons rencontré les auteurs des deux dictionnaires, Claude Poirier et Jean-Claude Boulanger, qui nous ont fourni des renseignements précieux pour notre recherche. Nous avons par la suite examiné nous-même les deux ouvrages en comparant les articles et en faisant divers sondages.
Les textes d'introduction du DFP sont au nombre de trois: la note de l'éditeur, l'avant-propos de Pierre Auger et de Normand Beauchemin et la présentation du dictionnaire par le rédacteur principal, Claude Poirier. C'est surtout ce dernier texte, écrit par l'artisan même de l'ouvrage, qui nous aidera à vraiment comprendre l'orientation du dictionnaire, le public cible, le contenu de l'ouvrage et, ce qui nous importe surtout ici, l'intérêt porté à l'Acadie.
Le DFP est le premier dictionnaire qui se soit intéressé à la dimension lexicale, culturelle, littéraire, historique et géographique de l'Acadie. Si l'on examine la note de l'éditeur, on remarquera que c'est la «réalité canadienne et nord-américaine» qui fait l'objet de la description. L'avant-propos met l'accent sur l'importance de la francophonie canadienne et de ses apports d'ordre lexical; le terme canadianisme y est présenté comme un terme général recouvrant les québécismes et les acadianismes (DFP, p. IX).
Le public cible est celui du Québec et de la francophonie d'Amérique: le DFP «est en effet le premier dictionnaire de français à s'adresser en priorité aux Québécois et aux Canadiens francophones [...]». Poirier consacre, dans sa préface du DFP, une grande place à l'Acadie. Il faut mentionner que le contenu québécois de ce dictionnaire découle d'un projet lexicographique beaucoup plus vaste, en cours depuis une vingtaine d'années, qui vise à réaliser un dictionnaire historique des particularités du français québécois. Si l'on en juge par l'échantillon donné en 1985, l'Acadie occupera une place significative dans cet ouvrage intitulé Dictionnaire du français québécois.
Pour revenir au DFP, on constate que Poirier a voulu recueillir les acadianismes les plus représentatifs. Toutefois, l'auteur souligne que les Acadiens ne se sont pas encore prononcés quant à ce qui devrait être inclus dans le dictionnaire. Dans son compte-rendu du DFP publié dans le Bulletin du Centre de recherche en linguistique appliquée de l'Université de Moncton, Glenn Moulaison (étudiant à la maîtrise) ne fait pas de commentaire sur le contenu acadien de l'ouvrage. Il note la présence d'acadianismes avec un certain étonnement mais ne porte malheureusement pas de jugement sur la pertinence des choix. Dans son introduction, Poirier laisse entendre que le nombre d'acadianismes est appelé à augmenter dans les éditions subséquentes de l'ouvrage. Parmi les exemples qu'il donne dans la présentation du dictionnaire figurent les acadianismes coquemar, poulamon et verne.
La partie liminaire du DQA est divisée en deux sections: la première a été écrite par un chansonnier québécois bien connu d'origine acadienne, c'est-à-dire Gilles Vigneault. La deuxième partie est rédigée par l'auteur du dictionnaire avec la participation de ses collaborateurs.
Dans le texte poétique de Vigneault, l'Acadie occupe une place importante. Quant à l'introduction de Boulanger, elle tient à informer les utilisateurs du public cible: ce dictionnaire s'adresse «tant au public des niveaux secondaire et collégial qu'à l'ensemble des francophones de l'Amérique du Nord» (p. IX). C'est essentiellement l'usage courant du français en Amérique du Nord, notamment au Québec et en Acadie, que l'auteur dit avoir décrit dans le dictionnaire.
Les particularismes québécois ne sont pas marqués dans le dictionnaire. C'est le français du Québec qui est envisagé «comme un tout très cohérent du point de vue historique» (p. XXI). Les notations d'usage géographique sont réduites au minimum. Même si la préface semble attribuer une place importante au patrimoine culturel acadien, Boulanger reconnaît lui-même qu'il n'a retenu pour l'Acadie que quelques exemples: aboiteau et chiac (ibid.).
Vers la fin de la deuxième partie liminaire du DQA, on comprend que l'usage décrit dans l'ouvrage est celui du Québec mais que l'on considère que cet usage correspond à celui de l'ensemble du Canada.
Les auteurs des deux dictionnaires examinés semblent avoir considéré que le fait de décrire le français du Québec constituait de facto une contribution à la description du français canadien dans son ensemble, puisque les traits distinctifs du français canadien par rapport au français de France sont, pour la plupart, connus dans tout le Canada francophone.
À plus forte raison est-on en droit de penser que les parlers français hors Québec sont pris en compte quand on parle d'usages canadiens, ou encore quand on parle de réalités canadiennes ou nord-américaines. L'Acadie occupe donc ainsi, de façon indirecte, une certaine place dans ces ouvrages. Nous avons relevé quelques-unes de ces mentions implicites dans chacun des deux dictionnaires.
Mais ce qui nous importait davantage était de faire le bilan des références directes à l'Acadie et à ses usages linguistiques spécifiques dans ces ouvrages. Nous avons donc établi la liste de toutes les mentions explicites à ce sujet que nous avons pu trouver à la lumière des indications que nous ont données les auteurs et des recherches que nous avons faites dans le DFP et dans le DQA.
Un certain nombre de faits acadiens sont couverts par des mentions de type géographique qui sont utilisées dans la définition de mots renvoyant à des réalités nord-américaines; par exemple, sous le mot province, on peut lire: «province du Nouveau-Brunswick» (p. 1351).
Les exemples suivants font état de réalités communes relatives à la faune:
s.v. avocette: «L'avocette d'Amérique [...] habite la partie méridionale des Prairies canadiennes» (p. 135);
s.v. bec-scie: «Canard plongeur nord-américain [...]» (p. 161);
s.v. castor: «Emblème animal du Canada, le castor figure sur les pièces de 5 cents» (p. 257);
s.v. chevreuil: «Cervidé américain [...]. [...] un des plus importants gibiers en Amérique du Nord» (p. 294).
Les passages suivants évoquent de façon manifeste des réalités communes relatives à la flore:
s.v. ail: «Ail des bois: au Canada, variété sauvage d'ail [...] utilisé traditionnellement en cuisine» (p. 40);
s.v. bleuet: «Le bleuet nain a une aire de distribution très vaste dans l'est de l'Amérique du Nord» (p. 182);
s.v. érable: «La feuille de l'érable à sucre a été choisie comme emblème du Canada; on la retrouve, stylisée, sur le drapeau canadien»; «Les érables indigènes au Canada ont tous des feuilles simples et lobées [...]» (p. 616).
L'expression Confédération canadienne (s.v. confédération) fournit, quant à elle, l'occasion de faire mention de réalités communes relatives à l'administration et à la politique:
«La Confédération (canadienne): l'association des provinces canadiennes, qui reconnaît d'importants pouvoirs au gouvernement central (le fédéral)» (p. 353).
On trouve, dans les définitions portant sur des termes géographiques spécifiques, des références relatives au territoire où vivent les Acadiens:
s.v. atlantique: «Les Provinces atlantiques: Terre-Neuve et les Provinces Maritimes» (p. 115);
s.v. maritime: «Les Provinces maritimes, ou les Maritimes: les provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard» (p. 1003).
Enfin, il est fait mention d'un roman acadien à propos du mot sagouine, lequel n'est pas proprement acadien: «La Sagouine, roman d'Antonine Maillet» (p. 1489).
2.2.1.2 Références explicitesOn fait mention de l'Acadie dans un certain nombre de développements encyclopédiques du dictionnaire, dans la formulation de certaines définitions et dans des explications de nature linguistique qui complètent des définitions. Voici les passages concernés.
Dans des développements encyclopédiques:
s.v. anglican: «C'est à l'occasion de la conquête de l'Acadie (1710) et de celle de la Nouvelle-France (1760) que l'Église anglicane prit racine au Canada [...]» (p. 71);
s.v. bayou: «C'est le long des bayous que s'étaient fixés les Acadiens arrivés en Louisiane au XVIIIe siècle [...]» (p. 159);
s.v. bombe: «[...] coquemar est de nos jours confiné à l'Acadie [...]» (p. 187);
s.v. cajun: [Étymol.] «Altér. de acadien. [Encycl.] [...] plusieurs centaines de réfugiés acadiens arrivèrent en Louisiane: ils furent à l'origine du groupe cajun (déformation américaine d'`Acadien')» (p. 226);
s.v. cayen: [Étymol.] «De Cadien, `habitant de l'Acadie, anc. la Cadie'.»; [Encycl.] «Le gentilé [...] rappelle les origines géographiques des premiers habitants du lieu, des Acadiens» (p. 263);
s.v. diphtongue: «La diphtongaison n'est pas [...] universelle, au Québec; par exemple, les parlers [...] qui sont apparentés au français acadien [...] ne l'utilisent pas» (p. 510);
s.v. épinette: «Dans le domaine acadien, le mot en usage est prusse, variante de pruche [..]» (p. 610);
s.v. franco-américain: «Nombreux aussi furent les Canadiens d'origine acadienne à traverser la frontière pour s'installer aux États-Unis [...]» (p. 706);
s.v. halloween: «Elles [ces pratiques] se sont perpétuées [...] en Acadie (Nouvelle-Écosse) où Halloween s'appelait le `soir des tours'» (p. 783);
s.v. pêche: «Pendant la période de colonisation française, l'Acadie et la Gaspésie se développèrent grâce aux pêcheries du golfe [...]» (p. 1214);
s.v. religieux: «Les jésuites séjournèrent d'abord en Acadie [...]» (p. 1427);
s.v. seau: «Des prononc. en -iau sont attestées de façon sporadique en français du Québec (et aussi en français acadien) aux XVIIe et XVIIIe s.» (p. 1516).
Dans des définitions ou dans des compléments à la définition:
s.v. acadianisme: «Mot, locution ou tournure propre au français d'Acadie» (p. 9);
s.v. canadianisme: «Le terme canadianisme est aujourd'hui une appellation générale englobant les acadianismes et les québécismes» (p. 234);
s.v. canadien: «Le français canadien (ou franco-canadien) comprend deux variétés principales, le québécois et l'acadien» (p. 234);
s.v. franco-: «Franco-canadien. Franco-acadien. Franco-québécois» (p. 706);
s.v. franco-canadien: «De nos jours, on emploie plutôt les appellations spécifiques (français) québécois [...] (français) acadien, français ontarien [...]» (p. 706);
s.v. québécisme: «Le terme canadianisme [...] est aujourd'hui une appellation générale englobant les acadianismes et les québécismes» (p. 1371);
s.v. rhinante: «Plante à fleurs jaunes [...] dont une variété est cour. appelée crête de coq et «graines de Boston» par les Acadiens des îles de la Madeleine» (p. 1460).
De plus, on évoque à quelques reprises le cas de l'Acadie dans la partie annexe du dictionnaire, dans le développement intitulé: «L'expansion du français hors de France» (p. 1854-1855).
Fait plus important, on trouve dans ce dictionnaire des mots spécifiquement acadiens, du moins de nos jours (puisque certains d'entre eux ont pu être connus au Québec, à époque ancienne), ou employés surtout en Acadie. En voici la liste:
aboiteau: «En Acadie, digue élevée pour la récupération des terres littorales à des fins de culture» (p. 4);
bouscueil: «Rare (acad. ou litt.) Mouvement des glaces sur la mer lors du dégel printanier [...]» (p. 199);
coquemar: «(Acadie) Bouilloire» (p. 380);
s.v. croquignole: «Pfs croquecignole, surtout en Acadie» (p. 417);
fayot: «(Acadie) Plante légumineuse du genre Phaseolus [...]» (p. 665);
mitan: «Vx ou rég. (notam. en Acadie). Milieu» (p. 1053);
nonante: «adj. num. cardinal. Acadie (vieilli), Belgique, Suisse. Quatre-vingt-dix» (p. 1118);
paire: «Rég. Mamelle d'une bête d'élevage [...]. Usité surtout dans l'est du Québec [...] jusqu'en Acadie (où l'on utilise plutôt le mot remeuil) [...]» (p. 1176);
poulamon: «Poisson ressemblant à une petite morue [...]. [Étymol.] Mot acadien, probabl. d'origine amérindienne» (p. 1309);
s.v. poutine: «Poutine râpée: mets acadien [...]» (p. 1313);
prusse: «Nom cour. de l'épinette en Acadie» (p. 1352);
remeuil: «(Acadie) Mamelle d'une bête d'élevage [...]» (p. 1429);
septante: «adj. num. cardinal. Acadie (vieilli), Suisse, Belgique. Soixante-dix» (p. 1530);
verne: «(Acadie) Aulne [...]. Var.: vergne. [...] [Encycl.] Le mot verne [...] est courant en Acadie et dans quelques localités québécoises où se sont implantées des familles acadiennes [...]» (p. 1751).
L'auteur a inclus des exemples littéraires acadiens sous les deux mots suivants:
s.v. mitan: «Non, un houme peut pas, coume ça, lâcher la mer en plein mitan de sa vie» (Antonine Maillet, Gapi et Sullivan, 1973) (p. 1053);
s.v. prusse: «Ils nous l'avont grignotée [la terre], bouchée par bouchée, pis ils y avont replanté du pruce pour leu moulin à scie.» (Antonine Maillet, Évangéline Deusse, 1975) (p. 1352).
On rencontre des références géographiques aux régions habitées par les Acadiens, par exemple dans les articles suivants:
s.v. atlantique: «Les Provinces Atlantiques: Les Provinces maritimes* et Terre-Neuve» (p. 70);
s.v. maritime: «Les Provinces maritimes, celles qui touchent l'océan Atlantique (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard)» (p. 717).
Les articles portant sur la faune et la flore canadiennes concernent l'Acadie comme les autres parties du Canada, par exemple:
s.v. castor: «Emblème animal du Canada. Le castor figure au revers de la pièce de 5 cents» (p. 167);
s.v. érable: «La feuille d'érable est l'emblème national du Canada» (p. 431).
D'autres articles illustrent des références communes à la politique, entre autres:
s.v. confédération: «La Confédération canadienne: l'association politique formée par les dix provinces du Canada [...]» (p. 233);
s.v. fédération: «Les dix provinces canadiennes forment une fédération» (p. 481).
Dans la partie annexe du dictionnaire concernant la chronologie des faits historiques de l'humanité (pages bleues), on trouve des références communes à l'histoire du Canada et de l'Acadie, par exemple à propos de l'année 1867:
«Naissance de la Confédération canadienne: le Québec, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse en font partie».
Dans la partie «langue» de l'ouvrage, on fait référence à l'Acadie à propos de mots qui renvoient à des réalités acadiennes ou de mots qui sont mis en relation avec des réalités acadiennes.
s.v. acadien, ienne: «De l'Acadie. L'histoire et les coutumes acadiennes» (p. 6);
s.v. acadianisme (classé sous le précédent): «Mot, sens, locution ou tournure propre au français acadien. [...] Le mot chiac est un acadianisme» (p. 6);
s.v. canadianisme (classé sous canadien): «Mot, sens, locution ou tournure propre au français du Canada. Acadien» (p. 155);
s.v. canadien: «Les Canadiens français. Acadien» (p. 155);
s.v. franco-acadien (classé sous franco-): «adj. et n. m. Relatif à une variété de français en usage en Acadie. Des mots franco-acadiens. N. m. Le franco-acadien, cette variété de français» (p. 513);
s.v. québécisme (classé sous Québec): «Fait de langue (mot, sens [...]) propre au français du Québec. [...] acadianisme» (p. 966).
On rencontre dans le DQA quelques emplois lexicaux qui sont spécifiques à l'Acadie:
s.v. aboiteau: «(Surtout en Acadie) Digue [...]» (p. 3);
s.v. chiac: «1. (Avec une majusc.) Surnom, sobriquet donné aux Acadiens. Des Chiacs. [...] 2. N. m. Le chiac, le parler populaire acadien. Ils parlent le chiac. En appos. Parler chiac» (p. 191);
s.v. poutine: «2. Acadie. Boulette de pommes de terre râpées farcie de viande de porc, cuite à l'eau bouillante» (p. 922).
Dans la partie des noms propres, le DQA présente les articles suivants:
Antonine Maillet: «Écrivaine acadienne (née en 1929) [...]» (p. 192);
l'Acadie: «Région du Canada [...]. les Acadiens, habitants francophones de l'Acadie [...]» (p. 2).
Dans la partie annexe relative aux gentilés et aux toponymes, on retrouve les gentilés Acadien, Néo-Brunswickois, Néo-Écossais, Prince-Édouardien, Terre-Neuvien de même que les toponymes qui leur ont donné naissance, Acadie, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve.
On se rend compte, au terme de cette analyse, que la réalité acadienne occupe une place plus importante dans les nouveaux dictionnaires québécois que dans les dictionnaires français que nous avons examinés sous le point 1. Il reste que le français acadien et les références à l'Acadie, implicites ou explicites, demeurent complémentaires à la description d'une autre réalité linguistique et culturelle, à savoir celle du Québec. Des deux dictionnaires québécois examinés, le DFP est celui qui va le plus loin sur ce plan; on peut même dire que ce dictionnaire ouvre une voie intéressante à cet égard, mais malgré tout insuffisante pour les utilisateurs acadiens.
Les lexicographes québécois ont adopté, depuis une quinzaine d'années, une orientation plutôt autonomiste par rapport à l'usage de France dans le but de donner une certaine légitimité aux usages linguistiques québécois. La situation nouvelle qui est ainsi créée remet en question les façons de faire traditionnelles en ce qui a trait à l'utilisation des dictionnaires. La révolution lexicographique québécoise oblige à repenser à la notion de norme linguistique, au modèle linguistique qui est proposé aux apprenants dans la salle de classe et au type d'ouvrage de référence dont on veut disposer dorénavant pour enseigner le français en Ontario, au Manitoba et plus particulièrement en Acadie.
Pour qu'il soit possible de progresser dans cette réflexion, il est nécessaire que les Acadiens, les Franco-Ontariens, les Franco-Manitobains fassent connaître leur avis et leurs réflexions théoriques concernant l'ensemble de ces questions. Comme cette problématique se situe au centre de notre recherche, nous sommes à l'écoute de ceux qui accepteraient de nous faire connaître leurs réactions afin que nous puissions analyser, d'un point de vue éclairé, la dimension sociolinguistique de l'impact des nouveaux dictionnaires du Québec sur les minorités francophones du continent nord-américain.
Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980.
Dictionnaire du français plus à l'usage des francophones d'Amérique (Claude Poirier, rédacteur principal), Montréal, Centre éducatif et culturel Inc., 1988.
Dictionnaire Hachette encyclopédique, sous la direction de Marc Moingeon, Paris, Hachette, 1994.
Dictionnaire québécois d'aujourd'hui, rédaction dirigée par Jean-Claude Boulanger, Saint-Laurent, DicoRobert Inc., 1992.
Le nouveau Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, 1993.
Le Petit Larousse illustré 1993, Paris, Larousse, 1992.
Moulaison, Glenn, compte rendu du Dictionnaire du français plus, dans Bulletin du CRLA, vol. 1, no 1, Université de Moncton, nov. 1989, p. 34.