La Lexicographie québécoise: bilan et perspectives. Actes du colloque organisé par l'équipe du Trésor de la langue française au Québéc, Université Laval, 11-12 avril 1985, publiés par L. Boisvert, C. Poirier et C. Verreault.
Presses de l'Université Laval, 1986, xii-308 pp.
© 1987, 2001 R. Wooldridge
 

Les actes, comme tout autre genre de transcription de la parole, ne sont qu'un pâle reflet figé de l'événement dynamique dont ils font état. Les Actes du colloque de Laval d'avril 1985 laissent deviner toutefois l'ambiance enthousiaste créée par l'équipe du TLFQ fière de sortir le volume de présentation du Dictionnaire du français québécois (voir UTQ, vol. 55) et la foule de participants – les organisateurs en avaient escompté au départ une quarantaine, ils en ont recensés plus de 140 effectivement présents – venus saluer cette première réussite et partager un moment capital pour l'avenir de la lexicographie québécoise et, au delà, – l'on sait l'importance du dictionnaire de référence pour l'identité linguistique – pour l'affermissement du français québécois.

Les Actes de ce premier colloque consacré à la lexicographie québécoise – la rencontre a eu le mérite, entre autres, de prouver clairement qu'elle est solidement établie et que la concertation des efforts n'est peut-être plus un vain espoir – dégagent fidèlement le fil conducteur des propos échangés. Depuis la mise en place par F.-J. Hausmann, dans la première communication, d'un cadre théorique situant le dictionnaire complet par rapport au dictionnaire différentiel jusqu'à la dernière intervention d'une des participantes, on n'a cessé de répéter: "ce dont les usagers ont besoin, c'est vraiment un dictionnaire complet" (P. Vachon-L'Heureux, p. 300). Le passage du théorique au pratique – on s'était auparavant beaucoup acharné sur le noeud gordien des définition et terminologie du régionalisme – s'est effectué de façon éclatante par la communication de V. Gadbois plaidant la cause des professeurs de français qui "rêvent d'un dictionnaire du français québécois moderne et lexicographiquement sûr" (p. 129). S'il est vrai que le DFQ – dictionnaire différentiel – ne répondra pas en soi au besoin d'un dictionnaire général du français canadien, il en favorise grandement, par son autorité documentaire et scientifique incontestée, la réalisation. Certains éléments sont acquis ou ont été proposés: idée d'une collaboration entre enseignants et TLFQ (échange Gadbois-Poirier, pp. 281-2); possibilité de la mise à contribution du français fondamental en voie de préparation à Sherbrooke (Poirier-Beauchemin, pp. 167-8); stratégie d'insertion des toponymes et anthroponymes (Dugas); disponibilité croissante de documents lexicographiques et linguistiques: atlas (voir Bergeron), répertoire du français écrit (Cardinal), régionalismes québécois usuels (Boulanger). La barrière qu'a toujours représenté pour la réalisation d'un dictionnaire complet la recherche d'une norme québécoise (UTQ, vol. 54) n'a pas résisté à certains assauts: les pratiques langagières de la "nouvelle classe moyenne" et des media audio-visuels (Gendron), le point de référence fourni par le DFQ (Maurais, Poirier) faciliteront la définition d'une norme appropriée.

Tout ne baigne pas dans l'huile pourtant. L'attendue confrontation Université/Office (descriptif/prescriptif) eut lieu. A écouter un certain type de discours, on aurait pu croire que l'entreprise du TLFQ n'existait pas (voir p. 56). En revanche, l'existence du DFQ, qui serait en fait un dictionnaire du français canadien, a gêné G. Donovan de par l'intitulé exclusif "québécois" (pp. 297-9). Impérialisme québécois?

Compte rendu d'un rassemblement bouillonnant, ces admirables Actes sont la preuve que la lexicographie québécoise est vigoureuse et fait un travail important. Que de chemin parcouru depuis la publication, il y a dix ans, des Problèmes de lexicologie québécoise de M. Juneau (UTQ, vol. 47).