Le Dictionnaire des canadianismes (DC) est un recueil alphabétique de mots québécois et acadiens, précédé d'une présentation (v-vi), d'une préface (de Pierre Auger, vii-viii), d'un guide d'utilisation (de A. Bourret et J. Des Chênes, ix- xii), d'une liste de symboles et d'abréviations (xii-xiii) et d'une carte de localités linguistiques avec légende (xiv-xvi). Les sources documentaires du DC sont les notes de lecture de l'auteur (communément appelées "Fichier Dulong") et son Atlas linguistique de l'Est du Canada (1980). Le vocabulaire consigné dans le DC relève surtout de la langue rurale traditionnelle, mais aussi du milieu géographique, des institutions socio-politiques et des activités et préoccupations contemporaines (Dulong cite, dans la Présentaion, les sports et la drogue). Selon la Présentation, s'y trouvent également des mots d'argot, mais non les jurons et les sacres "dont est encore friande une certaine partie de nos compatriotes qui en fait par ailleurs une surconsommation" (v). Sont particulièrement ciblés des anglicismes qui seraient à chasser, ainsi que des fautes de morphologie, de syntaxe et d'orthographe, le DC se voulant à la fois descriptif et correctif (vi). Une attention particulière est donnée à la localisation de termes propres à telle ou telle région.
Comme l'auteur précise que "le choix des mots retenus est strictement personnel" (v), nous nous limiterons ici à un examen de sa méthode de présentation. Le Guide d'utilisation fait état du nombre important de mots relevant exlusivement du registre oral et représentant la vie, la culture et les réalités québécoises et acadiennes (ix); en revanche, le même Guide signale que le signe "#" est utilisé pour souligner qu'un terme est à déconseiller, parce que, entre autres, il est attesté surtout sous forme orale (xi) ÄÄ déclarations donc apparemment contradictoires. Les formes orales sont également absentes de la nomenclature, les vedettes étant présentées exclusivement sous forme orthographique. Le DC, annoncé comme descriptif et correctif, est aussi normatif puisque les définitions sont formulées en français standard (x). La correction prend deux formes: a) le signe "#" signifiant, soit mot à déconseiller car surtout oral (voir ci-dessus), soit emploi fautif (le Guide cite, entre autres, aiguise-crayon employé pour taille-crayon (xi)); b) le signe "@" destiné à mettre l'utilisateur en garde contre l'usage d'un anglicisme pour lequel il existe déjà un équivalent français (le Guide cite faker pour simuler (x)).
La mise en pratique de ce dernier système pose problème. Il y a trois types de réalisations: 1) "NECKYOKE @ Syn. courge"; 2) "NAPHTA @ Naphte"; 3) "BRACER @ Poser des contre-fiches à une charpente", "SPEED @ Variété de drogue sous forme de comprimés, de pilules". Le type 1 fonctionne normalement: neckyoke, anglicisme à proscrire, a comme équivalent français courge. Le type 2 est ambigu: la définition "Naphte" serait en fait à interpréter "Syn. naphte". Le type 3, en l'absence et d'un synonyme explicite et d'une définition interprétable en synonyme, résulte en la censure, non seulement du mot, mais également du concept. Pour les mots en Br et Sp, nous trouvons comme autres exemples du type 3: BRACKET, BRAKE-CHAIN, BREECHES, BRENCHE- BRENCH, brique à feu (sous BRIQUE), BROILER; SPOTTEUR (à moins de dire chaque fois "agent de police en moto"), SPUD. Pour huile électrique "(angl. eclectric [sic] oil) @", le DC propose le synonyme painkiller, qualifié à sa place alphabétique d'anglicisme non à proscrire; dans ce cas, le système peut être considéré comme fonctionnant normalement puisqu'il n'y aurait pas d'équivalent "français". A propos de "français", la présence, non commentée, dans la liste d'abréviations de "fam. en français" (à côté de "fam."), de "pop. en fr.", "rég. en fr." et "vx en fr." laisse entendre qu'il s'agit de français de France.
Le DC renforce l'image d'un français canadien marginal et d'une lexicographie d'amateur (dans la lignée de Bélisle et de Bergeron), image heureusement combattue par le Dictionnaire du français québécois (UTQ, 55) et le Dictionnaire du français plus (UTQ, 59). Il offre néanmoins au public général un important recueil d'usages canadiens, accompagnés souvent de précieuses indications de localisations régionales.