Avant-propos

Le Thresor de la langue françoyse de Jean Nicot est la clef du développement de la lexicographie française. Somme de quatre éditions du Dictionaire françois-latin de Robert Estienne, oeuvre qui trace le chemin menant du dictionnaire latin à l'affirmation du français comme sujet premier d'un lexique français-latin, il revêt, à travers les contributions de Nicot, le caractère d'un dictionnaire français monolingue. Ce faisant, il ouvre la voie aux dictionnaires de Richelet, de Furetière, de l'Académie française et de lexicographes postérieurs tels que Littré et Dubois. Il n'est pas exagéré de dire que l'article de dictionnaire, du moins en ce qui concerne la lexicographie française, a été élaboré par Nicot. À peu près tout type d'information ainsi que tout procédé de description utilisés depuis dans un dictionnaire français se trouvent déjà dans les pages du Thresor.

En conséquence de son caractère complexe et du manque d'une organisation rigoureuse de ses informations, le Thresor, dans son rôle de trésor de la langue française du seizième siècle, pose à l'utilisateur moderne un certain nombre de problèmes de consultation. Il faut souvent lire le Thresor, plutôt que de le consulter à la manière d'un ouvrage de référence moderne.

Dans le présent ouvrage, le Thresor et les quatre éditions du Dictionaire françois-latin sont examinés de trois points de vue fondamentaux. En premier lieu, par l'étude comparative des déclarations liminaires faites par le lexicographe, l'imprimeur ou le libraire, nous cherchons à déterminer de façon précise la filiation des différentes éditions et impressions et des intentions de chacune d'elles (ch. 1: Du dictionnaire latin au dictionnaire francais). Ensuite, sont analysés le contenu et, surtout, la structure du texte du dictionnaire, cette fois du point de vue de l'utilisateur (moderne): que peut-il s'attendre à rencontrer dans chaque édition du dictionnaire, et dans quelle mesure la nature réelle de chaque édition coïncide-t-elle avec son caractère voulu (ch. 2: Le dictionnaire consultable)? Comme corollaire de la deuxième partie, dans laquelle l'examen du texte du dictionnaire porte essentiellement sur sa consultabilité, il est fait une étude du texte non systémique, c'est-à-dire des items d'information et des emplois d'unités lexicales (ils sont nombreux) qui, dans un texte clos, figureraient dans la nomenclature, mais qui, en fait, ne se rencontrent que par hasard (ch. 3: Les découvertes de lecture). Il est fait dans une dernière partie une synthèse du dictionnaire consultable et du dictionnaire-corpus, le premier accessible par la nomenclature imprimée, le second rendu accessible par le texte informatisé (ch. 4: Le texte comme dictionnaire et corpus).

Nous ne prétendons pas avoir epuisé le champ d'exploration que nous nous sommes assigné. Nous espérons, néanmoins, que cet ouvrage rendra service au seiziémiste comme à l'utilisateur et à l'analyste de dictionnaires en général.

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