FRE 272Y5
The Structure of Modern French: An Introduction

Premier trimestre
Notes de la semaine 6
(L&B, ch. 8 & 9)

1. Phonologie, phonématique et prosodie

La phonologie se divise en deux parties, déterminées par la taille des unités considérées (cf. L&B, p. 81) : la phonématique concerne l'étude des phonèmes (niveau des unités distinctives), alors que la prosodie s'intéresse à l'accentuation et à l'intonation (niveau des groupes de sens et de la phrase).

2. L'accentuation (cf. L&B, ch. 8)

L'accentuation concerne avant tout l'accent tonique, que l'on retrouve dans toutes les langues. Si le concept est facile à comprendre, sa mise en oeuvre varie, n'étant pas la même en anglais et en français, par exemple. La place de l'accent tonique est très variable en anglais, cause donc de difficultés d'apprentissage ; pensez, par exemple, aux mots longevity et longitude : l'accent tonique se place sur la deuxième syllabe du premier mot, sur la première du second. Et, pour un même mot, l'accent tonique ne se place pas nécessairement au même endroit dans différentes variétés de l'anglais, l'anglais canadien et l'anglais britannique, par exemple.

Heureusement pour les apprenants du français et pour l'étude de cette langue, l'accent tonique se place toujours au même endroit, qui est la dernière syllabe d'un groupe de mots. Le manuel (L&B, p. 74) donne l'exemple suivant (l'accent tonique est figuré par l'italique) :

L'accent tonique est marqué par la durée (plus longue que pour les autres syllabes du groupe), l'intensité (plus forte que pour les autres syllabes) et la variation mélodique (montante ou descendante). C'est sans doute l'intensité qui est le facteur le plus conscient chez le locuteur et chez l'interlocuteur.

L'accent tonique sert notamment à marquer la frontière entre les groupes de mots, qui sont des groupes de sens. Le manuel (L&B, p. 74) donne l'exemple du découpage de la phrase "Demain matin, je partirai vers huit heures." Cette phrase contient trois idées : ce qui se fera à une certaine période du futur (demain matin, locution adverbiale de temps), l'action qui sera prise pendant cette période (je partirai, sujet et verbe) et le moment précis auquel cette action sera prise (vers huit heures, autre locution adverbiale de temps). Ce sont l'intensité, la durée et le changement mélodique qui marquent la fin de chaque groupe de sens. Il y a donc trois groupes de sens ; on peut remarquer que, par une convention de la ponctuation, la version écrite met une virgule après le premier groupe de sens.

Groupe de sens et groupe rythmique sont deux noms pour le même phénomène. Pour pouvoir donner du sens à ce qu'on entend, on a besoin d'entendre des découpages de la chaîne parlée. Pensez aux effets comiques d'incompréhension d'une transcription telle que "demainmatinjepartiraivershuitheures".

Grammaire + sens. Une analyse grammaticale (par exemple, sujet + verbe) ne suffit pas pour déterminer les groupes rythmiques : si je partirai forme un seul groupe de sens, c'est parce que le pronom est sémantiquement contenu dans la forme verbale de la première personne du singulier ; si on a déjà parlé de Marie, le syntagme "elle partira" sera dit et perçu comme un seul groupe ; mais lorsque le sujet est nominal et non pas prénominal, l'information qu'il apporte demande une certaine attention d'articulation et de perception. Si la conversation n'a pas fait mention jusque là du juge, la déclaration "le juge partira" demandera un accent tonique sur la syllabe de juge et il y aura donc deux groupes de sens, même si on ne marque aucune pause réelle entre le sujet et le verbe (cette idée est développée dans la discussion de l'intonation – voir ci-dessous "Le médecin..."). A fortiori, le sujet "tous les éléments phoniques" (exemple pris dans L&B, p. 74), qui contient sept syllabes, demande à être considéré comme groupe rythmique, ou groupe de sens, distinct du prédicat "s'enchaînent...".

Après un certain nombre de syllabes – le nombre dépend en grande partie du débit de la prononciation – on a besoin de reprendre souffle. On veille bien sûr, comme dans le chant, à reprendre souffle à un moment qui n'a pas d'effet négatif sur la réception, sur la logique du sens. La fin d'un groupe de souffle coïncide donc normalement avec la fin d'un groupe de sens. Ne confondons pas donc groupe de sens, ou groupe rythmique, d'une part, et d'autre part groupe de souffle.

La durée de tout accent tonique et la reprise d'haleine au bout d'un groupe de souffle créent des pauses réelles ou virtuelles. Plus le lien entre A et B est étroit, plus la pause sera brève ou virtuelle ; plus il y a de distance entre A et B (A et B sont deux phrases ou B introduit une nouvelle idée, par exemple), plus la pause sera longue et mesurable (concrète).

La chaîne parlée du français, composée de syllabes et non de mots, est souvent ambigüe. Le manuel (L&B, p. 74) donne l'exemple de "des petites roues" et "des petits trous" dont la prononciation est identique. Le groupe rythmique n'y peut rien, mais dans d'autres cas, ce sont les groupes de sens qui permettent de préciser le sens d'une séquence qui autrement serait ambigüe. Le manuel (L&B, p. 74) donne de bons exemples de désambigüisation :

La variation accentuelle est parfois indiquée dans le code écrit par la ponctuation.

L'accent d'insistance. Alors que l'accent tonique apparaît dans tout discours oral, l'accent d'insistance n'y apparaît qu'exceptionnellement. On peut insister sur certains types de mots mais pas sur tous. Les mots exclamatifs, bien entendu : formidable, super, etc. (cf. L&B, p. 74). Les noms, verbes, adjectifs, adverbes, mais non les mots "faibles", comme les pronoms personnels dits atones ou certaines prépositions. Les pronoms atones ("faibles") ne pouvant pas porter un accent d'insistance (ni, bien entendu, l'accent tonique) sont du type je, tu..., me, te, le.... Pour dire "I did it" on doit dire en français "C'est moi qui l'ai fait". Cette tournure syntaxique, dite tour de présentation, est fréquente en français, même pour les noms. Exemples : "C'est Louis qui l'a fait", "C'est Marie qu'on cherche", "C'est elle qui le dit". Le redoublement pronom tonique + pronom atone est fréquent aussi : "Moi, je veux bien", "Nous, nous voulons partir", etc. Une autre différence entre le français et l'anglais est la "faiblesse" de certaines prépositions françaises. Pour dire "It's the train to Lyon, not from" on doit dire quelque chose comme "C'est le train en provenance de Lyon..." ou "... qui vient de Lyon...". La préposition de dans "le train de Lyon" n'a aucun sens sémantique, ne servant qu'à relier les deux noms train et Lyon.

Dans la chanson, l'accent tonique et l'accent d'insistance sont plus ou moins les mêmes, devenant en fait un accent de rythme ou accent rythmique. Le manuel (L&B, p. 76) parle de l'importance de l'accent dans les comptines (cf. comptines.net ou Comptines pour l'Ecole maternelle), qui accompagnent souvent une activité comme le saut à la corde et dans lesquelles le rythme est très important. ("One, two, buckle my shoe / Three, four, knock at the door..." – voir Nursery Rhymes - Lyrics and Origins ou Nursery Rhymes from Mother Goose). Dans les chansons d'écoute, c'est souvent le refrain qui contient un rythme marqué. Prenons, par exemple, le refrain de la chanson Les bourgeois de Jacques Brel, chanteur belge :

Combien, dans chaque vers (angl. line), y a-t-il de groupes rythmiques? Écoutez cette chanson dans Auditorium.

3. L'intonation (cf. L&B, ch. 9)

C'est par l'intonation que l'on signale l'intention fondamentale du message oral que l'on communique à son interlocuteur : déclaration (ou constatation, assertion), question, exclamation, ordre, etc. L'intention s'exprime surtout par les changements de fréquence – fréquence montante ou descendante – à partir d'un niveau fondamental, qui varie selon les locuteurs (fondamental moyen = voix non marquée ; fondamental élevé = voix fluette si la voix est faible, voix perçante si la voix est forte ; fondamental bas = voix basse ; etc.). À noter qu'il y a une différence de fondamental d'une octave environ entre une voix de femme et une voix d'homme. Les changements de fréquence sont perçus comme des changements de hauteur de la voix.

La description linguistique de l'intonation (cf. L&B, pp. 80-81 - cette partie du chapitre sur l'intonation est très claire). Les linguistes ont défini quatre niveaux de hauteur spécifique, qui peuvent être schématisés comme suit :

Les deux types d'intonation principaux sont la déclaration (phrase déclarative) et la question (phrase interrogative). L'ordre n'est qu'une déclaration forte, tout comme l'exclamation est une sorte de déclaration ou de question forte. Dans la déclaration, la courbe d'intonation principale utilise les niveaux 2-3-2-1 ; exemple : "Ils sont par/tis /ce ma/tin." (cf. L&B, p. 80). S'il y a une incise (séquence insérée à l'intérieur de la phrase), la courbe devient 2-3-1-2-1, l'incise étant prononcée au niveau 1 ; exemple : "Je n'en mange /pas, /dit-il, /sauf si j'ai /faim." (id., ibid.). L'intonation de la phrase interrogative varie selon la nature de l'expression de la question. Quand la question est portée uniquement par l'intonation (L&B, p. 81, parlent de marque phonologique), celle-ci est forcément montante. Quand la question est portée par une tournure syntaxique ou lexicale interrogative (L&B parlent ici de marque grammaticale), c'est cette locution qui porte l'intonation montante ou haute, le reste de la phrase étant généralement dit sur une intonation descendante. Exemples :

a) la question est portée par l'intonation :

b) la question est portée par une tournure interrogative : L'intonation, produit humain, obéit en quelque sorte aux lois de la gravité : tout ce qui monte doit redescendre ("everything which goes up must come down"). La phrase déclarative est complète en soi : elle monte, puis redescend. La phrase interrogative est incomplète puisqu'elle demande une réponse ; la question reste suspendue en l'air en attendant la chute de la réponse ("Oui", "La semaine prochaine", etc.).

Les rôles linguistiques de l'intonation (cf. L&B, pp. 81-82). L'intonation, en tandem avec les groupes de sens, joue un rôle de démarcation et, éventuellement, de hiérarchisation. Prenons la phrase déclarative suivante (cf. L&B, p. 81) :

Quatre groupes de sens, les trois premiers avec une intonation montante, le dernier avec une intonation descendante. Chaque groupe de sens se termine par une syllabe accentuée (accent tonique) : Hier / -llée / -mis / -pagne. Dans certains cas l'intonation et l'accentuation servent à désambiguïser une phrase ; exemple (voir aussi ci-dessus "Le juge...") : Dans certains autres cas, à la démarcation s'ajoute la fonction de hiérarchisation. Dans la suite "Le médecin n'est jamais là" (cf. L&B, p. 82), le thème principal peut être soit le médecin (quand il s'agit de préciser la personne qui n'est jamais là), soit l'absence du médecin (qui n'est jamais là). Lorsque l'intonation est seule à marquer la différence entre une question et une déclaration ou un ordre (Vous mangez? vs. Vous mangez. / Vous mangez! – cf. ci-dessus Vous partez? vs. Vous partez.), on dit que l'intonation a une fonction de modalisation, qu'elle joue un rôle distinctif (cf. L&B, p. 82).

Tout ce qui a été dit jusque là est vrai pour le français standard. Il y a bien sûr des variantes, notamment une intonation montante pour ce qui revient logiquement à une déclaration. Cela traduit chez le locuteur un besoin de participation de la part de son interlocuteur : une approbation de ce qu'il dit, une confirmation de la vérité de ce qui est dit. Au lieu que la chute soit contenue dans les déclarations du locuteur, c'est, au moins dans l'intention, l'interlocuteur qui la fournit par ses approbations.

Nous ne traiterons pas en détail dans le cours FRE 272 d'une branche de la phonologie qui s'appelle la phonostylistique (cf. L&B, pp. 82-84). La stylistique linguistique s'intéresse à l'expressivité de la langue et de la communication linguistique (tristesse, joie, colère, coquetterie, humour, etc.) qui s'exprime en grande partie à travers l'intonation, le vocabulaire et la gestuelle. Pensez, par exemple, à l'opéra ou au théâtre qui combinent ces trois éléments ; les paroles (vocabulaire) d'une pièce de Shakespeare est donnée et c'est à l'acteur ou à l'actrice de leur ajouter l'intonation et les gestes appropriés. Pensez, par exemple, au vocabulaire, aux gestes et à l'intonation des Monty Python (cf. www.jumpstation.ca/recroom/comedy/python/index.html) dans le sketch "Nudge, nudge" (Eric Idle) ou dans celui du "Dead Parrot" (John Cleese) : "'E's not pinin'! 'E's passed on! This parrot is no more! He has ceased to be! 'E's expired and gone to meet 'is maker! 'E's a stiff! Bereft of life, 'e rests in peace! If you hadn't nailed 'im to the perch 'e'd be pushing up the daisies! 'Is metabolic processes are now 'istory! 'E's off the twig! 'E's kicked the bucket, 'e's shuffled off 'is mortal coil, run down the curtain and joined the bleedin' choir invisibile!! He's f*ckin' snuffed it! THIS IS AN EX-PARROT!!"