FRE 272Y5
The Structure of Modern French: An Introduction

Premier trimestre
Notes de la semaine 7
(Révision du contenu de L&B, ch. 8 et 9 ; présentation du contenu de L&B, ch. 10 & 11)

1. Révision de l'accentuation et de l'intonation (cf. L&B, ch. 8 et 9)

Exercices du chapitre 8 (L&B, p. 77) :
• Q1. => Lecture à haute voix.
• Q3. Ce que L&B appellent "mots de même structure phonématique" sont ce qu'on appelle mots apparentés ou cognates en lexicologie. Les mots apparentés sont des paires de mots de même origine étymologique, dont le sens est le même (vrais amis) ou différent (faux amis). Exemples de mots apparentés en français et en anglais : professeur / professor ; étudiant / student ; université / university ; faculté / faculty ; discipline / discipline ; librairie / library ; conférence / conference ; lecture / lecture ; éventuellement / eventually...
• Q4. Bien mieux que de lire la réponse écrite très indirecte, écoutez plutôt une lecture du poème L'Albatros de Baudelaire dans Vive Voix : anthologie sonore de poésie.
• Q5. C'est une question spécifique de linguistique comparative ou de linguistique anglaise qui ne nous intéresse pas dans le cours FRE 272.
• Q6. La phrase "La belle ferme le voile." est un bel exemple d'ambiguïté polysémique se doublant d'une double interprétation syntaxique : belle = adjectif ou nom ; ferme = nom ou verbe ; le = pronom COD ou article ; voile = verbe ou nom. C'est donc une phrase intéressante pour l'analyse sémantique et syntaxique.
• Q7, 8 et 9 sont trop avancés pour le cours FRE 272 – elles auraient leur place dans un cours de phonostylistique. Le prédicateur Bossuet était un grand orateur du XVIIe siècle. Un grand orateur du XXe siècle était le général de Gaulle, président de la République française. On peut écouter ses discours, pleins de rythmes oratoires, sur plusieurs sites web, que l'on peut trouver en demandant "discours" et "de Gaulle" sous un moteur de recherche comme Google.

Exercices du chapitre 9 (L&B, p. 85) :
• Q4, 2e séquence. L'intonation donnée comme réponse pour la suite "Je ne serai pas long. Je vais chercher Jacques." est celle d'une seule phrase globale en deux parties, la deuxième expliquant la première (elle explique la brève absence du locuteur). On pourrait dire "Je vais chercher Jacques. Je ne serai pas long." avec deux mélodies intonatives descendantes.
• Q5. Le corrigé ne dit pas ce qui serait "remarquable" dans les phrases de cette question. Je pense qu'il s'agit tout simplement des incises contenues dans chaque phrase.
• Q6 et 7. D'autres questions de phonostylistique.

2. Le "e" caduc (cf. L&B, ch. 10)

Un arbre à feuilles caduques (≠ persistantes) est un arbre dont les feuilles tombent en automne. Le "e" caduc est une voyelle instable qui tombe, c'est-à-dire qui est supprimée, dans certaines conditions. Le "e" caduc dont il est question en phonologie est un "e" qui se maintient dans la langue écrite (je ne le sais pas). Il y a des cas, cependant, où le "e" (et d'autres voyelles finales) a déjà disparu des mots outils monosyllabiques devant voyelle, ne s'écrivant plus. Il s'agit du phénomène de l'élision. On n'écrit pas *le étudiant, *la étudiante, mais l'étudiant, l'étudiante. On élide aussi le "e" des mots ce (devant est), de, je, me, ne, que, se, te. On élide le "i" de si devant il (s'il). Nous reviendrons dans la section suivante sur la question de l'élision en parlant de la lettre "h".

En règle générale, plus la langue est ancienne ou plus le registre est soigné, plus le "e" caduc se maintient dans la langue parlée, alors que plus la langue est moderne ou plus le registre est familier, plus le "e" caduc ne se prononce pas. On a déjà vu (notes de la semaine 4) le phénomène de la réduction par la suppression de certaines consonnes, voyelles ou mots secondaires causée par la rapidité du débit (un débit soigné étant plus lent qu'un débit familier – cf. je ne sais pas => je n'sais pas => j'sais pas). Un autre facteur, indépendant du registre est la prononçabilité : le concours de consonnes dans la même syllabe causé par la chute éventuelle du "e" caduc décide du maintien ou de la chute de celui-ci, certaines combinaisons de consonnes étant plus faciles ou difficiles à prononcer que d'autres. Ce dernier facteur explique l'introduction exceptionnelle d'un "e" caduc là où il n'existe pas dans la langue écrite, comme dans ours blanc prononcé

pour empêcher la rencontre des quatre consonnes "rsbl".

C'est au fond la prononçabilité qui donne lieu aux "règles" du maintien obligatoire, de la suppression obligatoire et au maintien facultatif du "e" caduc :
• Maintien obligatoire du "e" caduc : 1) à l'intérieur d'un mot ou groupe de mots après deux consonnes et devant une (ou plusieurs) consonne – ex. vendredi, table ronde ; 2) devant un "h" aspiré * (cf. la section suivante) – ex. le homard, dehors ; 3) devant les chiffres un, huit et onzele un, le huit, le onze ; 4) dans un monosyllabe final – ex. prends-le ; 5) dans certaines séquences préverbales très fréquentes, on maintient le premier (et troisième) "e" caduc et on supprime le deuxième – ex. je n(e) le crois pas, alors que quand le deuxième "e" caduc suit la consonne /t/ ou /k/ c'est l'inverse – ex. j(e) te crois, c(e) que tu dis, parc(e) que c'est vrai.
(* Correction du dire du manuel : certains mots contenant un "h" aspiré, mais pas tous, viennent de langues non romanes ; ils peuvent être plutôt anciens en français, comme hareng ou hasard introduits au XIIe siècle.)
• Suppression obligatoire du "e" caduc : 1) précédé d'une seule consonne à l'intérieur d'un groupe de mots – ex. la s(e)maine, un j(e)ton ; 2) à la fin d'un mot – ex. valis(e), ami(e).
• Prononciation facultative du "e" caduc : 1) au début d'un groupe de mots – ex. je vois ou j(e) vois, mais la prononçabilité tend à maintenir le "e" caduc après les occlusives /k/, /n/, /d/ – ex. Que voulez-vous?, Ne pars pas, Demande-lui.

3. L'enchaînement et la liaison (cf. L&B, ch. 11)

L'enchaînement et la liaison sont deux phénomènes favorisant la syllabification idéale CV, une consonne finale de mot se prononçant dans la même syllabe qu'une voyelle initiale de mot suivante. En plus, la liaison obéit partiellement à des règles gouvernant l'homogénéité d'un groupe de sens et la hiérarchisation des unités du groupe.

Des deux, l'enchaînement est le plus simple dans son fonctionnement. Il s'agit de la prononciation dans la syllabe suivante d'une consonne finale de mot toujours prononcée. Par exemple le "d" du mot grande est toujours prononcé, alors que celui de grand n'est prononcé que devant voyelle (liaison).

Le mot suivant grande commençant par une voyelle, on enchaîne le /d/ de grande avec le /a/ initial d'amie. Beaucoup de formes féminines adjectivales illustrent le phénomène de l'enchaînement (ex. le /n/ de bonne, le /z/ de mauvaise, le /s/ de grosse, etc.) – cf. le premier exercice à la fin du chapitre 11.

La liaison se définit comme la prononciation devant une voyelle d'une consonne finale de mot autrement muette. Par exemple :

Les consonnes de liaison sont indiquées dans un tableau très clair donné à la page 96 du manuel. Nous le reproduisons ci-dessous :

La liaison fonctionne un peu comme le "e" caduc en ce qu'elle se faisait plus dans le passé qu'en français moderne et qu'elle est plus fréquemment employée dans un registre soigné que dans un registre familier. (Comme le dit le manuel (L&B, p. 98) : "On prononcera [...] plus de E caducs et de liaisons dans des styles soutenus tels que la lecture, le sermon, la conférence et la diction poétique.") Son fonctionnement est pourtant plus réglé que celui du "e" caduc en ce que le facteur déterminant – emploi à l'intérieur d'un groupe de sens et entre un mot subordonné et un mot subordonnant – est plus objectif que celui de la prononçabilité dans le cas du "e" caduc. Les règles générales de l'emploi de la liaison en français moderne sont les suivantes (cf. L&B, pp. 96-97) :
• Liaison obligatoire : 1) entre mot subordonné et mot subordonnant, c.-à-d. a) entre déterminant* et nom (ex. les enfants), b) entre déterminant et adjectif (vos autres professeurs), c) entre adjectif et nom (son petit ami, ses petits amis), d) entre pronom personnel sujet et verbe (elles arrivent), e) entre auxiliaire et verbe principal (je suis allé, elle est allée) ; 2) entre verbe et pronom sujet dans l'inversion (vient-elle) ; 3) après préposition monosyllabique (dans un an) ou après adverbe monosyllabique (très intéressant) – ce cas est voisin de celui de la subordination traitée ci-dessus (voir 1) ; 4) à l'intérieur de groupes figés comme Comment allez-vous?, pot-au-feu, quand est-ce que.
(* Un déterminant est un mot outil relevant des catégories de l'article (le, etc., un, etc.), de l'adjectif possessif (mon, etc.), de l'adjectif interrogatif (quel, etc.) ou de l'adjectif démonstratif (ce, etc.) – cf., sur l'axe paradigmatique, la fille / une fille / sa fille / quelle fille / cette fille.)
• Liaison interdite : 1) entre deux groupes de sens, quelle qu'en soit la mélodie intonative, comme a) avant et après la conjonction et (ex. ils viennen(t) / e(t) / ils repartent), b) entre sujet de nom et verbe (ex. ses soeur(s) / aiment le chocolat, Jea(n) / attend), c) après un adverbe d'articulation (alor(s) / on ne dit pas bonjour!). (Par adverbe d'articulation nous entendons tout adverbe qui articule une suite d'énoncés – alors, puis, auparavant, cependant, or, en revanche....) ; 2) entre nom singulier (mot subordonnant) et adjectif (mot subordonnée) (ex. solda(t) / anglais) ; 3) comme pour le maintien du "e" caduc, on ne fait pas de liaison devant les chiffres un, huit et onze (ex. cen(t) / un, quatre-ving(t) / huit, cen(t) / onze), sauf dans dix-huit, vingt-huit) * ; 4) après l'interrogatif quand lorsqu'il est suivi d'un verbe plein (ex. quan(d) / arrive-t-elle? – mais quand est-ce (cf. ci-dessus) et quand elle est là (quand est ici conjonction)). Le "h" aspiré, fonctionnant comme une consonne virtuelle muette, empêche la liaison (voir ci-dessous).
(* Les Suisses et les Québécois ne connaissent pas tous ces problèmes, disant respectivement octante-huit et vingt et huit.)
• Liaison facultative. C'est ici qu'intervient la question de registres, plus de liaisons étant faites dans un registre soigné, moins dans un registre familier. Quelques cas : 1) après un verbe principal (je vais en ville ou je vai(s) en ville ; il arrivait à cinq heures ou il arrivai(t) à cinq heures) ; entre nom pluriel et adjectif (ex. amis intimes ou ami(s) intimes ; bois immenses ou boi(s) immenses) ; 3) après adverbe polysyllabique (extrêmenent utile ou extrêmenen(t) utile).

Quelques remarques : 1) dénasalisation de la voyelle finale de mot dans le cas de la liaison : ex. un bon camarade vs. un bon ami, un certain camarade vs. un certain ami

Les voyelles dénasalisées sont celles de la forme féminine ; 2) la liaison peut, dans certains cas, signaler une différence de nombre (ex. il arrive vs. ils arrivent)

Le "h" muet et le "h" aspiré. Occurrences de "h" initial dans quelques chansons québécoises et françaises (cf. Auditorium) :

Questions : 1) Pourquoi y a-t-il élision dans l'heure et pas dans le hasard? 2) Quelle est la différence de syllabification entre sept heures et par hasard? 3) Quelle est la différence de syllabification entre ses habits et en haut?
Réponses commentées : 1) On fait une élision devant un "h" muet, mais pas devant un "h" aspiré. 2) On fait un enchaînement entre une consonne finale toujours prononcée et un "h" muet initial, mais pas avec un "h" aspiré initial. 3) On fait une liaison entre une consonne finale normalement muette et un "h" muet initial, mais pas avec un "h" aspiré initial. Autrement dit : Le statut variable de l'aspiration de la lettre "h" initiale est dû, comme d'autres phénomènes de l'orthographe ou de la grammaire, à une fossilisation de formes. En anglais, le "h" initial est soit aspiré (ex. home, hope), soit muet (ex. honour, hour) ; dans la plupart des mots en "h" initial, le "h" est aspiré. En français, le "h" dit aspiré ne l'est plus en fait, son rôle étant réduit à celui d'empêcher l'élision, la liaison et l'enchaînement ; le "h" muet fonctionne comme en anglais, n'ayant pas d'existence réelle dans la langue orale, laquelle ne retient que la voyelle suivante, qui fonctionne comme voyelle initiale de mot ; dans la plupart des mots en "h" initial, le "h" est muet. Ce statut variable, étant plus archaïque que logique, donne lieu à des variations pour un même mot ; par exemple, le mot herb a un "h" aspiré en anglais britannique, un "h" muet en anglais canadien. C'est un domaine que les locuteurs natifs peuvent avoir du mal à maîtriser. Pensez à la séquence des haricots : À noter que le "h" aspiré peut se trouver à l'intérieur des mots, ce qui crée deux voyelles successives dans deux syllabes consécutives : ex. envahir, dehors.
           
Cf. aussi se déhancher ("h" aspiré, préfixation en dé-) vs. déshabiller ("h" muet, préfixation en dés- avec liaison).