FRE 389F
Notes: Semaine 12

Lexicographie du français canadien

Jusqu'à une époque récente, le français canadien était considéré comme une variante régionale du français standard, français de France s'entend. Au XIXe et début XXe siècle, parurent des glossaires de particularismes québécois; le dernier, et le plus complet, fut le Glossaire du parler français au Canada (1930). En 1957, un lexicographe amateur, Louis-Alexandre Bélisle, publia à ses frais un Dictionnaire général de la langue française au Canada (dernière éd. intitulée Dictionnaire nord-américain de la langue française, Beauchemin, 1979), curieux mélange de Littré -- français de France des XVIIe-XVIIIe s. -- et de français québécois des XIXe-XXe s.; c'est un dictionnaire puriste qui enregistre de nombreux usages québécois et en condamne ceux qui relèvent du registre populaire. Il est suivi par la production d'un autre amateur, Léandre Bergeron, lequel oeuvre dans l'autre sens: pour Bergeron, le français de France serait une langue morte (il le dit en français de France), seul le « québécois » serait une langue vivante; son Dictionnaire de la langue québécoise (VLB, 1980), malgré ses nombreux défauts de méthode, a le mérite de répertorier pour la première fois un riche vocabulaire populaire. Le premier dictionnaire à être fait selon une méthodologie sérieuse et en même temps à reconnaître le français québécois comme un système indépendant du français de France et ayant sa norme propre a été le Dictionnaire du français plus (CEC, 1988); c'est un dictionnaire d'usage en un volume fait par l'équipe du Trésor de la langue française du Québec; cette dernière, qui préparait depuis le début des années 1970 à l'Université Laval un grand lexique historique en plusieurs volumes, a publié en 1998 aux Presses de l'Université Laval un volume intitulé Dictionnaire historique du français québécois, lequel n'est, en fait, qu'un choix d'articles pris dans la très riche documentation du TLFQ et portant le sous-titre "Monographies lexicographiques de québécismes". Si le DF-Plus a posé le français québécois comme norme, son éditeur n'était cependant pas prêt à y faire enregistrer la plupart des mots et sens familiers et vulgaires courants. Ces mots et sens, on les trouve dans le Dictionnaire québécois d'aujourd'hui (DicoRobert, 1992), première description complète du français québécois usuel; l'opinion publique ne serait pas encore prête à les accepter pourtant à en juger par les décisions du Ministère de l'Éducation du Québec, qui a refusé de recommander les deux éditions du DQA pour usage dans l'enseignement, ce qui a eu pour conséquence le retrait pur et simple du DQA du commerce. Les entreprises universitaires -- le DFQ (mentionné ci-dessus) et le Dictionnaire canadien bilingue (cf. ci-dessous), principal produit futur du projet Lexicographie comparée du français et de l'anglais au Canada (U. d'Ottawa, U. de Montréal, U. Laval) et successeur du petit Dictionnaire canadien de J.-P. Vinay et al. (McClelland & Stewart, 1962) -- sauront-elles se mettre à l'abri des caprices des éditeurs et des instances publiques pour enfin faire accepter par les Canadiens français une description de la langue qu'ils parlent et écrivent?

Le Dictionnaire canadien bilingue

"Ce projet pan-canadien interuniversitaire, connu officieusement sous le nom de Projet du Dictionnaire canadien bilingue, fut inauguré au début de 1988 avec pour objectifs la production d'un dictionnaire anglais-français, français-anglais authentiquement canadien et le développement d'une base électronique de textes anglais- et français- canadiens destinés à nourrir des travaux comparatifs dans les domaines de la traduction et de la recherche sur le lexique. [...] [L]'équipe prévoit la création d'une importante base dictionnairique électronique bilingue de l'anglais et du français canadiens, aussi bien que la rédaction d'articles érudits traitant de divers aspects des travaux de recherche. Le dictionnaire lui-même doit s'achever en 2003." (Extrait d'un ancien descriptif, publié en ligne, du Projet Lexicographie comparée du français et de l'anglais au Canada)

Les limites du dictionnaire: langue et discours, dictionnaire et contexte, sens propre et sens figuré, dénotation et connotation

Le dictionnaire offre une description du lexique, c.-à-d. de ce qui, dans la composante lexicale de la langue, est codifiable. Le discours contient toujours des éléments qui dépassent les possibilités de codification. Nous avons déjà vu l'exemple (Exemplier 15) des limites de la traduction automatique d'un texte typique de langue de tous les jours où abondent mots polysémiques, références intra-textuelles et allusions extra-textuelles, ainsi que constructions symtaxiquement complexes ; mots, constructions et textualité que le lecteur ordinaire sait interpréter en contexte avec sa compétence linguistique et encyclopédique. Le dictionnaire et la grammaire utilisés par le logiciel de traduction automatique ont leurs limites tout comme le dictionnaire imprimé ou informatisé ou le manuel de grammaire scolaire.

Voici un autre exemple banal, dans lequel l'expression à l'abordage reçoit une extension d'emploi en association avec le verbe prendre de la phrase précédente.

Les emplois figurés – en nombre illimité – sont peu nombreux dans le dictionnaire, alors que le lecteur a les moyens, de par sa compétence linguistique, de comprendre le sens figuré ou nouveau d'après le sens propre ou courant.

On peut dire la même chose de la connotation, peu représentée dans le dictionnaire. Le sens objectif, ou dénotation, sera recensé par le dictionnaire puisqu'il relève du lexique. En revanche, la connotation, généralement méliorative ou péjorative, tire son effet le plus souvent du contexte linguisitique et de la situation extra-linguistique. Par exemple, le mot libéral utilisé dans un contexte politique sera normalement connoté positivement dans la bouche d'un Libéral et négativement dans celle d'un Républicain.

Réécriture d'un article en énoncés explicites

1. L'exemple de l'article FERME dans PR 1993

1. FERME [fRm] adj. et adv. -- ferm masc. v. 1180 ; ferme XIIIe pour les deux genres, d'apr. le fém. ; lat. firmus.]
I. Adj.
1. Qui a de la consistance, qui se tient, sans être très dur. => compact, consistant, résistant. Poisson à chair ferme. « Prends encore ces tomates. Elles sont fermes et fraîches » (Mac Orlan). Ces pêches sont un peu fermes, pas très mûres. -- Cuisses, seins fermes. Rendre plus ferme. => raffermir. -- Sol ferme, où l'on n'enfonce pas. Terre* ferme. [...]

2. L'article PROVINCIAL dans DF+

1. provincial, ale, aux [pRvsjal, o] adj. et n. 1. Propre ou relatif à une province canadienne. Capitale provinciale. Le gouvernement provincial, ou subst. le provincial. • Qui est relatif à un gouvernement provincial, qui en émane. Impôt provincial, lois provinciales. 2. Qui concerne une province, une région française. Une coutume provinciale. Faire revivre les parlers provinciaux. 3. [En France] De la province (considérée par oppos. à la capitale). Préférer la vie provinciale à l'agitation parisienne. • Subst. Habitant de la province. Un(e) provincial(e). – Lat. provincialis.

3. L'article JUS du DQA

jus [y] n. m. invar. 1. Liquide contenu dans une substance végétale. => suc. Le jus des fruits. => nectar. Boire un jus de tomate. Du jus de légumes. 2. Liquide rendu par une viande qui cuit. Jus de viande. => sauce. Carottes, rosbif au jus. Tu veux plus de jus?Loc. fam. Cuire dans son jus, rester dans une situation désagréable. – Loc. fam. Être dans le jus, très occupé, avec beaucoup de choses à faire. 3. Fam. Jus de vaisselle, de chaussettes, mauvais café. – Il n'y a plus de jus dans le réservoir, d'essence.

Révision

  • Quelles sont les trois premières informations systématiques de la plupart des dictionnaires?
  • Comment appelle-t-on le système de transcription phonétique employé par la plupart des dictionnaires?
  • Quelle est la différence entre l'homonymie, l'homophonie et l'homographie? Exemples de chaque type.
  • Qu'appelle-t-on en lexicographie l'équation du type "apprenti, -ie Jeune personne qui apprend un métier"?
  • Qu'appelle-t-on en lexicographie l'équation du type "Enduire de stuc. => stuquer"?
  • Quels sont les différents types d'ordres logiques utilisés pour l'odonnement des sens d'un mot?
  • Quels sont les principaux types de définitions? Les définitions réellement proposées par le dictionnaire appartiennent-elles toujours à un seul type?
  • Quelles sont les options pour donner plus d'informations sur le poisson désigné dans "daurade Poisson de mer à la chair appréciée"?
  • Quelles sont les ressemblances et les différences entre le synonyme et l'équivalent?
  • Quels termes sont synonymes de définisseur?
  • Quelles sont les vertus de la redondance et de l'économie?
  • Quels sont les différents types d'informations qui traitent a) l'aspect sémantique du mot, b) l'aspect syntagmatique du mot?
  • Que peut faire le dictionnaire électronique sur CD-ROM que le dictionnaire imprimé ne peut pas faire?
  • Dans quelle mesure le dictionnaire et le Web sont-ils complémentaires?