FRE 480Y Translation: French to English

2003-2004


  • CT16: Traduisez les trois premiers paragraphes (depuis "Ce mardi 10..." jusqu'à "... les contingences de la vie courante.") -> Translation
  • Test 4: Translate the last three paragraphs (from "Depuis décembre 1996..." to the end). -> Translation
  • Nota: Translate as if it were still February 1998.

    Grandeur et misère du Berliner Ensemble
    (par Brigitte Salino, Le Monde, février 1998)

    Ce mardi 10, après une journée d'agapes intellectuelles célébrant le 100e anniversaire de la naissance de Bertolt Brecht, les spectateurs du Berliner Ensemble sont invités à se retrouver à une fête à la cantine du théâtre. Après avoir quitté la salle, ils traverseront une petite cour où, l'été, des tables sont installées à l'ombre des arbres. Puis ils descendront quelques marches qui mènent à un demi-sous-sol, pousseront une porte de bois, et entreront dans le saint des saints : la cantine du Berliner Ensemble est le double caché du plateau, l'endroit où, depuis sa fondation, en 1949, s'écrit l'histoire souterraine du théâtre.

    Depuis six mois, cette cantine est ouverte aux passants, qui peuvent venir y boire un verre ou déjeuner. Jusqu'alors, elle était réservée à ceux qui gravitaient autour du BE. C'était un club, très fermé, un antre où naissaient les légendes. Il faut savoir qu'aujourd'hui encore le mobilier de la cantine est celui qu'avait voulu Hélène Weigel, l'épouse de Brecht : longues tables de bois, chaises et bancs rudes. La technique a sa table – signalée par un petit panneau – à la droite de l'entrée, juste à côté du comptoir. Les bières sont à portée de main, une odeur tenace d'oignon rôde dans l'air, les murs sont peints de cette couleur marron qui résume l'érotisme de l'ex-Est – bref, c'est coquet. De son vivant, Hélène Weigel s'y asseyait toujours à la même place. Elle avait installé sa chaise de façon que, de son oeil gauche (selon ses biographes avisés), elle pouvait voir tous ceux qui entraient et sortaient. De sa chambre aussi, elle surveillait la cantine : l'appartement des Brecht donnait sur le théâtre.

    Comédienne exceptionnelle, femme de poigne, Hélène Weigel fut celle sans qui Bertolt Brecht n'aurait probablement pas fait du Berliner Ensemble une des scènes du siècle. Elle laissait à son mari la création, le protégeait jusque dans sa vie privée, tout en veillant à la marche quotidienne du théâtre. D'une certaine manière, elle se comporta comme une épouse d'homme politique, pour qui l'oeuvre du mari passe avant les contingences de la vie courante.

    En outre, elle bénéficia d'un atout déterminant : son talent d'actrice lui permettait d'être incontestable auprès de ses pairs de la troupe. Du célèbre bureau directorial – où, là encore, sa chaise trône toujours, sous l'oeil de la colombe de la paix de Picasso – au plateau, Hélène Weigel cimenta le Berliner Ensemble. Le malheur voulut que le temps ne fut pas donné à Brecht de vivre longtemps. Sept ans après avoir fondé le BE, il mourut brutalement, à l'âge de cinquante-huit ans. Certes, son grand oeuvre de dramaturge était accompli. Quelles que soient les pièces qu'il ait pu écrire par la suite, l'enfant d'Augsbourg laissait au monde de quoi nourrir des siècles de théâtre. Certes, son style de metteur en scène – car il fut un grand metteur en scène, un novateur en prise directe sur son temps – était assuré d'un rayonnement international. Mais cela ne suffit pas à protéger son héritage, incarné par le Berliner Ensemble, des pièges et des vautours de l'histoire.

    On sait maintenant que l'idylle ne dura pas longtemps entre Brecht et le régime de la RDA. Le BE, fondé la même année et sur les mêmes principes que la République démocratique, fut assez vite accusé par le régime d'être une scène "formaliste" – ce qui était une façon de signifier qu'il ne suivait pas la ligne "révolutionnaire" officielle. Selon ses proches, Brecht aurait même pensé émigrer. Quoi qu'il en soit, il sut protéger son théâtre de trop d'immixtions du régime.

    "Si tu ne peux pas maintenir le niveau, ferme le Berliner", dit l'Etat à Hélène Weigel, après la mort de Brecht, en 1956. "La" Weigel (comme on l'appelait) décida de continuer. Fermer le théâtre, c'était fermer sa vie. Elle maintint le cap, en reprenant les mises en scène de son mari, dans le respect le plus strict. Rien ne devait bouger, pas même la nuance d'un gris dans un décor. Le régime y trouva son compte.

    Quand, à son tour, Hélène Weigel mourut, en 1971, elle fut remplacée par une femme remarquable, Ruth Berlau, qui essaya de revivifier le répertoire brechtien. En vain. Son mandat prit fin en 1974. Alors commença la période la plus sinistre du Berliner Ensemble : il devint une vitrine officielle du régime. Ce qui y était représenté de Brecht n'avait plus grand-chose à voir avec ce qui y avait été créé. C'était toujours les mêmes mises en scène, mais désossées par le temps et l'usure, décharnées. Un théâtre spectral, qui promenait dans le monde une image muséale. Il en fut ainsi jusqu'à la chute du mur, en 1989. Depuis, la question du Berliner Ensemble ne cesse de poser problème. Le sénat de Berlin a tenté plusieurs solutions pour que revive le théâtre du Schiffbauerdamm. En 1990, il en a confié la codirection à cinq metteurs en scène, venus de l'ex-Ouest et de l'ex-Est : Matthias Langhoff, Peter Zadek, Fritz Marquart, Peter Palitzsch et Heiner Müller. Ça ne pouvait pas tenir : trop de fortes têtes. En 1994, Heiner Müller a repris les rênes tout seul. Mais ce grand dramaturge – le seul contemporain à pouvoir se poser en successeur de Brecht – était atteint d'un cancer, dont il mourut en décembre 1995. Il eut le temps de laisser une mise en scène phénoménale de La Résistible Ascension d'Arturo Ui, et de demander au sénat que l'acteur principal de la pièce – Martin Wuttke, le comédien allemand le plus doué de sa génération – prenne sa place au bureau directorial. Ce qui fut fait. Mais Wuttke (qui avait trente-quatre ans) ne réussit pas à faire flancher les vieilles habitudes du BE. Il dut aussi en découdre avec Barbara Schall-Brecht, la fille de Brecht et de Weigel, qui, depuis la mort de sa mère, veille âprement sur l'héritage et surveille de près la marche du théâtre – habitant l'appartement de ses parents, elle est aux premières loges.

    Depuis décembre 1996, le Berliner vogue, sans véritable directeur. Le sénat de Berlin a songé le confier à de très jeunes metteurs en scène. Il y a renoncé pour des raisons politiques. Le BE est à nul autre pareil. Il appartient à l'histoire de l'Allemagne et de Berlin, dont il porte les stigmates. "Comment avoir une vie érotique avec des fantômes ?", se demandait Martin Wuttke. C'est vrai. Trop de fantômes hantent le bâtiment du Schiffbauerdamm, cantine comprise. "Il faut un géant pour le remettre sur pied", observe un homme de culture berlinois, qui ajoute, non sans humour : "Dans l'Antiquité, Hercule, parmi ses douze travaux, eut à nettoyer les écuries d'Augias. C'est la même chose." Quel est l'Hercule qui redonnera vie au théâtre de Brecht ?

    Theater Heute, la principale revue théâtrale d'Allemagne, vient de publier dans son numéro de février un article incendiaire demandant au sénat de retirer la subvention de 20 millions de deutschemarks attribuée au Berliner et de donner cette somme à un autre théâtre où serait créé "un vrai Berliner Ensemble, et non un Brecht Ensemble". C'est raide, polémique et insolent – berlinois.

    La seule vraie ouverture vient de la proposition faite à Claus Peymann, l'actuel directeur du Burgtheater de Vienne, de prendre la succession de Brecht et de Müller. Il en a les épaules. Ami de Thomas Bernhard, dont il a créé la plupart des pièces – non sans susciter des scandales énormes en Autriche –, cet Allemand se délecte de l'adversité. De plus, il a une revanche à prendre sur son pays et Berlin, qui l'ont rejeté dans les années 70. Claus Peymann a répondu favorablement à l'offre du sénat de Berlin, avec qui il est en train de négocier. Il devrait prendre ses fonctions quand s'achèvera son mandat à Vienne, fin 1999.


    Translation of CT16

    On Tuesday 10, after a day of intellectual festivities marking the centenary of Bertolt Brecht's birth, the Berliner Ensemble audience is invited to join a celebration in the theatre canteen. After leaving the theatre, they will cross a small courtyard where in the summer tables are set up under the trees (/in the shade of the trees). They will then go down a few steps leading to a semi-basement level, push open a wooden door, and enter the holy of holies [1]: the Berliner Ensemble canteen is the hidden replica of the stage, the place where, since its foundation in 1949, the underground history of the theatre has been written.

    For the last six months, the canteen has been open to passers-by, who can come and have a drink or eat lunch there. Before that it was reserved for the intimates of the BE. It was a club, very exclusive, a lair where legends were born. We learn (/It's a little-known fact) that today still the furniture is what Helene Weigel, Brecht's wife, wanted: long wooden tables and hard chairs and benches. The technicians have their section -- indicated by a small sign -- to the right of the entrance, just next to the counter. Beer is readily available, a persistent smell of onion lingers in the air, and the walls are painted in that shade of brown that sums up the eroticism of the former East Berlin -- in short, it is charming. While she was alive, Helene Weigel always sat there in the same place. She placed her chair so that, out of her left eye (according to informed biographers), she could see all who entered or left. From her bedroom too, she kept her eye on the canteen: the Brechts' apartment overlooked the theatre.

    An exceptional actress and a firm-handed woman, Helene Weigel was the person without whom Bertolt Brecht would probably not have made the Berliner Ensemble one of the theatres of the century. She left production to her husband, protecting him even in his private life, all the while looking after the daily running of the theatre. In a way, she behaved like a politician's wife, putting her husband's work before everyday contingencies.


    Translation of Test 4

    Since December 1996 the Berliner has been drifting without a real director. The Berlin Senate thought of entrusting it to very young directors. It gave up the idea for political reasons. The BE is like no other. It belongs to the history of Germany and Berlin, whose stigmata it bears. "How can you have a love life with ghosts?" Martin Wuttke wondered. It's true. Too many ghosts haunt the Schiffbauerdamm building, canteen included. "It needs a giant to put it back on its feet," observes one educated (/cultured) Berliner, who adds, with a touch of humour: "In ancient times the twelve labours of Hercules included cleaning the Augean stables. It's the same thing." Where is the Hercules who will give new life (/a new lease of life) to Brecht's theatre?

    This month's edition of Theater Heute, Germany's leading (/main /principal) theatrical review (/magazine), contains an inflammatory article demanding that the Senate withdraw a 20-million Deutschemark subsidy granted the Berliner, and give this sum (/amount) to another theatre so that "a real Berliner Ensemble, not a Brecht Ensemble" can be created. It's rigid, polemical and insolent – in short, Berlinese (/typical of Berlin).

    The only real opening comes from the proposal ((made)) to Claus Peymann, the present director of Vienna's Burgtheater (/the Vienna Burgtheater), to succeed Brecht and Müller. He has the strength to carry it (/He's broad-shouldered enough for it). A friend of Thomas Bernhard, most of whose plays he has produced – not without causing huge scandals in Austria –, this German thrives on adversity. What is more, he has a score to settle with his country and with Berlin, which rejected him in the seventies. Claus Peymann has responded favourably to the Berlin Senate's offer, and he is in the process of negociating with it (/them). He should be taking up his functions when his term in Vienna is over (/completed), at the end of 1999.