FRE 480Y Translation: French to English

2003-2004


  • CT1. Translate text for in-class discussion.
  • Texte
  • Translation
  • Notes
  • Cf. translation by Anne Carter (Doubleday, 1982)
    Michel Tournier, Les Météores
    (Paris, Gallimard, 1975; extrait)

    Mardi 19h40. Borne 2 838 MISSION CITY. Déjà c'est la forêt, la vraie forêt nordique, c'est-à-dire non pas la futaie régulière et clairsemée de Stanley Park dont chaque arbre est à lui seul un monument, mais l'inextricable taillis de petits arbres enchevêtrés, vrai paradis du gibier de tout poil et de toute plume. Conclusion: la belle forêt est l'oeuvre de la main de l'homme.

    Mardi 20h30. Borne 2 809,6 AGASSIZ. La porte à glissière de mon compartiment s'est brusquement ouverte et un steward noir a déposé d'autorité un plateau-repas sur ma tablette. Un coup d'oeil me confirme que le wagon-restaurant ne fonctionne pas. C'est donc la réclusion totale jusqu'à demain matin au moins. Je m'en accommoderai dans ma minuscule cellule dont la principale cloison est une vitre transparente qui laisse entrer la sapinière drue, dense et noire à travers laquelle fusent parfois mystérieusement les rayons du couchant.

    Mardi 22h15. Borne 2 750,7 NORTH BEND. Arrêt prolongé. Appels et courses sur le quai. Je crois comprendre qu'il s'agit de la dernière station notable avant la grande traversée de la nuit. J'ai le temps de me poser la vieille question qui surgit fatalement en voyage dans le coeur du sédentaire que je suis: pourquoi ne pas m'arrêter ici? Des hommes, des femmes, des enfants considèrent ces lieux fugitifs comme leur pays. Ils y sont nés. Certains n'imaginent sans doute aucune autre terre au-delà de l'horizon. Alors pourquoi pas moi? De quel droit suis-je ici et vais-je repartir en ignorant tout de North Bend, de ses rues, de ses maisons, de ses habitants? N'y a-t-il pas dans mon passage nocturne pire que du mépris, une négation de l'existence de ce pays, une condamnation au néant prononcée implicitement à l'encontre de North Bend? Cette question douloureuse se pose souvent en moi lorsque je traverse en tempête un village, une campagne, une ville, et que je vois le temps d'un éclair des jeunes gens qui rient sur une place, un vieil homme conduisant ses chevaux à l'abreuvoir, une femme suspendant son linge sur une corde tandis qu'un petit enfant s'accroche à ses jambes. La vie est là, simple et paisible, et moi je la bafoue, je la gifle de ma stupide vitesse...

    Mais cette fois encore, je vais passer outre, le train rouge fonce vers la montagne nocturne en hululant, et le quai glisse et emporte deux jeunes filles qui se parlaient gravement, et je ne saurai jamais rien d'elles, et rien non plus de North Bend...

      (Extrait de: Michel Tournier, Les Météores, Paris, Gallimard, 1975.)

    English translation

    Tuesday 7.40 p.m. Mile 2,838 MISSION CITY. The forest already, the true Northern (/Nordic) forest, not, that is to say, the evenly scattered (/landscaped) tall-stemmed forest of Stanley Park where each (/whose every) tree is a monument in itself, but an inextricable copse of small, tangled trees, a true paradise for furred and feathered game of every kind. Conclusion: beautiful forests are the handiwork of man.

    Tuesday 8.30 p.m. Mile 2,809.6 AGASSIZ. The sliding door of my compartment opened abruptly and a black steward plunked (/plumped) down a meal tray on my folding (/drop /pull-out) table. A glance confirms that the restaurant is not open. I am therefore in solitary confinement until tomorrow morning at least. I'll make the best of it (/make do) in my tiny cell whose main partition (/wall) is a transparent window which lets in (/admits) the crowding, dense forest of dark firs through which at times the setting sun mysteriously shoots forth its rays.

    Tuesday 10.15 p.m. Mile 2,750.7 NORTH BEND. Prolonged (/lengthy) stop (/halt). Calls (/Cries) and bustle (/running) on the platform. I gather (/it would appear) that this is the last stop of note before the long haul of the night. I have time to ask myself the old question which inevitably arises (/never fails to arise) on a journey in the heart of the stay-at-home (/homebody) that I am: why not stop here? Men, women, children look upon (/regard) these fleeting places as their home. They were born here. Some doubtless imagine no other land beyond the horizon. Why then not I? By what right am I here and will I leave (/What right have I to be here and to leave) knowing nothing of North Bend, its streets, its houses or its people (/inhabitants)? Is there not in my nocturnal passing something worse than scorn (/contempt), a negation (/denial) of the existence of this place, an implicit condemnation (/consignment) of North Bend to oblivion? This painful question often comes up (/arises) whenever I whirl through a village, a countryside or a town, and I catch a ((fleeting)) glimpse of young people laughing in a public square, an old man leading (/taking) his horses to water (/drink)(/watering his horses) or a woman hanging out her washing while a small child clings to her legs (/skirts). Life is there, simple and peaceful, and I scoff at it, slapping it in the face with my foolish speed.

    But this time, as ever, I shall carry on regardless. The hooting red train forges onward to the mountain in the night (/to the darkening mountain) and the platform slips by taking with it two girls engaged in solemn (/earnest) conversation, and I'll never know anything about them, nor indeed of North Bend.


    Notes

    "(/...)" = autre traduction
    "((...))" = facultatif

    Para 1: a) adaptation de "19h40" -> "7.40 p.m."; b) coordination "régulière et clairsemée" -> subordination "evenly scattered"; c) article défini générique "le taillis" -> article indéfini particulier "a copse"; d) apposition sans article "vrai paradis" -> apposition avec article "a true paradise"; e) maintien de la métonymie allitérative "gibier de tout poil et de toute plume" -> "furred and feathered game of every kind"; f) article défini singulier générique "la belle forêt" -> article indéfini pluriel (= zéro) généralisant "beautiful forests"; g) lexicalisation "oeuvre de la main" -> "handiwork" [nota: "main-d'oeuvre" a un autre sens].

    Para 2: a) adaptation de "2 809,6" -> "2,809.6"; b) détermination postposée "porte à glissière", "steward noir" -> détermination préposée "sliding door", "black steward"; c) chassé-croisé non lexicalisé (pas dans le dictionnaire) "a déposé d'autorité" -> "plunked down" = mouvement directionnel (verbe français, postposition anglaise) + manière (locution adverbiale française, verbe anglais) -- cf. "traverse en tempête" -> "whirl/storm through", para 3; d) charnière de traitement "C'est donc..." -> sujet personnel "I am therefore..."; e) transposition du 2e verbe de "laisse entrer" par l'adverbe "in" de "lets in" (cf. le chassé-croisé ci-dessus), voire condensation lexicale des deux verbes français par "admits" ("laisser" est un semi-auxilaire, ou factitif, comme "faire"); f) délexicalisation de "sapinière" -> "forest of... firs"; g) transposition/modulation de la proposition "fusent... les rayons du couchant" (intransitif) -> "the setting sun... shoots forth its rays" (transitif) [nota: explicitation obligatoire de "couchant" -> "setting sun"; autre traduction plus près de l'original: "the rays of the setting sun shoot forth"]

    Paras 3 et 4 (commentaire sélectif): a) nom pluriel particularisant "courses" -> nom singulier non-comptable (collectif) généralisant "bustle" ou gérondif généralisant "running"; b) condensation lexicale "crois comprendre" -> "gather" ["croire" est ici un semi-auxilaire (cf. ci-dessus "laisser") -- cf. "je crois que je comprends"]; c) modulation obligatoire par double contraire "ignorant tout" -> "knowing nothing"; d) dépouillement de la locution prépositive "à l'encontre de" par "of"; e) condensation lexicale "vois le temps d'un éclair" -> "catch a glimpse of" (l'anglais concentre la vue et la durée en un seul mot "glimpse"); f) modulation d'idiomaticité "passer outre" -> "carry on regardless"; g) transposition du complément participial "en hululant" -> participe adjectival "hooting" (= condensation syntaxique); h) précision de "glisse" par la postposition "by" de "slips by".

    Note générale: nombre des modifications notées ci-dessus sont typiques; par ex. détermination postposée (français) vs. détermination préposée (anglais); dépouillement des locutions prépositives (cf. "en provenance de" -> "from").