FRE 480Y Translation: French to English

2001-2002


CT2. Comparaison de deux textes équivalents: "Creeping Privatization Threatens Autonomy" et "De plus en plus populaire, la privatisation risque de nuire à l'autonomie des universités", éditorial de Bill Bruneau, in CAUT Bulletin / Bulletin de l'ACCPU, janvier 1998
  • Analyse comparative fondée, dans la mesure du possible, sur les concepts de La Stylistique comparée de Vinay & Darbelnet (FRE 375): changements de forme (syntaxe) et d'expression (idiotismes, images) pour rendre le même sens; selon la terminologie de V&D, il s'agit, entre autres, de transpositions, modulations, étoffements, implicitations/explicitations, etc. Si vous ne connaissez pas la terminologie de V&D, formulez les différences dans vos propres termes. L'essentiel est d'apprécier que chaque langue s'exprime selon ses propres moyens.
  • Notes.

    Creeping Privatization Threatens Autonomy

    Large-scale social and political change is a bit like snow in Timmins or rain in Vancouver -- it can sneak up on you. By the time you notice, the effects are pervasive and irreversible. The rising popularity of privatization in Canada's public colleges and universities reminds me of the weather, and it has the feel of large-scale change.
        Privatization has taken a variety of forms -- the contracting-out of library cataloguing or food services or dormitory cleaning; the transfer of university research and development facilities to local industry; the 99-year lease of university lands for real estate development. And there are innumerable quasi-privatizations -- the granting of monopolies for on-campus services and the "sale" of a university's name to support fund-raising, especially to encourage matching grants to the university itself.
        These cases help in making a workable definition of "privatization"; nowadays it will mean permanent or temporary transfer of university property or rights or services, out of university ownership, control, or regulation and into the hands of private interests.
        Although Canada's universities have enjoyed a long and mutually respectful relationship with the private sector -- indeed, much of our best research has been done in response to social and industrial demands that came from the private sector, they have also encouraged entrepreneurs, private and public corporations, alumni and other individuals to donate funds for scholarships, research, professorial chairs, student services, and buildings.
        In this two-way relationship, Canadian universities have retained control of their programs and properties.
        How the weather has changed! Since 1973, public funding of post-secondary education has declined year by year, decade by decade. Not surprisingly, university administrators began to cosy up to private and corporate donors. When that strategy failed to produce the needed funds, the next step was a milder and gentler privatization -- the raising of tuition fees. (In some Maritime universities students pay more than half of their institutions' operating costs and expect, as paying "customers", to have an important part in decision making.)
        But what makes the greatest difference, perhaps even more than cuts in public funding, is the rise of neo-rightist market theory. Proponents of the theory argue that application of market principles will make public education flexible, innovative and cheap. If universities and colleges have to move fast to open programs in areas of high demand, they will also move fast to close programs that do not yield immediate and useful employment. Even better, market discipline would cause the re-invention of the university -- to make it industry-sensitive and client-driven, effective and "lean". Privatization is a preferred technique on the road to re-invention.
        These recent developments have made good old-fashioned philanthropy quite difficult. Unencumbered gifts (money with no strings attached) become scarce in a period when "inputs" are nearly always tied to "outputs". If a pharmaceutical giant "gives" millions of dollars to a medical faculty, and expects the money to produce useful knowledge, but limits the rights of researchers to publish their findings -- a whole new atmosphere of secrecy and intellectual privacy is the result.
        True "privatizations" lead in a dangerous direction, to the loss of autonomy. It happens little by little. When donors ask not just to have buildings or programs named after them but also to influence appointments, tenure, and curriculum -- then we are in trouble. When all of this happens behind a curtain of administration-imposed confidentiality, the trouble becomes disaster. Worst of all, when privatizations, large and small, distract our universities and colleges from their public purposes, we stand at the edge of a new country, a country where knowledge is granted to the wealthy, where research is restricted by the market and insulated from public criticism, and the university becomes a closed industry.
        In the end, privatization of our public colleges and universities would mean the sale of our birthright, and it must be resisted.

    (650 words, according to WordPerfect 5.1)


    De plus en plus populaire, la privatisation risque de nuire à l'autonomie des universités

    Les changements socio-politiques à grande échelle sont un peu comme la neige à Timmins ou la pluie à Vancouver: ils s'installent furtivement. Lorsque vous les remarquez, leurs effets se font déjà sentir un peu partout et ils sont irréversibles. La popularité grandissante de la privatisation dans les universités et les collèges publics du Canada me fait penser au temps et ressemble à un changement à grande échelle.
        La privatisation s'effectue sous diverses formes, soit par la sous-traitance du catalogage des bibliothèques, des services alimentaires ou de l'entretien ménager des résidences d'étudiants, soit par le transfert des installations de recherche et de développement de l'université à une industrie locale, ou soit par la location pendant 99 ans de terrains de l'université pour l'aménagement immobilier. Sans compter les innombrables quasi privatisations, notamment les monopoles que l'on accorde pour les services sur le campus et la « vente » du nom de l'université pour soutenir une campagne de souscription, et pour encourager, en particulier, le versement de subventions de contrepartie à l'université même.
        Ces exemples aident à définir la « privatisation »: De nos jours, elle signifie le transfert permanent ou temporaire à des intérêts privés d'un bien, de droits ou de services de l'université de sorte que celle-ci n'en a plus la propriété ou ne les contrôle plus.
        Les universités canadiennes entretiennent depuis longtemps avec le secteur privé des liens réciproques et respectueux. De fait, la plupart de nos meilleures recherches ont été effectuées pour répondre aux demandes sociales et industrielles du secteur privé. Toutefois, les universités invitent les entrepreneurs, les sociétés privées et publiques, les anciens diplômés et les particuliers à faire des dons en argent pour des bourses, la recherche, des chaires d'enseignement, des services étudiants et des édifices.
        Dans cette relation bilatérale, les universités canadiennes ont conservé la maîtrise de leurs programmes et de leurs biens.
        Comme le temps a changé cependant! Depuis 1973, le financement public de l'enseignement postsecondaire diminue d'année en année, de décennie en décennie. Il n'est donc pas surprenant que les administrateurs d'université aient commencé à flatter les donateurs particuliers et de l'entreprise privée. Lorsque la stratégie n'a pas permis de recueillir les fonds nécessaires, les administrateurs sont passés à l'étape suivante, soit la privatisation douce, en l'occurrence la hausse des frais de scolarité. (Dans certaines universités des provinces Maritimes, les étudiants paient plus de la moitié des coûts d'exploitation de leur université et s'attendent, en tant que clients « payeurs », à jouer un rôle important dans la prise de décision.)
        Toutefois, la propagation de la théorie du marché de la nouvelle droite est ce qui fait la plus grande différence, peut-être même plus que la réduction du financement public. Les tenants de cette théorie soutiennent que l'application des principes du marché assouplira l'éducation publique, la rendra innovatrice et réduira les coûts. Si les universités et les collèges doivent agir vite pour créer des programmes dans les secteurs fortement en demande, ils feront de même pour abolir les programmes qui ne produisent pas d'emplois utiles et immédiats. Encore mieux, la discipline de marché entraînera la réinvention de l'université, pour qu'elle soit sensible aux besoins de l'industrie et centrée sur le client, pour qu'elle soit efficace, alerte et « dégraissée ». La privatisation est la technique préférée pour réinventer l'université.
        Il devient assez difficile de faire de la philanthropie avec ces nouvelles tendances. Les dons non grevés, c'est-à-dire complètement indépendants, sont rares lorsque les « intrants » sont presque toujours liés aux « extrants ». Si, d'une part, une grande compagnie pharmaceutique « donne » des millions de dollars à une faculté de médecine et s'attend à ce que cet argent fasse naître un savoir utile mais qu'elle limite, d'autre part, les droits des chercheurs à publier leurs conclusions, il en résulte une ambiance totalement nouvelle de confidentialité intellectuelle.
        Les vrais « privatisations » nous mènent dans une direction dangereuse, vers la perte de l'autonomie. Le phénomène s'implante progressivement. Puis, lorsque des donateurs veulent influencer les nominations, les octrois de permanence et le programme d'études, en plus de demander que des édifices ou des programmes portent leur nom, nous faisons face à un problème. Et lorsque tout se décide sous le couvert de la confidentialité, le problème se transforme en désastre. Pis, lorsque les privatisations, grandes ou petites, détournent nos universités et nos collèges de leurs objectifs publics, nous sommes à la frontière d'un nouveau pays, un pays dont le savoir est accordé aux riches, où la recherche est limitée par le marché et isolée de la critique du public et où l'université devient une industrie fermée.
        Finalement, la privatisation de nos universités et de nos collèges publics signifiera la vente d'un droit acquis. Nous devons y résister.

    (779 mots, selon WordPerfect 5.1)


    Notes sur le titre et le premier paragraphe. 1. "Creeping" -> "De plus en plus populaires": dilution (5 mots contre 1) et modulation (image de la plante qui grandit -> prolifération d'une pratique sociale). 2. "threatens" -> "risque de nuire à": dilution + attenuation, ou modulation aspect actif -> aspect passif. 3. "autonomy" -> "l'autonomie des universités": explicitation entraînée par le sémantisme de la structure du français (il ne s'agit pas de l'autonomie générique mais d'une autonomie spécifique). 4. "social and political" -> "socio-politiques": articulation par coordination -> articulation par subordination. 5. "change" -> "les changements": modulation du collectif vers le pluralité. 6. "can sneak up on you" -> "s'installent furtivement": chassé-croisé (sens: "sneak up" -> "furtivement"; "on" -> "s'installent"); modulation de possibilité ("can") -> fait (pas de modal); modulation concret ("you") -> abstrait; modulation dynamique ("sneak up") -> statique ("s'installent"). 7. "By the time" -> "Lorsque": modulation d'intervalle ("by the time") -> moment ("lorsque"); plus sous-transposition locution conjonctive -> conjonction. 8. "you notice" -> "vous les remarquez": explication obligatoire (idiomacité) du complément d'objet direct. 9. "the effects" -> "leurs effets": changement idiomatique de déictique (déterminant) explicitant en français l'aspect anaphorique de la référence. 10. "are pervasive" -> "se font déjà sentir un peu partout": modulation abstrait ("pervasive" est général) -> concret ("sentir" est particulier); modulation passif ("are" = état) -> actif ("se font sentir"); transposition et dilution ("pervasive" = adj. -> "un peu partout" = adv.); "déjà" compense la perte obligatoire de l'immédiateté de "by" (dans "by the time" - cf. note 7). 11. "and irreversible" -> "et ils sont irréversibles": ajout nécessaire de "sont" puisque le premier verbe était différent; ajout facultatif de "ils". 12. "rising" -> "grandissante": modulation du vertical particulier vers l'augmentation générale. 13. "and it has the feel of" -> "et ressemble à": ellipse facultative du sujet (cf. note 11); modulation du concret (sens spécifique du toucher) -> abstrait (les sens en général ou la perception intellectuelle). 14. "change" -> "un changement": modulation du collectif général vers le singulier particulier.