Deux « amateurs » débusquent les secrets de la pyramide de MeïdoumDeux « chambres secrètes » ont été découvertes dans la pyramide de Meïdoum par une équipe égypto-française, avait annoncé une presse égyptienne adepte du sensationnalisme. Mais c'est avec beaucoup de sobriété que Gilles Dormion et Jean-Yves Verd'hurt ont exposé les résultats de leurs travaux devant le 8e congrès international d'égyptologie, qui s'est tenu du 28 mars au 3 avril, au Caire. Les deux hommes tiraient là la leçon de leurs précédentes aventures égyptiennes. Même s'ils ont consacré aux pyramides l'essentiel de leur énergie depuis une quinzaine d'années, ils ne font pas partie des milieux égyptologiques classiques. A l'issue de leur second chantier, ces amateurs semblent, pourtant, être enfin parvenus à convaincre les archéologues du bien-fondé de leur démarche. Gilles Dormion, cinquante ans, est architecte dans la banlieue lilloise. Il avoue bien volontiers que sa passion est née de la lecture... des aventures de Blake et Mortimer en bandes dessinées dans Le Mystère de la Grande Pyramide ! Son coéquipier, Jean-Yves Verd'hurt, soixante ans, est agent immobilier à Lyon depuis trente-cinq ans. Conscients de leurs lacunes en archéologie, ils préfèrent aborder le sujet de leur passion en professionnel du bâtiment. « Nous portons, explique Verd'hurt, un oeil clinique sur les pierres, sur l'architecture. » Leur démarche consiste à « repérer toute anomalie architecturale » qui, étant données la longévité et la stabilité de ces constructions, « était forcément voulue » et cache probablement un détail encore insoupçonné. Menée à grand bruit sur le thème « la Grande Pyramide n'a peut être pas livré tous ses secrets » dans l'esprit... Blake et Mortimer, leur campagne de 1986 sur la pyramide de Khéops avait profondément indisposé la communauté archéologique. Elle avait, pourtant, permis la découverte - faute d'un trésor ou de riches chambres funéraires - de « cavités organisées » souvent emplies de sable, à l'intérêt plus architectural qu'archéologique. DU VIDE POUR SOLIDIFIER Le tumulte apaisé, ils ont pu convaincre les autorités culturelles égyptiennes de les laisser travailler sur Meïdoum, une pyramide plus ancienne que Khéops. Munis d'outils sophistiqués fournis gracieusement par les sociétés Hilti (matériel de forage) et Olympus-France (photo), ils ont commencé leurs investigations au début de 1998. Le couloir pentu flanqué de deux petites « logettes » - des sortes d'alcôves de 2,10 m de large - menant au puits d'accès à la chambre funéraire attira immédiatement leur attention. Il est doté d'un plafond plat. Ce détail constituait un non-sens technique pour l'architecte : même constituée de solides « chevrons » (énormes poutres de pierre) jointifs, une telle structure est parfaitement incapable de résister à la pression des milliers de tonnes de matériaux qui la surmontent... Il y avait sans doute quelque chose au-dessus. Probablement des « chambres de décharge », salles dotées d'une voûte en encorbellement qui permet de reporter l'effort sur les murs du couloir et des logettes. Une voûte comme celle qui surmonte la grande galerie de Khéops, ou la chambre funéraire de Meïdoum. C'était d'autant plus probable qu'au sommet du puits d'accès à cette dernière, « certaines pierres ne cadraient pas avec la construction. Elles ressemblaient à des fenêtres d'accès », raconte Jean-Yves Verd'hurt. Les deux hommes ont donc percé la paroi à cet endroit pour y introduire (par un trou de 16 mm de diamètre !) un endoscope muni d'une minuscule caméra pivotante. Gagné ! En descellant une pierre de 40 kg, ils ont pu pénétrer dans la cavité ainsi détectée. Un petit couloir de 3 m de longueur, plein de pierres délitées - probables débris de construction - et de dépôts de sel. Mais ils n'étaient pas au bout de leurs surprises. L'endroit déblayé, ils ont foré un autre trou minuscule dans le mur du fond, pour découvrir, au bout de leur endoscope, une petite chambre de 2,6 m sur 2,1 m, haute de 3,5 m. Deux autres forages - effectués, cette fois, à travers le plafond plat du couloir pentu - ont montré une seconde salle similaire et un couloir de 15 m de longueur se terminant par une pierre verticale. Tous ces réduits étaient encorbellés comme prévu. « Nous n'avons pas pénétré dans ces trois autres cavités, précise Jean-Yves Verd'hurt. Elles semblent vides. Nous n'y avons pas vu de peintures. En revanche, on y distingue très bien des lignes tracées par les constructeurs. » EN QUÊTE D'UNE SIGNATURE Jean-Pierre Corteggiani, directeur des relations scientifiques et techniques de l'Institut français d'archéologie orientale (IFAO), qui a pu mettre l'oeil à l'endoscope, est encore sous le charme. « J'étais bouleversé de voir quelque chose que personne n'avait plus revu depuis 4 700 ans », dit-il. Selon lui, une simple inscription sur les murs de ces salles serait déjà une découverte extraordinaire. « Ce serait formidable s'il y avait un nom inscrit. N'oublions pas que, dans la Grande Pyramide, la seule fois où le nom de Khéops est écrit, c'est justement un graffito à l'encre en cursive dans la dernière chambre de décharge. » La pyramide de Meïdoum est attribuée, pour sa partie centrale, à la IIIe dynastie (2 700 av. J-C.), sans doute au roi Houni, grand-père de Khéops. Elle aurait été terminée par Snéfrou, le père du constructeur de la Grande Pyramide. Un graffito avec le nom d'un de ces pharaons permettrait donc de lever les conditionnels. L'égyptologue, qui salue « le regard neuf » des inventeurs, souligne que leur découverte prouve que l'on connaissait les chambres de décharge bien avant Khéops. « Il faut continuer l'étude de la pyramide de Meïdoum, ainsi que d'autres sites, avec la même approche originale », conclut-il. |