Dans sa chambre, Chris était occupé avec son travail. Dispersés sur son pupitre étaient plusieurs papiers colorés. Il découpait une pièce de papier rouge dans la forme d’un coquelicot. Déjà collé sur une croix, qu’il avait découpée à l’école, étaient d’autres coquelicots identiques à celui qu’il découpait. « Chris, il est presque l’heure du souper », dit sa mère en entrant dans la chambre du petit garçon. En souriant, elle examinait le travail de son fils. « C’est très beau », dit-elle en caressant les cheveux noirs de Chris. - Merci maman, reprit-il. J’ai presque fini. Seulement quatre coquelicots de plus. - C’est pour demain, oui ? - Oui. Madame LaRochelle veut qu’on finisse nos croix pour qu’on puisse les apporter à la célébration. Chris continua son découpage avec du papier vert pour le centre du rouge coquelicot. Il demanda à sa mère, « Je ne sais pas pourquoi on prend la peine de le faire. C’est la même chose chaque année : un gymnase décoré par des coquelicots. » - Tu vois Chris, le 11 novembre représente plus que des petites fleurs rouges. C’est le jour où on commémore ceux qui ont été tués pendant la Première Guerre mondiale... » - Oui, oui maman. Je sais tout ça, interrompit le petit garçon. Mais il semble que tout ce travail ne serve à rien. La guerre a été loin dans le passé et moi, je ne comprends pas pourquoi on se souvient des personnes qu’on ne connaissaient pas. Silencieusement, la mère s’assit sur le lit. Elle regarda son fils, qui continuait à découper, et demanda à elle-même, « Il est si jeune, comment pourrai-je expliquer la necessité de se souvenir des morts, particulièrement ceux qui sont morts pour une cause ? » « Viens ici, mon petit », dit-elle en frappant légèrement à côté d’elle sur le lit. Chris hésita, puis s’assit avec sa mère. « Il est très important qu’on soit respectueux et qu’on se souvienne des morts, même si on n’a jamais eu la chance de les connaître. Par exemple, ton grand-père. Il est mort quand j’étais très jeune donc je ne me souviens pas beaucoup de lui. Mais l’histoire de sa mort a beaucoup de signification, que même aujourd’hui, je suis très fière qu’il était mon père. Aux Philippines, durant la Deuxième Guerre mondiale, les Japonais avaient lancé une attaque à Manila. Moi, je me souviens très peu de la nuit fatale que les troupes japonaises avaient envahi notre village. Les soldats d’infanterie avaient provoqué un incendie sur le toit d’un de nos voisins. La paille s’était enflammée et puis le feu avait pris presque immédiatement toute la maison. Le feu avait avancé avec plus de force aux autres maisons. Tout le monde était rempli de panique. Ton grand-père, par instinct, avait pris la commande. Il commanda aux hommes et aux femmes de partir en emmenant les enfants et les vieillards. ‘Vite, vite, leur cria-t-il. Vite... laissez tout...’ » Chris, étonné, écouta chaque mot que sa mère disait. Elle continua : « Ton grand-père nous dirigea d’aller avec la famille Reyes et il nous rassura qu’il nous rejoindrait bientôt. S’enfuyant des flammes rouges, c’était la dernière fois que j’ai vu mon père. Les gens disait qu’il était cerné par les flammes en essayant de sauver un enfant dans une des maisons. Il est mort un héros de notre village. Nous avions commémoré sa mort, et en particulier on se souvenait de son immense courage. » Au bord des larmes, la mère regarda son fils. Son regard démontrait une compréhension mélangée de la tristesse. Chris embrassa sa mère en silence. Le lendemain à l’école, une trompette remplit le gymnase avec le son que Chris avait entendu chaque 11 novembre. Pour la première fois, il comprenait l’importance réelle de ce jour pendant qu’il se tenait debout et silencieux.
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