M1 v° - M2 r°: "Les conseillers Eschevins de Rouen, avoient fait equiper deux
navires, l'une à tref quarré, comme celles de ce pays,
portant deux rondes gabies, garnyes de Paviers, et de tout
autre artillage, L'autre à deux artimons, en facon de
crevelle de Portugal, lesquelles deux navires, representerent lors
une gentille Naumachie, singulierement bien conduicte et
executée. Ladicte crevelle, equipée au nage, a
toute extreme force de Rames, veint sentir à la
vollée du canon, comme faisoit un corsaire, ou
pirate de l'Affrique, le navire de ce pays qui radioit sur ses
anchres, pres de terre. Quoy voyant apres avoir dilligemment vire
au cabesta et empicque ses anchres sur les
bittes, sans avoir la patience de caponner ses anchres,
veint à voille desployée et à la rame,
canonner de pres la crevelle, et apres sa vollée
d'artillerie, l'abborder, et enferrer: Estantz ainsi bauc
à bauc, combatirent quelque temps de proue et de pouppe,
si furieusement avec picques, rancons, pertuysanes, lances, {l'ances} dartz,
{d'artz} grenades, et potz à feu, courants à travers l'eau,
qu'on les eust jugé combatre mortellement et à oultrance, non
sans donner un grand effroy, aux regardants, accompaigné d'incredible
joye, quant ilz virent la crevelle de Portugal derompue, et
brisée, les voilles et funaille en feu, qui se
respandoit davant arriere, sans toutesfois, que nul des
mattelotz en fut offencé, Ce voyant la nef à
tref quarré, comme victorieuse, avec petite perte, se
desempara de la crevelle, Les mattelotz de laquelle, se
gettoient à la desesperade, en l'eau avec leurs armes et enseignes,
cullebutans l'un sur l'autre, tendants à fin d'eulx sauver, à
nouer, {n'ouer} en l'isle prochaine, Ce qui causoit, un grand esbahiseement,
à gents non accoustumez à telles furies de guerre, et
neaumoins, un joyeulx contentement, voyants qu'en un tel et si violent
assault d'armes trenchantes, et aspreté de feu, n'y eust aucun
endommagé en sa personne. Grand nombre d'esquiphes,
gondrez, et almadies, equippées de
mattelotz, tous vestus de rouges hoquetons, vaugoient
à la Venitiane, environ de la crevelle, avec grand
bruit de leurs acclamations, correspondantz au son du sifflet ou
huchet, embouché de leur Patron. Esbat certes
qui accompaigna merveilleusement bien, le reste de ce triumphant
spectacle.
[O] De l'autre bande du Pont, de la partie {parrie} du
Ponent, grand nombre de navires estoient rengées, le travers
de la riviere, Lesquelles joingtes et serrées bauc à
bauc l'une de l'autre, par leur disposition representoient, la figure
d'un Croissant, Spheriquement compassé. La
circonference duquel, estoit remplie de six galleres, couvertes en
pouppe de drap d'or frize, et de drap d'argent, quille de
mesme, rengée de frenge et houppes de fil d'or et d'argent traict,
accordé de bonne grace. Les estendars et bannerolles,
en grand nombre, fleuretes d'ouvrage Damasquin, blanc et verd, d'aucunes
blanc et rouge, des autres noir et blanc, voletans en l'air, enrichissoient
fort l'aornement d'icelles, avec la chiorme, qui estoit vestue de
robes, et capuchons rouges, noir et verd, assortez de blanc. Les
rames, mastz, vergues, et artillage de la suyte.
Lesquelles galleres, rendoient une figure triangulaire, comme un
Deltoton, {D'eltoton} signe celleste, Aux aelles des galleres,
estoient anchrez, deux gallions ou roberges, tous
lesquelz vaisseaulx, d'autant bien seans aornemens enrichis, que rien mieulx
et apareillez les vergues en bataille, Saluerent d'artillerie
le Roy, de telle impetuosité, qu'il sembloit que la machine du monde,
deust {d'eust} lors estre par feu et tempeste fouldroyée. Et à
l'instant mesme, grand nombre de canons, et coullevrines de bronze, que l'on
avoit fait renger sur le cail de la riviere, deschargea sa
vollée, de si grande force, que la terre et le pont en furent
esbranllez, il veint bien apoint, que l'air estoit pour lors clair et
serain, plus qu'on ne l'avoit veu de long temps, et que par le vent,
nommé epheliotes, et par noz mariniers, levant,
ou est doulcement ventant, de la part d'Orient."
P4 r° - P4 v°: "[O] Ceste salutation agré receue, icelle Thetis se precipita d'une allegre hardiesse, des appuys du Pont dedans la riviere de Seine, Le semblable firent Amphitrite et les trois autres Nereides, lesquelles furent retirées de l'eau par les gondolles, qui vaugoient pres du Pont, apres qu'elles se furent par long temps esgayees au nage. La Naumachie des Francoys contre les Portugaloys, fut pour la seconde foys raffreschie, {r'affreschie} ou fut sacquementée et brullée a labordage, le Crevelle. Le Char triumphant de Neptune, accompaigné de son tresamé filz Orion, de ses Tritons de AEolus et ses quatre ventz, fut en sa presence tiré des Hippopotames. Les trois Sirenes s'esgayerent sur l'eau, La Balene et ballenotz, portans sur leur doz plusieurs dieux Maritimes et fluviaulx, regorgerent force poissons, Le daulphin {d'Aulphin} se dardoit sur la superficie de leau, Comme Iphiclus sur les espicz de forment, la fut ouye une delectable melodie de Trompes Cornetz et tous autres instrumentz musicaulx, Vous eussies veu Sergestus agilement conduire son Centaure, Gyassa Chymere, Cloanthus Scyllam, Menesteus Pistrin, et autres plusieurs Argonautes, comme Typhis, zetes Calays Thelonis, Phoceus, Canopus et Peloras, dedans leurs brigantins, almadies, et esquiphes d'extresme Vitesse vauguer, et autres à force de Rames suyvir, avec petites fustes et barques, pour le secours de ceulx qui pourroient estre renversez à l'eau, Lesquelz estoient en si grande quantité, que les Poissons se pouvoient bien dire couvertz, comme souz l'umbrage d'une crotte de glace, contenant uniement tout le planice de leau. Et de l'autre bande de la Riviere tyrant vers le Ponent, les navires, gallions, galleres, galliotes et Roberges, ainsi rengées et equipées, et Richement parees, tant en Proue et flans de pouppe, et coursies, que Hunes, et gabies, de pavillons, bannerolles, marmoutes, funaille, sartes, et tout autre artillage, de blanc et verd, la chiorme des galleres, consonante aux couleurs. Et ainsi que la Royne se delectoit au contemplement de tant divers et singuliers esbatementz, L'artillerie de dessus le cail, et celle des gallions, galleres, et navires, despara avec si grand effroy et retondissement de la riviere, qu'il sembloit que le Pont, et la forteresse d'icelluy, deussent {d'eussent} voller par esclatz, ou que Jupiter voulsit de rechef fouldroyer les geantz à la compaigne de Flegra, lors que Hercules se battoit contre eulx, Pour lequel effroy, les Haquenees des princesses, et dames se prindrent à rudement se demener, et trepeler du pied, rompans leur ordre, sans toutesfoys aucune offencer, ou getter par terre."