[Image de l'original: Dictionaire critique, tome II, page 309]

    GÂGNER, v. act. [1re lon. Mouillez le g devant l'n.] 1°. Faire un gain, tirer un profit. "Un bon Ouvrier gâgne quanrante ou cinquante sous par jour. "Il a beaucoup gâgné dans le comerce, au jeu, etc. "Gâgner sa vie à filer, etc. == 2°. Avec la prép. sur: obtenir quelque chose de quelqu'un par persuasion ou par prière, etc. "Je n'ai rien pu gâgner sur lui. "Gâgnez cela sur vous, faites-vous cette violence. "Dans l'observation de la (Loi de Dieu) il faut à toute heure, prendre et gâgner sur soi, pour lui être fidèle. Segaud. == 3°. Figurément, Aquérir: "gâgner le coeur, l'amitié, l'afection, l'estime, les bones grâces, les sufrages, les voix. "Gâgner les âmes à Dieu. "Gâgner quelqu'un à la Religion, à l'État. == 4°. Mériter. "Si j'ai quelque avantage,

[Image de l'original: Dictionaire critique, tome II, page 310]

je l'ai bien gâgné. == 5°. Corrompre. "Il gâgna ses gardes. == 6°. Parvenir. "Gâgner le grand chemin, le gite, le logis. * La gangrène a gangé le dedans. "L'esprit a gangé l'État: il a fallu doner une Académie à chaque Province: bientôt chaque Bourgade aura la siène. Coyer. == 6°. V. n. Faire progrès. "Le feu a gâgné jusqu'au toit.
    Non: c'est un des travers qu'on doit moins épargner:
    Il n'est pas fort comun, mais il pourroit gâgner.
La Chaussée.
== 7°. Il entre dans plusieurs expressions. == Gâgner le Jubilé, les Indulgences; mériter les grâces que Dieu y a atachées. == Gâgner temps ou du temps. Le 1er se dit quand on veut avancer; le 2d, quand on veut diférer. "Écrivez par ce Courrier, pour gâgner temps. "Il fit mille chicanes, pour Gâgner du temps. -- L'Acad. dit aussi: Gâgner temps, dans cette 2de acception; mais, gâgner du temps, est plus conforme à l'usage. == Gâgner chemin ou pays, avancer, faire du chemin. == Gâgner le devant ou les devans: le 1er est meilleur au propre, et le 2d au fig. Voy. DEVANT. == st. prov. Gâgner au pied, (et non pas du pied, comme disent quelques-uns.) Gâgner la guérite, ou le haut, ou les champs, ou le taillis, s'enfuir. == Fig. Gâgner le dessus, prendre, avoir l'avantage. -- Gâgner la gageure, venir à bout de ce qu'on a entrepris. == En termes de Marine, gâgner le vent, prendre le dessus du vent. == En st. fam. Gâgner la main, ou gâgner quelqu'un de la main, le prévenir. On dit aussi, et mieux, le gâgner de vîtesse. -- La nuit nous gâgne, elle aproche. "La famine gâgne: je comence à avoir faim. == Je vous done gâgné: je quite la partie; je reconois que vous avez gâgné. -- Croire avoir ville gâgnée. Croire mal-à-propos avoir remporté l'avantage. -- Crier ville gâgnée, crier qu'on a remporté le prix.
    Rem. 1°. On écrivait autrefois gaigner, mais cette ortographe est contraire à la prononciation; car alors il faudrait prononcer guegné: on croyait l'i nécessaire, pour marquer le gn mouillée. Ainsi, l'on écrivait montaigne, compaigne, etc.
    2°. Gâgner, a beaucoup plus d'étendue qu'aquérir. On dit, gâgner un procès, une bataille, et l'on pourrait pas dire aquérir dans ce sens-là. On ne dit pas pourtant gâgner un combat. L'Acad. aprouva la critique de Scudéri, qui avait repris dans le Cid.
    Le Prince pour essai de générosités,
    Gâgneroit des combats marchant à mes côtés.
== On dit aussi gâgner, et non pas aquérir un rhûme, une fluxion. une pleurésie, etc.
    3°. Gâgner, neutre, apliqué aux persones et aux choses, régit à devant l'infinitif. "Cet homme gâgne beaucoup à être conu. "Les habits ne gâgnent rien à être trop long-temps enfermés, etc. "Que gâgnerions-nous d'avoir mille tyrans, au lieu d'un maître. Anon. Dans cette phrâse, de vaut mieux que à, pour éviter l'hiatus de, à avoir, etc.
    4°. Gâgner sur soi, régit de et l'infinitif. "Maurice s'étoit familisarisé avec l'idée d'une Couronne, et il ne sut pas gâgner sur soi de pôuvoir s'en passer. Rayn.
    5°. Gâgner ses Pâques, est un gasconisme. On dit, gâgner les Indulgences, et faire ses Pâques. Gasc. Corr.