[Image de l'original: Dictionaire critique, tome II, page 565]

    LOIN, adv. et prép. [Loein, monos. On écrivait autrefois loing.] A grande distance. Adv. de lieu. "Aller loin, revenir de loin. == Adv. de tems: "Parler de loin, d'un temps éloigné. == Prép. Elle régit de et à. "Il y a loin de Marseille à Paris. "Quelque-fois il n'y a qu'un seul de ces régimes d'exprimé; et c'est toujours le 1er. Il est loin de nous. "Loin du monde, loin du bruit. "Loin des yeux, loin du coeur, dit le Proverbe. == Prép. de tems. "Il y a loin d'ici à Noël. "Nous sommes encôre loin de Pâques.
    Au loin, loin à loin, de loin à loin, adverbes. "Aler, chasser au loin. "Planter des arbres loin à loin. "Il ne me vient plus voir que de loin à loin. Plusieurs de nos Auteurs les plus estimés disent de loin en loin, comme l'Ab. des Fontaines, J. J. Rousseau, M. Linguet, M. l'Ab. Grosier, M. de la Cretelle, etc. On peut croire que cette manière est aussi bone que l'aûtre.
    Il est à remarquer que loin est tantôt précédé, tantôt suivi de la prép. de. "Ce qui est beau de loin ne l'est pas toujours de près. "Loin de vous je m'ennuie. "Loin d'eux s'enfuyoit le doux sommeil. Télém. == Loin de, se met quelquefois à la tête de la phrâse par manière d'interjection. "Loin de nous les Héros sans humanité! Bossuet. == Rousseau dit loin tout seul, mais c'est dans le style demi-marotique.
    Loin tout rimeur, enflé de beaux passages,
    Qui, sur lui seul moulant ses personages,
    Veut qu'ils aient tous autant d'esprit que lui;
    Et ne nous peint que soi-même en autrui!
M. De Lille dans ses Jardins fournit une multitude d'exemples de ce tour, qui lasse et devient monotone pour être trop souvent employé. -- Loin donc ces froids jardins... Loin de luxe bourgeois... Mais loin l'architectûre de ces tristes grands... Loin ce cercueil factive... Loin ces vains monumens, etc. etc. -- De loin, se met ordinairement après le verbe, même dans les tems composés. Quelquefois pourtant il est mieux devant, parce qu'il ne sépâre pas le verbe de son régime. "Charles, qui de loin a prévu les projets de son frère, etc. Moreau. -- Qui a prévu de loin les projets, ne serait pas si bien.
    Non loin de, adv. Près de. "Dans les montagnes de Savoie, non loin de la route de Briançon, etc. Marm.
    Non loin de ce rivage, un bois sombre et tranquille,
    Sous des ombrages frais présente un doux asile.
Henriade.
Non loin de est plus élégant que près de: mais il est plus du haut style que de la conversation. == * Être loin de faire fut critiqué autrefois dans la Princesse de Clèves. On disait qu'il falait dire, Être éloigné de faire.

[Image de l'original: Dictionaire critique, tome II, page 566]

Malgré cette Critique, qui me parait juste et qui n'est guère conûe, on a continué de le dire. "Les Allemands sont encôre loin de pouvoir prétendre à la célébrité dans les Beaux-Arts. Journ. de Mons. == D'aussi loin que, régit l'indicatif. On a dit aûtrefois de tant loin que. "De tant loin qu'ils purent découvrir la croix, ils l'adorèrent. Vie de S. P. d'Alc.
    Bien loin, conjonction, est suivi ou de la prép. de, et de l'infinitif, ou de que avec le subjonctif. "Bien loin de le faire; bien loin qu'il le fasse. == On dit assez indiféremment, et en prôse et en vers, loin de, et bien loin de; et on avait décidé mal-à-propôs dans le Dict. Gram. que loin sans bien était une faûte. On s'était fié uniquement à Vaugelas, qui a été reformé sur cet article par Th. Corneille, et encôre mieux par les exemples multipliés des meilleurs Auteurs.
    Les Dieux ont prononcé: loin de leur contredire,
    C'est à vous de pâsser du côté de l'Empire.
Rac. Brit.
"Loin que le chef ait un intérêt naturel au bonheur des particuliers, etc. J. J. Rouss.
    Loin que ce nom si doux eût fléchi le cruel,
    Il n'eût fait que le rendre encor plus criminel.
Crebillon, Rhadamiste.
    REM. Bien loin, rend la phrâse négative, et doit produire le même éfet pour la construction que les particules qui expriment le sens négatif. Ainsi, comme on dit, je ne crois pas que vous l'ayiez fait; on doit dire: bien loin de croire que vous l'ayiez fait, je crois tout le contraire; et non pas, que vous l'avez fait. J'estime donc peu exacte la phrâse suivante de Boileau. "Bien loin de convenir qu'il y a du sublime dans ces paroles, vous prétendez, etc. Je pense qu'il falait dire, qu'il y ait, etc. parce qu'on dirait avec la négative; vous ne convenez pas qu'il y ait du sublime dans ces paroles, mais vous prétendez au contraire, etc. == * Bien loin que, etc. qu'au contraire, etc. est un tour suranné, dont les bons Écrivains ne se servent plus. "Bien loin qu'il s'en repente, qu'au contraire il continue toujours d'en faire de plus belles.
    On dit, fig. st. famil. -- Voir venir de loin, se douter de ce qu'on nous va dire. -- Il ira loin, il fera fortune. == Il n'ira pas loin: il mourra bientôt. -- On dit d'un jeune homme fort malade, la jeunesse revient de bien loin; et, en général, revenir de loin, ou de bien loin, réchaper d'un extrême danger, se rétablir après quelque disgrâce. -- Renvoyer, rejeter une chôse bien loin, la rebuter. -- En matière de science, aler loin, bien loin, faire de grands progrès. -- En matière d'afaire, aler loin, trop loin, s'engager beaucoup, trop. -- Cette afaire va ou ira plus loin qu'on ne pense, est de plus grande conséquence qu'on ne croit. -- * Il en sait de loin, pour de long, barbarisme gascon. Desgr.

    LOINTAIN, [LOINT]AINE, adj. [Loein-tein, tène: 1re lon. 2e è moy. au 2d.] Qui est fort loin du lieu où l'on est, ou dont on parle. "Pays, climat lointain. Régions lointaines. == La Touche croyait ce mot peu usité, comme adjectif et plus de la poésie que de la prôse. Il avoûe cependant que l'Acad. l'aproûve comme adjectif; un pays lointain, des campagnes lointaines. == S. m. En termes de Peintûre. "Le lointain d'un tableau. "On voit dans le lointain des Bergers, qui, etc. Dans ce sens, il vaut mieux qu'éloignement. == Cet adjectif suit ordinairement le substantif qu'il modifie. "Les bords lointains, les campagnes lointaines, et non pas les lointains bords, les lointaines campagnes. -- En vers pourtant, il peut quelquefois précéder.
    Et le Berger connoit par d'assurés présages
    Quand il doit éviter les lointains paturages.
De Lille.

    *LOISIBLE, adj. [loazible.] Qui est permis. "Cela n'est pas loisible. Il est vieux, il l'était même déjà du tems de Vaugelas et de Th. Corneille. L'Acad. se contente de dire qu'il vieillit, mais il y a déjà du tems qu'elle le dit. Ce mot dans la conversation a un tout autre sens que, il est permis. Il signifie souvent, s'il vous fait plaisir, ou si vous en avez le loisir. L'on dit; et il est fort d'usage. "Vous y viendrez, s'il vous est loisible. MARIN.

    LOISIR, s. m. [loa-zir.] 1°. Tems, où l'on n'a rien a faire. "Jouïr d'un doux, d'un honête loisir. == 2°. Espace de tems sufisant pour faire quelque chôse comodément. "Je n'ai pas le loisir d'y penser. "Vous ne me donez pas le loisir d'y répondre. == A loisir, adv. à son aise, à sa comodité. "Vous ferez cela à loisir, vous y penserez à loisir. Bossuet dit, à grand loisir. "Mandez-moi à grand loisir ce que cette lectûre aura produit.
    Loisir, oisiveté (synon.) Le loisir est un

[Image de l'original: Dictionaire critique, tome II, page 567]

tems de liberté: l'oisiveté est un tems d'inaction; c'est l'abus du loisir. "Le loisir d'un homme de bien ocasione beaucoup de bonnes actions: l'oisiveté ne peut ocasioner que des maux. Beauzée, synon. == Loisir, s'emploie quelquefois au pluriel en poésie. "D'heureux, d'agréables loisirs. == Quand loisir est sans régime, on dit assez indiféremment, avoir du loisir, et être de loisir. "J'ai du loisir, êtes-vous de loisir? Mais quand il régit l'infinitif, il faut se servir d'avoir. "Aurez vous le loisir de faire cette course? == On dit, doner le loisir de faire. * Voiture dit, doner loisir sans article. "Vous me deviez doner loisir d'aprendre notre langue, devant que de m'obliger à vous écrire. Lettre à M. Godeau. == En st. famil. avoir bien du loisir, avoir du loisir de reste, se dit d'un homme qui s'amûse à des bagatelles, ou qui s'ocupe l'esprit de chôses, qui ne le regardent pas. == Il aura tout le loisir de se repentir, il s'en repentira à loisir, se dit de celui, qui fait quelque chôse, dont on croit qu'il sentira long-tems les suites.


Lointain: Depuis A1 (cf. A4).

Loisible: En fait, depuis A1 (cf. A1, A4).