Queuë, foem. penacut. Proprement prins est la
partie de la beste, qui
luy pend du croppion par derriere, et luy couvre
l'une de ses parties honteuses
si c'est un masle, et toutes les deux si c'est
une femelle, et Dieu
la luy a donnée pour cette fin, ou large
et espaisse de tronc et trongnon,
ou fort peuplée de crins ou de
pennes, Cauda. Duquel mot Latin le
François est fait, comme aussi
l'Espagnol Cola, et l'Italien Coda.
Ainsi l'on dit, La queuë du Lion, du
cheval, de l'oiseau, Leonis, equi,
auis cauda. Et, Remuer la queuë, ce que
les bestes font, ou pour chasser
de dessus elles ce qui leur nuit, ou pour
flater, ou par courroux, et autres
passions qui les meuvent diversement, Caudam
iactare. Persius. Agere,
agitare, deflectere, concutere. Et,
Queuë pendante jusques à
terre, Ad imos pedes cauda demissa, Vsque ad
calces profusa.
Et par metaphore, Il s'en va la queuë
levée, Elata cauda. c. tout resjoüi
et de hait. Ce qu'on dit par imitation ou des
chevaux, lesquels estants
eschappez s'en vont au galop esbaudissants par
la campagne la queuë levée:
ou des chiens, lesquels trottans par franches
erres et sans peur, portent
la queuë retroussée. Dont le
contraire est, Il s'en va la queuë entre les
jambes. c. tout honteux intimidé,
par ce que la beste qui est tancée, poursuivie,
ou battuë, serre sa queuë entre ses
jambes, courbant le train de
derriere; dont procede le mot Coüard pour
Timide, que l'Italien dit Codardo,
Et en autre signification, A la queuë
git le venim, ce qu'on dit
d'un qui ne monstre en ses premieres actions le
mal qu'il couve pour la fin.
Ce qui est prins du Scorpion, dont le venim est
à la queuë. Et en autre
maniere encores, Cette queuë n'est pas de
ce veau. Ce qu'on dit pour un
qui à la suite d'un propos met ce qui en
est aliené et d'autre matiere.
Queuë aussi par abusion du mot (ou par
translation, qui la voudra excuser
ainsi) est appelée la partie posterieure
du grand manteau et habit d'un
Cardinal, laquelle est beaucoup plus longue que
les devans d'iceluy et traine
par terre (dont celuy qui la releve, trousse et
porte derriere luy, est appelé
Caudataire. Et la queuë des robes ou
manteaux de dueil que les princes
portent aux funerailles des Roys et Empereurs,
trainant aussi apres
eux. Et la queuë des robbes et manteaux de
majesté et haut appareil,
que les Roines et princesses portent en un jour
de feste ou court planiere,
ou autre grande assemblée et acte
solennel, trainant longue espace apres
elles, que leurs dames d'honneur relevent et
portent par le bord esloignées
du long de laditte queuë apres elles. Et la
queuë des robbes des gentifemmes
et bourgeoises Françoises, qu'elles
retroussent par derriere avec
une agraffe ou espingle bien pres, et au dessous
de la ceinture, leur servant
pour toute honorableté de queuë
pendante, la doublure d'icelle, qui est ou
de velours, ou de satin, ou de taffetas, ou
d'autre estoffe lustreuse et plus
precieuse que celle desdittes robbes: aussi est
laditte doublure en veuë pour
parade, comme est celle des manches larges qui
sont appropriées à cette
façon et porture de robbes à
queuë (à la difference des robbes rondes et
sans queuë, qui ne sont de telle parade ne
si honorables) lesquelles elles
portent rebrassées depuis l'audessous du
coude jusques bien pres du mougnon
du bras, demeurant le surplus jusqu'au col
d'iceluy couvert de riches
mancherons, ou (comme en aucuns lieux on les
appelle) poignets faits
en ventre de cornemuse, ou de velours ou de
satin, de toile d'or ou d'argent,
estoffez de riches boutons d'or, aucunefois
enchassez de pierres precieuses,
ou orfavrisez ou recamez. Dont vient cette
maniere de parler, Elle s'en
va à hausse queuë. c.
precipitamment ou à la haste. Car d'autant que la
queuë pendant et trainant recerche un pas
et une contenance moderez
et graves: ainsi qui veut precipitamment aller,
trousse et hausse la
queuë de sa robbe, et ne retient cette
modestie et gravité. Et par ce que
la queuë est sur le derriere des bestes,
par plus esloignée translation l'on
dit en fait d'armes et chevalerie, la queuë
d'un pennon (qui est la poincte
d'iceluy voletant au vent, dont la teste est ce
qui tient et entoure le haut
de la hante, par laquelle le pennon est
porté en campagne) laquelle, à la
premiere bataille où le chevalier ou
escuyer noble de toutes ses quatre lignes
ayant la terre de deux chevaliers ou escuyers
bacheliers, et de son
patrimoine ou acquest dequoy s'accompagner
continuellement de quatre
ou cinq nobles hommes à xii. ou à
xvi chevaux, luy est couppée par son
Roy, par laquelle ceremonie il devient Banneret,
et son pennon Banniere.
Et la queuë d'une armée, qu'on dit
aussi, en ce qui est de combattans,
Arrieregarde, Extremum agmen. Et donner
sur la queuë d'une armée,
Hostem in nouissimo agmine insequi infestare,
lacessere.
Caesar. Et, Mener la queuë d'une
armée, dont le contraire est la teste de
l'armée, Agmen agere. B. Ce qu'on
dit pareillement de celuy ou ceux
qui marchent apres tous en une compagnie. Et
consequemment on use de
ce mot, pour la fin de quelque chose que ce
soit. Selon ce on dit A la queuë
de ce propos il m'en a mis sus un autre,
Quum hunc sermonem absoluisset,
mox alterum subdidit. Et, La
difficulté sera à la queue,
Molestia omnis in rei exitu consistet. Et, La
queue sera difficile à
escorcher, Clausula erit difficilis. B. ex
Cic. c. La fin en sera facheuse.
Queue a d'abondant un autre signification toute
differente des susdictes.
Car en cas de fustaille il se prend tant pour le
tonneau à vin contenant
cinquante quatre sextiers, à huit pintes
pour sextier, et en cette
signification vient de ce mot Latin Cupa,
(et se doit orthographier par
c. Cue, penac. Et non par q.)
et se partit en deux demiqueues contenant
vingtsept sextiers chacune à
l'equipollent, valans les deux queues
de vin trois muyds de vin au fust et jauge de
Paris. Ainsi l'on dit, Il a
recueilli une queue de vin, c. de vin
pleine une queue, Vini quantum
istiusmodi dolium capere potest percepit. Le
tonnelier fait des
queues, Faber doliarius istiusmodi vasa
vinaria fabre facit. Et, Il
a vendu deux queues de vin, Quando et vas
istiusmodi ligneum, vnaque
vinum vendita sunt. L'usage des queues et
demiqueues de vin
est frequent en France, mais la jauge et mesure
n'en est égale toutes parts.
Pour ce en l'ordonnance des jaulges il est dit,
la queue à la mesure et jaulge
de Paris. Et, la queue à la mesure de
Bourgoigne, Et, Queue Françoise.
Et, Queue de Bourgoigne. Et, Jaulger les vins
à la jaulge de Bourgoigne,
ou à la jaulge Françoise. Queue
encore se prend pour ce petit pied qui tient
le fruict attaché à l'arbre et au
sarment de la vigne. La raison de laquelle
signification est, par ce que le devant du
fruict est appelé Teste par le
François. Ainsi nomme-il Poire à
deux testes, une espece de poire qui a
deux fleurons separez et distincts sur le gros
bout. Ce qui est ainsi dit
sur la raison des bestes, lesquelles estans
panchantes (que le Latin dit Prona)
ont la teste sur le devant de l'abbord, et la
queue sur le derriere. Mais
les Latins appellent cette queue du fruict,
Pediculus, ou Petiolus. Et
l'Espagnol Peçon. ac. Et le
Languedoc Pecoul, ac. Par syncope du Latin
Pediculus, qui signifient petit pied, sur la
raison de l'homme qui a
les pieds perpendiculairement opposites à
la teste. Queue en outre se prend
aucunesfois pour le membre viril, Cauda
salax, dit Horace au I. des
Sermons, Sat. 3.
Queue d'aronde ou d'arondelle, en cas de serrurerie ou charpenterie est
une
piece de fer ou de bois large et espanie
és deux extremitez, estroicte au
milieu, servant à joindre par enchassure
deux pieces de bois ensemble, ou
bien le bout d'une piece de bois taillé
en queue d'arondelle pour enchasser
dans le bout d'une autre piece qu'on veut
joindre et adapter à celle-là,
Le mot est ainsi dit, parce que laditte piece
à enchasser et joindre represente
la forme d'une queue d'arondelle double ou
simple, Securicla,
Subscus.
Une herbe qu'on appelle Queue de cheval, Hippuris, huius hippuris,
vulgo Equiletum, Cauda equina.
Herbe semblable à la queue d'un renard, Alopecurus.
Herbe appelée La queue du Scorpion, Verrucaria verrucariae.
Queue de porceau, Voyez Peucedane.
¶ La queue d'une poire et autres fruicts, Petiolus, Pediculus.
La queue des raisins, Pes vinaceorum.
La queue de la grappe, Scipio.