Pièces préfatoires explicatives de dictionnaires anciens

 
Nature de la base Dictionnaires et pièces
Base interactive
et listes de mots
Affichage et
représentation du texte

Nature de la base

La base de préfaces est une sélection de pièces préfatoires, surtout des préfaces mais aussi certaines épîtres dédicatoires ou des avertissements, qui font état de la genèse ou du contenu d'un dictionnaire. D'autres documents ont été soit écartés (épîtres qui ne font que louer le dédicataire, par exemple), soit mis en attente de l'attention d'une bonne âme volontaire. Ces pièces sont présentées presque toutes sous trois formes : en transcription (HTML), en image de l'original (pages scannées) et en une base de données interactive globale. Seules exceptions actuelles (août 2000) : l'Avertissement et l'Errata raisoné de Féraud 1787 ne sont offerts qu'en mode image.

La comparaison des préfaces, favorisée par la base de données interactive, révèle les différentes préoccupations de leurs auteurs (lexicographe, éditeur ou imprimeur) : on s'adresse au lecteur ou bien au public ; on se présente comme modeste ouvrier ou comme autorité ; on présente un texte perfectible ou bien une oeuvre achevée ; on offre simplement ce qu'on a pu faire, on critique le concurrent, on se défend, ou on fait surtout de l'exercice de style.

Un dictionnaire qui dit beaucoup, et très modestement, sur la provenance de ses matériaux et la manière dont il a été rédigé est le peu connu mais trés riche Grand Dictionaire françois-latin de Pierre Marquis ; aussi avons-nous mis dans la base trois pièces extraites de cet ouvrage. Deux préfaces de grande envergure méritent une mention particulière : celle du Dictionnaire de Trévoux de 1721 et celle de la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie française (1835). La préface de 1721 marque l'affranchissement du dictionnaire par rapport au Dictionaire universel de Furetière revu par Basnage ; dans la deuxième édition du Trévoux (qui passe de trois volumes à cinq), on examine l'objet dictionnaire et on dresse un tableau du programme du dictionnaire trévoltien, programme qui ira se réalisant dans chaque nouvelle édition jusqu'à la dernière (1771, huit volumes). Mots-clés de la préface de 1721 : langue/langues (f. 37/13), dictionnaire/dictionnaires (34/16), mot/mots (32/27), françois (21), latin (21), édition (16), conseil (15), auteurs (13), autorité (12). La magistrale préface de 1835, rédigée par le docte Secrétaire perpétuel Abel Villemain, marque l'apogée du Dictionnaire de l'Académie, qui pouvait compter parmi ses rédacteurs à ce moment-là le lexicographe chevronné Charles Nodier. Ses réflexions sur la langue, sur la langue française et sur sa description dictionnairique sont les plus approfondies des pièces préfatoires des trois premiers siècles de la lexicographie française. Quelques mots-clés de 1835 : langue/langues (142/25), Académie (48), mots/mot (39/21), siècle (39), langage (37), esprit/esprits (36/17), dictionnaire (29), goût (28), travail (25), génie (24), française (19), écrivains (16). En comparaison, la longue préface de Féraud 1787 se réduit en grande partie à une discussion minutieuse de l'éternelle question de l'ortographe (ortographe 42, ortographes 2) et à une réfutation des critiques (n. m.) du Dictionaire critique.

On conclura ce bref exposé en indiquant quelques exemples de pistes d'exploration (thèmes, vocabulaire, stylistique...).

  • Balbutiements et perfectibilité. Robert Estienne, évoquant en 1539 son Thesaurus linguae latinae (1531, 1536) et son Dictionarium latinogallicum (1538), qui ont précédé le Dictionaire francoislatin, parle de "l'enfance desdictz liures qui commencent tout premierement a parler" et prie Jésus-Christ de bien vouloir donner "perfection a ce que nous auons encommence". Dès 1564, la perfection est humaine ; dans l'Advertissement qui préface la troisième édition du Dictionaire francoislatin, Jacques Dupuys déclare au lecteur : "aussi n'ay-ie voulu mettre moins de diligence ne espargner aucun moyen à te rendre le Dictionaire François-Latin, en telle perfection que tu le congnoistras estre". Et c'est chose acquise : parlent de perfection acquise ou souhaitée Furetière et l'Académie à la fin du XVIIe siècle, les préfaciers du Trévoux au XVIIIe, l'Académie au long du XVIIIe et du XIXe.
  • Le lecteur et le public. Le studieux Lecteur d'Estienne 1549 et l'Ami/Amy Lecteur ou les Amis Lecteurs de Nicot-Dupuys 1573, Stoer 1593-1599-1603 et Marquis 1609 deviennent, à partir de la fin du XVIIe siècle, le simple lecteur ou les simples lecteurs (Furetière, Académie, Trévoux, Féraud). Le public, dont parlent déjà Dupuys, Stoer, Douceur (1606) et Marquis, est évoqué avec une fréquence croissante dans les dictionnaires monolingues : deux fois dans l'Avertissement du Richelet, 10 dans la Préface du Furetière, 5 fois chez l'Académie en 1694, 17 dans la Préface du Trévoux de 1721. (Les pièces préfatoires étant de longueur variable, on peut établir une sorte de taux d'importance relative en comparant la fréquence d'un mot par rapport au nombre de mots de texte : ainsi chez Richelet 2 (public) / 1064 (nombre de mots de texte) = un rapport de 0,188 % ; pour le Furetière 10/5182 = 0,193 % ; pour le Trévoux de 1721 17/10833 = 0,157 %).
  • La prononciation et l'orthographe. Préoccupation majeure chez l'Académie (prononciation(s) 11 en 1694, orthographe 10 en 1740, 12 en 1762), dans l'Avertissement du Richelet portatif (prononciation(s) 5, orthographe 5) et chez Féraud (prononciation 30, ortographe(s) 44).
  • Syntagmatique d'usage. Épître de Thierry 1564 : vsage commun ; Stoer 1599 et 1603 : hors d'vsage ; Furetière 1690 et Académie 1694 : bel usage ; Académie 1694 : hors d'usage ; Académie 1694, 1932 mais surtout 1878 : bon usage ; Trévoux 1721 : l'autorité de l'usage ; etc.
  • Syntagmatique d'auteurs/autheurs. bons autheurs Francois (Estienne 1549) ; bons autheurs de nostre langue (Marquis 1609) ; excellens Auteurs et Auteurs celébres (Richelet 1680) ; célebres Auteurs, Auteurs célebres, bons Auteurs et vieux Auteurs (Trévoux 1721) ; bons Auteurs (Académie 1740, 1762) ; Auteurs anciens, meilleurs Auteurs, Auteurs connus, bons Auteurs, célèbres Auteurs (Trévoux 1771) ; bons Auteurs, Auteurs estimables, Auteurs anciens (Féraud 1787), auteurs les plus élégants... les plus approuvés (Académie 1835) ; meilleurs auteurs (Académie 1878)  etc.
  • Parler pour ne rien dire. La préface que l'éditeur du Dictionnaire universel du défunt Antoine Furetière se sent obligé ("IL n'y a jamais eu peut-être de livre qui ait pû se passer plus aisément de Preface que celuy-cy. [...] Cependant, comme l'on est asseuré que si l'Auteur avoit vécu jusques à cette heure, il auroit mis une Preface à la tête de son Dictionnaire l'on s'est crû obligé à se conformer à son dessein [...]. Voicy donc une Preface.") d'offrir au public en 1690 est remarquable par ses non-performatifs : "On ne fera donc pas remarquer au Lecteur, que..." (paragraphe de 11 lignes), "On ne fera point non plus ressouvenir le public, que..." (paragraphe de 8 lignes), "On n'avertira point non plus le public, que..." (15 lignes), "On ne dit rien d'un grand defaut qui..." (26 lignes).
  • Parler pour dire peu. Dans la Préface du premier tome de son Dictionaire critique, Féraud dit ceci : "L'Ortographe et la Prononciation [...]. Les Définitions [...]. La Construction des mots [...]. == Disons un mot sur chacune de ces branches de notre travail.". Le "mot" sur l'orthographe en compte 4272 (5 pages, 7 paragraphes et 3 notes, 262 lignes).

    Dictionnaires et pièces (cf. notice détaillée des dictionnaires)

    Articulation de la base de pièces préfatoires et affichage des composantes

    La liste des dictionnaires et pièces donne accès en mode lecture (Fenêtre 1 = celle-ci) aux documents préfatoires de l'échantillon ; des liens placés dans le texte des articles renvoient aux pages originales en mode image (sauf dans le cas de l'Avertissement et l'Errata raisoné de Féraud 1787, offerts seulement en mode image). Une base TACTweb (Fenêtre 2) permet une interrogation interactive de l'ensemble du corpus des pièces de l'échantillon. On peut donc comparer le texte (contexte étendu) dans une fenêtre et les résultats d'une recherche dans la base interactive (occurrences réunies, contextes réduits) dans une autre.

    La présentation matérielle du texte (version lecture) est expliquée dans une notice technique.