P. Marquis, Grand Dictionaire françois-latin, 1609: Épître au libraire

[Image de l'original]

<1> A MONSIEVR,
MONSIEVR PILLEHOTTE,
MARCHAND LIBRAIRE
DE LYON.

MONSIEVR, comme vous auriez il y a quelque temps escrit à mon Pere, que desiriez remettre en lumiere le grand Dictionaire François, & ayant sceu que parmy ses papiers & memoires, il auoit autresfois recueilly force beaux mots & phrases Françoises, d'ou vous pourriez bien augmenter & enrichir vostre impression, vous l'eussiez prié de les vous enuoyer, il s'aduisa peu apres de me remettre ses recueils entre les mains, estant assez occupé en ses plus graues & serieux estudes, & au soing, & cure iournaliere de ses malades. Ce que pour luy obeir i'ay tasché d'accomplir le plus diligemment qu'il m'a esté possible. De sorte qu'il s'en est contenté, & m'a commandé d'apprester le tout pour le vous enuoyer, esperant qu'y prendriez plaisir, & auriez moyen de donner au public vn beau & grand DICTIONAIRE, de beaucoup plus ample que tous ceux qu'on a mis en lumiere iusques à present. <2> Quant à moy, ie n'y ay eu que la peine de rediger le tout en son ordre, & suiuant l'alphabet colloquer chasque mot, & phrase en son lieu. Et ne veux pas dissimuler que ie n'aye bien esté secouru du vieux exemplaire de M. NICOT, que nous auez enuoyé, d'ou les marges estoyent toutes nottees & marquees par M. Guichard, Maistre des Requestes, & Referendaire de son Altesse, à qui on doibt rendre graces d'vne bonne partie de toute ceste augmentation. Vous prendrez donc en bonne part, & agreerez, s'il vous plait, ce mien petit labeur, que i'ay prins tres-volontiers pour complaire à mon pere, & satisfaire en tant qu'il m'a esté possible à vostre desir. Quelque iour Dieu me fera la grace de vous mettre en main quelque piece de mon inuention, & où i'auray plus d'honneur, & moins de peine que en ceste-cy. Ce pendant continuez, s'il vous plait, de nous aymer, & vous tenez tout asseuré du reciproque, quand l'occasion nous en sera presentee. Mon Pere se recommande à vos bonnes graces, comme ie fais aussi de bien bon coeur, priant Dieu qu'il vous doint,

    Monsieur, en ioye & santé tres-longue vie. De Vienne ce premier iour de l'an 1608.

Vostre bien-humble & affectionné
seruiteur,

PIERRE MARQVIS.