<i> DES LIBRAIRES. LE Public a déjà prononcé de la maniere la plus avantageuse en faveur de l'Abrégé du Dictionnaire de Richelet lorsqu'il parut pour la premiere fois en 1756. L'empressement avec lequel ont été accueillies les nombreuses Editions qui depuis lors en ont été données, devoit être pour nous un motif d'émulation; à mesure que cet Abrégé devenoit d'un usage plus universel, nous devions nous appliquer à le perfectionner, à le rendre plus digne de l'approbation qu'il avoit reçue. Le Dictionnaire d'une Langue vivante deviendroit avec le temps imparfait & fautif, si, à mesure qu'elle change, il n'exposoit les variations qu'elle éprouve, les changements que l'usage produit par une révolution lente, mais sensible. Nous aurions donc été blâmables d'avoir négligé ce soin important: il devenoit indispensable dans un ouvrage qui peut être regardé comme un Livre classique pour les jeunes gens de l'un & de l'autre sexe, & comme un Livre nécessaire pour les hommes faits. D'ailleurs l'Edition de 1762 du Dictionnaire de l'Académie ayant fixé les changements que la Langue a pu éprouver depuis la premiere Edition de cet Abrégé, les décisions de cette illustre Compagnie rendoient ce travail tout à la fois plus sûr & plus facile. Il est aisé de s'appercevoir combien, depuis quelques années, la Langue usuelle s'est approprié de termes d'Arts & de Sciences qui sont ou fréquemment employés dans les écrits modernes, ou usités même dans la plupart des conversation. Il étoit nécessaire de leur donner place dans un ouvrage destiné à toutes sortes de personnes; l'exemple de l'Académie nous justifieroit sans doute s'il en étoit besoin, & comment aurions-nous pu négliger d'enrichir cette partie, lorsque les additions de cette espece que l'Académie a fait entrer dans son grand Dictionnaire, ont paru insuffisantes à ceux-mêmes qui en ont extrait le petit Vocabulaire François? La perfection du Dictionnaire que nous publions, dépendoit d'une maniere plus étroite du soin de présenter les diverses acceptions d'un même mot, d'indiquer le style auquel <ii> il appartient, l'emploi qu'on en fait au figuré, les expressions proverbiales, celles qui sont consacrées, &c. C'est par-là qu'un Ouvrage de cette espece devient instructif, & c'est par-là principalement que notre nouvelle Edition sera distinguée de celles qui l'ont précédée. Elle renferme plus de douze mille mots & de douze mille phrases d'augmentations. On y a rectifié les définitions vicieuses; on a cherché à y réunir la concision que demandoit un abrégé & cette exactitude rigoureuse qu'exigeoit la multiplicité des détails. Il nous restoit à assurer l'exécution du plan que nous nous étions formé, en la confiant à des mains habiles; M. de Wailly, auquel ses connoissances ont mérité la réputation la plus juste, a bien voulu s'en charger, & son nom seul fait l'éloge de notre Dictionnaire. Ses réflexions sur le travail qu'il avoit entrepris ont produit elles-mêmes un autre Ouvrage, une Dissertation savante sur l'Orthographe & sur les moyens de la simplifier, qui a paru en 1771. Elle étoit destinée en partie à pressentir le goût du Public sur l'adoption que l'Auteur nous proposoit de faire de son orthographe dans notre Dictionnaire. Il ne nous appartient point de juger quant au fonds un ouvrage qui d'ailleurs a des droits à la reconnoissance du Public. Proposer en ce genre de nouvelles idées, les lier par des principes bien vus, c'est ajouter à la masse de nos connoissances, c'est prévenir les caprices de l'usage, qui, aveugle dans sa marche, consacre souvent les décisions les plus bizarres. Mais on est forcé de s'en rapporter à lui pour la prononciation; pourquoi récuseroit-on son autorité en matiere d'orthographe? Nous avons dû nous appliquer à le suivre, & non pas chercher à le devancer. Ces innovations d'ailleurs, utiles à proposer dans un Ouvrage où l'on s'en occupe expressément, eussent été contraires au but même d'un Dictionnaire. En nous écartant de l'orthographe reçue, nous aurions égaré le Lecteur, qui n'eût su souvent où chercher le mot qui lui étoit nécessaire. Nous avons pensé que si le Grammairien avoit droit de juger la Langue, le Lexicographe n'en étoit que l'Historien, & qu'il n'étoit pas plus permis d'altérer l'usage établi, que de dénaturer des faits. Ces motifs nous ont détourné d'adopter tout autre systême d'orthographe que celui de l'Académie; nous l'avons suivi comme le plus conforme à l'usage. Nous n'en avons pas moins senti combien les vues proposées par M. de Wailly pouvoient fournir pour la prononciation de secours aux étrangers & à ceux qui sont éloignés de la Capitale. On a en conséquence <iii> placé à la suite de chaque mot entre deux parentheses ( ) la maniere de l'écrire suivant le systême de cet Auteur, dans le cas où s'écartant de l'usage reçu, elle peut servir à indiquer la prononciation. Nous renvoyons à la Dissertation même (*) ceux qui voudront s'instruire avec plus de détail des changements proposés par M. de Wailly, & connoître les raisons sur lesquelles il se fonde. Nous nous bornerons à rapporter la façon nouvelle & abrégée que ce célebre Grammairien a trouvée, & qu'il propose pour marquer certaines prononciations difficiles. Voici le précis de ses regles: 1°. Em, en, sonnent dans notre Langue comme an, empêchement, empressement, temps, entendement, &c. C'est là l'usage ordinaire, & il n'y change rien. 2°. Mais quand em, en, sonnent comme dans les mots latins, tempus, dentes, pour avertir de cette prononciation, il met sur l'e l'accent aigu ou fermé: Le bién. 3°. Si les lettres em, en, sonnent comme ème, ène, il emploie sur l'e l'accent grave ou ouvert: Abdomèn. 4°. Il place l'accent circonflexe ou long sur les voyelles longues, qu'on ait retranché une lettre après la voyelle, ou qu'on n'en ait pas retranché: L'âme, la flâme, 5°. Les consonnes finales de nos mots ne se prononcent pas ordinairement: le plomb, le marc, le tabac, l'estomac, un broc, un croc, les échecs, le pied, la clef, Adam, le nom, le pronom, entier, donner, lancer, le Boulanger, accès, excès, un tas, un bras, un avis, un abus, un complot, un but, &c. L'on écrit ces mots comme on les voit ici. 6°. Mais lorsque dans d'autres mots semblables la consonne finale se prononce fortement, alors pour en avertir il met sur la voyelle l'accent: Aquedùc, amèr, le kermès, un às. 7°. La lettre l est ordinairement mouillée dans les mots terminés en il: Avril, babil, péril, émail, travail, conseil, &c. Comme c'est l'usage ordinaire, il ne met rien sur ces mots. 8°. Mais quand dans les mots en il la finale se prononce & n'est pas mouillée il met sur l'i l'accent ` : Le fìl, &c. 9°. Dans les mots terminé en il où la finale ne se prononce pas, il propose ou de retrancher la lettre l, ou de mettre sur l'i un accent fermé: le fusi, ou outi, mon fis, &c. ou le fusíl, un outíl, mon fíls, &c. par ce moyen sont fixés les trois sons des lettres il. 10°. Dans le corps du mot gn ont ordinairement un son mouillé: Un agneau, il régna, compagnie, &c. il n'y met rien. <iv> 11°. Quand le g, suivi de la lettre n, a le son de gue, pour en avertir il met l'accent ` sur la voyelle qui précede le g: àgnat, àgnation. 12°. Il place le même accent sur l'u de gui, quand ces lettres forment une diphthongue: Aigùille. On saura par ce moyen que dans ces mots les lettres gui ne se prononcent ni comme dans anguille, déguiser, vivre à sa guise; ni comme dans ambigúité, contigúité, &c. 13°. Il propose encore le même accent dans éqùateur, &c. pour avertir que ces mots se prononcent autrement que ceux-ci: Qualité, requérir, quinquina, &c. 14°. Au-lieu du tréma, il place l'accent aigu sur toute voyelle qui ne doit pas faire syllabe avec la suivante; ainsi comme nous écrivons Créateur, il agréa, réel, obéissance, réitérer, théorie, préoccupé, réunion, réussir, &c. il écrit de même ambigúité, camáieu, bríoche, argúer, &c. On a distingué par des guillements [ » ] à la lettre H les mots au commencement desquels l'h s'aspire.
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