Figure 1: Définitions de pronominal, réciproque et réfléchi dans deux éditions du DAF et dans l'Encyclopédie

1762 1798 Encyclopédie
PRONOMINAL, ALE. adj. Qui appartient au pronom. Verbe pronominal est le nom que quelques Grammairiens donnent à celui que nous appelons Réciproque. PRONOMINAL, ALE. adj. Qui appartient au pronom. Quelques Grammairiens appellent Verbes pronominaux, Les verbes qui se conjuguent avec le pronom personnel de la même personne que le sujet. Il se loue. Il se donne des louanges. Ces deux femmes se disent des injures. Votre bien s'augmente. Vous vous ennuyez d'attendre. Elle se mouroit. Nous nous en allons.
    Il y a des verbes pronominaux réciproques, et il y en a de réfléchis.
RÉCIPROQUE [...]
En termes de Grammaire, on appelle verbes réciproques, Les verbes qui marquent l'action d'un sujet sur lui-même. Se repentir, s'imaginer, sont des verbes réciproques. Les verbes actifs s'emploient souvent d'une manière réciproque. S'aimer, se louer, sont employés réciproquement.

RÉFLÉCHI, E [...]
Les Grammairiens appellent Verbes réfléchis, ceux dont le nominatif est pluriel, & qui se disent des personnes qui agissent réciproquement les unes sur les autres, comme dans cette phrase, Ces quatre hommes s'entrebattoient & se disoient des injures.

RÉCIPROQUE, en termes de Grammaire. On appelle verbes réciproques, Les verbes pronominaux qui expriment l'action réciproque de plusieurs sujets les uns sur les autres. Ces deux propositions se contredisent. Ces quatre hommes se battoient et se disoient des injures.
     Quelquefois le sens réciproque, est suffisamment indiqué par le pronom personnel et par les autres circonstances. Mais pour déterminer clairement ce sens réciproque, il est souvent nécessaire d'ajouter les mots L'un l'autre, ou l'un des deux adverbes Réciproquement, mutuellement, ou de mettre la particule Entre à la tête du verbe. Ainsi il faut dire: Ces deux hommes s'aident réciproquement ou mutuellement. Ils s'aident l'un l'autre. Ils se donnent des secours l'un à l'autre. Ils se donnent des secours mutuels, des secours réciproques. Ils s'entr'aident

RÉFLÉCHI, E, en termes de Grammaire. Quelques Grammairiens appellent Pronom réfléchi de la troisième personne, le pronom Se, soi, qui ajoute en effet, à l'idée de la troisième personne, l'idée accessoire de réflexion, de réaction, de retour sur le sujet de la troisième personne.
     Les Grammairiens appellent aussi Verbes réfléchis, les verbes pronominaux exprimant l'action ou un état qui ne se rapporte qu'au sujet du verbe, tantôt dans un sens actif, comme dans ces exemples, Je m'accuse coupable; je me reproche cette faute; ils se sont promenés: tantôt dans un sens passif, comme dans ces exemples: Je m'ennuie, pour et au sens de, Je suis ennuyé, j'éprouve de l'ennui; Cela se dit ainsi; cette nouvelle se répand, Plusieurs personnes la répandent. Tantôt dans un sens neutre, et qui n'exprime ni action, ni passion, mais une situation, un mode: Elle s'endort; elle se meurt, Elle est dans un état voisin du sommeil, dans un état de sommeil qui commence, dans un état voisin de la mort.
     Quelquefois le sens réfléchi est suffisamment indiqué par le pronom personnel; mais pour le déterminer clairement, il est souvent nécessaire de répéter le pronom après le verbe, en y ajoutant l'adjectif Même. Ces hommes se louent eux-mêmes. Il se font tort à eux-mêmes.

RÉCIPROQUE, Réfléchi, adj. synonymes dans le langage grammatical, le pronom françois se & soi, en latin sui, sibi & se, en grec OU=(, OI=), E(/, est celui que quelques grammairiens nomment réciproque, que d'autres appellent réfléchi, & que d'autres enfin désignent indifféremment par l'une ou par l'autre de ces deux dénominations. Toutes les deux marquent la relation d'une troisieme personne à une troisieme personne, & quand on ne veut rien dire autre chose, on peut regarder ces deux adjectifs comme synonymes; ainsi on peut les employer peut--être assez in différemment, quand on envisage le pronom dont il s'agit en lui--même, comme une partie d'oraison particuliere & détachée de toute phrase.
     Mais si on regarde ce pronom dans quelque emploi actuel, on doit, selon la remarque de M. l'abbé Fromant (supp. au ch. viij. de la II. part. de la gramm. gén.), dire qu'il est réciproque, lorsqu'il s'emploie avec les verbes qui signifient l'action de deux ou de plusieurs sujets qui agissent respectivement les uns sur les autres de la même maniere, comme dans cette phrase, Pierre & Paul s'aiment l'un l'autre, Pierre est un sujet qui aime, l'objet de son amour est Paul; Paul est en même tems un sujet qui aime, & Pierre est à son tour l'objet de cet amour de Paul; ce que l'un des deux sujets fait à l'égard du second, le second le fait à l'égard du premier; ni l'un ni l'autre n'est l'objet de sa propre action; l'action d'aimer est réciproque.
     Dans les phrases au contraire où le sujet qui agit, agit sur lui-même, comme Pierre s'aime, le pronom se que l'on joint au verbe, doit être appellé réfléchi, parce que le sujet qui agit, est alors l'objet de sa propre action; l'action retourne en quelque maniere vers sa source, comme une balle qui sombe perpendiculairement sur un plan, remonte vers le lieu de son départ; sa direction est rompue, flectitur, & elle repasse sur la même ligne, reflectitur, c'est-à-dire, retrò flectitur.
     Je remarquerai ici une erreur singuliere où est tombé M. l'abbé Regnier, & que M. Restaut a adoptée dans ses principes raisonnés: c'est que l'on ou on, & quelquefois soi, est un nominatif, que de soi en est le génitif, se & à soi le datif, se & soi l'accusatif, & de soi l'ablatif. On prouve cette doctrine par des exemples: au nominatif, on y est soi-même trompé; au génitif, on agit pour l'amour de soi; au datif, on dispose de ce qui est à soi, on se donne des libertés; à l'accusatif, on se trompe, on n'aime que soi; à l'ablatif, on parle de soi avec complaisance.
     J'ai dit ailleurs quels sont les véritables cas de ce pronom & des autres; & ils different entr'eux, comme dans toutes les langues à cas, & comme l'exige leur dénomination commune de cas par des terminaisons différentes, par des chûtes variées, casibus. Voyez Pronom. Je ne veux donc pas insister ici sur la singularité de l'opinion cent fois détruite dans cet ouvrage, que les prépositions & les articles forment nos cas; mais je remarquerai que les exemples allégués ne prouvent que soi, de soi, se, à soi, & de soi sont les cas de on, qu'autant qu'ils ont rapport à on. Il faudroit donc dire que soi est un autre nominatif du nom ministre dans cette phrase, le ministre crut qu'il y seroit soi--même trompé; que de soi est le génitif de chacun dans celle-ci, chacun agit pour l'amour de soi; que à soi est le datif de Dieu dans cette autre, Dieu rapporte tout à soi; que soi est l'accusatif de l'homme, quand on dit, l'homme n'aime que soi; & qu'enfin de soi est l'ablatif du nom philosophe, quand on dit, le philosophe parle rarement de soi. Comment a--t--on pu admettre le principe dont il s'agit, sans en voir les conséquences, ou voir les conséquences sans rejetter le principe? Est-ce là ce qu'on appelle raisonner?
     Remarquez qu'il auroit pu arriver qu'il y eût aussi des pronoms réciproques ou réfléchis des deux premieres personnes, puisque les sujets de l'une & de l'autre peuvent être envisagés sous les mêmes aspects que ceux de la troisieme; par exemple, je me flatte, tu te vantes, nous nous promenons, &c. Mais l'usage n'introduit guere de choses superflues dans les langues; & les pronoms réfléchis des deux premieres personnes ne pouvoient servir à rien: il n'y a que le sujet qui parle, ou qui est censé parler, qui soit de la premiere personne; il n'y a que le sujet à qui l'on parle qui soit de la seconde; cela est sans équivoque: mais tous les différens objets dont on parle, sont de la troisieme; & il étoit raisonnable qu'il y eût un pronom de cette personne qui indiquât nettement l'identité avec le sujet de la proposition, tel que se & soi. (B. E. R. M.)