Annexe 2: aboilage, navière, abordage, navire, paquebot, paquefic

A. ABOILAGE : limites des sources nommées dans Trévoux, discours restreint de Corneille; intérêt des Origines de la Langue Françoise de Ménage, 1650.

1. Trévoux, 1771:

ABOILAGE ou ABEILLAGE. s. m. Vieux mot qui se trouve encore dans quelques Coutumes, & qui signifie un Droit des Seigneurs sur les abeilles qui se trouvent dans les forêts de leurs châtellenies. Il a été formé d'aboilles, qu'on disoit autrefois pour abeilles. MÉN.

2. Ménage, OrLF 1650 (et DEOLF 1694):

ABOILAGE. C'est un droit qu'ont les Seigneurs Chastelains (Chatelains) de prendre (prandre) les abeilles qui se trouvent dans les Forest de leurs Chastelenies (Chatelenies). Un Tiltre (Titre) de la Maison de Sully : [… aboillesavoir ledit aboilage …]. (Il y a sur le Titre : [… aboilles …]) Dans un autre Tiltre (Un autre Titre) de la mesme Maison : [… abolagium …]. De (Et ce mot a été fait de celui d') aboilles, qu'on a dit pour abeilles, comme il paroist par le tiltre (Titre) François cy-dessus allégué. Ces deux Tiltres m'ont esté communiquez ( : lequel m'a été communiqué) par Mr de Launé Advocat (Avocat) au Parlement.

3. Th. Corneille, 1694:

ABOILAGE. s. m. Vieux mot qui se trouve encore dans quelques Coustumes, & qui signifie un Droit de Seigneur sur les Abeilles. On a dit aussi Aboiles, pour dire, Abeilles.

B. NAVIÈRE : système imprécis du Trévoux pour les références => source partielle ou totale ? Quelles sont les limites de discours ?

1. Ménage, 1694 ( = Trévoux 1771) :

NAVIERE. (s. f. ) Les Bas-Normands appellent ainsi un lieu planté de navets, que les Poitevins appellent (appelent) NABINE (Nabine). Napina, se trouve en cette signification dans la Loy Salique, titre 29. §13. Et de là (delà), le mot Poitevin nabine (Nabine). Pour le mot Normant (Normand) naviere, il a été fait du Latin-barbare, inusité, naparia. (MENAGE, Dict. Etym.).

C. ABORDAGE, NAVIRE, PAQUEBOT et PAQUEFIC : langue commune ou langue technique ?

1. ABORDAGE : Terme technique ?

1a. Guillet, Les arts de l'homme d'épée ou Dictionnaire du Gentilhomme, 1678 :

ABORDAGE est l'approche & le chocq des Vaisseaux ennemis qui se joignent & s'arrambent, ou s'accrochent par des Grapins & des Amarres pour disputer à qui le Bord demeurera. Comme nous estions sur le point d'aborder la Frégate en Belle ou Debout-au-corps, c'est-à-dire l'Eperon dans le Flan, l'ennemy qui craignoit l'abordage, l'évita en coupant nos Amares, & en se servant de ses Boute-dehors. Le feu du canon ayant continué long-temps....Un Horloge aprés, il nous reborda de Franc-étable, ou par nostre Avant;...

ABORDER. Les gens de Mer ne prennent pas ce terme comme on le prend en traversant la riviére de Seine; car ils le tirent du mot de Bord qui signifie un Navire, & ne le font pas venir de celuy de bord ou rivage de la Mer. De sorte que par le terme d'Aborder, ils entendent tomber sur un Vaisseau, ou quand un Bord tombe sur l'autre, d'où viennent aussi les mots de Reborder, & Déborder, pour dire tomber une seconde fois, & se détacher des Amares. Quand ils veulent dire, gagner le Rivage, ils disent toucher, moüiller, rendre le bord, débarquer, prendre terre, relâcher, donner fonds.

1b. Th. Corneille, 1694 :

ABORDAGE. s. m. Terme de Marine dont on se sert en parlant d'un Vaisseau qui en heurte un autre, ou par accident, ou exprés, pour tâcher de l'enlever.

ABORDER. v. a. Terme de Marine. On dit Aborder un Vaisseau de bout au corps, pour dire, Mettre l'éperon dans le flanc d'un Vaisseau, & on dit de deux Vaisseaux qui s'approchant en droiture s'enferrent par leurs éperons, qu'Ils s'abordent de franc étable.

1c. Trévoux, 1771 :

ABORDAGE. s. m. Terme de marine, signifie l'approche & le choc de vaisseaux ennemis qui se joignent & s'accrochent par des grapins & par des amares pour s'enlever l'un l'autre. Assaut de deux vaisseaux qui s'accrochent l'un à l'autre par des grapins. Appulsus, insultus.
Aller à l'abordage, sauter à l'abordage se dit de l'action ou de la manœuvre d'un vaisseau qui en joint un autre pour l'enlever, aussi bien que de celle des équipages qui sautent de leur bord à celui de l'ennemi. Faire l'abordage en belle ou de bout au corps, c'est-à-dire l'éperon dans le flan. L'abordage de franc étable, est celui qui se fait par le devant & en droiture pour s'enferrer par les éperons.
ABORDAGE, se dit encore du heurt de deux ou plusieurs vaisseaux que la force du vent fait dériver les uns sur les autres. Dans les tempêtes, il n'y a rien de plus à crainder que l'abordage. Les vaisseaux portent des feux la nuit pour éviter les abordages. AC. FR.

ABORDER. v. a. Arriver en quelque lieu, spécialement par mer, aller à bord, prendre terre. J'aborde, J'abordai, Je suis abordé. Appellere navem, classem appellere. Dans ce sens on le joint avec les prépositions à, au, aux. Aborder au rivage, à la côte. Il n'est pas sûr d'aborder à cette côte, parce que la mer se retirant, les vaisseaux y demeurent à sec. Il ne put aborder, à cause que la rive étoit escarpée. ABLAN. Nous avons abordé, nous sommes abordés.

1d. Académie, 1694 :

ABORDER. v. n. Aller à bord, prendre terre. Levent estoit si fort, que nous ne pusmes aborder. aborderà la coste. aborder au rivage. nous avons abordé.aborder dans une Isle. nous sommes abordez.
Aborder. v. a. Approcher, joindre. Aborder unecoste. aborder un vaisseau. Il signifie fig. Accoster, approcher de quelqu'unpour luy parler. Aborder quelqu'un. la foule estoit sigrande auprès de ce Prince, que je n'ay pu l'aborder.

ABORDAGE. s. m. L'action d'aborder un vaisseau. Aller à l'abordage, Se dit ordinairement dans les occasions de combat.

1e. Les deux articles consacrés à ABORDAGE dans Richelet:

Abordage. s. m. Terme de Mer. Ce mot se disant des Vaisseaux ennemis, c'est l'approche & le choc des Vaisseaux ennemis qui se joignent & s'accrochent par des grapins & des amares pour disputer à qui le bord demeurera. Appulsus. [Venir à l'abordage, craindre l'abordage, éviter l'abordage. Notre flute est de difficile abordage. Aller à l'abordage ].

Abordage. s.m. Terme de Mer. Le mot d'abordage se disant des Vaisseaux d'un même parti, signifie le choq des Vaisseaux que la force du vent fait dériver les uns sur les autres, quand ils vont de flote, ou qu'ils sont dans un même mouillage. [L'abordage fait souvent périr les Vaisseaux. L'abordage est quelquefois dangereux, & s'il est possible, il le faut éviter.].

2. NAVIRE : d'un dictionnaire à l'autre

2a. Guillet, 1678 :

NAVIRE, Vaisseau ou Bord, est un Bastiment de Charpenterie, d'une construction propre à Flotter, & à estre conduit sur l'eau. Voyés Rang.

2b. Richelet, 1710 :

NAVIRE. s. m . Grand bâtiment dont on se sert sur mer pour trafiquer, ou pour faire la guerre & qu'on fait aller avec des voiles & un gouvernail.

2c. Corneille, 1694 :

NAVIRE. s. m. Bastiment de charpenterie, composé de plusieurs pieces, cloué & chevillé de bois & de fer, qui est d'une construction propre à flotter, & à estre conduit à la faveur du vent, & à l'aide de ses masts & de ses voiles par tout où l'on veut aller sur mer....

[suivent les définitions de diverses sortes de navires et d'expressions les concernant.]

2d. Trévoux, 1771 :

NAVIRE. s. m. Terme de Marine. M. Ménage remarque qu'en prose, navire est toujours masculin, mais qu'en Poësiel'on s'en sert encore au féminin, & qu'il y sied mieux qu'au masculin. Cette remarque de Ménage n'est plus de mise. Navire est toujours du genre masculin, en Poësie aussi bien qu'en prose. Il n'y a qu'un seul cas où on le fait féminin : c'est en parlant du navire des Argonautes. La navire argo. On entend par navire un bâtiment de haut bord propre pour aller sur mer; navis, navigium. Il est synonime de vaisseau. On dit un navire & un vaisseau de guerre: un navire et un vaisseau marchand. Il faut pourtant remarquer que vaisseau est plus usité, quand on parle des vaisseaux de guerre....
Ce mot vient du latin navis. Et navis vient de vaus, navire, en changeant […] & non pas de l'oblique vaus en insérant un digamma, comme le prétend Vossius.
Les plus fameux navires de l'antiquité sont ....
Voyez l'Hydrographie du P. Fournier.

2e. Académie, 1694 :

NAVIRE. s. m. Vaisseau, bastiment de haut bordpour aller sur mer. Grand navire. bon navire. vieuxnavire. navire de cinq cens tonneaux, de douze censtonneaux de port, du port de douze cens tonneaux. navirequi va bien à la voile, qui est bon voilier. bastirun navire. master un navire. descharger un navire. equiper,armer un navire en guerre. freter un navire. lesparties, les membres d'un navire. les anchres, les cablesd'un navire. Capitaine de navire. Patron de navire. Il faut remarquer qu'encore que ce mot soit tousjoursmasculin, cependant il devient feminin, quandon parle du vaisseau des Argonautes, qu'on appelle La navire Argo.

NAVIRE : Textes des Remarqueurs :

2f. Ménage, ObPM, 1666 :

Ce mot (navire) est encore presentement masculin et feminin, et particuliérement en Vers : & Mr de Vaugelas n'a pas raison de dire qu'il n'est plus que masculin, & que ce seroit faire vne faute que de le faire feminin. Nostre Poëte l'a fait vne autrefois feminin..:
Dans la Navire qui parloit:
qui est mieux sans doute, je veux dire plus nombreux, que dans le Navire qui parloit. Ailleurs il le fait masculin:
Tout nous rit, & nostre Navire
A la bonace qu'il desire .

2g. Ménage, ObLF, 1675 :

NAVIRE. Du Bellay au chapitre 6. de son Illustration de la langue Françoise, l'aiant fait masculin, en a esté repris par Charles Fonteine dans son Quintil, en ces termes: Tu commets vn lourd solécisme, en disant mon navire, pour ma navire. Ce qui fait voir que ce mot du temps de ces Ecrivains estoit communément féminin. Marot dans ses Visions l'a pourtant fait aussi masculin.
Puis en mer haute vn navire avisoie.
Et Ronsard Ode 10 livre I.
Ah, chere Muse, quel Zephyre, &c.
A fait écarter mon navire, &c,
Et Bertaud dans la 3. de ses Elegies:
Toy, petite remore, arrestant mon navire.
L'Auteur des Remarques veut qu'il ne soit plus aujourdhuy que masculin: & il soûtient que ce seroit faire une faute que de le faire féminin. L'Auteur de la Grammaire Generale, au chapitre 5. de la premiere partie, dit la mesme chose. Cela est vray en prose, mais non pas en vers: car en vers on s'en sert encore au féminin. Et comme il est moins ordinaire en ce genre, & que la Poësie aime les locutions extraordinaires, il y sied mieux qu'au masculin: témoin ces beaux vers de Malherbe:
Ainsi quand la Grece partie
D'ou le mol Anaure couloit,
Trauersa les mers de Scythie
Dans la navire qui parloit.
Et cela mesme n'est pas toûjours vray en prose: car en parlant de la nef Argo, on peut fort bien l'appeler la Navire Argo: ou plûtost on la doit ainsi appeler. Il faut aussi dire la navire en terme de Blazon. (Obs., I, p. I36.)

2h. Corneille, 1687 :

Navire est demeuré masculin, erreur feminin, & il n'y a presentement sur cela aucune contestation.

2i. Académie, 1704 :

Navire, est aujourd'huy masculin & ce mot ne garde son ancien genre que lorsqu'on parle du vaisseau des Argonautes. On dit encore la Navire Argo. Erreur est feminin.

3. PAQUEBOT

3a. Trévoux 1704 (= 1752):

PAQUEBOT ou BAQUEBOUT : Vaisseau de passage pour les passans et Messagers. Tabellaria navis. Il y en a un qui traverse d'Angleterre tous les jours de Douvres à Calais qui sert de Messager d'Angleterre en France.

3b. Trévoux 1721:

PAQUEBOT ou BAQUEBOUT: Vaisseau de passage pour les passans et Messagers. Tabellaria navis. Il y en a un qui traverse d'Angletèrre tous les jours de Douvres à Calais qui sèrt de Messager d'Angleterre en France.

3c. Trévoux 1771:

PAQUEBOT. Plus ordinairement Paquetbot. C'est ainsi qu'on appelle les bâtimens qui passent & repassent d'Angleterre en France, en Hollande ou ailleurs. Il y en a un qui sert au passage de Douvres à Calais, & de Calais à Douvres, & pour porter les Lettres.

==> cf. Furetière et Ménage

3d. Ménage 1694:

PAQUÉBOT. Les Anglois appellent ainsi un petit vaisseau destiné à porter le paquet de Lettres: qui est un mot composé de boat, qui est une espece de petite barque, & de paquet, qui signifie paquet.

3e. Furetière 1690:

PAQUEBOT, ou Baquebouc. s. m. Vaisseau de passage pour les passants & Messagers. Il y en a un qui traverse d'Angleterre tous les jours de Douvres à Calais, qui sert de Messager d'Angle-terre en France.

4. PAQUEFIC

4a. Trévoux 1704 ( = Trévoux 1721 : simple ajout d'accent à tèrme; 1752 et 1771 sans accent) :

PAQUEFIC. s. m. Terme de Marine. On disoit autrefois papefif, & on dit aussi pacfi, ou pafi. Decumanum velum, artemon. C'est le nom qu'on donne aux deux basses voiles. La grande voile qui tient à la croisée du milieu du grand mât, s'appelle le grand pacfi. La panse en est le milieu, qui s'avance quand elle a le vent dedans. Le petit pacfi ou pafi du bourset est la voile de misaine. Epidromon, velum ad puppim. Etre aux deux pacfics, c'est être aux deux basses voiles.

=> lecture du -s long, -s ou -f pour la première forme papefif ou papefis ? cf. l'entrée PAPEFIF DE NAVIRE dans 1704, 1721 et PAPÉFIF DE NAVIRE dans 1752 et 1771.

4b. Trévoux 1704, 1721, 1752 et 1771

PAPÉFIF DE NAVIRE : C'est selon Pomey, la partie supérieure d'une voile. Voyez PAQUEFIC. Majus velum mediani mali.

==> cf. Furetière 1690 :

PAQUEFIC. s. m. Terme de Marine. On disoit autrefois papefis, & on dit aussi pacfi, ou pafi. C'est la grande voile qui tient à la croisée du milieu du grand mast, ce qui s'appelle le grand pacfi. La panse en est le milieu, qui s'avance, quand elle a le vent dedans. Le petit pacfi ou pafi du bourset est la voile de misaine.

=> une entrée PACFI avec renvoi à Paquefi mais aucune entrée pour papefis et pafi.

(sv. BOURSET : rv. bourcet et sv. BOURCET: Nom qu'on donne au mast de misaine, & à la voile.)