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La Société Internationale d'Études Historiques et Linguistiques des Dictionnaires Anciens
et
la Mairie de Trévoux

ont le plaisir de vous annoncer

les Journées Internationales d'Études Lexicographiques sur
le Dictionnaire de Trévoux 1704 - 1771

les 15 et 16 octobre 1999 à Trévoux

  • Thèmes et renseignements généraux
  • Programme
  • Résumés
  • Bibliographie indicative
  • Le Dictionnaire de Trévoux  dénomination - importance - éditions
  • Compte-rendu

  • Ce colloque s'organisera autour des deux thèmes suivants :

    connaissance et rayonnement du Dictionnaire de Trévoux.

    Les résumés sont publiés, en ligne sur Internet, dans les pré-actes, et les textes des communications retenues par le comité scientifique seront publiés dans les Actes de la Journée, dès la fin de l'année 1999.

    Le programme étant réalisé, il reste néanmoins possible de proposer des communications par affiche ou d'envoyer des textes destinés à la publication, le tout restant soumis à l'appréciation du comité scientifique du colloque.

    Les communications seront regroupées sur la première journée et la seconde sera réservée à deux séries de visites : la présentation commentée de la collection de Trévoux et de fonds anciens régionaux méconnus du public; les visites touristiques organisées par l'Office de Tourisme de Trévoux, le colloque bénéficiant du soutien de l'association ASTRID : Association Trévoux Imprimerie Dictionnaire.

    Pour tout renseignement complémentaire, s'adresser à

    Madame Isabelle TURCAN

    Université Jean Moulin, SIEHLDA, 18 rue Chevreul, 69007 LYON

    <turcan@univ-lyon3.fr.>


    Programme

    Le vendredi 15 octobre

    9h 30 : Accueil des participants

    10h 00 : Ouverture officielle du colloque par Michel Raymond, Maire de Trévoux et Président de l'association ASTRID.

    10h 15 : Allocutions de Gilles Guyot, Président de l'Université Jean Moulin, et de Bernard Cerquiglini, Directeur de l'Institut National de la Langue Française et Vice-Président du Conseil Supérieur de la Langue Française.

    10h 30 : Président de séance : Michel Le Guern (Université Lumière, Lyon II)

  • Isabelle Turcan (Université Jean Moulin, Lyon III et Institut Universitaire de France) : « Présentation des différentes éditions du Dictionnaire de Trévoux conservées à Trévoux : comparaison avec les éditions conservées à l'INaLF de Nancy et dans quelques grandes bibliothèques de France (Paris, Lyon, Bordeaux...) pour une nouvelle approche de l'ordre canonique des éditions trévoltiennes, parisiennes et nancéiennes »

    11h 00 : Pause

    11h 20 : Président de séance : François Moureau (Université de la Sorbonne, Paris IV)

  • Chantal Wionet (Université Stendhal, Grenoble) : « Que sait-on des rédacteurs du Dictionnaire de Trévoux ? »

  • Dougals Kibbee (Université d'Illinois, Urbana-Champaign) : « Le Dictionnaire de Trévoux et la politique de la langue française »

    12h 30 : Repas

    14h 00 : Président de séance : Pierre Retat (Université Lumière, Lyon II)

  • Pierre Retat : « Bilan des travaux de recherche sur les Mémoires de Trévoux »

  • Maria Leca-Tsiomis (Chercheure, Paris) : « Usages du Dictionnaire de Trévoux par les encyclopédistes »

    15h 00 : Pause

    15h 15 : Président de séance : Régine Jomand-Baudry (Université Jean Moulin, Lyon III)

  • Louise Dagenais (Université de Montréal) : « Marques d'usage dans Féraud (1787) et leurs correspondants dans la sixième édition du Dictionnaire de Trévoux (1771) ? »

  • Terence Russon Wooldridge (Trinity College, Universit&eacuté de Toronto) : « L'accumulation dictionnairique dans le Trévoux (1690-1771) et le Dictionnaire de l'Academie (1694-1762): rédaction et lecture »

  • Jean Pruvost (Université de Cergy-Pontoise) : « La représentation dictionnairique du Dictionnaire de Trévoux au XIXe siècle »

    16h 45 : Pause

    17h 00 : Reprise des travaux

  • Jacques-Philippe Saint-Gérand (Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand) : « Images du Dictionnaire de Trévoux dans le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle de Pierre Larousse »

  • Peter Halford (Université de Windsor) : « Jeux d'une société savante : le jargon jésuite au XVIIIe siècle d'après Pierre-Philippe Potier »

    18h 00: Synthèse des travaux et bilan de la journée par Bernard Cerquiglini

    18h 30 : Clôture du colloque par Étienne Oswald, Adjoint au Maire chargé de la Culture et du Patrimoine et Secrétaire de l'association ASTRID

    19h 00 : Invitation des participants à un cocktail

    Le samedi 16 : L'horaire détaillé des activités de la matinée sera confirmé ultérieurement sur la page web du colloque gérée à Lyon par Isabelle Turcan (www.univ-lyon3.fr/siehldaweb/trevoux/programme.htm), avec une présentation du fonds ancien de la Bibliothèque de Trévoux et éventuellement une ouverture sur d'autres fonds anciens méconnus, ainsi qu'une visite commentée de la salle d'audience du Parlement de Dombes et de la vieille ville.


    Résumés des communications

    L. Dagenais (Université de Montréal) : « Le Dictionnaire de Trévoux 1771 et le Dictionaire Critique de Féraud (1787): le « mauvais usage » chez Féraud (1787) l'est-il chez Trévoux (1771) ? »

    Douglas Kibbee, Université d'Illinois, Champaign : « Le Dictionnaire de Trévoux et la politique de la langue française »

    Dans la préface du Trévoux les auteurs insistent sur le rôle du dictionnaire dans la politique de la langue française, langue universelle de la raison, langue internationale de la diplomatie. Leur dictionnaire est 'le dictionnaire national' à un moment où la 'nation' se forme. Dans la présentation de leur dictionnaire, ils insistent sur la nouvelle conception politique de leur travail: le Dictionnaire de l'Académie est une 'cour souveraine', et les académiciens ressemblent au roi, avec son droit de rendre des arrêts sans les motiver. Les auteurs du Dictionnaire de Trévoux, par contre, ressemblent davantage aux avocats devant la cour, qui sont obligés de baser leurs arguments sur la raison et sur les témoignages certains. Les lexicographes - académiciens qui se déclarent juges suprêmes demandent la soumission du public, tandis que les lexicographes qui citent les écrivains célèbres sont des 'amis éclairés' du public, qui raisonnent avec lui. "Ce n'est point une loi qu'on lui impose; c'est un avis qu'on lui propose". Nous proposons d'étudier, dans cette communication, comment la politique de la langue se révèle dans la pratique lexicographique, en comparant les articles du Trévoux 1771 à ceux du DAF (1762, 1798).

    Maria Leca-Tsiomis, Chercheur, Paris : « Les usages du Trévoux chez les encyclopédistes »

    Il s'agira d'observer surtout que le Trévoux (éditions de 1743 puis de 1752) a servi à la nomenclature générale de l'Encyclopédie, ce qui a induit un certain nombre d'options ou de bifurcations dans le projet encyclopédique, notamment l'attention croissante portée à la langue commune, absente en début d'ouvrage. Il s'agira ensuite de voir comment les articles des Trévoux furent utilisés dans l'Encyclopédie. Le propos sera limité à Diderot et à la lecture de quelques articles immédiatement significatifs. Le Trévoux, réputé "dictionnaire des Jésuites", apparaît comme un outil de travail sur la critique duquel s'est bâtie une bonne part de l'Encyclopédie.

    Jean Pruvost, Université de Cergy-Pontoise : « La représentation dictionnairique du Dictionnaire de Trévoux au XIXe siècle »

    De la même manière que l'Encyclopédie, le Dictionnaire de Trévoux fait au XIXe siècle l'objet d'un regard à la fois attentif et encore empreint de curiosité historique et linguistique. C'est cette curiosité que nous proposons de mettre en relief et d'analyser en nous appuyant notamment sur Pierre Larousse qui, à travers la Préface du Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle et quelques articles pertinents, nous permet de retrouver en partie le sentiment des lexicographes du XIXe siècle. D'autres lexicographes, auteurs de dictionnaires de langue ou de dictionnaires encyclopédiques, sans oublier les auteurs de Dictionnaires de la conversation qui fleurissent au cours du siècle, seront convoqués pour nous aider à retrouver la représentation du Dictionnaire de Trévoux au XIXe siècle.

    Jacques-Philippe Saint-Gérand, Université de Clermont-Ferrand : « Images du Dictionnaire de Trévoux dans le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle de Pierre Larousse »

    Dans la longue série des divers types d'ouvrages - langue, encyclopédies, spécialisés - examinés par Pierre Larousse dans la préface du GDU, Furetière; Ménage; Richelet; Boiste; Gattel; Laveaux; Roquefort; Dochez; Littré, occupent une place de choix. Mais peut-être le Dictionnaire de Trévoux est-il encore plus représentatif. C'est sur lui en effet que Larousse fixe le plus nettement sa conception de la lexicographie; et c'est lui, qui, le plus souvent, dans les articles à haute portée polémique, explicitement ou en sous-main, fournit la base des argumentations et contre-argumentations faisant de l'ouvrage de Larousse un véritable macrocosme idéologique. La présente communication cherche à définir les contours exacts de cette image de Trévoux que donne Larousse et à étudier les conséquences de la configuration idéologique qu' induit cette dernière. De quelle valeur est donc, dans une France républicaine et laïque, qui promeut l'école pour tous, l'école de la République au détriment de celle des frères et des soeurs, la représentation de Trévoux et ses oeuvres que donne le lexicographe?

    Isabelle Turcan, Université Jean Moulin, Lyon 3 et IUF : « Présentation des éditions du Dictionnaire de Trévoux conservées à Trévoux : comparaison avec les éditions conservées à l'INaLF (Nancy) et dans quelques grandes bibliothèques de France (Paris, Lyon, Bordeaux) pour une nouvelle approche de l'ordre canonique des six éditions trévoltiennes ou parisiennes »

    Quel est le nombre exact d'éditions du Dictionnaire universel françois et latin ... vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux ? Six, sept ou huit ? Certes, si l'on se limite à la prise en compte des éditions imprimées à Trévoux et à Paris, il semble que l'on doive en rester au nombre canonique de six éditions (1704, 1721, 1732, 1743, 1752 et 1772), tout en sachant qu'il y eut deux versions parisiennes officielles du Supplément de 1752; mais, quel statut accorder aux éditions imprimées à Nancy (1733-34, 1740 et 1754) : simples retirages ou rééditions avec quelques modifications formelles et textuelles (cf. l'édition nancéienne de 1740) ? Quels critères d'appréciation peut-on privilégier pour comparer différents exemplaires d'une même édition ? Le supplément de 1752 est à cet égard significatif; il en est de même pour les deux éditions de l'Abrégé en 1762 et en 1763. Le but de la communication sera donc de montrer quel rôle ont joué les éditions nancéiennes dans l'ensemble de la série pour proposer d'affiner ou de moduler le fameux ordre canonique.

    Chantal Wionet, Université de Grenoble et UMR SILEX : « Que sait-on des rédacteurs du Dictionnaire de Trévoux ? »

    Les Dictionnaires Universels de Trévoux sont anonymes. Aucun nom d'auteur n'apparaît ni sur la page de titre, ni dans les préfaces des premières éditions (1704 et 1721). Nous nous interrogerons d'abord sur ce silence, puis nous tenterons de soulever un peu le voile. Nous distinguerons les rédacteurs des Mémoires des rédacteurs du Dictionnaire, et nous proposerons quelques pistes de recherche : Richard Simon est-il bien le responsable de la première édition ? Le R.P. Bouhours a-t-il collaboré activement au dictionnaire ? Quelle est l'équipe rédactrice de la deuxième édition ? Dans quel but ? Nous proposerons un parcours historique qui permettra de situer l'oeuvre dans son contexte éditorial et religieux.

    Terence Russon Wooldridge, Trinity College, Université de Toronto : « L'accumulation dictionnairique dans le Trévoux (1690-1771) et le Dictionnaire de l'Academie (1694-1762) : rédaction et lecture »

    La deuxième moitié du XVIIIe siècle voit paraître trois ouvrages qui représentent, chacun à sa manière, un cumul de la lexicographie des cent dernières années: les quatrième et cinquième éditions du Dictionnaire de l'Académie française (1762, 1798), la sixième et dernière édition du Dictionnaire de Trévoux (1771) et le Dictionaire critique de l'abbé Féraud (1787). Alors que le Dictionnaire de Féraud est une synthèse qui fait explicitement référence à l'Académie et au Dictionnaire de Trévoux entre autres, les deux autres sont chacune une accumulation, avec ajouts, modifications et quelques suppressions, des informations contenues dans les éditions précédentes. La présente communication examinera les caractéristiques de l'accumulation dans le Trévoux et le Dictionnaire de l'Académie de deux points de vue complémentaires: celui de la rédaction du texte (genèse) et celui de la lecture du texte (exégèse vs. lecture naïve).


    Bibliographie indicative

    1. Indications bibliographiques concernant le Dictionnaire de Trévoux

    BRANCA-ROSOFF, Sonia : « Deux éditions du Trévoux, 1732 et 1771 : des dictionnaires jésuites », in Lexique 9 : Les marques d'usages dans les dictionnaires (XVIIe et XVIIIe siècles), PUL, 1990, pp. 113-128.

    BRANCA-ROSOFF, Sonia : « Hétérogénéité énonciative et discours du bel usage : Trévoux, 1732-34 », Actes du Colloque Variation linguistique et formation de koïnès, Neuchâtel, sept. 1988, dans P. Knecht et Z. Marszys éd. Écritures, langues communes et normes, Faculté des lettres de Neuchâtel et Genève, Droz, p. 75-88.

    COLLINOT, André et MAZIÈRE, Francine : « Un prêt à parler : le Dictionnaire Universel d'Antoine Furetière et sa postérité immédiate, le Trévoux. Une lecture du culturel dans le discours lexicographique », in Lexicographica 3, Max Niemeyer Verlag, 1987, pp. 51-75.

    LE GUERN, Michel : « Le "Dictionnaire" de Trévoux (1704) », in Cahiers de l'Association internationale d'Etudes Françaises, 1983, pp. 51-68.

    MORIN, Robert : « Diderot, l'Encyclopédie et le Dictionnaire de Trévoux », in Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, n°7 (octobre 1989), pp. 71-122.

    RONSIN, Albert : « Les éditions nancéiennes du Dictionnaire de Trévoux, au XVIIIe siècle », in Le Pays Lorrain, 41, p. 151-164.

    TEYSSEIRE, D. : L'enfance et l'enfant dans l'Encyclopédie et le Dictionnaire de Trévoux, Thèse pour le doctorat de 3ème cycle, Université René Descartes, Paris V, sous la direction de M. le Professeur Georges Snyders, 1979.

    WEIL, Françoise : « Les libraires parisiens et le Dictionnaire de Trévoux », in Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, n° 10 (avril 1991), Langres, p. 155-158.

    WIONET, Chantal : « Pragmatique et lexicographie : le vocabulaire religieux dans le Dictionnaire dit de Trévoux, 1721 », Thèse pour le doctorat, nouveau régime, Université de Provence, Aix-en-Provence, sous la direction de Madame le Professeur Sonia Branca-Rosoff.

    WIONET, Chantal : « Le discours sur l'Académie : entre rejet et convoitise », in Actes du colloque pour la célébration du tricentenaire du Dictionnaire de l'Académie Française, Le Dictionnaire de l'Académie Française et la lexicographie européenne, colloque tenu en novembre 1993 à l'Institut de France, Paris, Champion, collection Lexica.

    2. Indications bibliographiques concernant les Mémoires ou le Journal de Trévoux

    - Etudes sur la presse au XVIIIe siècle : les Mémoires de Trévoux, volume publié par le Centre d'études du XVIIIe siècle de l'Université Lyon II, ERA CNRS 434, LYON, 1975, avec en particulier les contributions suivantes :

    - RETAT, Pierre : « Rhétorique de l'article de journal : les Mémoires de Trévoux 1734 » in Etudes sur la presse au XVIIIe siècle, Centre d'études du XVIIIe siècle de l'Université Lyon II, ERA CNRS 434, GRECO n° 1, PUL, LYON, 1978.

    - Les jésuites au XVIIIe siècle : numéro spécial de la revue annuelle Dix-huitième siècle, publiée par la Société d'étude du 18e siècle avec le concours du CNRS, 1976, Paris, Garnier, avec en particulier les contributions suivantes :

    3. Divers

    GUIGUE, Marie-Claude : « Notes sur l'ancienne imprimerie de Trévoux », in Revue du Lyonnais (Nouvelle série), 1855, vol. 10, p. 172-193.

    QUEMADA, Bernard : Les dictionnaires du français moderne, 1539-1863, Etude sur leur histoire, leurs types et leurs méthodes, Thèse pour le Doctorat es Lettres présentée à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Paris, Paris, Didier, 1968.


    Le Dictionnaire de Trévoux : quelques explorations préliminaires

    par Isabelle Turcan

    1. Que recouvre la dénomination « Dictionnaire de Trévoux » ?

    1.1. L'intitulé complet de la première édition, 1704.

    La première édition de ce dictionnaire fut imprimée en 1704 à Trévoux , sur ordre de Son Altesse Sérenissime, Monseigneur Prince Souverain de Dombes, et donnée sous l'intitulé complet de

    1.2. Les titres abrégés

    Par commodité, on donne, le plus souvent, des titres abrégés.

    Parfois, rarement, celui qui est repris dans les premières pages des différents volumes de la première édition :

    Le titre abrégé le plus connu du grand public est bien sûr celui de « Dictionnaire de Trévoux ».

    Comme les deux premières éditions de ce dictionnaire, données respectivement en 1704 et en 1721, ont été réalisées par l'imprimerie de Trévoux, elles ont imposé la dénomination courante de « Dictionnaire de Trévoux », même lorsque l'ouvrage a été imprimé à Nancy ou à Paris.

    C'est ainsi que dès 1732, on trouve en première page, le titre suivant :

    Ce titre sera encore maintenu dans la dernière édition de 1771, et c'est lui que retiendront le plus souvent les libraires et les critiques dans leurs catalogues.

    2. Importance de la série du Dictionnaire de Trévoux dans l'histoire de la lexicographie française

    Du point de vue général de l'histoire des dictionnaires, le Dictionnaire de Trévoux est un ouvrage charnière puisqu'il offre au XVIIIe siècle une sorte de synthèse des travaux lexicographiques des XVIe et XVIIe siècles, qu'il s'agisse du Thresor de Jean Nicot, des imposants glossaires de Du Cange, des dictionnaires de langue française de Richelet et de Furetière, puis de l'Académie française, de dictionnaires étymologiques comme celui de Ménage, de dictionnaires spécialisés ou techniques comme celui de Rochefort pour la religion, ou celui de Thomas Corneille pour les arts et les sciences, etc... sans négliger les traités techniques (par exemple pour la marine, les travaux de Cleirac, Guillet et Desroches), tout en privilégiant une ouverture de type encyclopédique qui s'affirmera au XVIIIe siècle et perdurera.

    Les auteurs du Dictionnaire de Trévoux, sans doute des Jésuites dont on ne connaît pas l'identité exacte, mais pas uniquement, ont d'ailleurs pris le soin de mentionner leurs sources, lexicographiques, historiques, philosophiques, littéraires ou autres, dès la première édition, la Table des références bibliographiques étant enrichie dès la deuxième édition.

    L'étude de ces sources est du plus haut intérêt pour l'histoire des dictionnaires de langue française : par exemple, c'est avec le Dictionnaire de Trévoux qu'ont été introduites et diffusées de nombreuses sources de type encyclopédique jusqu'alors peu exploitées par les lexicographes, mais qui seront de plus en plus considérées au cours du XVIIIe siècle.

    3. Quelle est l'identité du Dictionnaire de Trévoux ?

    Il faut considérer à la fois l'identité de l'ensemble de la collection par rapport au genre de dictionnaire et l'identité de chaque édition, en particulier par rapport au contexte socio-culturel des premières éditions, puisque de l'une à l'autre ont été apportées des modifications parfois très importantes.

    Du point de vue des genres de dictionnaires, cet ouvrage, qui pourrait paraître à certains égards un "dictionnaire fourre-tout", composite, amalgamant une multiplicité de sources avérées ou cachées, est en réalité à sa manière un Trésor répondant aux objectifs de différents genres de dictionnaires, dictionnaire général de langue associant l'usage en synchronie et remarques étymologiques (diachronie), dictionnaire monolingue dans les grandes lignes, mais bilingue pour les traductions latines, et plurilingue dans de nombreux cas, dictionnaire de spécialité pour tous les articles concernant des termes techniques (arts et sciences), dictionnaire idéologique pour tout ce qui concerne la religion et la philosophie, etc...

    Du point de vue de l'histoire des idées, le Dictionnaire de Trévoux, réalisé en partie par des Jésuites, a joué un rôle intéressant par rapport à ses premières sources, le Dictionaire Universel de Furetière (1690) et sa réédition en 1701 par le protestant Basnage de Bauval qui a non seulement enrichi les définitions de Furetière dans une perspective encyclopédique, tout en complétant les notices étymologiques, mais surtout augmenté la nomenclature et réorienté les articles religieux.

    Alors que la première édition du Dictionnaire de Trévoux (1704), revue par Richard Simon, se démarque peu du Basnage, sa deuxième édition réalisée sous la responsabilité du jésuite E. Souciet (1721), déplace les citations protestantes pour en détourner le sens, réorganise les articles tendancieux et rétablit un discours plus conforme au dogme.

    Ce dictionnaire souvent discrédité sur le plan scientifique et accusé de plagiat présente donc en réalité un intérêt historique indéniable : d'années en années, il a conquis son autorité et s'est imposé comme une référence incontournable pour toute étude historique du vocabulaire; témoin de son temps, il a été lui-même ensuite la source de nombreux travaux et a joué un rôle non négligeable dans l'élaboration des grands dictionnaires du XIXe et du XXe siècle.

    La série des Dictionnaires de Trévoux est complexe, car elle regroupe des éditions imprimées à Trévoux, à Paris et à Nancy, l'indication officielle du lieu d'édition n'étant pas forcément fiable en raison de la pratique courante des contrefaçons; il reste à déterminer le statut exact des éditions réalisées à Nancy par rapport à l'appréciation canonique, jusqu'à présent, des éditions dont on ne sait toujours pas exactement si elles sont au nombre de six, sept ou huit.

    L'identification des filiations entre originaux, retirages et contrefaçons est à parfaire.

    4. Quelles sont les éditions du Dictionnaire de Trévoux conservées à Trévoux ?

    Sont conservées à Trévoux les éditions suivantes:

    - deux exemplaires de la première édition imprimée à Trévoux en 1704, en format in folio : un exemplaire est relié en 3 volumes, l'autre en 2 volumes.

    - deux exemplaires de la deuxième édition imprimée à Trévoux en 1721, en 5 volumes in folio.

    - un exemplaire de l'édition imprimée à Nancy en 1740, en 6 volumes in folio .

    - un exemplaire de l'édition imprimée à Paris en 1752, en 7 volumes in folio, traditionnellement considérée comme la sixième.

    - un seul volume de l'Abrégé du Dictionnaire Universel françois et latin, imprimé à Paris en 1762, en 3 volumes in quarto.

    - un exemplaire de la dernière édition imprimée à Paris en 1771, en 8 volumes in folio.

    La série serait complète avec les éditions de 1732 et de 1743 imprimées à Paris, le Supplément de 1752 et la réédition de l'Abrégé de 1763 réalisée en 3 volumes in quarto.

    Cette collection s'est constituée en partie grâce à des dons faits à la ville de Trévoux par deux trévoltiens, M. C. Guigue, archiviste du Département de l'Ain et du Rhône au XIXe siècle (1704) et le Docteur Collet (1704 et 1721 : don daté de 1964) et à des acquisitions de la ville (1752, 1762). L'édition de 1740 porte un ex-libris de J. Cl. Chuinague, notaire à Trévoux à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle.