QUATRIEME LIVRE D'ARCHITECTURE
DE MARC VITRUVE POLLION.

[LO] APres avoir longuement consideré, O Empereur, que plusieurs hommes ont laissé comme parcelles errantes, divers preceptes et volumes d'Architecture, non ordonnez, mais, sans plus, commencez: il m'a semblé que je feroye chose louable et de grand profit, si je reduysoye en perfecte science le corps d'une discipline tant noble, mesmes si en chacun de mes livres j'exposoye les qualitez convenables et requises a toutes ses especes. A ceste cause j'ay desja dict en mon Premier, quel est l'office de l'Architecte, mesmes de quelz artz et sciences le besoing requiert qu'il soit instruict.
Au Second j'ay traicté des matieres commodes a bastir: puis en mon Tiers ay enseigné queles doyvent estre les fabriques des maisons sacrees: n'oubliant a dire combien il en est de modes differentes, et aussi queles proportions est convenable leur donner. Consequemment ay monstré de leurs trois facons laquelle a les proprietez plus singulieres suyvant la disposition de ses membres: et tout d'une voye ay declaré l'ordre Ionique.
Maintenant en ce Quart volume je parleray des ouvrages Dorique et Corinthien, puis semblablement de tous les autres, exposant les particularitez qui se treuvent entre eulx par l'ordinaire.

DES TROIS MANIERES DE COLONNES, AVEC LEURS
origines et inventions. Chap. I.

[LO] LEs colonnes Corinthiennes ont toutes les symmetries pareilles aux Ioniques, excepté en leurs chapiteaux: car les ouvriers en font de plus grans et de plus graisles pour correspondre deuement a la proportion de la colonne. Or la haulteur de celluy de l'ordre Ionique, porte la tierce partie du diametre de sa colonne: et le Corinthien autant comme l'assiette de la sienne est large par embas.

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Puis donc que les maistres donnent le total diametre de la colonne au chapiteau Corinthien, celle haulteur faict que la forme subgette s'en monstre plus menue.

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Mais en ce qui concerne les autres membres colloquez sur iceulx chapiteaux, on se renge par les symmetries Doriques, ou sur les Ioniques, veu mesmement que la mode Corinthienne n'a aucune propre institution de cornices ny autres ornemens, ains les tailleurs se fondans sur la raison des Triglyphes, mettent ou les Modillons soubz les coronnes, et les larmes sur les Architraves, a la facon Dorique: ou bien suyvant les similitudes Ioniques, enrichissent leurs frizes dictes Zophores, de figures a demytaille, et leurs coronnes de dentelures.

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Voyla comment de ces deux sortes diverses, et par l'interposition du chapiteau, la tierce maniere d'ouvrage a trouvé son commencement: car de la forme des colonnes ces trois genres ont acquis leurs noms, assavoir Dorique, Ionique, et Corinthien. Toutesfois la Dorique fut la premiere inventee, et est de plus grande antiquité que les autres. Qu'il soit ainsi, Dorus filz d'Hellen et d'Optique la Nymphe, regna jadis en Achaie, et si tenoit tout le pays de Peloponnese. Ce prince edifia en Argos (ville tresancienne) un Temple a la deesse Juno, lequel de fortune fut faict a la mode que nous disons Dorique. Apres en d'autres citez d'Achaie en furent bastiz de semblables, n'estant encores trouvee la raison des symmetries. Mais apres que les Atheniens par les responses de l'oracle d'Apollo en l'isle de Delphos, eurent avec le commun consentement de toute la Grece, mené pour une fois en Asie treze troupes ou Colonies de nouveaux habitans, et a chacune ordonné certains Ducz ou Capitaines pour les gouverner, la souveraine authorité fut baillee a Ion filz de Xuthus et Creusa, lequel ce mesme Dieu Apollo avoit pareillement en ses oracles advoué pour son filz. Cestuy la print la charge de conduire ces Colonies en Asie, ou il occupa incontinent les frontieres de Carie, et y bastit des citez magnifiques, comme Ephese, Milete, Myunte (qui depuis fut abysmee en Mer, et de laquelle iceulx Ioniens annexerent a la dicte Milete le temporel, et les choses sacrees) Priene, Samos, Teos, Colophon, Chius, Erythree, Phocee, Clazomeme, Lebede, et Melite, qui aussi par le commun accord de toutes ces Citez fut entierement destruicte et mise bas, par guerre signifiee a jour prefix, a l'occasion de l'arrogance et temerité de ses habitans: puis en son lieu par l'intercession du Roy Attalus et de la Royne Arsinoé, la ville de Smyrne fut receue entre les Ioniennes. Ayant donc les Citoyens de ces citez chassé a force d'armes les Cariens et Lelegues, peuples barbares, de long temps residans en ces payz, les victorieux appellerent la contree Ionie, du nom de leur souverain. puis y edifierent aucuns Temples pour honnorer les Dieux immortelz, et singulierement Apollo Panionius, l'edifice duquel fut conduict a la semblance de celluy qu'ilz avoient veu en Achaye, et pour ceste raison le nommerent Dorique.
Or est il que quand ilz y voulurent dresser des colonnes, ces bonnes gens ne sachans queles symmetries ilz leur devoient donner, mais cherchans les practiques pour en venir about, mesmement par ce qu'ilz desiroient les faire fortes, et commodes a supporter grand fardeau, avec ce qu'elles eussent bonne grace, et se rendissent agreables a la veue: ilz se prindrent a mesurer l'impression de la plante du pied d'un homme: et trouvans que ceste mesure faisoit une sixieme partie de sa haulteur, ilz donnerent ceste proportion a leurs colonnes: et de tele largeur qu'estoit l'estendue du diametre par embas, autant de fois voulurent les ouvriers y appliquer ceste haulteur, multipliant jusques a six: toutesfois ilz comprenoient en ce tant le chapiteau que la base.

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Voyla comment la colonne Dorique fut premierement formée sur la proportion du corps de l'homme, mais depuis elle commencea d'estre pour belle et ferme usitee en bastimens.
Quelque temps apres le plaisir de ces Ioniens fut d'edifier encores un temple a Diane: parquoy cherchans une facon nouvelle, ilz par semblable invention transporterent la gayeté feminine a l'usage des colonnes, et teindrent la grosseur de leurs tiges d'une huictieme partie de la haulteur, afin qu'elles eussent une espece plus relevee.
En la base ilz supposerent la Spire ou Bozel en lieu de soulier: et au chapiteau colloquerent des volutes comme perruques ou chevelures crespes entortillees et pendantes tant d'un costé que d'autre: puis enrichirent leurs frontz de cymaises ou doulcines, les ornant de beaux festons de feuillages pour representer une teste de femme bien ornee.
En oultre, tout al'entour du corps de la colonne depuis le hault jusques au bas, feirent des canelures creuses, afin d'exprimer les pliz des vestemens des dames. Et ainsi avec deux inventions differentes pervindrent a l'effect de leur desir, consideré qu'ilz en formerent (comme dict est) une sur la facon du corps masle, (et ceste lá nue de tous ornemens) puis l'autre sur la delicature de la femme, qu'ilz parerent de beaux ouvrages.

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Les maistres donc qui vindrent apres eulx, procedans a leurs edifices par subtiliation de pensees, et tousjours cherchans leur donner plus grand grace, se delectans des formes delicates, donnerent a la haulteur de la colonne Dorique sept fois la largeur de son diametre, et a l'Ionique huict et demie: reservans neantmoins le nom a ce que les Ioniens inventerent, qui a tousjours depuis continué d'estre appellé ouvrage Ionique. Mais la troysieme espece de colonnes qui est dicte Corinthienne, fut faicte a l'imitation du gent corps de quelque pucelle, pource que les filles en leur aage tendre sont de membres graisles et menuz, telement que quand elles sont bien parees, leurs personnes s'en monstrent beaucoup plus belles, et d'apparence plus exquise. Au regard du chapiteau de cest ordre, lon dict que son invention fut tele.

Une vierge Corinthienne estant en aage d'estre mariee, fut surprise de quelque maladie dont a la fin la mort s'en ensuyvit. Quoy voyant sa norrice, apres sa sepulture assembla tous les vases ausquelz la fille en son vivant souloit prendre delectation, et les meit en un pannier: puis les porta dessus son monument: ou afin qu'ilz se gardassent plus long temps au vent et a la pluye, les couvrit d'une tuyle. Ce pannier fut d'avanture posé sur une racine d'Acanthe, ou Branque Ursine: et par succession de temps, pour estre icelle racine pressee du fardeau, environ le printemps getta ses tiges qui croyssoient al'entour du pannier, mais estant rabatues par les coingz de la tuyle, force leur fut de se courber contre bas, comme lon veoit faire a rouleaux ou cartoches.

[FIGURE] Feuille d'Acanthe, autrement Branque Ursine.Feuille de Laurier.Feuille d'Olivier.

Ce temps pendant, Callimachus, qui pour l'excellence et subtilité de son art en matiere de taille de Marbre, avoit esté par les Atheniens surnommé Catatechnos, c'est a dire homme industrieux et plein d'artifice, passant de fortune par aupres de ceste sepulture, getta sa veue sur le pannier, et sur la tige d'ou procedoient ces feuilles: a quoy prenant plaisir, et se delectant en la nouveauté de tele forme, feit a la semblance de cela puis apres des colonnes aux Corinthiens, et leur ordonna symmetries convenables, assignant les moyens pour conduire les oeuvres en perfection, suyvant ceste espece de Corinthe.
La proportion donc de ce chapiteau se doyt conduire en ceste sorte: asavoir qu'autant comme sera grosse la colonne par le diametre d'embas, tele soit sa haulteur, y comprenant son tailloer, la largeur duquel aussi s'estende si fort, qu'en comparaison de sa haulteur elle soit deux fois aussi grande, suivant la ligne diagonale qui doibt estre tiree de coing a autre du quarré de son plant. Parainsi ses extremitez ou cornes auront de toutes pars leurs saillyes necessaires.

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[FIGURE] Chapiteau selon la reigle de Vitruve.

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Les frontz de sa largeur soient cambrez en dedans: puis ses coupes des angles portent une neufieme partie de la largeur de son front.
Le bas du chapiteau qui pose sur la gorge de la colonne, n'ayt plus de grosseur que la dicte gorge, sans toutesfois y comprendre l'Apothese, gorgerin, ou petit membre rond sur quoy pose icelluy chapiteau.
L'espoisseur de ce tailloer soit d'une septieme partie de la haulteur de son chapiteau, et le reste divisé en trois portions, dont la premiere sera baillee a la feuille d'embas, la seconde a la deuxieme, et la tierce a celles des costez d'ou naissent les volutes qui tendent contremont pour aider a soustenir ce tailloër, et s'estendent jusques au contournement.
Les Helices ou vrilles en facon de Cartoches, se doivent rencontrer au mylieu du chapiteau, et estre droictement mises aplomb de la Rosace qui sort contre le front du tailloer: et toutes ses semblables soient formees aussi grandes que l'espoisseur dudict tailloër. Ce faisant, et suyvant teles symmetries, les chapiteaux Corinthiens auront leurs mesures convenables.
Encores y a il des especes de chapiteaux qu'on applique sur les mesmes colonnes, qui sont appellez en diverses manieres, dont nous ne pouvons nommer les proprietez des symmetries ny aussi les genres de leurs colonnes, mais seulement congnoissons que leurs vocables sont tirez des Corinthiens, Ioniques, et Doriques, parce que la symmetrie est appliquee en subtilité de parures nouvelles.

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DES MEMBRES ASSIZ SUR
LES COLONNES. CHAP. II.

[LO] PUis que les inventions des genres de colonnes ont esté cy dessus specifiees, il me semble raisonnable de traicter tout d'une voye des membres posans dessus, et declarer d'ou ilz procederent, mesmes par queles occurrences ilz furent jadis inventez.
En toutes manieres d'edifices lon met coustumierement aux estages assiz sur les colonnes, la charpenterie, qui a beaucoup de nominations diverses: et comme elle est differente en ses termes ainsi en provient il plusieurs utilitez. Qu'il soit vray, l'ouvrier fera porter a icelles colonnes, pareillement aux jambages des portes, pilastres ou contrefors de la muraille, de gros sommiers, poultres, poytrailz, ou sablieres: puis aux planchers ordonnera des solives pour soustenir les aix sur quoy lon marchera. Mais pour les toictz ou couvertures, si l'estendue en est trop grande, il y mettra des filieres qui regneront sur les coupeaux du pignon ou comble, que noz Latins appellent columen, lequel a donné nom a la colonne.
Ces filieres sont soustenues de boyses en travers, lesquelles portent des ayguilles ou fleches appuyees de leurs tenons. Mais si l'estendue d'iceulx toictz n'est que commode, c'est a dire gueres longue, il n'y aura qu'ne filiere sur quoy poseront les chevrons qui declinent en pente oultre les extremitez de la muraille de costé et d'autre pour faire le rabat. Sur ces chevrons il clouera des lattes, et dessoubz les tuyles attachera des aix portans si grande saillye, que les murailles en seront defendues et contregardees des eaux. Voyla comment chacune chose conservera son lieu, son genre, et son vray ordre.
Suyvant ceste besongne de charpenterie, les Architectes antiques prindrent patron pour decorer leurs bastimens, et singulierement les Temples construictz de pierre de Marbre, leur semblant que teles inventions estoyent dignes d'estre imitees.
La premiere qui en fut jamais faicte, veint de ce que certains ouvriers bastissans quelque place, apres avoir assiz dans oeuvre leurs poultres et solives pour servir de planchers (toutesfois en sorte que les boutz en apparoissoient par dehors) se prindrent a donner grace a leurs entresolives, et decorer le dessus de Cornices et Frontispices taillez d'ouvrage: puis apres coupperent a l'uny des paroys les forgectz desdictes solives. Mais voyant que cela se monstroit difforme ilz appliquerent contre les coupeures, quelzques tablettes de boys, ornees a deux bandes de cire azuree, a la mode que nous voyons maintenant les Triglyphes: et fut afin que ces couppemens de solives estans couvertz de ce desguysement de paincture, ne se rendissent mal agreables a la veue.
Cela fut occasion de faire qu'icelles couppes de solives cachees par l'application des Triglyphes, commencerent a venir en usage, et les Opes ou entresolives a continuer {continuet} aux bastimens Doriques.

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Quelque temps apres aucuns d'iceulx antiques feirent en autres ouvrages avancer les boutz des chevrons jusques aplomb des Triglyphes, et soubz les Modillons poserent des Rouleaux ou Cartoches pour servir de Consolateurs.
Ainsi donc comme l'invention des Triglyphes fut trouvee par la couppeure des solives et leur egale disposition, ne plus ne moins fut inventee soubz les Coronnes la facon des Modillons qui doyvent estre en besongne de pierre de taille ou de Marbre, tousjours formez declinans en pente, pource qu'ilz representent chevrons de charpenterie, lesquelz sont aussi necessairement inclinez, afin de laisser esgouter les eaux.
Je vous ay dict qu'aux ouvrages Doriques, l'ordonnance des Triglyphes et Modillons s'observe suyvant la similitude susdicte, et ne peult estre comme aucuns ignorans ont tesmoigné, asavoir que les Triglyphes soient representations de fenestrages, pource qu'ilz se mettent ordinairement environ les angles d'un edifice, et aussi aplomb des colonnes: et la raison ne sauroit permettre que lon feist des ouvertures en telz endroictz, veu mesmement que les joinctures des coingz se dementiroient si lon y laissoit des receptions de lumieres. A ceste cause, si aux lieux ou nous assyons maintenant lesdictz Triglyphes, ces ignorans vouloient persister que ce feussent places de fenestrages, il fauldroit par mesme raison qu'en bastimens Ioniques les Dentelures en representassent autant, consideré que les distances d'entre icelles Dentelures et les Triglyphes, sont aussi bien les unes comme les autres, appelles Metopes. Or ce que les Grecz disent Opes, pour couches de soliveaux ou planches, noz Latins le nomment creux et troux de Colombier. Celle espace donc qui est entre deux solives, lesdictz Grecz la signifient par Metope. A ceste cause comme aux edifices Doriques la raison des Triglyphes et Modillons fut inventee, semblablement aux Ioniques l'ordonnance des Dentelures print sa nayve proprieté: et ne plus ne moins qu'en iceulx Doriques les Modillons representent saillye de chevrons, ainsi aux Ioniques les Dentelures ont apparence de forgect d'aix crenelez.
Il se fault donc garder de mettre en ouvrage Grec des Dentelures soubz les Modillons, pourautant qu'iceulx aix ne peuvent raisonnablement estre soubz les chevrons: et ce qui doyt poser sur eulx et sur les aix, si lon le mect dessoubz, en voulant contrefaire la charpenterie, je veuil maintenir que tel ouvrage sera faulx.
Consequemment lesdictz antiques n'approuverent ny ordonnerent onc que lon feist des Dentelures aux faistes des ouvrages, mais bien des coronnes toutes simples, a raison que lon n'assiet chevrons ny planches contre les devantz d'iceulx faistes, et aussi n'y sauroient ilz apparoir, pource que tousjours les fault decliner en pente, afin de faire escouler les eaux. Ainsi ce qui n'a sceu estre veritablement mis en effect, ilz ont estimé qu'en representation ou similitude il ne doyt avoir authorité pour en user dans les ouvrages: et pourtant approprierent toutes choses a la perfection, suyvant certains exemples tirez de la Nature, et approuverent tout ce dont les explications peuvent avoir force de verité en dispute.
Voyla qui leur a faict ordonner ces origines de symmetries et proportions pour chacune espece d'ouvrage. Parquoy suyvant leurs trasses, j'ay declaré tout ce qui appartient aux ordonnances Ioniques et Corinthiennes, si que maintenant j'exposeray en bref la facon Dorique, avec sa souveraine forme et espece.

DE LA FACON DORIQUE. Chap. III.

[LO] AUcuns Architectes antiques ont esté d'opinion qu'il ne falloit faire les maisons sacrees a la mode Dorique, pourautant que leurs symmetries en sont (a leur advis) faulses et corrompues. Entre ceulx lá Tarchesius l'a maintenu, puis Pytheus, et semblablement Hermogenes, lequel ayant amassé beaucoup de Marbre pour faire un temple au Dieu Bacchus a la dicte facon Dorique, changea incontinent d'opinion, et le fait a la mode Ionique: non pour estre icelle Dorique de mauvaise grace, ordre impertinent, ou sans dignité d'apparence, mais pource que la distribution de ses parties est aucunement difficile, voire presque incommode a l'endroict des Triglyphes, et en l'assiette des Rosaces ou autres compartimens qui se mettent aux platz fons des Cornices: veu mesmement qu'il fault poser iceulx Triglyphes en ligne perpendiculaire du mylieu des colonnes: et est besoing que les Metopes qui se feront entredeux, soient aussi larges comme haultes. Mais quand ce vient aux colonnes des coingz, iceulx Triglyphes se posent sur leurs extremitez, et non sur le mylieu: qui faict que les Metopes prochaines de ces Triglyphes angulaires, ne viennent pas toutes quarrees, mais plus larges que les Triglyphes d'une moitié de leur haulteur. Ce neantmoins ceulx qui les veulent faire toutes egales, reserrent les distances d'entre les colonnes abordantes aux coingz, de la mesure d'une demye haulteur: et ou que cela se face aux largeurs des Metopes, ou a reserrer les entrecolonnes, il se treuve tousjours faulx. A ceste cause lesdictz antiques ont (comme il semble) voulu eviter en la structure des maisons sacrees, l'institution des symmetries Doriques. Toutesfois nous l'exposerons ainsi que l'ordre le requiert, et comme nous l'avons entendu de noz maistres, afin que si quelq'un veult suyvre ceste voye, il ait ses proportions toutes appareillees, au moyen desquelles il puisse deuement et sans faillir, faire les perfections des Temples a icelle mode Dorique.

SI le front d'un edifice Dorique, ou se mect la premiere ordonnance des colonnes, est tetrastyle, soit divisé en vingt et sept parties: et s'il est hexastyle, en quarante et deux. De celles la l'une servira de mesure ou module que les Grez nomment embatos, c'est a dire lieu par ou lon peult passer: et sur icelluy module seront prises toutes les distributions de l'oeuvre, ainsi que la raison le requerra.
La grosseur de la Colonne contienne deux d'iceulx modules, et sa haulteur, y comprenant son chapiteau, en ayt quatorze. La haulteur de ce chapiteau monte jusques a un module, qui est un demy diametre: mais l'estendue de sa largeur soit de deux, et une sixieme d'avantage.
La dicte haulteur de chapiteau se divise puis apres en trois parties. l'une sera pour le tailloer avec sa cymaise, la seconde pour l'eschine avec ses trois anneaux ou carquans, et la troysieme pour la frize, qui devra estre justement egalee au restrecissement du bout d'enhault de la colonne, sans y comprendre son gorgerin passant oultre avec le petit quarré, suyvant ce que nous avons ja escript en nostre Troysieme, au traicté des colonnes Ioniques.

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L'epistyle ou Architrave avec sa plattebande soubz laquelle posent les larmes et leur tringle, ayt un module de mesure, et ceste dicte plattebande seulement une septieme partie de l'Architrave. La longueur des larmes procedantes de la tringle, a plomb des Triglyphes, emporte sans icelle tringle une sixieme partie de ceste mesure.
La largeur de cest Architrave par le bout d'embas, soit correspondante au nu du bout d'enhault de la colonne. Audessus fauldra mettre les Triglyphes, observant leurs Metopes: et faire qu'ilz soyent aussi haultz qu'n Module et demy, et larges d'un en front: mais compartiz en forte qu'ilz viennent droictement a poser sur le centre des colonnes tant angulaires, que du mylieu: et aux autres entrecolonnes fault qu'il y ait deux Metopes toutes pleines: puis sur les ouvertures du rencontre de devant, troys: et autant au derriere. Ce faisant, et tenant icelles entrees assez amples, lon pourra sans empeschement aller jusques aux representations des Dieux.

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La largeur de ces Triglyphes soit divisee en six portions, dont les cinq soient assignees pour la face du mylieu: et la sixieme divisee en deux partz: de quoy l'une se donne au costé droict, et l'autre au gauche. Cela faict, sur les mylieux desdictz Triglyphes soit tiree une ligne aplomb, appellee entre noz Romains Femur, et parmy les Grecz Miros. les Francois l'appellent Areste. Suyvant ceste ligne lá, soient formez canaux ou coches a la reigle: puis aux deux extremitez du Triglyphe tant a droict qu'a gauche soient pareillement tirees deux Arestes pour faconner les deux demyz canaux.
Estans les Triglyphes ainsi ordonnez, les Metopes d'entredeux se facent quarrees, c'estadire aussi larges comme haultes: et devers les bordz des angles ou coingz du temple Dorique, les deux demy Metopes facent ensemble la largeur d'une entiere: parainsi toutes les faultes survenantes ordinairement en leurs situations sur les entrecolonnes, et aux platzfons des Cornices appellez Lacunaires, seront raisonnablement amendees, consideré que les distances auront proportions toutes egales.
Les chapiteaux de ces Triglyphes doivent estre de la sixieme partie d'un module, et sur eulx estre assize la Cornice, qui doyt avoir de saillye la moytie avec une sixieme d'icelluy module. Sur elle doit regner une Cymaise ou goule renversee Dorique, et autant par enhault, telement qu'icelle Cornice avec ses Cymaises emporte la moytié de la largeur du module.
Soubz la Cornice fault diviser en lignes perpendiculaires, les Arestes des Triglyphes, les Semimetopes, et les distributions des Larmes: en forte que la longueur de six Larmes contre bas, en face justement troys de large.
Les autres espaces, pource que les Metopes sont plus larges que les Triglyphes, soient laissez uniz, et sans ouvrage, ou bien y soient entaillees des sagettes de fouldre.

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Au menton de la Cornice soit faicte une ligne demy ronde, qui se nomme Scotia, autrement Nasselle: et le reste estant assiz sur ce membre, comme Tympans de Frontispices, Doulcines, et Coronnes, se conduyse ainsi qu'il a esté cy devant escrit en nostre ordre Ionique.
Voyla quele sera la mode qu'il fault observer aux ouvrages Diastyles, c'estadire dont les distances des colonnes emportent trois de leurs grosseurs par embas.
Mais si l'edifice est Systyle, et Monotriglyphe, c'estadire dont l'entrecolonne emporte la grosseur de deux, et en laquelle n'a qu'n Triglyphe: si le front ou rencontre en doibt estre Tetrastyle, qui signifie de quatre colonnes: soit divisee sa largeur en dix neuf parties et demye. S'il est hexastyle, c'estadire de six colonnes, en vingt neuf et demye. l'une d'icelles sera la mesure sur laquelle se fauldra renger, comme il est escrit cy dessus, pour bien distribuer et compartir l'ouvrage, et mettre sur chacune des parties en l'Architrave un Triglyphe environné de deux Metopes: toutesfois sur les colonnes angulaires n'y aura que l'espace d'un demy Triglyphe.

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En l'ouverture du mylieu au dessoubz du Frontispice, il y aura l'espace de trois Triglyphes, et quatre Metopes, afin que par estre ceste ouverture de l'entrecolonne du mylieu, plus large que les autres, les gens qui vouldront aller au temple, y puissent entrer plus a leur ayse, et que les statues des Dieux s'en monstrent de plus grande majesté.

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Sur les chapiteaux des Triglyphes fault asseoir la Cornice, laquelle ayt, comme cy devant a esté dict, ses goules renversees Doriques, aussi bien par embas que par en hault: et sa haulteur, y comprenant icelles gouttes, soit du demy diametre d'un Triglyphe.
Dessoubz icelle Cornice est besoing de trasser en lignes perpendiculaires ou a plomb les Arestes d'iceulx Triglyphes, ensemble les demymetopes, la direction des coches ou canaulx, et la distribution des larmes, voire tout le reste de l'ornement, par la maniere que j'ay dicte en traictant des edifices Diastyles.

[FIGURE] Difference des deux Cornices pour l'ordre Composé, ou Latin.

Au regard des colonnes, on les peut caneler comme j'ay dict: et si elles sont pleines, c'estadire a arestes saillantes en dehors, est necessaire qu'il y en ait vingt pour le moins
Mais qui les vouldra creuses, il y fault proceder par ceste voye, asavoir qu'autant comme doyt estre grand l'espace de chacune canelure, autant soit tenu large un quarré perfect, au mylieu duquel soit mise l'une des poinctes du Compas, et de l'autre faicte la ligne semicirculaire, en sorte qu'elle voyse respondre aux deux extremitez de ce quarré. Puis d'autant qu'il y aura de cambrure entre la ligne de la circumference, et celle de la quarrure, autant soyent ces cannelures encavees. Ce faisant, la colonne Dorique sera perfectement accomplye en son espece. Mais pour donner la deue proportion a la plattebande d'entre deux cannelures, soit faict tout ainsi comme j'ay dict en mon Troysieme livre au traicté des colonnes Ioniques.

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Puis que la forme exterieure des symmetries Corinthiennes, Doriques, et Ioniques, est parachevee, il est requis maintenant que l'on parle de la Nef, ou dedansoeuvre, ensemble de sa face de devant.

DE LA DISTRIBUTION INTERIEURE DE L'EDIFICE,
ET DE SA FACE DE DEVANT. CHAP. IIII.

[LO] LA disposition de l'edifice doyt estre tele, que sa largeur soit aussi grande, comme la moytié de la longueur, en maniere que ladicte Nef soit plus longue d'une quarte partie, qu'elle n'aura de large par le costé de la muraille ou seront les ouvertures des grandes portes: et les troys autres parties du devant, se continuent en ligne droitte, mais par intervalles, jusques aux Antes ou Pilastres des coingz de la muraille.
Icelles Antes doyvent estre aussi grosses comme les colonnes. Mais si le bastiment estoit de plus grande estendue que de vingt piedz en largeur, il fauldra qu'il y ait deux colonnes entre les deux pilastres, et que ces colonnes separent les aelles d'avec l'espace de la premiere face du temple. Les trois entrecolonnes qui seront entre lesdictz pilastres et icelles colonnes, soyent environnez de petites cloysons de Marbre, ou d'ouvrage de menuyserie, mais toutesfois en tele sorte, que les ouvertures y soyent gardees, par lesquelles on puisse avoir passage et entree a la face de devant: de laquelle si la largeur excede quarante piedz de mesure, les colonnes qui devront estre entre les Pilastres, soyent posees a nyveau de celles qui seront au front du temple, et cesdictes colonnes interieures soyent aussi haultes que les exterieures.

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Mais pour venir a leurs rapetissemens, y soit procedé suyvant ceste practique. Si celles qui sont au front du temple, ont huict portions de diametre par enhault, les autres du dedans, en ayent neuf. Mais si lesdictes du front, sont de neuf ou de dix, les interieures soyent rapetissees a l'equipollent, a raison qu'en un air enclos, s'il en y a quelques unes de maigres, cela ne s'appercevra point: toutesfois qui les trouveroit trop menues, si celles qui seront dehors, ont vingt et quatre canelures, celles du front par dedans, en devront avoir vingt et huict, ou trentedeux. par ce moyen ce qui seroit trop peu en la grosseur de leur tige, y sera suradjousté par l'augmentation du nombre des canelures: de sorte que lon n'y congnoistra rien.

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Voyla comment la grosseur de noz colonnes sera rendue pareille par proportion differente: chose qui provient de ce que l'oeuil rencontrant plusieurs objectz, se va estendre a plus grande circuition de veue qu'il ne feroit. Et qu'il soit vray, si deux colonnes d'une egale grosseur, l'une canelee de canelure enfoncee, et l'autre non, sont mesurees d'une corde ou filet en leur circumference, telement que ladicte corde ou filet passe pardessus les arestes mises entre deux canelures, encores qu'icelles colonnes soient de grosseur toute pareille (comme dict est) les filetz dont elles seront environnees, ne se raporteront jamais a une mesure egale, a raison que le tour des canelures, ensemble de leurs arestes, rendra l'estendue de la ligne plus longue.
Puis donc que cela se monstre en tele sorte, ce ne sera que bien faict d'ordonner les symmetries d'icelles colonnes en lieux estroictz et en espace clos, un peu plus menues et moins lourdes, que celles qui sont a l'ouvert, consideré que le secret des canelures nous ayde en cest endroict.
Mais quant a l'espoisseur des murailles de la Nef, il fault qu'elle soit selon la proportion de la grandeur et haulteur qu'on entend donner a l'edifice. Toutesfois il est besoing que les pilastres et colonnes correspondent a ceste grosseur: et qui vouldroit bastir la muraille tout a neuf, il sera bon la massonner de bloccage, et la lyer de quartiers de pierre de taille ou de marbre, traversans toute l'espoysseur. Ce faisant, ledict bloccage ainsi lyé par ces quartiers, rendra la perfection de l'oeuvre plus ferme, et de plus longue duree. Davantage qui vouldroit entailler contre ces murailles quelzques figures de relief, respondantes sur les sieges d'environ, cela rendroit l'apparence du bastiment beaucoup plus belle, et de meilleure grace.

DE LA SITUATION DES EDIFICES SELON
LES REGIONS. CHAP. V.

[LO] POur bien situer les Temples consacrez aux Dieux immortelz, et les tourner aux regions ou ilz doivent regarder, fauldra tenir ceste regle, que s'il n'y a chose qui nous empesche, et le bastiment se peult faire a liberté: la representation du Dieu colloquee en icelluy, aura la face tournee devers Soleil couchant, afin que ceulx qui vouldront aller a l'autel pour sacrifier, ou faire leurs prieres, puissent en adressant leur visage a l'Orient, veoir a plain front le visage de celle remembrance, telement que pour impetrer leurs requestes, ilz ayent les yeux ententifz a l'image, et au levant ou orient du Soleil, mesmes que les simulacres semblent se lever afin de regarder les supplians ou sacrifians. Voyla pourquoy il est necessaire que tous les autelz des Dieux soient tournez devers l'Orient. Toutesfois si la nature du lieu repugnoit a cela, l'ordonnance de l'edifice doit estre changee, et la structure establie de sorte que lon puisse veoir de ces Temples le plus grand circuyt des murailles. Mais s'il les falloit faire au long du rivage des fleuves, comme en Egypte aux environs du Nil, la raison vouldroit qu'ilz regardassent le cours de l'eau: et s'il les convenoit eriger joingnant les passages publiques, fauldroit conduire l'oeuvre en maniere que les passans peussent veoir lá dedans, et faire leurs salutations face a face des simulacres.

DES PORTES POUR LES TEMPLES, ENSEMBLE DE LEURS
ornemens, et la facon de leurs fermetures. CHAP. VI.

[LO] LA practique pour faire les portes, et dresser leurs piedroictz ou jambages, est qu'il fault preallablement ordonner de quele espece on les veult avoir: car les sortes de ces ouvertures sont Dorique, Ionique, et Athenienne. Qui les vouldra donc Doriques, voycy le moyen d'observer leur symmetrie.
C'est que la coronne superieure qui se mect sur le front ou claveau de la porte, corresponde en allignement aux chapiteaux des colonnes de la premiere face du Temple, et la lumiere en soit conduicte si bien que la haulteur de l'edifice depuis le parterre jusques aux voultes ou lambroyssemens, soit divisee en trois egalitez et demye: dont les deux soient donnees a la reception du jour: laquelle soit aussi mypartie en douze: et les cinq et demie feront la largeur de l'entree par embas. Puis si la dicte ouverture se treuve de seze piedz, soit restrecye par le hault de la tierce partie du piedroict ou pilastre. Si elle en a de seze a vingt et cinq, la fault rapetisser par le dessus d'une quarte partie du piedroict ou Architrave qui tourne al'entour de la porte. Plus si elle estoit de vingt cinq a trente, la summité soit ramoderee a une huitieme partie. Mais si ces portes sont d'autre espece que Dorique, plus auront elles d'ouverture en haulteur, et plus les fauldra il conduire en ligne perpendiculaire ou a plomb.
Les piedroictz desdictes portes ayent de front une douzieme partie de la haulteur de la lumiere: mais on les doibt restrecir par enhault d'une quatorsieme partie de leur largeur. La haulteur du fronteau soit aussi grande que celle d'un piedroict par le bout d'enhault: et la cymaise ou goule renversee d'une sixieme partie de ce piedroict, ayant sa saillie toute egale a sa haulteur. Il fault que ceste cymaise soit taillee Lesbienne, c'estadire a la facon qui se garde en l'isle de Lesbos, ou les ouvriers y mettent l'astragale, qui est un membre rond comme un talon.
Sur la cymaise de dessus le front dict claveau, fault qu'il y ait encores un contrefrontail, ou dessus de porte, de la grosseur de celluy de dessoubz. mais sur cestuy la fault tailler la cymaise Dorique, et l'Astragale Lesbien avec sa Doulcine. Puis soit faicte la Coronne toute unie avec sa Cymaise ayant les saillies aussi grandes que le Claveau premier est hault, et ses saillies tant a droict comme a gaulche se facent en sorte que leurs membres ornez de demytaille, voysent regnant tout al'entour du front, et se conjoingnent aux ongletz ou bien extremitez delicates sur lesquelles la Cymaise commence a s'addoulcir.

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Mais s'il est question de faire ces portes a la mode Ionique, leur ouverture soit aussi haulte comme celle lá des Doriques: et leur largeur se prenne sur la haulteur divisee en deux portions et demye: dont une et demye face la largeur du bas de l'ouverture: et le restrecissement par enhault, tel comme j'ay dict des Doriques. La grosseur des Piedroictz par enhault, ayt de front une quatorsieme partie de la haulteur de la lumiere: et leur cymaise ou goule renversee soit d'une sixieme de leur estendue par embas: puis le reste, non compris icelle cymaise, soit divisé en douze egalitez, trois desquelles se donneront a la premiere avec son Astragale, quatre a la seconde, et cinq a la troisieme. Et ces bandes avec leurs Astragales voysent regnant tout autour du quarré.
En apres soyent les claveaux d'icelles portes ordonnez ainsi que les Doriques: mais leurs Rouleaux, Cartoches ou Consolateurs, autrement nommez Ancones, ou Prothyrides, taillez d'ouvrage de relief, soient pendans a droict et a gauche jusques a l'alignement de l'areste basse du premier claveau posant sur les Piedroictz: mais le bout de la feuille passe un petit plus bas. La largeur du front ou rencontre de ces Consolateurs, comprenne de trois partz l'une d'un costé de Piedroict par enhault, et en tirant contre bas, vienne a se rapetisser d'une quarte partie.

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Les feuillures de la porte soyent telement ordonnees, que les batans de l'huysserie d'une part et d'autre, avec leurs pivotz enchassez dedans le seuil, et contre le premier claveau, portent en hault et en large une douzieme partie de toute l'ouverture.
Les tympans ou panneaux assiz entre ces deux batans, ayent chacun trois portions de ces douze.
Apres soyent les distributions des traversans, faictes en sorte, qu'estant la susdicte ouverture divisee en cinq egalitez, deux en soyent donnees a celluy de dessus, et trois cestuy la de bas: mais celluy d'entredeux, posé droictement sur le mylieu de la porte. Les autres ja specifiez soyent miz le hault contre le fronteau, et le bas au rez dudict seuil. La largeur d'icelluy traversant du mylieu, se face de la tierce partie de l'un des panneaux: puis la cymaise ou moulure regnant a lentour, dicte par noz latins Replum, soit d'une sixieme portion du susdict traversant: ou, qui vouldra, une sixieme et demye: et la grosseur des pivotz porte une moytié de ce traversant. Les secondz pivotz qui seront en l'autre costé, ayent aussi de grosseur une moytié du traversant. Mais si lesdictes huysseries sont faictes a quatre panneaux, les haulteurs de l'ouvert demourront teles que je les ay descrittes: toutesfois pour la largeur lon y adjoustera autant que monte celle d'un traversant. Et si ces huysseries se doyvent reployer en quatre, lon mettra de plus ceste largeur en la haulteur de la lumiere.
Les Atheniennes et Corinthiennes se font par mesme raison que les Doriques, et n'y a de difference sinon certaines plattebandes qui se mettent au dessoubz des cornices pour orner les piedroitz, lesquelles se doyvent compartir en maniere que de sept partz elles en ayent seulement deux d'avantage que ladicte cymaise.

Le residu des ornemens d'icelles huysseries ne se faict point de Marquetterie, et si ne sont jamais faictes a deux pans, ains se reployent tousjours en quatre, et aussi s'ouvrent en dehors.

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Je pense avoir deduict a suffisance selon ma possibilité comment il fault deuement faire les edifices des maisons sacree tant Doriques, Ioniques, comme Corinthiennes. Parquoy je traicteray cy apres des dispositions Tuscanes, disant comme elles se doyvent conduire.

LA FACON DE BASTIR LES TEMPLES A LA MODE
TUSCANE. CHAP. VII.

[LO] LA longueur de la place ou lon vouldra bastir un temple a la Tuscane, se doit mesurer en six divisions, et en donner les cinq a la largeur: puis ceste longueur soit egalee en deux: et la part qui sera pour estre interieure, assignee a l'espace des oratoires: et la prochaine du front ou face de devant, laissee pour la disposition des colonnes. Cela faict, ceste largeur se mypartisse en dix portions, trois desquelles de chacun costé tant a droict comme a gauche, soient distribuees aux petiz oratoires, ou laissees pour les passages ausquelz devront estre les allees, puis les autres quatre reservees pour son mylieu. Mais au regard de la place qui sera en la face du temple devant la Nef, il fault qu'elle soit si bien distribuee pour les colonnes, que les deux rengz qui feront les coingz, soyent assiz droict a droict des pilastres miz sur les angles pour contrefors: et les deux autres du mylieu, respondent aux boutz des paroys situees entre les pilastres et le mylieu de l'edifice, afin qu'entre lesdictz pilastres et icelles premieres colonnes, lon en puisse asseoir d'autres entredeux, respondantes en mesme ligne. Toutes ces colonnes portent de diametre par embas une septieme partition de leur haulteur, laquelle monte a une tierce de la largeur du temple: leur bout d'enhault voyse en restrecissant d'une quarte partie d'icelluy diametre.

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Leurs bases ayent de haulteur la moytie de ceste mesure, dont le Plinthe soit si bien mesuré au compas, qu'il arrive a la moytié d'icelle base: et pardessus ce Plinthe soit assis le Bozel avec son quarré: montans eux deux ensemble a egale haulteur de ce Plinthe.
La haulteur du chapiteau de ladicte colonne Tuscane soit autant que la moytié de son diametre par embas: et la largeur de son tailloer se tienne aussi grande comme est ledict diametre tout entier.
Icelle haulteur de chapiteau soit divisee en trois parties: l'une desquelles soit donnee au tailloer, l'autre a l'echine, et la tierce a la frize {frizé} avec son petit collier ou gorgerin.

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Sur ces colonnes soient assiz des sommiers entez les uns dedans les autres, dont l'espoisseur soit tele, que la grandeur de la charge requerra. Toutesfois il fauldra bien adviser a ne les faire plus larges que la gorge ou bout d'enhault de la colonne: et doivent estre assemblez a mortaises faictes en queue d'Arondelle, enclavees ou chevillees avec tenons de fer a viz, de maniere qu'il y ait pour le moins deux bons poulces de distance entre les chevilleures et bandages: car a la verité quand ces fers se touchent, et ne peuvent recevoir la respiration ou rafraichissement du vent, ilz s'eschauffent l'un contre l'autre, si bien qu'ilz se rouillent, et font avec le temps pourrir le bois.
Pardessus ces sommiers, et oultre les parois, soient faictes les saillyes des Modillons ou boutz de solives, aussi grandes que la quarte partie de la largeur du diametre d'une colonne: et en leurs frontz ou rencontres soient fichees les tablettes de bois convenables a decorer l'ouvrage. Consequemment dessus ces Modillons soit assis le Frontispice faict de massonnerie ou charpenterie: et oultre son pignon passe le bout de la Filiere contre laquelle il se joinct et assemble. En apres les douves ou lattes desquelles ce comble doyt estre couvert, soient ordonnees de sorte que la pente ou esgoust des eaues tumbantes sur le toict, corresponde aux petitz chevrons miz en patte d'oye, et soustenans d'un costé et d'autre les extremitez de la couverture.

Lon faict aussi de ces edifices Tuscans en forme ronde, dont les aucuns sont Monopteres, c'estadire qui n'ont sinon le simple tour de muraille sans colonnes: et les autres se disent Peripteres, ayant un ordre de colonnes interieures suyvant les paroys de sa circuytion. Ceulx de tele mode n'ont point de Nef distinguee, mais sont en leur mylieu pourveuz d'un Tribunal relevé sur un glaciz portant de hault la troysieme partie de son diametre: et sur les Piedestalz colloquez environ, sont assizes les colonnes, portant de haulteur autant qu'il y a de distance depuis les extremitez de leurs Piedestalz jusques a la muraille de la circumference. Ces colonnes avec leurs bases et chapiteaux ont autant de diametre par le bout d'embas, que monte une dixieme partie de leur haulteur, et l'Architrave a de hault un demy diametre de la colonne.
Au regard de la Frize, et autres membres qui se mettent dessus, ilz doivent avoir leurs symmetries correspondantes a ce que j'en ay dict en mon troysieme livre.

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Si ce temple se fait Periptere, il n'y aura que deux degrez pour monter a son Tribunal: et encores les Stylobates ou Piedestalz de ses colonnes, seront fondez sur le plant du dict temple. Puis la muraille de l'oratoire devra estre tenue loing de ces Stylobates d'environ une cinqieme partie de la largeur du Temple: au mylieu de la ceincture duquel fauldra laisser espace convenable pour faire la porte, afin que lon puisse aysement aller par tout. Cest oratoire ait aussi grand diametre (non comprise l'espoysseur des paroys) que les colonnes auront de haulteur estant dessus leurs Stylobates. En apres les autres colonnes circuyssantes le tour du Temple, soient disposees et ordonnees ensuyvant les proportions dont j'ay preallablement donné les regles. Et pour bien faire le toict, mesmement asseoir la Lanterne au droict de son mylieu, fauldra donner ordre qu'autant que devra estre le diametre de tout l'ouvrage, icelle Lanterne ayt la moytié de cela en haulteur, non compris en ce, le Thole ou Fleuron, qui sera aussi hault du moins qu'n chapiteau posé sur une colonne, sans y compter la Pyramide ou aiguille pointue sur laquelle on le doyt asseoir. Puis fault conduire toutes les autres particularitez ainsi que je les ay descrittes, observant tousjours les convenables proportions et symmetries.

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Lon fait d'avantage en tenant ces mesures, d'autres Temples de facon toute diverse, et dont les ordonnances sont contraires, comme est celluy de Castor au Cirque Flaminien, entre les deux touches de boys consacrees au dieu Vejovis (c'estadire qui n'a aucune puissance d'ayder, mais qui peult bien nuyre) et encores de plus industrieux, comme celluy de la forest de Diane, auquel y a des colonnes plantees tant a droict qu'a gauche respondantes a l'alignement des Pilastres posez contre les murailles de son front. Mais de la sorte dont est celluy de Castor audict Cirque, fut premierement faict le temple de Minerve dedans la forteresse d'Athenes, et un autre a Pallas sur le promontoire dict Sunium, au domaine de ladicte ville: et ne sont leurs proportions differentes a celles dudict Castor et Diane, mais proprement semblables, d'autant que la longueur des allees est deux fois aussi grande que la largeur de l'edifice. Mais ainsi comme aux autres bastimens sourdz, ou de petite resonnance, les choses ont accoustumé d'estre mises au front ou premier rencontre, lá elles sont mises sur les costez.
Quelques ouvriers aussi prenans les ordonnances de leurs colonnes sur la mode Tuscane, s'en servent en bastimens Corinthiens et Ioniques: car aux endroitz de leurs Pilastres assiz en la face de devant, et viz a viz des cloysons de la Nef, ilz assyéent deux colonnes en droit fil, et parainsi font un oeuvre meslé de facon Greque et Tuscane. Certains autres pareillement ostant les murailles de la Nef, et les appliquant aux espaces d'entre les colonnes, par ces paroys ainsi ostees et transportees aux aelles, rendent la place ample et spacieuse, mais en gardant par tout le reste les mesmes proportions et symmetries, ilz engendrent une aultre espece differente en figure et en nom, laquelle (selon mon jugement) doyt estre nommee Pseudoperipterique, c'estadire a faulses aelles. Et a la verité telz desguysemens se font pour la commodité des divers sacrifices, veu qu'il n'est convenable d'eriger a tous les Dieux leurs temples d'une mesme facon, par ce que l'un desire ses cerimonies contraires a celles des autres.

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Je pense avoir exposé toutes les manieres de bastir les maisons sacrees, ainsi que je les ay entendues de mes maistres, et d'avantage distingué en partitions toutes les ordonnances et mesures, n'oubliant a dire en quoy et comment elles sont variees, mesmes queles diversitez elles peuvent avoir: chose que j'ay mis peine a rediger par escrit le plus clairement et par le menu qu'il m'a esté possible: parquoy maintenant je traicteray des autelz consacrez aux Dieux immortelz, et diray comment on les doibt establir pour estre ainsi qu'il appartient selon la diversité des sacrifices.

LA MANIERE D'ESTABLIR ET SITUER LES
AUTELZ DES DIEUX. CHAP. VIII.

[LO] TOus autelz soient tournez devers l'Orient, et tousjours tenuz plus bas que les remembrances des Dieux qui seront dedans le Temple, afin que les gens qui supplyeront ou sacrifieront, ne soyent (en levant la veue devers la divinité) aussi hault que les simulacres ausquelz ilz vouldront faire honneur et reverence. Les haulteurs d'iceulx autelz doivent estre teles, que ceulx qui seront dediez a Jupiter, et toutes autres puissances Celestes, soient tenuz les plus exaulcez que lon pourra. Mais ceulx de Vesta, de la Terre, et de la Mer, bas, et beaucoup plus supprimez. Ce faisant, lon gardera la raison convenable en la structure d'iceulx autelz au mylieu de l'aire des edifices.

Puis que j'ay amplement declaré en ce livre toutes les parties de l'edification des Temples, je traicteray au suyvant de la distribution requise a l'endroit de tous les bastimens communs.

FIN DU QUATRIEME DE VITRUVE.