NEUFIEME LIVRE D'ARCHITECTURE
DE MARC VITRUVE POLLION.

[LO] LES antiques de Grece constituerent de si grandes prerogatives aux Athletes ou vaillans lutteurs qui auroient victoire aux jeux Olympiques, Pithiens, Isthmiens, ou de Nemee, que non seulement quand ilz se trouveroient aux assemblees populaires, ilz devroient estre honnorez de chacun, mais qui plus est, qu'en monstrant le loyer de leurs victoires, {victores} ilz seroient conduictz par les rues des villes, montez sur des chariotz triumphans, et ainsi ramenez jusques a leurs maisons: mesmes que tout le temps de leurs vies ilz jouyroient de certains revenuz assignez sur les deniers communs pour fournir a la despence ordinaire d'eulx et de leur famille.
En verite quand je pense a cela, je m'esmerveille pourquoy plus grandes ou semblables dignitez ne sont decernees a ceulx qui escrivent les bonnes sciences, veu mesmement qu'ilz font pour jamais des proffitz infiniz a toutes nations du Monde. Et m'est advis qu'il estoit plus raisonnable de l'instituer ainsi, consideré que lesdictz Athletes ne se faisoient sinon rendre plus robustes au moyen de leurs exercitations corporeles: mais les Escrivains ne subtilient seulement leurs espritz, ains aussi bien polissent ceulx de toutes autres creatures raisonnables, et ce par leurs livres pleins de bonnes doctrines et preceptes servans a exerciter les courages des vertueux: car de quoy sert maintenant aux humains que Milo de Crotone fut invincible, et plusieurs autres comme luy, sinon pour monstrer qu'en leur vivant ilz ont acquis reputation de noblesse entre leurs citoyens? Les traditions (certes) de Pythagoras, Democrite, Platon, Aristote, et autres sages, qui sont journelement cultivees par industries continueles, ne donnent sans plus aux gens de leur pays aucuns fruictz de bon goust, meslez de fleurs soeves et odorances, mais si font elles a toutes gens, si bien que ceulx qui en sont abreuvez des leur jeunesse, et suffisamment substantez, en fin viennent a congnoistre que c'est de Sapience, puis en ordonnent aux bonnes villes des loix ou coustumes civiles fondees sur l'equité de droit: de quoy si une cité est destituee, elle ne peult longuement demourer en prosperité. Ce consideré donc, mesmes que telz et si grans biens ont par la voye des escritures esté preparez aux hommes tant en public comme particulier, je ne suis seulement d'opinion qu'il faille ordonner des coronnes aux gens de bien qui se meslent d'escrire, mais d'avantage leur establir des triumphes, voire les juger dignes d'estre colloquez entre les sieges des Dieux immortelz. Et afin de monstrer que leurs inventions sont utiles aux creatures raisonnables, j'en reciteray cy apres pour exemples quelzques unes tirees d'une grosse multitude, a ce que les personnes en recongnoissance des commoditez qui leur en proviennent, confessent liberalement que telz honneurs sont deuz a ceulx dont nous les avons eues.
En premier lieu donc j'en deduiray une de plusieurs profitables que Platon a inventees de son esprit, et diray comment il l'expliqua.

L'INVENTION DE PLATON POUR MESURER
une piece de terre. Chap. I.

[LO] SI une piece de terre ou autre place se treuve quarree de pareilz costez, et il est besoing la doubler, luy donnant pareille proportion de toutes pars, pource que lon n'en peult venir a bout par multiplication, ny autre voye de nombres, il fault que cela se face au moyen de certaine description de lignes conduittes et menees ainsi qu'il appartient. Le lieu donques quarré qui a dix piedz de long, et autant de large, faict une aire ou parterre lequel en contient Cent. Et s'il est question de le doubler, telement que l'aire soit tousjours de costez egaulx, et retienne Deux cens piedz de mesure, il est requis avant toute oeuvre de chercher le plus grand costé qui se pourra trouver en ce quarré: chose a quoy nul ne sauroit avenir par la supputation des nombres: car si vous constituez Quatorze pour une desparties, les piedz qui en seront multipliez, cestadire Quatorze fois Quatorze, reviendront seulement a la somme de Cent quatre vingtz seze. Mais si vous y en mettez Quinze, ilz monteront a Deux cens vingt et cinq. Puis donc que cela ne se peult expliquer par nombres, singulierement en ce quarre contenant dix piedz de long et autant de large, tirez une ligne diagonale depuis un coing jusques a l'autre, en maniere qu'elle divise ledict quarré en deux triangles de pareille grandeur, contenant chacun Cinquante piedz de parterre. Puis faictes un autre quarré semblablement de costez egaulx, la longueur de l'un desquelz corresponde a ceste ligne diagonale: et parainsi vous trouverez que si dedans le petit quarré il y a deux triangles portant chacun Cinquante piedz de mesure. divisez par icelle ligne diagonale: il s'en trouvera quatre dedans le plus grand qui seront chacun aussi spacieux que l'un de ceulx du petit, et contiendront un pareil nombre de piedz. Par ceste estendue de lignes fut inventée de Platon la duplication du quarré, comme demonstre la figure pourtraicte cy dessoubz.

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DE L'EQUIERRE INVENTÉ PAR PYTHAGORAS
au moyen de la formation d'un Triangle orthogone, c'estadire d'angles
ou coingz droictz. Chap.
II.

[LO] PYthagoras sans manifacture d'Artisans nous a monstré l'invention de l'Equierre, voire en tele sorte que lesdictz Artisans le voulans faire, encores qu'ilz y employent grand labeur, si n'en peuvent ilz bonnement venir a bout. Mais par les raisons et methodes que ce Philosophe en donna, il se faict justement ainsi.
Prenez Trois regles, dont la premiere ayt Trois piedz de long, la seconde Quatre, et la troysieme Cinq: puis les mettez de sorte que l'une touche l'autre d'un des coingz de ses extremitez, si bien que cela represente la figure d'un Triangle: ce faisant, vous trouverez un Equierre perfect.
Or si suyvant la longueur de chacune de ses regles, vous faictes des quarrez egaulx ou de pareilz costez: l'un qui aura Trois piedz de large, en contiendra Neuf de plant: l'autre de Quatre, en aura Seze: et celluy de Cinq, Vingt et cinq. Par ce moyen autant comme les deux quarrez faictz sur les lignes de Trois et de Quatre piedz de chacun costé, auront de grandeur en leurs aires: autant en aura celluy seul qui sera formé sur la ligne de Cinq piedz de mesure. chose qui se preuve par ce desseing present.

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Quand Pythagoras eut trouvé ce secret, il ne doubtant avoir esté en ceste invention admonesté des Muses, pour leur en rendre graces convenables, on dict qu'il leur sacrifia, pource que comme ceste raison est utile en plusieurs occurrences et mesures, ainsi est elle expediente aux bastimens des Edifices, et par especial en l'assiette des Escailliers, afin de leur donner tele pente comme il fault pour l'aysance de leurs marches: car si la haulteur d'une Maison depuis le plus hault de son faiste ou comble jusques a rez de chaussee, est mypartie en trois, la bonne longueur de la pente de la montée propice a y conduire par tous les estages, devra estre de cinq parties, a raison qu'autant que sont grandes Trois d'icelles parties en haulteur depuis ledict comble jusques a rez de chaussee, il en fault pour la pente de l'Escailler adjouster une d'avantage, afin d'exceder la ligne perpendiculaire ou a plomb: et suyvant cela se doyvent enchasser egalement les boutz des marches dedans leurs rampans. Ce faisant, les aysances des montees et de leurs marches seront ainsi qu'il appartient, comme la forme cy dessoubz en pourra faire foy.

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COMMENT UNE PORTION D'ARGENT MESLEE
avec de l'Or, peult estre congneue en une piece d'oeuvre
entiere. Chap.
III.

[LO] ENcores que les inventions d'Archimedes soyent en grand nombre, et toutes admirables et diverses, si est ce que celle que je pren a deduire, semble estre une excessive expression de sa grande industrie: car quand Hiero fut pervenu a la dignité royale de Syracuse, maintenant Sicile, un jour entre les autres apres avoir bien faict ses besongnes, son plaisir fut ordonner que lon porteroit en quelque Temple, une Coronne d'Or, qu'il avoit vouee aux Dieux. et pour ce faire convint de pris avec l'Orfevre, et luy bailla de l'Or au poix. Cest ouvrier au bout de certain temps aporta et pleuvit au Roy son ouvrage pour bon, et curieusement faict: puis rendit (ce sembla) mesme poix d'Or comme il avoit receu. Mais apres qu'on en eut faict l'essay, et trouvé qu'il avoit desrobé une certaine partie d'Or, meslant autant d'argent parmy, Hiero courroucé du peu d'estime que cest Artisan avoit faict de son authorité, et toutesfois ne sachant moyen pour apercevoir son larrecin, pria le susdict Archimedes qu'il voulust prendre ceste charge sur luy. Ce qu'il feit, et en pensant a son affaire, arriva par Fortune aux Baingz, ou en entrant dedans une Cuve pleine d'eau pour se laver, considera qu'autant qu'il mettoit de son corps dedans la Cuve, autant regorgeoit il de liqueur sur la Terre.
A ceste cause, ayant trouvé la raison de ce qu'il cherchoit, ne feit plus long sejour en ces Baingz, mais en sortit esmeu de merveilleuse joye: et en courant nu devers sa maison, signifioit a haulte voix qu'il avoit trouvé le secret de sa charge, criant en Grec, Eurica, Eurica. c'estadire, Je l'ay trouvé, je l'ay trouvé. Puis aussi tost qu'il fut entré chez soy, pour esprouver sa fantasie, lon dict qu'il feit deux boules, l'une d'Or, et l'autre d'Argent, chacune selon sa qualité pesante autant que la Coronne.
Cela faict, il emplit jusques aux bordz un vase a large ouverture, et la dedans plongea la boule d'Argent: qui en feit sortir autant d'Eau comme elle tenoit de place. Apres il la tira dehors, et remeit en son vase pareille portion d'Eau, la mesurant avec un Sextier: et en ceste facon trouva quele correspondance avoit une certaine mesure d'Eau avec une masse d'Argent.
L'espreuve faicte de cela, il meit de rechef son autre boule d'Or en ce vase, et apres l'avoir retiree, trouva par mesme raison qu'il n'en estoit pas tant sorty d'Eau comme pour ceste la d'Argent, mais d'autant moins qu'icelle boule d'Or estoit plus petite en circumference, et si pesoit autant que la plus grosse. A la fin, et pour la tierce fois, il remplit encores son vase d'Eau, et meit la Coronne dedans. Lors il congneut qu'elle avoit plus espanché d'Eau que la susdicte boule d'Or, qui estoit de son mesme poix: et ainsi fondant sa consideration la dessus, trouva combien il y avoit d'Argent meslé, et le manifeste larrecin de l'Orfevre.

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Venons maintenant a parler des inventions d'Architas de Tarente, et d'Eratosthenes de Cyrene. Sans point de doubte ces deux grans personnages ont trouvé aux sciences Mathematiques, plusieurs choses agreables aux hommes: mais non obstant qu'en toutes autres speculations ilz ayent contenté les studieux, si est ce qu'en leurs disputes sur icelles Mathematiques, ilz se sont renduz suspectz, pource que l'un s'est efforcé d'expliquer par autre demonstration que son concurrent, ce qu'Apollo avoit commandé en son oracle de Delos, asavoir qu'autant que ses Autelz avoient de piedz en quarrure, cela feust doublé egalement, et par ce moyen les habitans de l'isle seroient delivrez de la Peste.
Au regard donc d'icelluy Architas, il exposa par descriptions de Cylindres (qui sont instrumens Astronomiques propres a congnoistre les elevations du Soleil et du Pole) comment cela se devoit faire: et Eratosthenes le mesme par raison organique du Mesolabe, qui est un demy Astrolabe.

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Puis donc que ces choses ont esté trouvees par si grandes suavitez de doctrines, et que nous sommes naturelement contrainctz a nous esmouvoir en considerant les effectz des inventions de toutes choses: quand je vien a penser a plusieurs de leurs particularitez, je m'esmerveille quant et quant des volumes que Democrite avoit escriz de la nature des choses, et de son commentaire intitulé Cheirotonecton, auquel il se servoit de son Anneau ou Signet, cachetant de Cire meslee de Cinnabre ou Vermillon les choses qu'il avoit experimentees.
Les traditions donc de ces hommes ne sont seulement profitables pour reformer les grandes erreurs, mais perpetuelement preparees pour l'utilité de toutes gens: ou les prouesses des Athletes en peu d'annees envieillissent avec leurs corps. qui me faict dire que quand ilz sont en leur aage plus fleurissant, eulx, ny leurs effors passez ne peuvent proffiter a la vie des hommes de leur siecle, ny aux autres qui viennent apres eulx. Qu'il soit ainsi, lon n'attribue point d'honneurs aux conditions des escrivains, ny a leurs preceptes, ains aux bonnes doctrines provenantes de leurs bons Espritz, lesquelz penetrans oultre les plus haultes parties de l'Air, et s'eslevans jusques au Ciel par les degrez de la pensee, ne font seulement que leurs traditions vertueuses soyent honnorables a tousjours, mais par plus forte raison que leurs figures ou remembrances soient a jamais congneues de la posterité. A ceste cause les personnages qui ont la memoire remplie de la joye que donnent les bonnes lettres, ne sauroient qu'ilz n'eussent en leurs poitrines imprimee ou (pour mieux dire) dediee la representation du Poete Ennius, aussi bien que des Dieux immortelz: et ceulx qui studieusement se delectent des beaux vers d'Accius, n'ont tant seulement remembrance de la force de ses paroles, ains leur est advis que sa figure leur est presente a toutes heures, et en toutes places.
Je pense bien que plusieurs qui naistront apres nous, sembleront vouloir disputer de la nature des choses contre Lucrece, aussi de l'art de Rhetorique contre Cicero, et de la proprieté de la langue Latine contre Varro. Mesmes se trouvera des Philologues ou gens aymans le bien parler, qui disputeront de diverses choses contre les sages de Grece, telement qu'ilz monstreront avoir des secretes contestations avec eulx. Mais en somme, les traditions ou sentences des doctes escrivains, florissantes par antiquité, quand elles en l'absence de leurs corps viennent a estre alleguees en consultations et autres occurrences, ont plus d'authorité que les opinions de tous ceulx lesquelz y assistent.
Au moyen dequoy (Sire) je me sentant assez garny d'icelles congnoissances antiques, entrepris d'escrire ces livres, toutesfois non sans bons commentaires, ny sans le conseil de mes amys.
Aux Sept premiers donc j'ay parlé des Edifices, au Huitieme des Eaux, et en cestuy cy je traicteray des raisons Gnomoniques, c'est a dire demonstrations des Heures par les ayguilles des Quadrans, disant comme elles furent inventees sur la contemplation des rayons du Soleil faisans faire umbre a icelles ayguilles: et n'oublieray tout d'un chemin a dire comment elles s'alongent ou r'acourcissent.

DES RAISONS GNOMONIQUES, INVENTEES
par les umbres aux rayons du Soleil, ensemble du Ciel, et des
Planetes. Chap.
IIII.

[LO] POur avoir esté ces choses inventees par entendemens divins, elles font grandement esmerveiller ceulx qui les considerent, a raison que l'umbre de l'ayguille Equinoctiale est d'une grandeur en Athenes, d'une autre en Alexandrie, autrement a Rome, et n'est semblable en la ville de Plaisance qui luy est voysine: mesmes ne se treuve jamais pareille en aucunes des regions de la Terre. qui est cause que tele mutation faict qu'il y a difference grande en la description ou merque des Horloges, consideré que les formes des Analemmes, ou figures speculatives surquoy se fonde toute l'intention de l'ouvrage, sont designees selon les grandeurs des umbres Equinoctiales.
Or est Analemme une practique inventee sur le cours du Soleil a l'observation de ses umbres, qui commencent a croistre depuis le commencement de l'hyver: et ceste la ayant esté par les studieux d'Architecture de longue main exercitee, suyvant les trasses de la Regle et du Compas, a faict inventer les effectz que lon en veoit communement au Monde, qui est un receptoire de toutes les productions de Nature, parce que le Ciel embelly d'Estoilles, tournoye sans cesser environ la Mer et la Terre pardessus les extremitez ou pivotz de l'Aysseau que nous disons ligne perpendiculaire ou a plomb. Chose qui a esté ainsi constituee par la puissance de ladicte Nature, laquelle a estably ces pivotz pour servir de centres, dont l'un est au Septentrion, et passe depuis la summité du Ciel atravers la Mer et la Terre, l'autre opposite et caché soubz ladicte Terre, est assiz au Mydi.
Pardessus donques les rondeurs de ces pivotz, que les Grecz nomment Poles, les Cieulx vont eternelement tournoyant tout ainsi comme environ leurs centres, ne plus ne moins que s'ilz estoient faictz au Tour: et par ce moyen la Terre environnee de la Mer, est naturelement colloquee pour servir de centre ausdictz Cieulx.
Parquoy ayant esté ces choses disposees par la Nature comme dict est, asavoir qu'en la partie Septentrionale le centre des Cieulx seroit au plus hault de la circumference, a le prendre du plant ou superficie de la Terre: et en celle la du Mydi que son opposite tiendroit le plus bas lieu, mesmes seroit obscurcy par l'interposition d'icelle Terre, Nature feit encores la bende ou ceincture du Zodiaque passant par le mylieu des Cieulx, et s'enclinant devers le Pole du Mydi: puis y forma les douze Signes par Estoilles a ce disposees, afin que quand les douze parties seroient perfectes, cela exprimast la figure que ladicte Nature a voulu paindre.
Voyla comment les Estoilles luysantes, avec le Ciel, et le reste de l'ornement des Planetes qui tournoyent environ la Mer et la Terre, accomplissent leurs cours selon la circumference du Ciel.
Toutes choses donques visibles et invisibles ont esté ordonnees pour la necessité du Temps: et de la vient que six Signes en nombre tournoyent tousjours quant et le Ciel pardessus la face de la Terre, et les six autres de dessoubz sont cachez par son umbrage.
Or puis que six d'entr'eulx nous apparoissent ordinairement, il fault dire que toute tele partie du dernier Signe qui par le tournoyement du Ciel contrainct et forcé a ce faire, vient a decliner soubz la Terre, et par ce moyen s'absconser a noz yeux: toute pareille portion de celluy qui remonte par l'impulsion du susdict tournement, vient par necessité a sortir des lieux non apparens, et a se monstrer en lumiere pendant que le tournoyement se faict: car il y a une force contraignante, qui faict que quand l'un de ces Signes vient a monter, l'autre devale en mesme instant.
Estant donc iceulx Signes douze en nombre, contenant chacun une douzieme partie du Ciel, et tournoyans continuelement de l'Orient en Occident: la Lune, et les Planetes, Mercure, Venus, le Soleil, Mars, Jupiter, et Saturne, vont errant par ces Signes en mouvement contraire, montant l'un apres l'autre ainsi que par des degrez: et font leurs cours d'Orient en Occident, mais toutesfois par diverses grandeurs de circuitions.
Qu'il soit vray, la Lune en vingt et huict jours avec environ une heure, partant de l'un des susdictz Signes, et retournant en celluy mesme, faict et accomplit un moys Lunaire, en parcourant toute la rotondité du Zodiaque.
Au regard du Soleil, il passe en un moys l'estendue que comprend un Signe, et parainsi en douze moys traversant toutes leurs douze maisons, quand il revient a celle d'ou il est au commencement party, il acheve l'An tout entier.
Ce cercle donc que la Lune tournoye treze foys en douze moys, le Soleil le passe en un seul cours. Mais les Planetes de Mercure et Venus, errantes al'entour des rayons du Soleil, de qui le corps leur est comme centre, font en leurs voyages des retrogradations ou recullemens, et des stations ou demeures extraordinaires: qui est cause que durant ceste circuition elles demeurent par certains intervalles aux maisons de quelzques uns des douze Signes: et cela se congnoist principalement en icelle Planete de Venus, qui suyt aucunesfois le Soleil, et apres qu'il est couché, apparoist au Ciel claire et luysante, dont ce pendant est nommee Vesperugo: mais en autres saisons elle va devant luy, et d'autant qu'elle se monstre plustost que sa lumiere, lors on l'appelle Lucifer.
Cela (certes) faict imaginer que les Planetes tardent par fois quelque temps en un Signe, et d'autres coupz traversent plustost par un autre. A ceste cause consideré qu'elles ne resident egalement et par certain nombre de jours en toutes les maisons du Zodiaque, lon peult dire qu'en passant chemin elles expedient leurs voyages plus legierement pour faire leurs justes revolutions: car apres avoir trop musé en aucuns lieux, quand elles viennent a sortir de ceste contraincte, assez tost perviennent a la juste circuition.
Quant a la Planete de Mercure, son voyage se faict de sorte qu'en Trois cens soixante jours elle traverse les espaces de tous les douze Signes, puis retourne en celluy d'ou elle estoit premierement partie: mais en ces entrefaictes va compassant son labeur par si bonne mesure, qu'elle ne demeure qu'environ Trente jours en chacun Signe.
Venus, apres estre delivree de l'empeschement des rayons du Soleil, en Trente jours aussi elle traverse un Signe: mais s'il luy en fault aucunesfois tarder Quarante, il est a presumer que c'est par contraincte: parquoy quand elle en peult sortir, incontinent s'essaye a regaigner le temps qu'elle a mis en ceste demeure.
Tout le tour donc de ceste Planete s'acheve en Quatre cens Quatre vingz et Cinq jours, puis r'entre de rechief dedans le Signe d'ou elle avoit premierement commencé a faire son voyage.
Mars, en Six cens Quatre vingz Trois jours, ou environ, traversant les maisons du Zodiaque, revient au Signe d'ou il estoit party: mais pource qu'il tarde en aucuns, il passe plus legierement les autres, et parainsi accomplit le nombre des jours determinez a son tournoyement.
Jupiter montant par des degrez plus faciles contre le mouvement ordinaire du Ciel, en Trois cens Soixante et cinq jours, ou a peu pres, penetre toutes les susdictes maisons du Zodiaque: toutesfois avant avoir achevé son cours, il demeure a errer Unze ans, Trois cens soixante et trois jours: et cela faict, rentre comme les autres au mesme Signe ou il estoit en la douzieme annee precendente.
Saturne en Vingt et neuf moys, quelque peu de jours d'avantage, traverse l'espace d'un Signe, parquoy demeure Vingt et neuf ans avec environ Cent soixante jours a faire toute la revolution du Ciel: et apres se remect comme les autres en celluy ou il estoit au commencement de la trentieme annee precedente.
Sa tardiveté est causee pource que tant plus il est distant du Ciel de la Lune, qui est le plus bas de tous, tant plus a il a faire un grand tournoyement de Roue, et pourtant se monstre le plus tardif.
Au regard des autres Estoilles qui font leurs circuitions pardessus la voye du Soleil, quand elles perviennent aux triangles ou pour lors il se treuve, possible ne leur est de passer oultre, mais fault necessairement qu'elles retrogradent ou recullent pour luy faire chemin, et ce pendant leur cours s'en allentit jusques a ce que ledict Soleil soit sorty de ce triangle, et rentré en un autre Signe.
L'opinion de quelzques uns a esté que cela se faict pource que quand ledict Soleil est esloigné de nous en certaine distance, les Estoilles errantes par ces voyes non claires sont empeschees et obsurcyes par retardations. Mais quant a moy il ne me semble pas ainsi, consideré que la splendeur du Soleil visible et apparent se monstre par tout le Monde sans aucunes obscuritez, et tousjours apparoist tele, encores que les susdictes Estoilles se retrogradent et retardent par fois.
Si donques en teles merveilleuses distances l'effort de nostre veue ne peult penetrer jusques a elles, pourquoy jugeons nous que lon peult objecter des obscuritez a leurs divines resplendissances?
Certainement ceste raison que je produyray presentement, nous sera plus vallable, asavoir que comme la chaleur evoque et attire a soy toutes choses, specialement les fruictz de la Terre que nous voyons eslever en hault moyennant icelle chaleur, et d'abondant les vapeurs des Eaux, qui par l'Arc en Ciel sont attraictes des Fontaines, et portees jusques a la region des nuees: ainsi et par mesme moyen la vehemente impetuosité du Soleil gettant ses rayons en forme de triangle, attire a soy les Estoilles qui le suyvent, et ne permet que les courantes devant luy passent oultre, ains les retient quasi comme avec une bride, les contraignant de retourner a soy, et demourer en quelque autre Signe triangulaire jusques a ce quil aura tiré plus avant.
Mais lon me pourra demander, pourquoy le Soleil faict plustost faire par ses chaleurs teles stations a un Signe distant de luy par Cinq grandes espaces, qu'il ne faict a un autre lequel n'en est qu'a deux ou a trois, et que pour ceste cause luy est de beaucoup plus voysin?
Or pour satisfaire a cela, je veuil donner a entendre par quele maniere j'estime qu'il se face. et pour en venir a la decision, c'est que les rayons de cedict Soleil s'estendent par le Ciel en la maniere d'un triangle de pareilz costez, et partant ne passent peu ne point le cinqieme Signe distant de luy. Qu'il soit vray, s'ilz estans espanduz par sa spaciosité vaguoient diffusement par voyes circulaires, et ne s'estendoient en forme de triangle, il est certain qu'ilz bruleroient les choses plus prochaines. Et cela semble avoir touché Euripides poete Grec en la Fable de Phaethon, quand il dict que tant plus sont les choses elongnees de la Sphere du Soleil, tant plus ardent elles vivement: et celles qui en sont plus prochaines, sont seulement eschauffees par certaine temperature. Parquoy son Ver dict en substance, que le Soleil brule les choses loingtaines, et tempere les prochaines.
Si donc l'effect, et la raison, avec le tesmoignage d'un tel homme, nous monstrent qu'il est ainsi, je ne pense point que lon puisse juger autrement que comme j'en ay cy dessus escrit.
Mais pour retourner a la planete de Jupiter, je dy qu'elle, qui a son mouvement entre le Ciel de Mars et celluy de Saturne, faict plus grand tour que ledict Mars, et moindre qu'icelluy Saturne: et ainsi est il du reste des Estoilles: car d'autant plus elles sont distantes du dernier Ciel, et prochaines de la Terre, tant plustost se depeschent leurs cours, si que celle qui a moindre tournoyement a faire, passe souventesfois par dessoubz sa superieure, et ainsi l'avance ou precede, ne plus ne moins que si en une Roue de Potier qui eust Sept cercles tous venans a rapetisser en aprochant du moyeu, et s'agrandissans en tirant vers le dernier, lon mettoit Sept Formiz, asavoir un sur chacun, et qu'iceulx Formiz feussent contrainctz de faire leurs circuitions entieres nonobstant que la Roue tournast de mouvement contraire, il seroit de necessité que celluy qui auroit la circumference plus prochaine du Centre, eust plustost faict son voyage que les autres: et celluy qui s'en trouveroit plus eslongné, encores qu'il cheminast aussi viste que ses compagnons, perfeist son cours en beaucoup plus de temps, a raison du grand tournoyement qu'il luy auroit convenu faire.
Certes il est tout ainsi des Planetes, lesquelles s'efforceant de monter contre le cours du Zodiaque, viennent a la perfection de leurs voyages par les sentiers qui leur sont ordonnez: mais a cause du mouvement celeste, et de ses superabondances, elles sont reculees en arriere, par la circuition journele ou ordinaire du Temps.
Mais pour prouver qu'il y a des Estoilles temperees, aucunes chauldes, et d'autres froides, cecy en semble estre la raison: c'est que tout Feu a sa flamme, laquelle tousjours monte en hault: et de la vient que le Soleil eschauffant l'Estoille qui se treuve au dessus de luy, la rend chaulde et ardante.
Or celle la de Mars faict son cours audessus du Soleil, et parainsi devient ardante au moyen de sa reverberation.
Celle de Saturne, pour estre prochaine du dernier Ciel, dont elle touche les regions gelees, est extremement froide.
Mais Jupiter d'autant qu'il est constitué entre iceulx Mars et Saturne, de la froideur et chaleur, desquelz son corps est moderé, il se treuve avoir convenable temperature, et en demonstre les effectz.

J'ay suffisamment exposé ce que j'ay apris de mes Maistres, tant du cercle des douze Signes, que des Sept Planetes, ensemble de leurs mouvemens et effectz contraires. mesmes par quelz moyens et en quelz nombres de jours elles passent de Signe en autre en perfaisant leurs circuitions: parquoy maintenant je traicteray de la lueur de la Lune croissante, et de sa diminution, ainsi qu'il a esté deduict par noz Ancestres.
Le Philosophe Berose qui partit de la nation de Chaldee pour passer en Asie, a ainsi exposé ceste congnoissance, asavoir que ladicte Lune est une masse ou boule ronde, la moytié de blancheur de laquelle est luysante, et au demourant perse: et quand en faisant son voyage elle roule pardessoubz la sphere du Soleil, adonc est son Globe attainct de ses rayons, et de l'impetuosité de sa chaleur, telement que la partie blanche convenable a recevoir lumiere, en est enluminee: puis quand icelle partie blanche est toute tournee contremont devers le Soleil, son residu regardant contrebas, et qui n'est blanc comme l'autre, nous semble obscur, a cause de la similitude qu'il a naturelement avec le Ciel, par especial quand ladicte moytié perse est en ligne perpendiculaire ou a plomb dessus nous: car en ce poinct tout le blanc est opposite aux rayons du Soleil, de sorte que la lumiere en est retenue devers le hault: et pendant cela on la dict prime Lune. Mais quand elle se va tournant du costé Oriental, l'impetuosité d'icelluy Soleil la relasche un petit, et lors le bord de sa moytié luysante envoye sa splendeur sur la terre par une ligne merveilleusement subtile: et adonc est appellee seconde Lune. Puis selon que son corps se tourne, on la nomme tierce, quarte, et ainsi de jour en jour. Toutesfois au septieme quand le Soleil est en la region Occidentale, et ladicte Lune entre l'Orient et l'Occident droict au mylieu de Ciel, distante de la Sphere du Soleil de tout le demy diametre, la moytié de sa partie blanche se monstre clairement a la Terre.
Apres estant advenu le quatorzieme jour, quand tout l'espace du Ciel est interposé entre eulx deux, et que le Soleil regardant en arriere, penetre en tirant a l'Occident jusques au cercle de la Lune qui monte, pource qu'il en est au plus loing, et qu'elle est attaincte de ses rayons, la circumference de sa Roue vient a estre pleine de lumiere, et a getter sa lueur sur le Monde.
Finablement elle venant jour apres autre a descroistre, retourne jusques au bas de la Roue, et ainsi par le cours, tournoyement, et revocations du Soleil, faict son moys Lunaire entier: et quand on ne peult plus appercevoir la clairté de ses rayons, adonc disons nous qu'elle est menstrueuse, ou cachee.
Mais Aristarque mathematicien de l'isle de Samos, par une grande vivacité d'esprit proposa et laissa des raisons toutes diverses a ceste doctrine, lesquelles je deduiray pour satisfaire aux hommes.
Il n'y a personne qui ne congnoisse que la Lune n'a point de clairté de soy, mais est comme un Miroer recevant lumiere de la splendeur du Soleil: et pourtant disoit ce Philosophe, La Lune en comparaison des autres Planetes, est celle qui faict le plus petit tour, et le plus prochain de la Terre, a raison dequoy tout autant qu'elle demeure directement opposite ou au dessoubz de la Sphere du Soleil et de ses rayons, pour le premier jour avant qu'elle passe oultre, sa lueur est absconse ou cachee. Parainsi ce pendant qu'elle demeure en ligne perpendiculaire du Soleil, on l'appelle nouvelle. Le prochain jour d'apres qu'elle commence a sortir de dessoubz sa puissance, on la nomme seconde, pource qu'elle faict une petite et debile ostension de l'extremité de sa rondeur.
Le troysieme jour ensuyvant qu'elle s'est reculee du Soleil, sa lumiere se prend a croistre peu a peu, puis ainsi journee apres autre, jusques a ce que a la septieme tant se soit eslongnee de ses rayons, qu'elle se treuve environ le mylieu du Ciel, ou sa clairté ne se monstre qu'a demy, mais sa partie regardant la face dudict Soleil, est perfectement enluminee: puis au quatorzieme jour quand elle est distante de luy de tout le diametre du Ciel, adonc est elle pleine, et se lieve quand le Soleil decline a l'Occident, pource que (comme dict est) tout l'espace du Ciel est entr'eulx deux, et par l'impetuosité de ce corps gettant ses rayons, recoit lumiere en toute sa circumference.
Le dix et septieme jour consecutif, ainsi que le Soleil se lieve, elle commence a redescendre vers l'Occident: le vingt et unieme apres le lever du Soleil, elle est de rechief environ le mylieu du Ciel, et a de luysant en soy ce qui regarde ledict Soleil, mais au demourant elle est obscure.
Parainsi continuant journelement son cours, environ le vingt et huitieme jour elle se remect directement opposite aux rayons du Soleil, et adonc est dicte menstrueuse, ou non apparoissante: qui est tout ce que j'en puis dire.
Mais maintenant je poursuyvray a specifier comment le Soleil passant de moys en autre par tous les douze signes du Zodiaque, augmente et diminue les espaces des jours et des heures.

DU COURS OU PASSAGE DU SOLEIL PARMY
les douze Signes du Zodiaque. Chap. V.

[LO] QUand le Soleil entre au Signe d'Aries, autrement Mouton, et qu'il est en sa huitieme partie, adonc se faict l'Equinocce du Printemps, c'estadire les nuytz pareilles aux jours: puis quand il monte jusques a la queue du Toreau, et aux Vergilies ou Pleiades, qu'on dict la poulle et les poussins, entre lesquelz est la partie de devant d'icelluy Toreau: adonc est le Soleil oultre la moytié de la plus grande espace du Ciel, et va tendant devers la partie Septentrionale.
Apres quand il sort du Toreau, et entre au Signe des Jumeaux, ces Vergilies commencent a se monstrer, et ce pendant il s'augmente de plus en plus sur la Terre: qui faict que les jours en agrandissent.
A son yssue des Jumeaux il entre en l'Escrevice, qui tient un petit espace du Ciel: et quand il se treuve en son huitieme degré, alors est le Solstice: puis en rouant il arrive jusques a la teste ou poytrine du Lyon, pource que ces parties sont attribuees a ladicte Escrevice.
Au sortir de ceste poytrine du Lyon, et du dernier bout de l'Escrevice, il passe atravers les autres degrez du Lyon, et lors commence a faire diminuer la grandeur du jour, abregeant son tour circulaire, si qu'il retourne a un cours tout pareil a celluy qu'il avoit estant chez les Jumeaux.
Quand il est sorty hors de ce Lyon, et entré en la maison de la Vierge, en passant sur les bordz de sa robe, il rapetisse sa circuition, et se faict egal au cours qu'il avoit estant au Signe du Toreau.
Apres deslogeant de ceste Vierge par l'extremité de sa robe, laquelle couvre les premieres parties des Balances, si tost qu'il arrive en leur huitieme degré, il faict l'equinocce d'Autonne, ou les nuytz sont pareilles aux jours: et ce cours la se compare a celluy qu'il faisoit estant au Signe du Mouton.
Mais quand il entre dedans le Scorpion, et que les Vergilies ne se monstrent plus, il en tirant devers les parties du Mydi, diminue la longueur des jours.
Apres quand il a delaissé icelluy Scorpion pour entrer au Sagittaire, et se treuve a l'endroit du dedans de ses cuysses, il rend encores le jour plus petit: et a l'yssue de ce Signe, specialement du dedans de ses cuysses (comme j'ay dict) qui est une partie attribuee au Capricorne, quand il est pervenu a son huitieme degré, alors il faict le plus brief cours qu'il sauroit faire: et a raison de ceste brieveté lon appelle ce temps la Brume, ou jours brumaux, autrement la saison d'Yver.
Plus en entrant du Capricorne dedans Aquarius, ou verseur d'Eau, il commence a refaire croistre les jours, et rend son tour pareil a celluy qu'il faisoit en la maison du Sagittaire.
De cest Aquarius quand il est monté aux Poyssons, Favonius, autrement le vent du Printemps, commence a souffler: et adonc ledict Soleil faict son tour egal a celluy qu'il faisoit estant en la maison du Scorpion.
Voyla comment en passant par ces signes il augmente et diminue en certaines saisons, les espaces des jours et des heures.
Maintenant reste a parler des autres Astres qui sont tant a droit comme a gauche du Zodiaque aux parties de Mydi et de Septentrion, et naturelement figurez par Estoilles a ce disposees.

DES ASTRES QUI SONT A COSTE DU ZODIAque
devers la partie de Septentrion. Chap.
VI.

[LO] LE Septentrion que les Grecz nomment Arctos ou Helicé, et nous l'Ourse majeur, a un Gardien derriere elle, appelle Bootes ou Arctophylax, duquel la Vierge n'est gueres loing. Ceste Vierge a sur son espaule droicte, une Estoille de merveilleuse clairté, laquelle est par noz Latins communement dicte Provindemia, et par les antiques Grecz Protrygetos, c'estadire la messagiere de vendanges. Ceste la en son espece luysante est plus coloree que les autres. Al'encontre d'elle il y en a une autre qui ne bouge d'entre les genoulx du gardien de l'Ourse, parquoy on la nomme Arcturus, qui signifie la queue de l'Ourse.
Apres viz a viz du chief d'icelluy Septentrion passe un Charretier traversant par dessus les piedz des Jumeaux, et se plante sur la poincte de la corne droicte du Toreau: et sur celle de la gauche, aux piedz du susdict Charretier, se veoit aussi une Estoille que lon dict estre sa main.
Au surplus sur l'espaule gauche du Toreau, et joignant le Mouton, sont la Chevre et ses Chevreaux, au costé droict desquelz est Perseus, qui va courant pardessoubz la base ou assiette des Vergilies, et en la partie senestre gist la teste du Mouton.
Perseus s'appuye de sa main droitte sur le simulacre ou figure de Cassiopea, et de la gauche tient elevee pardessus le Charretier la teste de Gorgone Meduse, qu'il gette soubz les piedz d'Andromeda, sur le ventre de laquelle passent les Poyssons, et semblablement pardessus le dos du Cheval volant appellé Pegasus, dont une Estoille luysante en achevant son ventre forme la teste d'Andromeda, qui a sa main droitte sur le simulacre ou remembrance de Cassiopea, et sa gauche sur le Poysson Aquilonaire, c'estadire estant en la partie d'Orient d'ou souffle Boreas, autrement dict le vent de Bize.
L'Aquarius ou verseur d'Eau est audessus de la teste d'icelluy Pegasus, qui de la pinse de ses piedz attainct les genoulx de cest Aquarius.
La moytié de la figure de Cassiopea sert aussi a representer le Capricorne: audessus duquel sont l'Aigle et le Dauphin, avec la Sagette tout aupres d'eulx.
Contre ceste Sagette est l'Aigle, qui du bout de son aelle droitte touche la main de Cepheus, et le Sceptre: mais Cassiopea est appuyee sur sa gauche.
Soubz la queue de cest oyseau sont cachez les piedz du Cheval, du Sagittaire, du Scorpion, et une partie des Balances.
Pardessus tout cela le Serpent touche a la Coronne, avec l'extremité de son museau: mais l'Ophiuchus son porteur le tient en ses mains par le mylieu, marchant de son pied gauche sur le front du Scorpion, et la queue d'icelluy Serpent faict le dessus de la teste dudict Ophiuchus roydissant les genoulx, acte que lon dict estre son effort.

[FIGURE]

Toutesfois les summitez des testes d'iceulx signes sont plus faciles a congnoistre que les reste, pource qu'elles se voyent formees d'Estoilles non obscures.
Le pied de cest Ophiuchus agenouillé se fortifie contre les temples de la hure du Serpent qui entrelasse l'Arcture, lequel faict porter son nom aux Estoilles du Septentrion. Si est ce que le Daulphin se courbe un petit par dedans.
Contre le bec de l'oyseau est posee la Lyre.
Entre les espaules du gardien de l'Ourse et l'Ophiuchus agenouillé, est la Coronne ornee d'Estoilles.
Au cercle Septentrional sont colloquees les deux Ourses, dont les espaules s'entreregardent, telement que leurs poytrines vont l'une deca, l'autre dela.
La mineur ou moindre est dicte par les Grecz Cynosura, et la majeur ou plus grande Helicé. Leurs testes sont telement ordonnees, qu'elles se voyent de travers: et leurs queues opposites pour estre levees contremont, surmontent et apparoissent par dessus.
Au regard du Serpent, il tient grande estendue parmy le Ciel: et l'estoille nommee Pole, rend sa lueur environ le chef du plus grand Septentrion: car celle qui est prochaine, du Dragon, est colloquee al'entour de sa teste, et un autre environ la Cynosure, laquelle est agitee de la fluxion ou mouvement d'icelluy Serpent, et estendue tout aupres.
Mais il par entortillemens se regette et rehaulse depuis la hure de l'Ourse mineur jusques aupres du museau de la plus grande, et contre la temple droitte de sa teste.
Sur la queue de la petite posent les piedz de Cepheus, et lá tout au plus hault du comble sont les Estoilles dont se faict le triangle de pareilz costez, et d'avantage le signe du Mouton.
Environ le moindre Septentrion, et le simulacre de Cassiopea, il y a plusieurs Estoilles confuses, dont je laisse la speculation aux plus studieux.
J'ay traicté amplement des Estoilles qui sont au costé droict de l'Orient entre le cercle des douze signes du Zodiaque, et les astres du Septentrion, declarant comme elles sont ordonnees au Ciel: parquoy a ceste heure je parleray de celles qui sont au costé gauche dudict Orient devers la partie de Mydi: et exposeray tout d'une voye comment elles y ont esté distribuees et rengees par la providence de Nature.

DES SIGNES QUI SONT A COSTÉ DU
Zodiaque devers la partie de Mydi. Chap. VII.

[LO] AU dessoubz du Capricorne est le Poysson Austral, que lon dict autrement Meridien, la queue duquel regarde Cepheus: et depuis ce Poysson jusques au Sagittaire, l'espace demeure vuyde.
L'Encensier est apres situé soubz l'ayguillon du Scorpion.
Puis la partie de devant du Centaure est prochaine de la Balance, et tient icelluy Centaure le Scorpion entre ses mains.
La figure que les Astronomes ont appellee Hydra, s'estend aussi longue que contient d'espace la Vierge, le Lyon, et l'Escrevice, et passe pardessoubz eulx trois.
Le Serpent tortillé qui a un grand nombre d'Estoilles, ceinct tout le contenu de l'Escrevice, et lieve son museau droit devers le Lyon. Si est ce que sur le mylieu de son corps il soustient une Couppe, et soubz la main dela Vierge gette sa queue, sur laquelle pose un Corbeau, duquel les Estoilles posees sur les muscles des aelles, sont d'une lueur egale a celles qui se voyent au dedans du ventre d'icelluy Serpent, soubz la queue duquel aussi est constitué le Centaure.
En oultre et tout aupres de la Couppe et du Lyon se voit le Navire nommé Argo, dont la Proue est obscure, mais le Mast et les Avirons d'alentour se monstrent assez apparens.
L'extremité de la Poupe de ce Navire se joinct au signe du grand Chien, et le petit va suyvant les deux Jumeaux, passant tout contre la teste du Serpent. Si est ce que ledict grand Chien court apres le petit. Toutesfois Orion est lá en travers, subgect et pressé de l'ongle du Centaure, qui tient en sa main gauche une Massue, et leve l'autre a l'encontre des Jumeaux.
La teste du susdict Centaure sert de base ou plant au Chien qui poursuyt le Lievre.
La Balene est au dessoubz du Mouton et des Poyssons, mais de sa creste part une subtile fusion d'Estoilles bien ordonnee, qui traverse jusques aux deux Poyssons, et est icelle fusion nommee en Grec Hermidone, c'est a dire les delices de Mercure.
Oultre tout cela le neu ou tortillement du Serpent, qui est par une longue trainee retourné en dedans, vient a toucher le bout de la creste d'icelle Balene.
Consequemment il s'ensuyt un grand Fleuve d'Estoilles, qui represente la figure de l'Eridan, maintenant dict le Pau: et faict le commencement de sa source au dessoubz du pied gauche d'Orion: puis l'Eau que lon dict estre espandue par l'Aquarius ou verseur d'Eau, tumbe entre la teste du Poysson Meridional, et la queue de la Balene.

[FIGURE]

Je pense avoir suffisamment exposé suyvant l'opinion de Democrite philosophe naturel, les expressions des Signes figurez et formez par certaines Estoilles, ainsi qu'il a pleu a Nature et la Providence divine les ordonner: mais j'ay tant seulement parlé de celles dont nous povons considerer les naissances et decours, ou les discerner a veue d'oeuil: car comme les Estoilles du Septentrion qui tournoyent al'entour de l'aysseau du Ciel, jamais ne disparoissent ny se vont cacher soubz la Terre, tout ainsi les autres qui rouent environ le Pole du Mydi (lequel a raison de la courbure ou circumference du Monde, est logé soubz la Terre) sont occultes, et n'y ont aucun accessoire, qui est cause que leurs figures ne sont apparentes ny congneues, au moyen de l'interposition d'icelle Terre: chose dequoy nous peult rendre bon tesmoignage l'Estoille de Canopus ou Canobus, laquelle apparoist au bout du Gouvernail du Navire dict Argo: car elle nous est incongneue en ces regions superieures, et n'en saurions parler sinon par la relation des Mariniers traffiquans sur les extremitez du pays d'Egypte prochaines des fins de la Terre.
En ce discours j'ay bien au long deduict quel est le tournoyement du Ciel al'entour de ce Globe terrestre, ensemble celluy du Zodiaque: et d'avantage monstré quele est la disposition des Signes situez tant du costé de Septentrion que de Mydi, et ce pourautant que par icelle circonvolution, et moyennant le cours du Soleil contraire a celluy des signes dudict Zodiaque, mesmes par les umbres equinoctiales des Gnomons ou ayguilles, on vient a trouver comment il fault descrire les Analemmes dessus specifiez, car tout le reste de l'Astrologie se meslant de dire queles influences ont sur la vie des hommes, les Douze Signes avec les cinq Planetes errantes, aussi bien que le Soleil et la Lune, je le laisse pour la part des Chaldees, consideré que leur profession est de figurer le Ciel selon les nativitez des personnes, afin de juger par lá des choses passees et avenir, fondees sur le cours des Astres. Si est ce que les inventions que lon en treuve par escrit, font foy de quele industrie et vivacité d'Esprit ont esté ceulx de ceste nation qui en ont traicté, et combien ilz ont esté singuliers en leur art.
Premierement Berose ja nommé sortant de son pays se retira en l'isle et en la ville de Co, ou il enseigna ceste science: en quoy puis apres Antipater estudia: et si feit Achinapolus, lequel ne jugea seulement l'heur ou malheur des hommes par les nativitez, ains aussi bien par leurs conceptions, et en composa quelzques livres. Mais pour les choses natureles Thales de Milete, Anaxagoras de Clazomene, Pythagoras de Samos, Xenophanes de Colophone, et Democrite d'Abdere, par raisons subtilement excogitees nous ont instruictz comment Nature s'y gouverne, et par quelz effectz elle les produict. Puis Eudoxus, Eudemon, Callistus, Melo, Philippus, {Philipp + Blanc} Hipparchus, Aratus, et autres qui ont suyvi les dessus nommez, n'ont par Astrologie seulement congneu la naissance et decours des Estoilles, mais d'avantage predict selon cela les evenemens des orages et tempestes, le tout au moyen de leurs regles et instrumens Astrologiques, et en ont donné les intelligences a nous et a la posterité. Parquoy je dy que teles sciences sont a reverer par les hommes, pource qu'elles ont esté cherchees a si grand soing et diligence qu'il semble que ce soit inspiration divine qui faict juger lesdictz evenemens des tempestes avant qu'elles arrivent. Mais quant a moy je laisse cela pour les estudes et exercices de ceulx qui s'y vouldront amuzer.

DE LA PRACTIQUE POUR FAIRE LES HORLOges {Horlologes}
ou Quadrans, ensemble de l'umbre des Ayguilles au temps de l'Equinocce,
c'estadire quand la nuyt est pareille au jour, et de quele grandeur est
cest umbre a Rome et en aucuns autres pays.
Chap.
VIII.

[LO] IL fault que je separe d'avec les contemplations dessus narrees, les raisons propres a faire les Horloges, et que je dye tout d'une voye comment se font les brievetez menstruales ou bien coulantes des jours, plustost en Yver qu'en Esté: plus que j'expose par quele maniere ilz recroyssent.
Quand le Soleil au temps de l'Equinocce passe parmy les signes du Mouton et de la Balance, si l'ayguille d'un Quadran assiz a Rome est divisee en Neuf parties, son umbre n'en aura que Huict, a cause de la declination du Ciel.
En Athenes si elle est de Quatre, son umbre n'en aura que Trois.
A Rhodes si elle en a Sept, ladicte umbre n'en aura que Cinq.
A Tarente neuf pour {peur} unze.
Et en Alexandrie Trois contre cinq. Mesmes en toutes les Regions de la Terre on treuve que les umbres equinoctiales d'icelles ayguilles ont esté par la Nature distribuees d'une mesure en l'une, et d'autre sorte en l'autre.

[FIGURE]

A ceste cause en tous endroictz ou lon aura vouloir de mettre des Quadrans, il est necessaire (avant toute oeuvre) de savoir la grandeur de l'umbre equinoctiale: puis si l'ayguille a neuf parties, et son umbrage huict (comme il se faict a Rome) il fauldra en la superficie de la Platine tirer une ligne droitte, et encores une autre a plomb tumbante sur son mylieu, de sorte que celle qui est dicte Gnomon, responde justement a l'Esquierre. Cela faict, fauldra diviser au compas icelluy Gnomon en Neuf parties, et commencer a mesurer de la ligne de Terre jusques au bout, et ou finera la Neufieme, soit constitué le centre, et merqué par A. apres fauldra tourner depuis ce centre jusques a ladicte ligne de Terre, et merquer cela par B. et ce quartier de rond fera dict partie Meridionale.
Consequemment fauldra estendre sur la ligne de Terre, huict de ces divisions prises sur le Gnomon de neuf, et au bout d'icelle signer la lettre C. lors ce sera la vraye estendue de la ligne Equinoctiale. Adonc depuis icelluy C. soit tiree encores une autre ligne jusques au centre merqué par A. et ceste la monstrera quel est le Rayon du Soleil au temps de l'Equinocce. Plus en tournant de rechief le compas sur main gauche, depuis ce centre jusques a la ligne du Plant, ce sera de rechief un quartier du rond tout egal au premier, qu'il conviendra merquer par E. puis l'autre bout par I. et finablement de ce centre fauldra tirer une ligne contrebas, afin que les quartiers d'icelluy cercle soyent justement partiz en deux. Ceste ligne est par les Mathematiciens appellee Horizon.
Ainsi donc quand tout cela aura esté trassé, fauldra prendre une quinzieme partie de la circumference, et mettre l'un des piedz du compas sur la ligne de la rondeur, au lieu par ou elle est couppee du rayon Equinoctial, signé F. et faire des poinctz tant a droict comme a gauche, les merquant des lettres G. H. puis tirer du centre deux lignes contrebas, et les faire arriver jusques a la ligne de Terre, et ou elles poseront, signer T. R. et ces deux representeront l'une le rayon du Soleil en Yver, et l'autre celluy de l'Este.
A l'opposite de l'E. sera la lettre I. droittement au bout de la ligne qui en passant par dessus le centre couppe celle de la circumference, et aussi viz a viz des lettres G. et H. seront K. et L. puis contre C. F. et. A. sera le charactere N. Cela faict, fauldra tirer deux lignes diametrales depuis le G. jusques a L. et depuis la H. jusques a K. dont l'inferieure de ces deux sera pour la partie d'Este, et la superieure pour l'Yver. Cesdictes lignes diametrales doyvent estre egalement divisees par le mylieu, notant les poinctz de l'entrecouppement par M. et O. et la fauldra signer des centres, pardessus lesquelz, mesmes atravers celluy de A. tirerez une ligne depuis un des costez de la circumference jusques a l'autre, et en garnyrez les extremitez de P. et Q. ceste la servira comme de perpendiculaire au rayon Equinoctial, et suyvant les raisons de Mathematique sera nommee Axon.
Apres mettant une des jambes du Compas dessus les centres prochainement specifiez, vous ferez deux demyz cercles qui respondront aux boutz des lignes diametrales que je vous vien de dire, et l'un de ceulx lá sera pour l'Este, puis l'autre pour l'Yver.
Consequemment aux endroitz par ou les lignes Paralleles couppent celle qui est dicte Horizon, en la partie droitte asserrez la lettre S. et en la senestre V. mesmes depuis la fin du demy cercle ou est posé le charactere G. yrez tirant une petite ligne parallele ou equidistante a l'Axon dessus dict, respondante a l'autre bout du demy cercle, ou est merquee la lettre H. et cestedicte petite parallele se nomme entre les gens de l'art Lacotome, signifiant section ou couppeure concave.
Adonc estant ces choses expediees, le pied ferme du Compas doyt estre mis au lieu cotté X. par ou le rayon Equinoctial divise ceste ligne, et l'autre menee a lendroit ou celluy de l'Este couppe la ligne de la circumference, signé H. Finablement mettez vostre Compas sur le centre Equinoctial, et faictes un rond comprenant l'intervalle d'Esté, autrement cercle menstrual que lon dict Manachos, pour signifier une voye parmy le Zodiaque al'entour de laquelle la Lune faict son cours: et par ce moyen vous aurez la formation perfecte de vostre Analemme, ou Theme sur quoy se fonde toute l'intention de l'ouvrage.

[FIGURE]

Quand cela sera ainsi pourtraict et expliqué, soit par lignes d'Yver, d'Esté, Equinoctiales ou menstrueles, les heures devront estre merquees sur les platines subjettes suyvant l'Analemme qui en aura esté dresse, sur lequel on pourra faire beaucoup de fantasies diverses, et de sortes d'Horloges, conduysant la practique par les raisons artificieles ensuyvantes, qui nonobstant que les descriptions et figures en soyent dissemblables, tendent toutes a une mesme fin, asavoir de diviser egalement en douze parties, les jours de l'Equinocce, de l'Yver, et du Solstice: chose que je laisse expressement, non de peur que je n'en peusse bien venir a bout, ny par Paresse ou Nonchalance, mais afin que je ne desplaise en escrivant trop de particularitez, raison qui me fera contenter de donner seulement a congnoistre ceulx par qui furent inventees les differences des Horloges, en si grand nombre que je n'en sauroye maintenant inventer de nouvelles, et si ne me semble raisonnable d'usurper leurs labeurs et industries pour en faire mon propre. A ceste cause je diray en passant de qui ces subtilitez nous sont venues.

DE LA RAISON DES HORLOGES, ENSEMBLE
de leur usage, et de leur invention, mesmes par qui elles furent trouvees.
Chap.
IX.

[LO] LOn dict que Berose de Chaldée inventa l'hemicycle, ou demyrond cavé en un quarré, puis arondy par dehors comme une demy Boule.
Aristarque de Samos trouva la Scaphe ou Hemisphere, et semblablement le plat dedans la forme unye.
Eudoxus l'Astrologue imagina le premier l'Araignee, toutesfois aucuns veulent dire que ce fut Apollonius.
Le Plinthe ou Lacunaire tel que lon en voit un au Cirque Flaminien, est venu de Scopas de Syracuse.
Parmenion nous a donné l'instrument dict Prostahistoroumena, c'estadire monstre historiee des Signes celestes attribuez aux Moys, avec la division des jours, et les merques des heures.
Theodose exhiba le Prospanclima, ou Quadran bon en toutes contrees.
André Patrocles produysit le Pelecinon, qui est en maniere d'une Congnee.
Dionysodore trouva le Conon, portant semblance d'une Pomme de Pin, ou corps triangulaire.
Apollonius trouva la Pharetre ou Carquoys, et autres modes, que je laisse pour cause de brieveté.
Ces bons espritz dessus nommez, et plusieurs autres, nous ont enrichiz de teles inventions, mesmes de la Gonarche, et l'Engonate, qui ont forme de Genouil, comme les motz le sonnent, et oultre ce de l'Antiboree, laquelle se met directement opposite au Septentrion, au contraire des autres sortes qui s'exposent toutes au Mydi.
Semblablement beaucoup d'Autheurs nous ont escript les moyens pour en faire sur ces genres, des autres commodes a porter en voyage, et propres a pendre a la ceincture, telement que si quelq'un en veult savoir les practiques, il les pourra trouver en leurs livres, pourveu qu'il entende les descriptions des Analemmes ainsi que j'ay dict cy dessus.
D'avantage ces mesmes Autheurs ont enseigné les raisons pour faire certaines Horloges d'Eau: mais le premier qui les inventa, fut Ctesibius d'Alexandrie, lequel aussi forma des espritz naturelz, avec des Engins Pneumatiques, c'estadire instrumens qui par le moyen de l'air se venant de soy mesme a entonner la dedans, rendoient des sons approchans de la voix humaine. Parquoy me semble convenable que je face entendre aux studieux comment ces fantasies vindrent en son imagination.
Ce Ctesibius fut filz d'un Barbier d'Alexandrie, et estoit excellent sur tous autres en industrie et vivacité d'esprit, et pourtant se delectoit du tout en choses artificieles.
Or advint une fois que volunté luy print de pendre un Miroer en la Boutique de son pere, et taschoit a faire que quand il le tireroit en bas, et remonteroit contremont, une corde cachee luy aydast en cela, au moyen de certain contrepois: et de faict appliqua son Engin en ceste sorte.
Il feit une feuillure derriere un Poyteau, et y cloua des petites Poulies, pardessus lesquelles passa une cordelette ayant une masse de Plomb attachee au bout: et quand le pois venoit a couler parmy ce destroit, il en contraignant l'espoisseur de l'air enclos et la chassant a l'ouvert, rendoit un son entendible aux oreilles des hommes, causé par icelle contraincte.

[FIGURE]

Luy donc considerant qu'il s'engendroit des voix spiritueles au moyen de ce battement d'Air, et par ses saillyes, alla incontinent se fonder sur telz principes, et en forma le premier les Machines que lon dict Hydrauliques, qui sont instrumens sonnans par le mouvement de l'Eau. puis feit encores les expressions ou seringuemens de ceste liqueur, les Automates, ou choses mouvantes d'elles mesmes, ensemble les autres Porrectes, qui chassent en avant, et celles qui vont rouant en rondeur, avec maintes especes de singularitez delicieuses, entre lesquelles se presenta la raison des Horloges aquatiques, en laquelle pour mieulx pervenir a son entente, il feit creuser de l'Or et des pierres precieuses, pource que ce sont matieres qui ne s'usent point par le froyement de l'eau, et ne se chargent de crasse ny d'ordure qui puissent estoupper leurs conduictz, en sorte que l'eau coulante egalement atravers leurs concavitez, et tumbante dedans la Conque, soubzlevoit la Scaphe renversee, dicte par les ouvriers Phellos ou Tympan, et maintenant forme de Liege en facon de demy boule, garnye d'une aiguille egalement dentelee. Ceste la faisoit faire plusieurs choses esmerveillables: car ces dentelures faisans mouvoir {mououir} l'une apres l'autre des roues crenelees assises audessus d'elles, estoient cause de les faire tourner peu a peu, si que par ce mouvement un peu forcé il en advenoit des effectz estranges, consideré que certaines petites statues en faisoient maintz actes: et entre autres tournoient al'entour des Metes ou Obelisques d'ou il sortoit quelzques pierrettes qui menoyent bruyt en tumbant, des Trompettes en rendoient son, et s'en ensuyvoit plusieurs Parergues, qui sont choses plus de plaisir que de proffit.
Encores avec ces machines estoient les Heures distinguées contre quelque Colonne ou Contrefort de muraille, et ce par le moyen de certaine petite statue saillante d'un trou faict au bout d'embas, et tenant une verge en sa main, avec l'extremité de laquelle monstroit tout au long du jour l'Heure qu'il povoit estre. Mais pource qu'il en est de brieves et de longues, autrement egales et inegales, c'estadire ayant plus de distance les unes que les autres entre les poinctz de leurs assiettes, et qu'il failloit representer leurs croyssances ou decours, cela se faisoit par addition ou soustraction de certains coingz materielz, que lon ostoit et remettoit quand il en estoit necessité selon les Jours et les Moys de l'Annee.
Mais au regard de l'alentissement de l'Eau pour temperer les espaces du temps convenables, elles se faisoient comme il s'ensuyt.
Lon ordonnoit deux Metes ou Tremyes comme de Moulin, l'une creuse, et l'autre massive, si bien faictes au Tour, que l'une povoit entrer dedans l'autre: et en la creuse tumboit premierement l'Eau qui faisoit elargir ou restraindre, telement que son cours en estoit alenty ou pressé selon les saisons occurrentes.

Voyla comment par ces subtiles inventions d'Engins lon faisoit des Horloges aquatiques pour servir en Yver. Toutesfois si aucuns ne vouloient approuver l'addition ou soustraction de Coingz dessus mentionnee, et vouloient dire qu'il ne s'y fault fier, a raison qu'ilz faillent bien souvent, et ainsi abuzent les hommes: l'egalité ou inegalité des Jours et des Heures se pourra autrement et plus seurement faire par ceste practique.

Soyent les assiettes d'icelles Heures merquees sur une Colonne par des lignes traversantes, suyvant la figure de l'Analemme qui en aura preallablement esté pourtraict, n'oubliant a y trasser aussi les lignes menstrueles ou du decours. cela faict, donnez ordre a ce que ladicte Colonne se puisse tourner par elle mesme de jour en jour, si qu'en faisant ainsi, la statue qui sortira du pied, puisse monstrer avec sa verge leur croyssance ou abregement, et l'inegalité des Heures.
Lon faict aussi encores en autre maniere des Horloges d'Yver, que lon appelle Anaporiques, parole qui signifie retournans, pource qu'ilz sont en forme circulaire, laquelle en rouant retourne tousjours au premier lieu d'ou elle fut esbranlee: et se conduysent avec ceste practique.
Les Heures se disposent par certaines vergettes de fil de Laton, constituees en leur Front ou Monstre, {Monstte} suyvant la description de l'Analemme propre au lieu: et en ceste Monstre sont appliquez des Cercles finissans les espaces menstrueux, ou des jours qui accourcissent. Puis au derriere de ces vergettes est mis un Tympan ou Platine circulaire, en quoy la figure du Monde est paincte, avec le cercle du Zodiaque, et ses douze Signes: mais lon forme leurs espaces les unes plus grandes, les autres moindres, a prendre depuis le centre dudict Tympan jusques a la circumference: et en la derniere qui vient a estre sur le globe de Terre, est enchassé un petit Moyeu avec son aysseau tournant, environ lequel est tortillee une petite chainette semblablement de Laton, qui a l'un de ses boutz tient attaché le Phellos ou Liege lequel se soubzlieve par l'infusion de l'Eau: et a l'autre un sac plein de Sable, ou quelque chose grave, de poix egal a ce Tympan: et par ceste industrie autant que le Liege vient a se soubzlever par ce cours d'Eau, autant s'abaisse contre bas la pesanteur du Sable, qui faict ainsi tourner ce Moyeu, lequel contrainct icelluy Tympan a faire, comme luy, mouvement qui cause par foys la plus grande partie du Zodiaque, et d'autres coups la plus petite, a monstrer suyvant les saisons, la proprieté des Heures, pourautant que soubz chacun Signe sont faictz de petiz pertuys, egaulx en nombre aux Jours des Moys ou lesdictz Signes regnent: et la Bulle ou ayguille doree qui tient le lieu du Soleil en ces Horloges, va signifiant les espaces des Heures: puis quand elle est remuee de pertuys en pertuys, monstre comment le Moys surquoy elle passe, faict son cours et revolution.
Ainsi donc comme le Soleil en errant par les degrez des douze Signes, allonge et diminue les Jours et les Heures, ne plus ne moins l'Ayguille des Horloges cheminant de poinct en poinct contre le tournoyement du centre du Tympan, quand elle est chacun jour transposee par celluy qui en a la charge, passe en certain temps sur les distances larges, et en autre par les estroittes, si que par ses indications menstrueuses ou decourantes, elle faict veoir les inegalitez d'iceulx Jours et Heures.
Mais pour parler de l'administration de l'Eau, et dire comment elle est raisonnablement temperee, sachez que derriere le front ou Monstre de l'Horloge on met une Auge en laquelle entre l'Eau par un Goulet, puis se vuyde au moyen d'un conduict qui est en son fons: et contre ce conduict est attaché un Tympan de cuyvre, aussi percé, par ou l'Eau tumbant de l'Auge va coulant. Dedans cestuy la en est mis encores un moindre, faict au Tour, et le nomme lon Masle, l'autre Femelle, c'est a dire entrant juste l'un dedans l'autre, telement qu'icelluy moindre Tympan servant comme un Touret au tuyau d'une fontaine de Cuyvre, que les Grecz appellent Epistomion, en tournant dedans le plus grand, va tout doulx comme s'il estoit tors a la main.

Contre la circumference de ce grand Tympan lon merque Trois cens soixante et cinq poinctz par egales distances: et le moindre Globe a sur le centre de sa masse une languette dont le bout va monstrant les poinctz l'un apres l'autre, mesmes en icelluy Globe autour du centre est faict un petit pertuys par ou l'Eau coule dedans le grand Tympan, et en croissant petit a petit, garde une administration moderee.
Or si les figures des signes du Zodiaque sont painctes contre ce grand Tympan immobile, si que au plus hault le Cancer ou Escrevice y soit formée, et au bout d'embas de sa ligne perpendiculaire le Capricorne, ou Bouc cornu, puis a la dextre la Balance, et a la senestre le Mouton, avec aussi les autres signes qui doyvent estre entre les espaces, comme lon les voit au Ciel, je dy que quand le Soleil sera en la maison du Capricorne, et la languette regardera ce poinct la, allant ainsi de jour en jour touchant tous les poinctz l'un apres l'autre, la masse qui la supporte, recevant l'Eau par son conduict en ligne perpendiculaire, fera admettre une grande pesanteur d'Eau courante, de sorte que le Tympan femelle sera bien toust emply, et par ce moyen les espaces des jours et des heures se verront plustost passez et parcouruz.
Mais quand par l'effusion continuele, la languette d'icelluy moindre Tympan que lon dict masle, entrera au signe d'Aquarius, ou verseur d'Eau, tous les pertuys conjoinctz se departiront du perpendiculaire, en maniere que l'Eau a l'occasion de ceste fluxion lente, sera contraincte a monter plus tardivement.
Parainsi donc, {d'onc} d'autant que le vaisseau femelle recoit ceste liqueur en cours plus debile, d'autant fault il que les espaces des Heures en soyent plus allongez.

Toutesfois quand l'Eau est montee comme par des degrez jusques aux poinctz du Verseur d'Eau, et des Poyssons, le petit trou du Globe ou Moyeu auquel est posee la languette, venant a regarder la huitieme partie du Mouton, fera les Heures Equinoctiales par la temperature de la liqueur croissante: et depuis le Mouton, en passant par dessus le Toreau et les Jumeaux, jusques a l'Escrevice, qui est le plus hault ou le Soleil sauroit monter, fauldra necessairement que ladicte Eau decline, et se rabaisse peu a peu: ce neantmoins elle demeure quelque temps sans decroistre: et ainsi fera sur le Signe de l'Escrevice les Heures du Solstice d'Esté.
Consequemment quand elle declinera jusques au huitieme degré de la Balance, passant sur les Signes du Lyon et de la Vierge, sa liqueur abaissant et peu a peu estraignant les espaces, monstrera de combien ses jours appetisseront: et ainsi mesmes en arrivant jusques au huitieme degré de la Balance, rendra de rechef les Heures Equinoctiales.
Davantage en avallant encores plustost jusques au Capricorne, et passant preallablement atravers les Signes du Scorpion et du Sagittaire, quand elle sera pervenue jusques au huitieme poinct ou degré d'icelluy Capricorne, fera de nouveau la brieveté des Heures Brumales ou de l'Yver, au moyen de la precipitation de sa liqueur.

JE pense avoir escrit le plus proprement qu'il m'a esté possible, les raisons de la formation des Horloges, et de leur appareil pour faire qu'elles soyent commodes a noz usages: maintenant reste a traicter des Engins et Machines, et a deduire leurs principes: qui sera cause de m'en faire escrire au Volume ensuyvant, afin que tout le corps d'Architecture soit bien et deuement accomply.

FIN DU NEUFIEME DE VITRUVE.