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Phi-NTS2: Philosophies des numériques, des techniques et des sciences
Seconde édition: écrire le monde

Ens de Lyon, 26 et 27 juin 2025

Éric Guichard
Avril 2025

Ce colloque prolonge celui qui s’est tenu à Lyon en 2021, dont nous rappelons la synthèse (cf. http://barthes.enssib.fr/Phi-NTS): « Le projet de ce colloque est de contribuer à une philosophie des sciences et des techniques qui tienne compte de sa propre histoire, de renouer avec une épistémologie elle aussi historicisée (les limites des IAs détaillées par Turing), d’oser juxtaposer singularités et normes scientifiques produites par les institutions et enfin de prendre au sérieux les enjeux épistémologiques et politiques liés à la science contemporaine et au numérique ».

Argument

Pour cette seconde édition, un moyen de fédérer ces thèmes serait de solliciter la notion d’écriture du monde.

Hacking a montré que la notion de construction sociale de la réalité est contradictoire, même si elle est alimentée par des rationalités mues par le désir de justice. En même temps, notre réalité est en partie façonnée par le social. Nous en avons des exemples avec les engagements militants qui se focalisent sur la partie visible des humains comme avec la notoriété que Musk offre aux partis populistes via l’agrégateur d’échanges dont il est propriétaire. Les uns et les autres influencent nos comportements, infléchissent et parfois hiérarchisent nos débats. Il en est de même en économie (hypothèses devenant dogmes, chiffres statufiés) ou en écologie, quand la responsabilité d’un usage frugal des services proposés incombe majoritairement aux consommateurs (cas du « numérique » et de la 5G). Dans tous ces cas s’instituent des lois, des normes et des représentations. De façon analogue, les réseaux sociaux et les intelligences artificielles rappellent qu’une technique peut être popularisée ou bridée par des investissements financiers, plus sociaux que naturels.

Nous pouvons aussi repérer une construction intellectuelle de la réalité. Depuis les Grecs jusqu’aux physiciens actuels en passant par Granger, nous en connaissons la fécondité: le concept de technologie de l’intellect clarifie grandement les effets de l’écriture et explicite la dimension mécaniste de la pensée. Son efficacité déborde du champ des sciences sociales. En sciences exactes et expérimentales, les notions de différentielle, de groupe et d’invariance consolident et simplifient notre rapport au monde. Le conflit entre les approches corpusculaire et ondulatoire de la lumière fut réglé par Von Neumann qui a montré leur dualité avec les espaces de Hilbert. Or ces derniers ne relèvent pas des lois de la nature. Ils sont de pures constructions.

C’est ce point de convergence entre sciences sociales et exactes, relativement à la notion de construction intellectuelle de la réalité que nous pourrions explorer à l’occasion de ce colloque. Avec des exemples, des références, des découvertes.

Ces constructions sont aussi sociales: si Fourier et Einstein furent de réelles singularités scientifiques, ils appartenaient à des écoles de pensée, à des espaces d’échange: à des collectifs. Il en est de même pour Goody ou Lévi-Strauss. Les uns et les autres n’auraient pu développer leurs théories sans se frotter aux hypothèses et aux savoirs de leurs prédécesseurs. Cette extension sociale de l’idée de construction libère alors la notion des considérations morales: la construction sociale est souvent accusée, sinon évoquée pour dénoncer un ordre ou des représentations inégalitaires.

Rappeler le rôle de cette construction intellectuelle (via le virtuel, le concept, et aussi l’instrumentation) dans nos représentations du monde, quand nous les voulons les plus affinées, peut être une façon, non pas de prétendre que le monde est écrit, mais de rappeler que nous participons à son écriture, avec nos outils et nos concepts. Aux temps des numériques, où s’écrivent des algorithmes qui écrivent les possibles et, le plus souvent, les contraintes de nos échanges, de notre accès à l’information et de nos avenirs politiques, cette approche émancipe: nous pouvons nous aussi écrire le monde.

Ce serait enfin un moyen d’arrimer la culture aux sciences et aux techniques alors qu’elle est communément pensée comme loin de ces dernières, bien qu’elle soit de plus en plus instrumentée, technicisée, modélisée. Et cela nous permettrait de montrer comment une épistémologie réaliste et ancrée dans le contemporain alimente la philosophie politique.

Premiers intervenants et leurs titres

  • Robert Alessi
  • Gabriel Bounias
  • Pierre-Antoine Chardel: La confiance érodée dans la société des flux. Un défi éthique et herméneutique majeur à l'ère hyper-moderne.
  • Valérie Charolles: L'écriture du monde par les chiffres. Enjeux philosophiques, anthropologiques et politiques.
  • Jean Dhombres
  • Sara Franceschelli
  • Patrick Flandrin: Vivre et penser comme des bots.
  • Éric Guichard
  • Claude Imbert: Des « données » aux algorithmes. Rémanences hellénistiques et syntaxes contemporaines.
  • Jean Lassègue
  • Emmanuel Saint-James: Philologie de la programmation.
  • Stéphanie Roza: La réécriture du monde par les réseaux sociaux.

Page créée le 15 avril 2025, modifiée le 12 mai 2025