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L'esprit de la technique
Journée Philosophie de la technique

Enssib, Université Jean Moulin - Lyon-III et
Collège international de philosophie (CIPh)

Samedi 26 novembre 2011

À l'Enssib (Lyon-Villeurbanne)
Coordinateurs : Éric Guichard et Frédéric Vengeon

Sommaire

1  Programme détaillé

9h30    1.1  Introduction
Éric Guichard (Enssib-Ens-CIPh)
9h45    1.2  L'internet et ses modèles institutionnels
Alain-Marc Rieu (Université Lyon 3 - Jean Moulin)
10h40    1.3  Les espaces du jeu vidéo
Mathieu Triclot (Université de technologie Belfort-Montbéliard)
11h35    1.4  Du corps machine au cerveau-machine
Patrick Juignet (CIPh)
14h    1.5  Essai de conceptualisation de la réalité virtuelle: de la philosophie à la technique
Daniel Parrochia (Université Lyon 3 - Jean Moulin)
14h55    1.6  Le calcul comme dispositif technique
Jean Dhombres (CNRS-EHESS)
15h50    1.7  Le net savoir et l'évolution de la pensée et des pratiques médicales
Jean-Christophe Thalabard (Université Paris Descartes - Hôtel- Dieu)
16h45    1.8  Travail et fonctionnement. L'économie politique des machines
Frédéric Vengeon (CIPh)

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2  Argument et détails pratiques

    2.1  Introduction
    2.2  Propositions
    2.3  Public
    2.4  Venir à l'Enssib

1  Programme détaillé

Chaque conférence dure 30 à 40 mn; elle est suivie d'un échange avec les participants d'environ 15 mn, de façon que le thème abordé par un intervenant soit exploré et débattu environ une heure (55 mn, à titre indicatif pour le programme).

La journée commence à 9h30. Les participants seront accueillis par un café à partir de 9h. Des pauses (avec boissons) sont prévues. De même pour le repas du midi, pour les personnes inscrites.

1.1  Introduction (9h30)
Éric Guichard (Enssib-Ens-CIPh)

1.2  L'internet et ses modèles institutionnels (9h45)
Alain-Marc Rieu (Université Lyon 3 - Jean Moulin)

Résumé   L'exaltation professionnelle et l'émerveillement collectif devant la technologie digitale, Internet en particulier, masquent souvent que les fonctions proposées relèvent de modèles institutionnels bien connus: l'échange et l'accès à l'information (courrier, presse, etc.), le commerce, le livre, la lecture et la bibliothèque.

Internet certes réinterprète en profondeur ces fonctions et leurs usages en y injectant un nouveau support, ce qui provoque des débats pleinement justifiés.

Il n'en reste pas moins que ces fonctions sont des modèles institutionnels bien connus: ils constituent la sphère dans laquelle se développe actuellement Internet. Or d'autres fonctions ne sont pas encore « mises en ligne », internalisées par Internet. L'objectif est d'identifier et présenter une des fonctions et son modèle institutionnel parce qu'ils constituent manifestement la prochaine étape du développement d'Internet.

1.3  Les espaces du jeu vidéo (10h40)
Mathieu Triclot (Université de technologie Belfort-Montbéliard)

Résumé   Les jeux vidéo ont ceci de singulier parmi les formes culturelles ou médiatiques qu'ils ne proposent pas seulement une représentation de l'espace, mais aussi un espace actionnable, au sein duquel d'authentiques pratiques spatiales peuvent trouver place. Cette communication se propose de réfléchir sur le rôle du concept d'espace pour l'analyse des jeux vidéo en s'intéressant en particulier à l'articulation entre l'espace du dedans, celui qui est présenté à l'écran, et les espaces du dehors, ceux dans lesquels se déploient les actes de jeu.

1.4  Du corps machine au cerveau-machine (11h35)
Patrick Juignet (CIPh)

Résumé   Le corps est « une machine qui se remue de soi-même ». Cette formule employée par Descartes, dans une lettre au Marquis de Newcastle le 23 novembre 1646, résume bien sa position. Un siècle plus tard, La Mettrie publie son célèbre ouvrage L'homme-Machine (1748), dans lequel il expose une conception mécaniste de l'homme. Cette visée s'est poursuivie et développée jusqu'à assimiler le cerveau humain a une machine informatique. Au XXe siècle, le calcul a été considéré comme le fondement de la pensée humaine et en retournant le raisonnement, certains ont prétendu que le cerveau était identique aux machines fabriquées pour reproduire le calcul.

Déjeûner (12h30-14h)

1.5  Essai de conceptualisation de la réalité virtuelle : de la philosophie à la technique (14h)
Daniel Parrochia (Université Lyon 3 - Jean Moulin)

Résumé   Dans cet exposé, je tenterai d'abord de définir la notion de « réalité virtuelle », dans le contexte d'une double opposition (le non-actuel s'opposant non seulement au probable et au possible, mais aussi à l'imaginaire et à ses valeurs existentielles et esthétiques).

Je montrerai ensuite, sur quelques exemples, comment les sciences formelles, en particulier les mathématiques, mais aussi bien les sciences expérimentales, utilisent la notion de « réalité virtuelle » dans leurs modes d'investigation du réel.

Enfin, je montrerai dans un troisième temps, là encore sur quelques exemples, comment la notion de « réalité virtuelle » intervient dans certaines sciences appliquées, et plus particulièrement certaines technologies avancées (informatique, intelligence artificielle, aéronautique, etc.), qui en font désormais grand usage.

1.6  Le calcul comme dispositif technique (14h55)
Jean Dhombres (CNRS-EHESS)

Résumé   Que le calcul joue un rôle théorique fondamental en mathématiques est attesté par la longue durée de l'expression de « Calcul différentiel et intégral », et elle a sonné comme la preuve du triomphe des Modernes sur les Anciens. Un esprit comme Fontenelle n'hésitait pas à employer l'expression de « révolution » vers 1700, avant que le mot « analyse » ne vienne l'éclipser, et du coup on a placé le calcul différentiel et intégral à un niveau dit technique, sinon spécialisé, digne par exemple en France du travail des élèves des classes préparatoires aux grandes écoles, mais pas de la réflexion. A l'inverse pourrait-on croire, l'expression de « calcul numérique » a longtemps été considérée comme désignant une activité servante (ancillary, disent encore aujourd'hui les Britanniques, et notre « ancillaire » fait désuet) donc servile, et peut-être fastidieuse. Le renom, si l'on peut dire, n'est venu qu'avec des appellations comme Analyse numérique ou Algorithmique, alors même que les moyens de calcul passaient à un tout autre niveau. Mon propos est de prendre cette histoire contrastée au sérieux en envisageant précisément ce qu'il peut y avoir de technique dans le calcul dit mathématique, et même de disposition, sinon du corps quand il écrit des calculs, du moins du regard, puisqu'un calcul, en mathématiques, requiert toujours une disposition.

Je voudrais partir de la disposition graphique choisie par Descartes dans l'essai mathématique qui accompagne le Discours de la méthode de 1637. Pour montrer que l'invention de la méthode des indéterminées est indissociable non seulement d'une écriture, mais d'une occupation de l'espace plan de la feuille d'écriture, et aussi bien du geste technique de la factorisation et de la multiplication dans un certain ordre des facteurs algébriques. Grosso modo ce que l'on apprend au lycée en classe de quatrième, en assurant le plus souvent qu'il n'y a là rien à penser, puisqu'il s'agit d'un processus mécanique.

D'où mon second point qui sera d'envisager le discours jusqu'à nos jours des enseignants sur ce « mécanisme », bien différent du discours des mathématiciens du XVIIe siècle, comme John Wallis, qui voyaient la nouveauté. Mais en ne négligeant pas ce que bien souvent ces enseignants appellent un « beau » calcul, ou un calcul bien disposé.

Un dernier point devrait être de réfléchir sur le rôle analogue d'apprentissage aux tout débuts de l'informatique de la programmation du pgcd d'Euclide, en comparant avec la démonstration par Euclide lui-même. Mais comme cela risque de requérir trop de temps sur l'ordinateur, j'envisagerai plutôt les méthodes de disposition et de calcul des matrices par blocs que l'on dit souvent « professionnelles », comme pour leur opposer la « belle » théorie des bases d'espaces matriciel et des espaces duaux.

1.7  Le net savoir et l'évolution de la pensée et des pratiques médicales (15h50)
Jean-Christophe Thalabard (Université Paris Descartes - Hôtel- Dieu)

Résumé   J'aimerais aborder ici la modification de l'espace où se déploie le savoir médical, espace où l'écran de l'ordinateur a remplacé celui de la radioscopie, écran qui s'interpose entre le soignant et le soigné mais qui ouvre sur un monde virtuel, s'y connecte et donne à voir le singulier au sein d'un ensemble de faits. Le savoir lentement mémorisé laisse peu à peu la place à un savoir tout préoccupé de s'organiser pour s'échanger, se rappeler, faire naitre des nouvelles entités dynamiques où le phénotype sensible disparait progressivement derrière des marqueurs biologiques aux dimensions et échelles multiples. Un monde d'échange nouveau où les données médicales se stockent, des entités se construisent, se valorisent, se régulent. Des réseaux de déploient, s'intriquent, objets d'observations et de constitutions de savoirs pouvant modifier les rôles et parfois les inverser.

1.8  Travail et fonctionnement. L'économie politique des machines (16h45)
Frédéric Vengeon (CIPh)

Résumé   Comment évaluer le fonctionnement des machines? Les machines créent-elles de la valeur ou ne font-elles qu'accroître l'exploitation de la force de travail? Cette interrogation pose certes une question d'économie politique: comment s'articulent le système technique et le système économique? Mais elle pose également une question anthropologique: comment concevoir le travail dans un contexte de haute technologie? Comment s'articulent le travail de l'homme et le fonctionnement des machines?

2  Argument et détails pratiques

2.1  Introduction

La technique est rarement étudiée par les philosophes. Nous voulons profiter des interrogations posées par l'internet pour conjuguer ensemble trois problématiques : l'objectivité de la technique, sa part dans la construction des épistémologies, la façon dont elle nourrit des formations discursives qui conjuguent rationalité et imaginaires.

La notion de technique intellectuelle nous semble une entrée idéale car elle permet d'emblée d'interroger la pertinence du couple sujet/objet, sinon son histoire : le fait d'appréhender l'écriture comme une technique permet autant d'aborder la dimension matérielle de la pensée que la dimension spiritualiste de nos instruments et méthodes. Apparaît alors que la technique a, depuis au moins cinq millénaires, créé un lien continu entre ce qui relève de la psyché et ce qui relève de la matière.

Cette approche donne aussi à penser que l'hypothèse (fréquente aujourd'hui) d'un statut de la technique transformé par les découvertes contemporaines (miniaturisation des outils, immatérialisation des supports de la communication) ne va pas à son terme dans la mesure où elle ne remet pas en cause les anciennes analyses qui supposent la technique comme moyen, ou comme pratique associée à des objets matériels.

2.2  Propositions

Aussi cette journée pourrait commencer par aborder les analyses qui explicitent la technique en tant que savoir-faire, méthodes et instruments qui facilitent la pensée : outils internes, pourrions-nous dire, qui contraignent ou formatent la conceptualisation (tension entre routine et inventivité), mais aussi sociaux (écoles de pensée, de transmission des méthodes) : l'écriture, avec ses besoins d'enseignements qui témoignent de la forte proximité entre concepts, savoirs et savoir-faire, les temporalités qu'instituent leurs transmissions, offre une ouverture vers la philosophie de la connaissance et la philosophie politique. Le poids des enjeux des techniques en rapport avec l'éducation dévoile alors d'emblée le lien fort entre technique et culture.

La culture en tant que comportement appris permet d'appréhender nombre de nos pratiques, au nombre desquelles les techniques du corps. L'attention portée aux méthodes, aux exercices, aux gestes voire aux instruments des danseurs et pianistes donne à penser que là aussi la technique occupe un champ continu entre le domaine supposé de l'art et de la psyché et celui du tangible (cf. le dialogue étroit et millénaire entre mathématiciens et musiciens). Ces exemples posent par ailleurs directement la question de la distinction entre techniques du corps et de l'intellect.

Un tel gradient, qui pourrait être abordé par le biais de l'anthropologie, des sciences de l'érudition ou des mathématiques, serait une entrée féconde pour aborder les machines à penser actuelles, dont la matérialité est peut-être bien plus manifeste que celle de leurs équivalentes des siècles passés et pour interroger la position de la philosophie classique quant à la technique (Kant, Heidegger). Cette dernière apparaît souvent comme a posteriori, en aval de l'entendement, du sensible et de leurs conceptualisations alors même qu'elle est condition de la perception et donc de la théorie (Galilée, qui voit les satellites de Jupiter et imagine un axe du temps qui transforme leurs trajectoires en sinusoïdes), quand elle ne se confond pas avec la conceptualisation (l'algèbre de Descartes, le calcul infinitésimal de Leibniz).

Nous savons depuis Bachelard comment compléter cette liste de savants pour préciser ce qui rend la philosophie et la science indistinguables. Le fait d'arriver à expliciter comment deux théories en complète opposition, chacune avec ses expériences et ses dépendances aux façons d'appréhender la réalité (l'onde, la particule) ne sont que des catégories mathématiques duales l'une de l'autre, donc identiques dans un espace physique autant que mental, ou encore que la quête de la nature (du monde extérieur) passe par une conceptualisation qui n'a rien d'a priori (Von Neumann et les espaces de Hibert) soulève aussi la question du statut de la technique.

En effet, l'idée que la science soit le fruit d'une circulation entre expérience et théorie apparaît comme une opération de réduction-conceptualisation qui n'explicite pas l'épaisseur des pratiques, des connaissances et de leurs interprétations, toutes nécessaires pour passer d'un pôle à l'autre : on ne naît pas physicien, on le devient, et après de longs apprentissages de savoir-faire et de méthodes, qui renvoient à autant de gymnastiques combinatoires qui relèvent de la technique. Il s'ensuivrait que la relation de cette dernière avec la science ne relève pas de l'application ou du moyen pour arriver à une fin : théorie, expérience et technique constitueraient trois catégories difficilement dissociables (sinon à repenser).

Pour le dire autrement, les choses de l'intellect que nous manipulons et concevons aujourd'hui renouvelent nos épistémologies (ex. : climatologie). Il est probable qu'un tel phénomène ne soit pas lié à l'internet, mais qu'il date d'au moins un siècle et demi. Un tel constat semble fort profitable pour comprendre le monde actuel : pour réaliser une philosophie du contemporain. La philosophie de la technique ne serait pas alors une philosophie d'un sous-objet, mais le détour indispensable pour penser la philosophie.

Reste une dernière question, paradoxale. Comment se fait-il que la technique, point d'entrée essentiel pour penser la pensée soit autant le support de croyances, comme nous le constatons au sujet de l'internet? Cette antinomie vaut aussi pour les utilitaristes et nous voyons là un point d'entrée pour préciser l'entrelacs des formations discursives qui nous structurent, y compris dans le domaine de la philosophie, et pour les mettre en correspondance avec nos imaginaires.

2.3  Public

Cette journée est ouverte à tous. L'acuité du thème et sa relative exposition invitent à le traiter autant de façon théorique que par le biais d'exemples précis. Nous garantissons que les intervenants auront à coeur d'exprimer leur pensée en termes clairs, sans faillir à la rigueur philosophique.

2.4  Venir à l'Enssib

Quatre plans valant mieux qu'un...

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Nous remercions les auditeurs de s'inscrire en ligne afin de faciliter la tâche des organisateurs.

Page créée le 2 juin 2011, modifiée le 13 novembre 2011