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Séminaire
internet de Sciences-Po
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Napster constitue aujourd'hui véritablement "l'affaire" sur internet.
En effet, selon la définiton exacte du terme affaire, Napster
a créé à la fois un scandale, a entraîné
une révolution dans l'univers du Web. Il suffit pour cela de lancer
la requête Napster dans n'importe quel moteur de recherche pour se
rendre compte du retentissement de cette affaire dans l'univers du Web
et de la distribution musicale.
Ainsi, avant l'apparition de Napster,
la diffusion de la musique sur internet répondait à trois
alternatives: le modèle traditionnel de la VPC qui ne tient pas
compte des énormes potentialités du Web, le téléchargement
illégal sur des sites non autorisés de fichiers MP3 ou encore
le téléchargement autorisé, payant mais franchement
inefficace proposé par les distributeurs de musique. Dans cette
perspective, Napster constitue à la fois une révolution technologique
et commerciale.
Lorsqu'on installe Napster (dont
le téléchargement est gratuit pour l'instant sur leur
site), voilà ce qu'on peut voir:
Napster ne sert donc que de passerelle
pour acheminer le fichier entre les ordinateurs des 2 internautes. Toute
l'originalité du système réside dans ce principe.
C - Napster ou la révolution du Peer2Peer: De plus, ce système, conforme à l'idéologie dominante sur internet selon laquelle l'information doit circuler gratuitement et librement, se passe de tout principe marchand. De la même façon, alors que le téléchargement de Napster pourrait être payant, il est disponible gratuitement sur de nombreux sites. Ainsi, il n'existe plus aucun moyen de rémunérer les producteurs et les artistes. Napster a donc très vite été interprété comme la fin de tout: la fin du copyright, donc des bénéfices, donc de l'industrie du disque. La plupart pensent, en toute logique, que si un morceau de musique peut être écouté gratuitement, aucun consommateur ne serait assez stupide pour continuer à l'écouter en payant.
En moyenne, il y a plus de 640 000 utilisateurs de Napster en ligne à tout moment. Par exemple, selon l'AFP, Napster a généré 1.39 milliards de téléchargements en Septembre. Donc, en considérant les moyens
actuels de diffusion musicale sur l'internet, Napster, en se fondant sur
la logique du peer2peer, constitue une véritable révolution
qui a une portée à la fois technologique, commerciale mais
aussi sociale et culturelle, dans la mesure où ce
logiciel a modifié très rapidement et à une échelle
sans précédent le comportement du consommateur en matière
musicale .
II - LE
PROCES : NAPSTER FACE A L'INDUSTRIE DU DISQUE:
En décembre 1999, la RIAA (Recording Industry Association of America) qui regroupe les "5 majors" de l'industrie musicale (Sony, EMI, Virgin Tech, Universal et BMG)a porté plainte contre Napster pour "violation des droits d'auteur".A- Napster, un procès qui n'est toujours pas terminé: En Juillet dernier, un tribunal d'instance, présidé par le juge Marilyn Hall Patel et pour qui "Napster était un monstre destiné au piratage massif", avait sommé la société Napster d'interdire le trafic de fichiers soumis au copyright sur son site - autrement dit, l'avait condamnée à fermer boutique. Quelques heures avant son application, cette injonction avait été suspendue par une première cour d'appel de Californie, afin de laisser le temps aux deux parties de développer leurs arguments, ce qu'ils ont fait durant le mois d'octobre. On peut rapprocher l'argumentation des avocats des deux parties à celle qu'on a rencontré dans de précedentes affaires touchant au copyright.B - La défense des deux parties s'appuie sur des logiques contradictoires: La RIAA accuse Napster d'offrir un service qui "facilite le piratage de la musique à une échelle sans précédent". Pour eux, l'activité de napster s'apparente à du vol de droits d'auteurs, "une piraterie généralisée". La juge fédérale Marilyn Hall Patel avait d'ailleurs déclaré que Napster était "un monstre à l'origine d'un dommage commercial évident". Pour Russel Frackman, le représentant de la RIAA, la compagnie a été créée pour "échanger de la musique piratée".1 - Les avocats de la RIAA appuient leur argumentation sur le respect de la propriété intellectuelle: Ces arguments s'appuie sur des chiffres significatifs:
Par conséquent, l'argumentation
des grandes "majors" de l'industrie musicale repose sur la responsabilisation
de Napster quant à l'usage illégal qui en découle
et sur l'impact négatif qu'il entraîne sur tout le marché
du disque.
"Ce qui est sûr" affirme Robert Atkinson, le représentant d'une cellule de réflexion de Washington qui a offert sa médiation dans l'affaire, " C'est que les utilisateurs de Napster, en majorité, enfreignent la loi. C'est plus difficile d'être aussi affirmatif pour la société elle-même".2 - En revanche, la défense de Napster s'appuie sur une "déresponsabilisation" de la société: Devant les juges, David Boies a ainsi fait valoir que les clients de Napster n'étaient pas engagés dans une quelconque activité commerciale ou illégale. Parce que son logiciel ne fait que mettre en rapport des utilisateurs qui copient ensuite les morceaux sur leurs disques durs, Napster ne s'estime pas responsable des actions "de millions de personnes qui veulent écouter librement de la musique". Selon la société, Napster se contente de mettre en relation, gratuitement, des particuliers entre eux, ce qui leur permet de réfuter toute demande de rémunération des artistes et producteur pour diffusion publique de leurs oeuvres. Argumentation qui n'est pas dénuée d'une certaine mauvaise foi, mais qui fait mouche auprès d'un nombre croissant d'internautes et d'observateurs, y compris dans l'industrie musicale. Les avocats de Napster s'appuient sur le Digital Millenium Copyright Act, "selon lui, les fournisseurs d'accès comme AOL ou Earthlink ne peuvent être poursuivis dans le cadre de la régulation sur les droits d'auteur, car ils ne peuvent pas contrôler ce que font ceux qui surfent sur le Web,explique Dan Wool, le porte-parole de Napster à Los Angeles,Nous entrons exactement dans ce cas de figure. Nous ne stockons pas de fichiers musicaux, nous ne les vendons pas, ni ne les échangeons. Nous mettons tout simplement en contact des gens qui font ce qu'ils veulent de leur musique. Il n'y a là rien d'illégal". Des partisans de Napster estiment que cette affaire est semblable à l'affaire Betamax, dans laquelle l'industrie du cinéma avait affirmé que l'utilisation de cassettes video aboutissait à des violations de droits d'auteur. En 1984, la Cour Suprême des Etats-Unis avait décidé que copier des programmes pour un usage personnel ne violait pas les droits d'auteur, et que les fabricants de magnétoscopes ne pouvaient être tenus pour responsables des violations de droits d'auteur. Les avocats de Napster font également référence au cas Sony, et espèrent qu'il fera jurisprudence dans ce cas précis: David Boies déclare ainsi "Il s'agit d'une situation où le nombre d'utilisations non frauduleuses augmente au moment même où nous parlons".Ils s'appuient sur la notion de fair use (juste utilisation): ce concept porte l'idée que que tout individu peut reproduire un oeuvre soumise aux droits d'auteur pour une juste utilisation. Ainsi, et c'est ce qui s'est passé dans le cas Sony, à partir du moment où l'on prouve qu'il existe une utilisation non frauduleuse, on ne peut l'interdire sans interdire cette utilisation juste. Napster fait également référence, pour sa défense à une loi sur le copyright, l'Audio Home Recording Act, qui défend la possibilité pour les consommateurs de poster et de télécharger des chansons gratuitement en ligne aussi longtemps qu'ils ne tirent pas profit de leur activité. Il faut par ailleurs noter que Napster bénéficie d'un fort capital sympathie auprès du public, ce qui est accentué par le soutien de certains artistes à Napster. Par exemple, Prince ou Courtney Love, la chanteuse du groupe Hole juge qu'il faut "laisser les adolescents faire ce qu'ils veulent sur l'internet"et que "les vrais voleurs sont les compagnies de disques qui prennent des pourcentages effrayants aux chanteurs". De même, des réactions violentes face à l'action en justice de Metallica peuvent être signalées: certains utilisateurs ont lancé un appel au boycott voire à un autodafé des disques du groupe. Aussi, un groupe de hackers américains a appelé au boycottage d'une compétition, organisée à l'initiative de principales maisons de disques américaines le 7 octobre dernier, qui les mettait au defi de "craquer" 6 fichiers moyennant une prime de 10 000$. "Je ne ferai pas le sale boulot" a lancé un hacker. Enfin, on peut signaler que Napster dispose également d'études qui mettent en évidence la corrélation entre l'utilisation de Napster et l'augmentation des ventes de CD. Le cabinet américain Jupiter Communications montre que les utilisateurs de Napster ont 45% de plus de chances d'accroître leur budget musical que les non-utilisateurs. Cette étude s'appuie une enquête menée auprès de 2 000 internautes: les résultats sont clairs, aucun d'entre eux n'a réduit ses dépenses, ceux qui ont dépensé moins de 20$ sur une période de 3 mois ont également peu téléchargé et ceux qui téléchargent davantage ont vu leur dépenses augmenter. Ainsi, il semble que plus on télécharge, plus on achète. Les multiples rebondissements du
Procès Napster montrent que cette Affaire fait appel à deux
logiques complètement contradictoires et met en évidence
un dangereux flou juridique à ce sujet: on observe ainsi des références
au droit de la propriété intelectuelle mais aussi à
des jurisprudences sur des révolutions technologiques similaires
(cassette audio et video).
III - Le
récent accord entre Napster et la major Bertelsmann suscite un espoir
quant au réglement définitifde l'affaire mais présente
de nombreuses limites à la fois du côté des maisons
de disques que des napsteriens:
Le 31 octobre est annoncée une prise de participation du géant européen de la musique Bertelsmann dans le service de logiciel de musique Napster.A - L'accord, bien qu'encourageant, semble relativement flou: Les deux parties restent très floues sur cet accord: - Dans son communiqué , Napster parle d'alliance stratégique, de système d'abonnement payant, de consultation des utilisateurs, d'offres promotionnelles gratuites. Aucun autre détail n'est précisé. - Celui de Bertelsmann n'est pas plus détaillé. On y retrouve les mêmes informations que dans le communiqué de Napster, en un peu plus long mais guère plus informatif . Le service de nouvelles News.com mais aussi CNet a été le premier à offrir quelques détails, sous toutes réserves, citant des "sources proches de la transaction". D'après ces deux sites, Bertelsmann aurait prêté environ 50 millions de dollars à Napster pour financer un protocole sécurisé (ce qui signifie un protocole qui empêche la copie non autorisé de fichiers MP3) et payant de diffusion des fichiers musicaux. En contrepartie, Bertelsmann s'assure une participation à hauteur de 58% dans Napster. Bertelsmann serait à l'abri d'une trop grande dissolution du capital de Napster si cette dernière trouvait d'autres partenaires. pour sa part, Napster ne peut utiliser le produit de cette entente pour payer les avocats qui la défendent dans les différentes poursuites intentées contre elles. BMG promet ensuite d'abandonner toute poursuite à l'encontre de la société californienne, et de tenter de convaincre les autres acteurs de l'industrie d'adopter ce "napster sécurisé", condition indispensable à la viabilité du système, qui se doit de proposer un choix autrement plus important que le seul catalogue BMG. On assiste donc le 31 octobre à une scène touchante lors de la présentationde l'accord à la presse: avant de tomber dans les bras de Thomas Middelhoff, le Patron de BMG, Shawn Fanning, le créateur de Napster déclare: "Si vous pensez que Napster est génial, attendez voir, ça ne fait que commencer!". Le PDG de BMG déclare à son tour: "Le partage de fichier pair-à-pair a capturé l'imagination de millions de personnes à l'échelle mondiale, avec sa facilité d'utilisation, la sélection globale du contenu, et la caractéristique de la communauté. Napster a pointé une nouvelle direction pour la distribution musicale, et nous croyons que ceci formera la base de nouveaux et excitans modéles commerciaux pour le futur de l'industrie musicale. Nous invitons les autres maisons de disques, distributeurs, artistes et autres membres du secteur à participer au développement d'un sevice sécurisé fondé sur l'abonnement.". de son côté, Hank Barry, le PDG de Napster affirme: Cette alliance stratégique avec Bertelsmann est une étape normal pour Napster. La communauté Napster, qui est celle qui augmente le plus vite dans l'histoire de l'internet, bénéficiera énormément de l'engagement historique de Bertelsmann dans l'innovation et de son expérience". On parle d'un abonnement de l'ordre de 4,95$ (environ 38 francs). Pourtant, ce surprenant rapprochement entre l'industrie du disque et l'enfant terrible de la musique en ligne a tout du marché de dupes, tant sont nombreux les problèmes qui attendent les deux nouveaux partenaires.
B - Cet accord présente des limites à la fois techniques, juridiques et commerciales qui mettent endoute sa viabilité: Les déboires du SDMI consortium s'évertuant à trouver un format sécurisé pour la distribution de musique en ligne, sont là pour le prouver. En effet, rien ne permet d'empêcher l'abonné qui a légalement téléchargé une oeuvre de la distribuer ensuite gratuitement par d'autres canaux. Dès lors, ledit abonné peut copier le morceau d'un clic et le mettre à disposition n'importe où sur le Web. Depuis la mi 99, les majors , grâce au SDMI, un consortium réunissant 180 membres des grands de la musique, et à une flopée d'entreprises de haute technologie, travaillent sur un format complètement sécurisé: pourtant, et c'est le défi auquel je faisais allusion précédemment, des chercheurs de la Silicon Valley ont réussi à dévérouiller le système. Ensuite, l'adoption d'un format sécurisé, donc plus lourd à manipuler, risque de rendre caduc l'argument de simplicité avancé par Napster.
On peut déterminer un autre obstacle de taille, économique celui-là: comment convaincre 4 majors de tenter l'aventure alors que la cinquième est majoritaire chez Napster? Par exemple, le groupe Universal ne manifeste aucune intention de se joindre à l'accord. Pour Michael Robertson, cela relève de l'impossible: "certains vont définitivement faire la grimace quand ils s'apercevront que BMG est décisionnaire, qu'il a la possibilité de contrôler la façon dont le contenu est positionné au sein du service" a-t-il glissé à CNet.
Il suffit de se promener sur les forums de discussion en ligne pour mesurer la violence des réaction des adeptes de Napster: la plupart estiment que les dirigeants de Napster se sont "vendus à un groupe capitaliste". "Qu'allez vous faire quand vous commencerez à être payants, que 95% de vos utilisateurs iront voir ailleurs et que les quelques clients restants ne trouveront pas ce qu'ils cherchent?" demande ainsi un internautre sur le forum de Napster. Certains utilisateurs crient à la trahison :"c'est comme une drogue: au débue, le revendeur te la donne gratuitement puis quand tu deviens accro, tu la paies". Certains sites se sont mêmes créés pour dénoncer l'alliance. "C'est la fin de Napster. Il est tout bonnement impossible de faire payer un système sécurisé alors que la maison d'à côté propose la même chose gratuitement" prophétise de son côté Robertson, en faisant référence aux nombreux autres systèmes de P2P comme Gnutella, Freenet, Scour... De plus, d'ores et déjà, ces programmes et quelques autres proposent d'échanger cette musique sans frais. Pire pour les majors, ceci n'émane pas d'une entreprise identifiée et attaquable en justice. Il s'agit de logiciels décentralisés, mis en oeuvre par les internautes eux-mêmes selon les nouveaux modèles open source. Certes, aucun de ces logiciels, pour l'instant, ne rend un service aussi parfait que Napster: Freenet est un peu compliqué à utiliser; Gnutella a tendance à planter quand trop d'internautes se connectent. Et aucun n'a encore atteint la masse critique d'utilisateurs de Napster, seule garante d'un choix illimité de musique. De plus, après les fichiers son, on peut s'attendre au développement du peer-to-peer pour l'échange de vidéos clips, voire de films entiers. En conclusion, on peut dire que le
bras de fer juridique autour du site d'échange de fichiers musicaux
Napster devrait avoir un impact profond sur la diffusion musicale et la
propriété intellectuelle.
Bibliographie:
Il n'existe pas encore d'ouvrage sur l'affaire elle-même mais
la presse, notamment en ligne, fourmille de dossiers et d'analyses interessantes
sur la question.
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