"LAISSEZ FAIRE LAISSEZ PASSER" (GOURNAY)
par

Nicolas HAGEN

Séminaire internet de Sciences-Po
(Paul Mathias)
2000/2001


AVANT-PROPOS:

La maxime "laissez faire, laissez passer" est apparue au XVIIIeme siècle avec Vincent de Gournay et a été reprise par la suite par les tenants du libéralisme économique. Gournay n'a jamais occupé de grandes fonctions, ni écrit d'ouvrages; il a cependant exercé une influence très réelle sur son temps mais aussi sur le nôtre puisque l'expression qu'il a inventée est passée à la postérité. Cependant pour saisir la portée de cette expression, il faut connaître le contexte dans lequel elle a été élaborée. Le principe dirigeant du gouvernement au milieu du XVIIIeme siècle était que rien ne pouvait échapper à la protection royale, si bien que pratiquement aucun secteur de l'économie n'était soumis à la concurrence. C'est en réalité Gournay qui le premier dénonça les privilèges acquis par les monopoles et l'inefficacité des réglementations (qui ne permettaient pas de supprimer les famines). Avec Quesnay et les physiocrates, Gournay peut être considéré comme un des fondateurs de l'économie politique. Leur idée principale, en opposition avec celles des mercantilistes, est que la circulation des biens et des marchandises doit être libre et que toute entrave à la circulation des richesses limite la croissance de l'économie.Cet adage fonde en réalité la pensée économique libérale qui fait confiance aux mécanismes spontanés du marché.

Le développement de l'Internet a souvent été perçu comme une illusration, une révélation de la montée en puissance du libéralisme au cours de ces dernières années. Dès lors, les possibilités offertes par les réseaux en matière de circulation de l'information, de développement économique et finalement de création de valeur, permettent-elles de se rapprocher de ce que les libéraux ont appelé "l'économie rêvée", celle qui permettrait la circulation des richesses optimale? En un mot, le" laissez faire, laissez passer" constitue-t-il l'idéologie unique et la règle générale de fonctionnement de l'internet ?

I. "Laissez faire, laissez passer": une idéologie qui préside au fonctionnement de l'économie sur l'Internet?

A. Le fonctionnement économique de l'Internet: une Bourse gigantesque et incontrôlée?

C'est un truisme que d'affirmer que le fonctionnement spécifique de l'Internet met pratiquement fin aux frontières traditionnelles et permet une circulation accrue des biens et des services mais aussi de flux financiers et d'informations. Voyons cependant comment le fonctionnement même de l'Internet semble permettre à l'économie de se rapprocher du modèle de concurrence pure et parfaite, celui d'une économie transparente.

- Le fonctionnement de l'Internet semble être caractérisé par l'existence d'un "commissaire-priseur" tel que l'avait défini Walras, à la fin du XIXème siècle. Celui-ci considérait que l'équilibre entre l'offre et la demande sur les différents marchés est assurée par le "commissaire priseur" qui, par "tâtonnements" ajuste les prix, à l'image du fonctionnement de la Bourse. Apparues aux Etats Unis avec Ebay.com, les sites de "ventes aux enchères" (C to C) se sont multipliés sur le Net. Véritables plate-formes de transactions électroniques, ces sites ont pour objet l'optimisation de la relation entre l'offre et la demande, mettant fin au principe des "prix fixes", introduits par la grande distribution. Les sites d'enchères collectives sous forme d'achat groupés (plus y a d'acheteurs, plus le prix baisse) se développent de la même façon. Certains sites se sont spécialisés dans la recherche des meilleurs prix tels que bravonestor.com, obligeant les distributeurs à aligner leurs prix.

- Une plus grande mobilité des facteurs de production: 
L'information sur le marché du travail circule plus vite et plus efficacement grâce aux réseaux. De nombreux sites se sont développés en proposant du recrutement en ligne ou en servant d'intermédiaire entre les entreprises et les personnes cherchant un emploi. Il suffit de déposer son CV et d'attendre une sollicitation ou bien répondre à une offre déposée par un entreprise. De même, de nombreux services se sont développés sur les réseaux dans le conseil aux entreprises, rendant plus "proche" le client du fournisseur: consultants en ligne. De la même façon, des individus, souvent chinois ou indiens, ont la possibilité de travailler en ligne pour des sociétés américaines de la Silicon Valley (évacuant donc les problèmes d'obtention de visas).

- Le développement économique de l'Internet consacre également l'importance du rôle conféré à l'entrepreneur dans l'économie du laissez faire. L'entrée de nouvelles entreprises sur l'Internet semble illimité, accroissant la concurrence et semblant mettre fin aux oligopoles de l'économie traditionnelle. L'exemple de la multiplication des sociétés de courtage est significatif: boursorama.fr, selftrade.com
Peut-on en outre considérer que l'entrée de nouvelles entreprises menace l'existence des détaillants traditionnels? Une chose est sûre , c'est que la concurrence s'est accrue. Selon une étude de Verdict Research, les sites marchands présents au Royaume-Uni ne seraient pas en train de faire grossir le marché de la vente au détail mais plutôt de réduire les parts de marchés et les marges des détaillants traditionnels et des vépécistes. Ainsi, de nombreuses PME profitent du développement des réseaux pour se développer sur des secteurs spécifiques: la vente de produits bio par exemple qui connaît en engouement exceptionnel. La conclusion de l'étude revient à dire que la meilleure défense étant l'attaque, les détaillants traditionnels doivent eux aussi vendre en ligne, ce qui est le cas de plus de 60% des 100 premiers détaillants anglais, et ce malgré les enjeux logistiques et la nécessité de rogner sur les marges pour être compétitifs en ligne. En effet, les intermédiaires sont moins nombreux, ce qui permet, par effet de bascule, de baisser les prix. Les grands groupes de distribution s'adaptent donc au commerce en ligne en développant des filiales: en France, Carrefour et sa filiale Ooshop.fr et Cora avec Houra.fr .

- Un consommateur favorisé par la multiplicité des services qui lui sont offerts:
L'entrée de nouvelles enteprises a permis l'éclosion de nombreux services destinés au client-consommateur : ainsi sur certains sites, les consommateurs peuvent donner leur avis sur des produits de grande consommation après les avoir essayés, tandis que de nombreux services se développent tels que la "question payante" où la réponse est fournie par un expert.

- L'idéologie du "laissez faire laissez  passer" sur l'Internet trouve d'ailleurs ses défenseurs les plus acharnés sur les réseaux. L'espace de l'Internet peut également être appréhendé comme un espace privilégié, parmi d'autres certes, de la promotion du laissez faire dans l'économie "réelle" ou non. Le fonctionnement spécifique des réseaux est alors instrumentalisé par les défenseurs du libéralisme économique afin de tenter de diffuser ces idées le plus largement possible. Plusieurs sites, hebergés essentiellement aux Etats-Unis, se présentent comme des défenseurs acharnés du libéralisme économique et du laissez faire dans toutes ses formes. Ceux-ci peuvent être considérés comme anarcho-libertariens et condamnent toute intervention discrétionnaire des administrations. Pour eux, le laissez faire est une norme naturelle et morale qui s'impose à la raison (celle-ci étant une "arme" contre le "collectivisme"...). Ce site permet l'hébergement d'autres sites voués à la cause libérale et au primat de la relation marchande. D'autres sites, défenseurs au même titre que les précédents du laissez faire, sont exclusivements consacrés à la vente de livres à la gloire du libéralisme économique, appliquant donc à la lettre les principes qu'ils vantent!. On ne trouve que des ouvrages d'économistes tels que Milton Friedman ou Fridriech Hayek, ou encore d'auteurs moins contemporains comme Adam Smith ou Ricardo. 

B. Les problèmes qui découlent du développement commercial de l'Internet ne remettent finalement pas en cause le principe du laissez faire, laissez passer sur les réseaux.

a. L'Internet et la vente d'objets prohibés: l'affaire Yahoo

L'affaire Yahoo qui été sur le devant de la scène ces dernières semaines est révélateur des possibilités qu'offre l'Internet en matière de liberté d'achat puisqu'il était possible pour des internautes français de commander des objets nazis en ligne (ce qui n'est d'ailleurs pas interdit par le Code Pénal). La décision du du juge français de contraindre Yahoo à interdire l'accès à ces pages aux internautes français ne constitue pas en soi une atteinte au principe du laissez faire qui domine sur les réseaux, puisqu'il est toujours possible techniquement d'y accéder via un serveur étranger.  L'affaire rebondit cependant avec l'instruction d'un enquête à l'encontre de Yahoo Allemagne soupçonné d'avoir proposé dans son service de vente aux enchères le livre d'Adolf Hitler "Mein Kampf", interdit dans le pays. Cette enquête de la justice allemande intervient alors que la police japonaise a perquisitionné la semaine dernière dans les bureaux de Tokyo de Yahoo, dans le cadre d'une enquête sur la vente en ligne de vidéos pédophiles, via le site Yahoo Auction. 

Si d'autres sites, tels que eBay.com et Amazon.com ont devancé les actions en justice, en filtrant ou retirant de la vente leurs contenus pouvant inciter à la haine raciale ou au révisionnisme, on peut s'interroger de l'efficacité d'une telle mesure. En effet, eBay dispose ainsi d'une technologie capable de reconnaître un navigateur en langue française, et de lui interdire l'accès aux ventes interdites par la loi en France. Amazon, de son côté, utilise une technologie propriétaire qui repère les adresses d'expédition françaises et empêche les ventes d'objets qui violent la loi nationale, affirme un porte-parole du géant de la vente en ligne. Le centre Wiesenthal en Allemagne, une puissante association de lutte contre l'antisémitisme, s'était en effet indigné d'avoir pu acheter un exemplaire de ãMein Kampfä sur Amazon.com, et d'avoir été ensuite relancé par le libraire lui proposant d'acquérir des ouvrages dans la « même catégorie ».

b. la concurrence "déloyale" des "clicks and mortars":

Les fabricants de parfums ont tout dernièrement lancé une offensive contre des sites marchands qui proposent leurs produits en ligne. Certains sites, comme Parfumsnet ou Gift.be , qui vendent des produits l'Oréal ou Yves Saint Laurent en ligne ont été poursuivis en justice par ces grands groupes, qui invoquent  la règle de la distribution sélective (le fabricant pouvant choisir de ne vendre ses produits que par le biais de distributeurs répondant aux critères qu'il impose). 
A la suite d'une procédure en référé d'Yves Saint-Laurent Beauté, bientôt suivie par une quinzaine d'actions similaires (lancées notamment par L'Oréal), Parfumsnet avait décidé de fermer son site français, tout en continuant à vendre les produits, même à des consommateurs français, sur ses sites espagnol et italien. Mais à la suite d'une nouvelle action de L'Oréal (neuf procédures différentes lancées par neuf filiales du groupe français, selon Patrick Raibaut, le PDG de Parfumsnet), la société a décidé "d'interrompre momentanément" la vente de parfums et produits cosmétiques aux consommateurs français depuis son site espagnol. 

De son coté, le site belge de vente de cadeaux en ligne Gift.be s'est vu ordonner par Yves Saint Laurent Beauté de cesser lui aussi la vente de ses parfums. Gift.be avait ajouté en septembre une gamme parfums à sa boutique en ligne, soit 80 produits de toutes marques (YSL, Dior, L'Oréal, Azzaro...). Selon Gift.be, YSL lui reproche de ne pas faire partie de son réseau de distribution sélective et de porter atteinte à sa marque. 

On peut s'étonner cependant de ces interdictions puisqu'il est possible de commander des parfums sur des sites américains qui livrent en Europe. On peut par exemple commander le parfum Opium, l'une des marques d'YSL, sur Fragrance.net (frais de livraison pour la France : 13,95 dollars) ou 99perfume (frais de livraison : 26,95 dollars). 

Si la disparité des législations en Europe tend à se réduire, permettant une application plus ou moins uniforme du droit en ce qui concerne le développement de l'Internet, le problème du laissez faire n'en est pas transformé puisque ces accords réglementaires ne concernent pas encore les autres continents. L'idée d'une législation mondiale et commune semble dès lors bien utopique.

II. Si l'Internet semble permettre une plus grande transparence de l'économie qu'il faut nuancer cependant, le fonctionnement de l'économie sur les réseaux n'est pas fondamentalement différent de ce qu'il est dans le monde "réel".

A.Une économie plus transparente mais dont le fonctionnement n'est pas "pur et parfait".

- L'entrée de nouvelles entreprises sur l'Internet comme celles du courtage en ligne est un phénomène qui risque - peut-être pas de s'arrêter dans les années qui viennent - mais de provoquer en tous cas des regroupements, puisqu'on peut difficilement imaginer qu'elles deviennent toutes rentables à terme. Seules 5 ou 6 d'entre elles  pourront survivre, comme dans l'économie dite "réelle". On assistera donc à des rachats, des fusions et des faillites, ce qui est déjaà le cas dans d'autres domaines.

- Les prix et la concurrence:
Des plates-formes marchandes se mettent en place, à l'image des cartels dans l'économie réelle qui peuvent s'entendre sur les prix: ainsi, à partir du 5 décembre, sept sites marchands vont se réunir dans une webring intitulée "Les marchands de Noël". Le principe est simple : des sites se rassemblent pour conforter leurs ventes au moment des fêtes de fin d'année. En créant un réseau, ils espèrent bénéficier du trafic des uns et des autres. Cette idée, lancée par BlackOrange, spécialisé dans la vente de logiciels sur Internet, fédère sept sites marchands: Rouge & Blanc, Chapitre, ZChocolat, Digital Shopping, Music Box, BlackOrange et MilleMercis.

- Certaines entreprises telles qu'Amazon pratiquent des discriminations à l'égard des clients selon qu'ils sont des clients habitués ou selon qu'ils surfent sur le site pour la première fois. En outre, si les prix sont dans l'ensemble tirés à la baisse par le phénomène de concurrence introduit par les réseaux, il existe cependant de forts cloisonnements. Cette concurrence est finalement sélective (de grands écarts de prix entre des produits selon les sites). Mais le consommateur est toujours libre de comparer et de rechercher les prix les plus bas. Son avantage réside ici dans la réduction des coûts de prospection que permetttent les réseaux.

B. Si l'Internet permet une plus grande transparence de l'économie, la relation commerciale qui prévaut sur les réseaux n'est pas fondamentalement différente de ce qu'elle est dans le monde "réel".

- Si l'Internet permet d'accroître la diffusion de l'information économique et les transactions commerciales (grâce aux fonctionnement même des réseaux, comme nous l'avons vu), les relations économiques, si elles sont modifiées, ne sont pas fondamentalement différentes de celles qui existent dans le monde réel. L'existence de liens entre l'Internet et le monde économique "réel" est inévitable, l'économie et ses fondements restant ce qu'ils ont toujours été, une relation d'échange. 
Ce qui n'est pas nouveau donc c'est le moteur de ce système : l'attrait de gains pour chaque acteur. Seul l'intérêt individuel potentiel explique ce développement. Du créateur aux boursicoteurs en passant par les consommateurs et les business angels, chacun pense retirer un avantage substantiel de son implication dans le Net économie. Le créateur, celui qui a une idée, est motivé par la perspective de gagner de l'argent par l'expansion de son entreprise, par celle des stock-options et par celle d'une revente future. Les boursicoteurs espèrent effectuer rapidement des plus-values. De même, le développement du commerce électronique s'explique pour partie par la volonté des consommateurs de tirer partie de la concurrence qui s'exerce sur l'Internet et de la baisse des prix qui s'ensuit.

Au total, si des mutations touchant tous les acteurs de l'économie se produisent (repositionnement des entreprises face à l'apparition de nouveaux besoins, reconsidération du consommateur), les modèles de développement des start-up, la recherche de son intérêt par chaque agent économique et l'importance de sphère financière ne sont pas des éléments spécifiques à la Net économie, et ne sont pas nouveaux. En ce sens, la Net economy, loin d'être une "new economy", modifient le fonctionnement de l'ensemble de l'économie, en la rendant plus transparente, mais n'introduit pas de nouvelles "relations" sur les réseaux.
 

III. Si le "laissez faire, laissez passer" préside le fonctionnement et le développement du commerce sur l'Internet, la question de la monnaie et de la fiscalité deviennent essentielles. 

A. Les garanties économiques du commerce électronique:

Le développement du commerce électronique ne peut passer que par une sécurisation des transactions afin que l'achat de biens ou de services puisse être débité ou crédité conformément à l'opération effectuée. Cette sécurisation peut prendre deux formes: soit l'utilisation sécurisée des moyens de paiement traditionnels, soit l'utilisation de la monnaie électronique qui n'est pas sans soulever des questions essentielles.

La question de la sécurisation des transactions (qui est d'ailleurs un enjeu éconmique majeur sur les réseaux!) prend de plus en plus d'importance pour les cyberconsommateurs.Une enquête américaine réalisée par la Software & Information Industry Association révèle que 60% des logiciels en vente sur les sites d'enchères seraient des copies illicites. Ce résultat a été obtenu en observant entre le 15 et le 20 août les enchères en cours sur trois grands sites américains : eBay, Excite Auctions et ZDNet Auctions. Sur 221 ventes répertoriées, concernant une vingtaine de marques de logiciels, 109 étaient clairement en infraction avec la loi, 40 douteuses et seulement 72 apparaissaient légales. Certains logiciels vendus plusieurs centaines de dollars dans le réseau de distribution traditionnel étaient ainsi proposés pour quelques dizaines de dollars. 
Pour faire face à ce risque et garder la confiance des consommateurs, les sites de ventes aux enchères doivent pratiquer un système de notation des vendeurs, afin que les internautes puissent juger de leur fiabilité et de leur honnêteté. 

Autre point, la souscription à des services d'assurance pour couvrir les risques lors de l'échange de produits: la société d'assurance FIA-NET est spécialisée dans la gestion des risques liés au commerce électronique. Elle vient de lancer des contrats d'assurances à destination des cyber marchands pour les garantir contre la fraude (comptes en opposition, fausses informations bancaires) et les pertes financières liées (impayés) ainsi que d'autres problèmes pouvant survenir dans le cadre de leur activité sur Internet : problème d'hébergement, désaccord avec des partenaires, etc. Les marchands adhérents seront repérés par un logo explicite sur leur site et les cyberconsommateurs seront garantis, gratuitement et automatiquement, contre tout problème pouvant survenir lors d'un achat sur l'un de ces sites : détournement de fonds, usage frauduleux du numéro de carte ou des informations bancaires.

Une autre solution a été développée par la société suédoise Telia qui propose un logiciel permettant la facturation par l'intermédiaire de la facture téléphonique. D'autres sites ont décidé d'apporter directement le terminal de paiement au client lors de la livraison du produit commandé.

- Enfin, afin de rassurer les cyberconsommateurs, le gouvernement français a inauguré il y a quelques jours  un centre de surveillance du commerce électronique. C'est Marylise Lebranchu, nouveau ministre de la justice, qui a inauguré un tout nouveau centre de surveillance dans le e-commerce. Géré par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ce site visera donc avant tout à informer les consommateurs en ligne. Ils pourront notamment porter réclamation s'ils estiment avoir été victimes d'une fraude. Le centre disposera de 5 contrôleurs pour assister les cyberconsommateurs. 

B. Les problèmes posés par l'usage de la monnaie électronique:

Plus sûre que les moyens de paiement traditionnels, elle a l'avantage de réduire les coûts de traitement pour les banques. Si l'on peut affirmer sans grand risque que le développement de la monnaie électronique - significatif certes - ne permet pas d'envisager à court terme une substitution aux dépens des moyens de paiement traditionnels, certains auteurs n'hésitent pas à sombrer dans le catastrophisme. Ainsi, certains analystes du Web n'hésitent pas à évoquer la disparition de l'Etat en raison d'un usage croissant de la monnaie électronique. "L'apparition des points de fidélisation sur le Web est comparable à la naissance de véritables monnaies privées. Or les Etats ne semblent pas avoir pris la mesure du danger. Car en se substituant aux devises publiques, ces monnaies privées sont en mesure de déséquilibrer les budgets des Etats et à terme, de menacer leur propre existence". 
Le principe des points de fidélité n'est pas véritablement une nouveauté. Utilisés par les compagnies aériennes sous formes de "miles" pour offrir des voyages gratuits à leurs meilleurs clients, ces systèmes ont naturellement fait leur apparition sur le Net à mesure que se développait le commerce électronique. Or, à l'image de "beenz", une société britannique, certains ont eu l'idée de mutualiser leurs points entre plusieurs marchands. Ainsi, un bon client d'une compagnie aérienne recevra des "beenz" plutôt que des "miles" et pourra les dépenser dans les entreprises acceptant cette véritable monnaie privée. Or plus le réseau Beenz (mais il y en a d'autres) se développe, plus les consomateurs ont le sentiment qu'ils disposent d'une véritable monnaie d'échange. L'auteur n'hésite pas d'ailleurs à affirmer que si les banques acceptent ces moyens de paiement, "il en sera peut être fini des dollars ou des euros..."

Pour catastrophistes qu'ils soient, ces arguments ne peuvent être écartés du débat sur l'utilisation de la monnaie électronique, d'autant que les autorités américaines et européennes s'opposent à la réglementation. "Ce serait une erreur de dicter au marché la bonne solution". affirme M. John Medeiros, Ministre-Conseiller près l'Ambassade des États-Unis en France, Chargé des Affaires Économiques 

C. Une taxation future des transactions sur l'Internet?

Les possibilités offertes par les réseaux mettent à jour la disparité des systèmes de fiscalité entre les pays ou même entre les régions, que ce soit en termes de taux de TVA et de taux d'imposition des personnes physiques et des entreprises. Un internaute peut en effet commander un logiciel ou un livre à partir du site hébergé dans un autre pays afin d'éviter la législation fiscale locale. Pour les personnes les plus qualifiées ou celles qui n'ont pas besoin d'être présentes de façon permanente pour des tâches spécifiques, il est possible d'installer leur activité dans des pays aux conditions fiscales avantageuses, tout en effectuant un travail à distance régulièrement. Dans la mesure où ce sont ces personnes qui acquittent le montant d'impôt le plus élevé, le risque est, comme l'affirment certains auteurs, que l'on assiste à un manque à gagner fiscal pour les Etats et à un accroisssemnt des inégalités. Pour reprendre l'argumentation précédente et toujours aussi catastrophiste, les Etats risquent de s'asphyxier et "devront dans ce cas très certainement abandonner des pans entiers de leurs domaines d'intervention, faute de moyens pour les financer"

- La politique américaine en matière de fiscalité est très claire puisque les principes mis en avant sont l'absence de tarifs douaniers sur les biens et services livrés par Internet. En ce qui concerne la TVA, M. John Medeiros considère que l'achat d'un livre par l'intermédiaire de l'Internet devrait être taxé de la même façon que lors d'un achat dans une librairie de quartier. La mise en place d'une taxation sur les achats en ligne requiert cependant un accord global entre les pays...

- La question de la taxation des transactions trouve en outre de farouches opposants.  Divers organismes, dont le Citizens for a Sound Economy (citoyens pour une économie saine) et la Progress & Freedom Foundation (fondation progrès et liberté) ont rédigé le texte d'une déclaration qu'ils entendent faire signer par tout candidat à un poste électif dans le prochain cycle électoral aux États-Unis.  Le texte : «Attendu qu'Internet représente la création d'emplois, la croissance économique, la prospérité et de nouvelles ouvertures pour tous les Américains; et, attendu que l'imposition de taxes de vente, de taxes sur l'accès ou sur les services de télécommunications met un frein à la croissance et ralentit le déploiement d'Internet en Amérique; Je (nom du candidat ou de la candidate) déclare que si je suis élu(e) au poste de (poste sollicité), j'appuierai une exemption permanente de l'imposition de taxes sur l'accès Internet et les achats en ligne, et travaillerai à réduire et à éventuellement éliminer l'imposition de taxes discriminatoire sur les services de télécommunications.» 
 

Conclusion:
Ainsi, on peut dire que la maxime libérale "laissez faire, laissez passer" convient relativement bien au fonctionnement et au développement de l'économie sur les réseaux, dans la mesure où il rend les marchés plus transparents. On est cependant loin d'un fonctionnement similaire à celui de la Bourse tel qu'il a pu être imaginé par les classiques, puisqu'il existe des cloisonnements importants et qu'au total, la relation économique qui préexistait au développement des réseaux ne se trouve pas fondamentalement modifiée. L'accroissement des transactions économiques et financières via l'internet, qui peut atteindre dans un futur plus ou moins proche des proportions considérables, ne modifie pas les idées de "commerce" ou de "marché" dont le but ultime est l'attrait de l'argent. Néanmoins, compte tenu du fonctionnement des réseaux, que ce soit en matière économique ou non, des questions très lourdes se dressent : celles de la sécurité des transactions, de l'utilisation de la monnaie électronique et de la fiscalité qui induisent, pour certains analystes, un ébranlement des Etats.