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Séminaire
internet de Sciences-Po
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AVANT-PROPOS: La maxime "laissez faire, laissez passer" est apparue au XVIIIeme siècle avec Vincent de Gournay et a été reprise par la suite par les tenants du libéralisme économique. Gournay n'a jamais occupé de grandes fonctions, ni écrit d'ouvrages; il a cependant exercé une influence très réelle sur son temps mais aussi sur le nôtre puisque l'expression qu'il a inventée est passée à la postérité. Cependant pour saisir la portée de cette expression, il faut connaître le contexte dans lequel elle a été élaborée. Le principe dirigeant du gouvernement au milieu du XVIIIeme siècle était que rien ne pouvait échapper à la protection royale, si bien que pratiquement aucun secteur de l'économie n'était soumis à la concurrence. C'est en réalité Gournay qui le premier dénonça les privilèges acquis par les monopoles et l'inefficacité des réglementations (qui ne permettaient pas de supprimer les famines). Avec Quesnay et les physiocrates, Gournay peut être considéré comme un des fondateurs de l'économie politique. Leur idée principale, en opposition avec celles des mercantilistes, est que la circulation des biens et des marchandises doit être libre et que toute entrave à la circulation des richesses limite la croissance de l'économie.Cet adage fonde en réalité la pensée économique libérale qui fait confiance aux mécanismes spontanés du marché. Le développement de l'Internet a souvent été perçu comme une illusration, une révélation de la montée en puissance du libéralisme au cours de ces dernières années. Dès lors, les possibilités offertes par les réseaux en matière de circulation de l'information, de développement économique et finalement de création de valeur, permettent-elles de se rapprocher de ce que les libéraux ont appelé "l'économie rêvée", celle qui permettrait la circulation des richesses optimale? En un mot, le" laissez faire, laissez passer" constitue-t-il l'idéologie unique et la règle générale de fonctionnement de l'internet ? I. "Laissez faire, laissez passer": une idéologie qui préside au fonctionnement de l'économie sur l'Internet? A. Le fonctionnement économique de l'Internet: une Bourse gigantesque et incontrôlée? C'est un truisme que d'affirmer que le fonctionnement spécifique de l'Internet met pratiquement fin aux frontières traditionnelles et permet une circulation accrue des biens et des services mais aussi de flux financiers et d'informations. Voyons cependant comment le fonctionnement même de l'Internet semble permettre à l'économie de se rapprocher du modèle de concurrence pure et parfaite, celui d'une économie transparente. - Le fonctionnement de l'Internet semble être caractérisé par l'existence d'un "commissaire-priseur" tel que l'avait défini Walras, à la fin du XIXème siècle. Celui-ci considérait que l'équilibre entre l'offre et la demande sur les différents marchés est assurée par le "commissaire priseur" qui, par "tâtonnements" ajuste les prix, à l'image du fonctionnement de la Bourse. Apparues aux Etats Unis avec Ebay.com, les sites de "ventes aux enchères" (C to C) se sont multipliés sur le Net. Véritables plate-formes de transactions électroniques, ces sites ont pour objet l'optimisation de la relation entre l'offre et la demande, mettant fin au principe des "prix fixes", introduits par la grande distribution. Les sites d'enchères collectives sous forme d'achat groupés (plus y a d'acheteurs, plus le prix baisse) se développent de la même façon. Certains sites se sont spécialisés dans la recherche des meilleurs prix tels que bravonestor.com, obligeant les distributeurs à aligner leurs prix. - Une
plus grande mobilité des facteurs de production:
- Le
développement économique de l'Internet consacre également
l'importance du rôle conféré à l'entrepreneur
dans l'économie du laissez faire. L'entrée de nouvelles
entreprises sur l'Internet semble illimité, accroissant la
concurrence et semblant mettre fin aux oligopoles de l'économie
traditionnelle. L'exemple de la multiplication des sociétés
de courtage est significatif: boursorama.fr,
selftrade.com - Un
consommateur favorisé par la multiplicité des services
qui lui sont offerts: - L'idéologie du "laissez faire laissez passer" sur l'Internet trouve d'ailleurs ses défenseurs les plus acharnés sur les réseaux. L'espace de l'Internet peut également être appréhendé comme un espace privilégié, parmi d'autres certes, de la promotion du laissez faire dans l'économie "réelle" ou non. Le fonctionnement spécifique des réseaux est alors instrumentalisé par les défenseurs du libéralisme économique afin de tenter de diffuser ces idées le plus largement possible. Plusieurs sites, hebergés essentiellement aux Etats-Unis, se présentent comme des défenseurs acharnés du libéralisme économique et du laissez faire dans toutes ses formes. Ceux-ci peuvent être considérés comme anarcho-libertariens et condamnent toute intervention discrétionnaire des administrations. Pour eux, le laissez faire est une norme naturelle et morale qui s'impose à la raison (celle-ci étant une "arme" contre le "collectivisme"...). Ce site permet l'hébergement d'autres sites voués à la cause libérale et au primat de la relation marchande. D'autres sites, défenseurs au même titre que les précédents du laissez faire, sont exclusivements consacrés à la vente de livres à la gloire du libéralisme économique, appliquant donc à la lettre les principes qu'ils vantent!. On ne trouve que des ouvrages d'économistes tels que Milton Friedman ou Fridriech Hayek, ou encore d'auteurs moins contemporains comme Adam Smith ou Ricardo. B. Les problèmes qui découlent du développement commercial de l'Internet ne remettent finalement pas en cause le principe du laissez faire, laissez passer sur les réseaux. a. L'Internet et la vente d'objets prohibés: l'affaire Yahoo L'affaire Yahoo qui été sur le devant de la scène ces dernières semaines est révélateur des possibilités qu'offre l'Internet en matière de liberté d'achat puisqu'il était possible pour des internautes français de commander des objets nazis en ligne (ce qui n'est d'ailleurs pas interdit par le Code Pénal). La décision du du juge français de contraindre Yahoo à interdire l'accès à ces pages aux internautes français ne constitue pas en soi une atteinte au principe du laissez faire qui domine sur les réseaux, puisqu'il est toujours possible techniquement d'y accéder via un serveur étranger. L'affaire rebondit cependant avec l'instruction d'un enquête à l'encontre de Yahoo Allemagne soupçonné d'avoir proposé dans son service de vente aux enchères le livre d'Adolf Hitler "Mein Kampf", interdit dans le pays. Cette enquête de la justice allemande intervient alors que la police japonaise a perquisitionné la semaine dernière dans les bureaux de Tokyo de Yahoo, dans le cadre d'une enquête sur la vente en ligne de vidéos pédophiles, via le site Yahoo Auction. Si d'autres sites, tels que eBay.com et Amazon.com ont devancé les actions en justice, en filtrant ou retirant de la vente leurs contenus pouvant inciter à la haine raciale ou au révisionnisme, on peut s'interroger de l'efficacité d'une telle mesure. En effet, eBay dispose ainsi d'une technologie capable de reconnaître un navigateur en langue française, et de lui interdire l'accès aux ventes interdites par la loi en France. Amazon, de son côté, utilise une technologie propriétaire qui repère les adresses d'expédition françaises et empêche les ventes d'objets qui violent la loi nationale, affirme un porte-parole du géant de la vente en ligne. Le centre Wiesenthal en Allemagne, une puissante association de lutte contre l'antisémitisme, s'était en effet indigné d'avoir pu acheter un exemplaire de ãMein Kampfä sur Amazon.com, et d'avoir été ensuite relancé par le libraire lui proposant d'acquérir des ouvrages dans la « même catégorie ». b. la concurrence "déloyale" des "clicks and mortars": Les
fabricants de parfums ont tout dernièrement lancé une
offensive contre des sites marchands qui proposent leurs produits
en ligne. Certains sites,
comme Parfumsnet ou Gift.be , qui
vendent des produits l'Oréal ou Yves Saint Laurent en ligne
ont été poursuivis en justice par ces grands groupes,
qui invoquent la règle de la distribution sélective
(le fabricant pouvant choisir de ne vendre ses produits que par le
biais de distributeurs répondant aux critères qu'il
impose). Si la disparité des législations en Europe tend à se réduire, permettant une application plus ou moins uniforme du droit en ce qui concerne le développement de l'Internet, le problème du laissez faire n'en est pas transformé puisque ces accords réglementaires ne concernent pas encore les autres continents. L'idée d'une législation mondiale et commune semble dès lors bien utopique. II. Si l'Internet semble permettre une plus grande transparence de l'économie qu'il faut nuancer cependant, le fonctionnement de l'économie sur les réseaux n'est pas fondamentalement différent de ce qu'il est dans le monde "réel". A.Une économie plus transparente mais dont le fonctionnement n'est pas "pur et parfait". - L'entrée de nouvelles entreprises sur l'Internet comme celles du courtage en ligne est un phénomène qui risque - peut-être pas de s'arrêter dans les années qui viennent - mais de provoquer en tous cas des regroupements, puisqu'on peut difficilement imaginer qu'elles deviennent toutes rentables à terme. Seules 5 ou 6 d'entre elles pourront survivre, comme dans l'économie dite "réelle". On assistera donc à des rachats, des fusions et des faillites, ce qui est déjaà le cas dans d'autres domaines. -
Les prix et la concurrence: B. Si l'Internet permet une plus grande transparence de l'économie, la relation commerciale qui prévaut sur les réseaux n'est pas fondamentalement différente de ce qu'elle est dans le monde "réel". - Si
l'Internet permet d'accroître la diffusion de l'information
économique et les transactions commerciales (grâce aux
fonctionnement même des réseaux, comme nous l'avons vu),
les relations économiques, si elles sont modifiées,
ne sont pas fondamentalement différentes de celles qui existent
dans le monde réel. L'existence de liens entre l'Internet et
le monde économique "réel" est inévitable, l'économie
et ses fondements restant ce qu'ils ont toujours été,
une relation d'échange. Au
total, si des mutations touchant tous les acteurs de l'économie
se produisent (repositionnement des entreprises face à l'apparition
de nouveaux besoins, reconsidération du consommateur), les
modèles de développement des start-up, la recherche
de son intérêt par chaque agent économique et
l'importance de sphère financière ne sont pas des éléments
spécifiques à la Net économie, et ne sont pas
nouveaux. En ce sens, la Net economy, loin d'être une "new economy",
modifient le fonctionnement de l'ensemble de l'économie, en
la rendant plus transparente, mais n'introduit pas de nouvelles "relations"
sur les réseaux. III. Si le "laissez faire, laissez passer" préside le fonctionnement et le développement du commerce sur l'Internet, la question de la monnaie et de la fiscalité deviennent essentielles. A. Les garanties économiques du commerce électronique: Le développement du commerce électronique ne peut passer que par une sécurisation des transactions afin que l'achat de biens ou de services puisse être débité ou crédité conformément à l'opération effectuée. Cette sécurisation peut prendre deux formes: soit l'utilisation sécurisée des moyens de paiement traditionnels, soit l'utilisation de la monnaie électronique qui n'est pas sans soulever des questions essentielles. La question
de la sécurisation des transactions (qui est d'ailleurs un
enjeu éconmique majeur sur les réseaux!) prend de plus
en plus d'importance pour les cyberconsommateurs.Une enquête
américaine réalisée par la Software & Information
Industry Association révèle que 60% des logiciels en
vente sur les sites d'enchères seraient des copies illicites.
Ce résultat a été obtenu en observant entre le
15 et le 20 août les enchères en cours sur trois grands
sites américains : eBay, Excite Auctions et ZDNet Auctions.
Sur 221 ventes répertoriées, concernant une vingtaine
de marques de logiciels, 109 étaient clairement en infraction
avec la loi, 40 douteuses et seulement 72 apparaissaient légales.
Certains logiciels vendus plusieurs centaines de dollars dans le réseau
de distribution traditionnel étaient ainsi proposés
pour quelques dizaines de dollars. - Enfin, afin de rassurer les cyberconsommateurs, le gouvernement français a inauguré il y a quelques jours un centre de surveillance du commerce électronique. C'est Marylise Lebranchu, nouveau ministre de la justice, qui a inauguré un tout nouveau centre de surveillance dans le e-commerce. Géré par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ce site visera donc avant tout à informer les consommateurs en ligne. Ils pourront notamment porter réclamation s'ils estiment avoir été victimes d'une fraude. Le centre disposera de 5 contrôleurs pour assister les cyberconsommateurs. B. Les problèmes posés par l'usage de la monnaie électronique: Plus
sûre que les moyens de paiement traditionnels, elle a l'avantage
de réduire les coûts de traitement pour les banques.
Si l'on peut affirmer sans grand risque que le développement
de la monnaie électronique - significatif certes - ne permet
pas d'envisager à court terme une substitution aux dépens
des moyens de paiement traditionnels, certains auteurs n'hésitent
pas à sombrer dans le catastrophisme. Ainsi, certains analystes
du Web n'hésitent pas à évoquer la disparition
de l'Etat en raison d'un usage croissant de la monnaie électronique.
"L'apparition des points de fidélisation sur le Web est
comparable à la naissance de véritables monnaies privées.
Or les Etats ne semblent pas avoir pris la mesure du danger. Car en
se substituant aux devises publiques, ces monnaies privées
sont en mesure de déséquilibrer les budgets des Etats
et à terme, de menacer leur propre existence".
C. Une taxation future des transactions sur l'Internet? Les possibilités offertes par les réseaux mettent à jour la disparité des systèmes de fiscalité entre les pays ou même entre les régions, que ce soit en termes de taux de TVA et de taux d'imposition des personnes physiques et des entreprises. Un internaute peut en effet commander un logiciel ou un livre à partir du site hébergé dans un autre pays afin d'éviter la législation fiscale locale. Pour les personnes les plus qualifiées ou celles qui n'ont pas besoin d'être présentes de façon permanente pour des tâches spécifiques, il est possible d'installer leur activité dans des pays aux conditions fiscales avantageuses, tout en effectuant un travail à distance régulièrement. Dans la mesure où ce sont ces personnes qui acquittent le montant d'impôt le plus élevé, le risque est, comme l'affirment certains auteurs, que l'on assiste à un manque à gagner fiscal pour les Etats et à un accroisssemnt des inégalités. Pour reprendre l'argumentation précédente et toujours aussi catastrophiste, les Etats risquent de s'asphyxier et "devront dans ce cas très certainement abandonner des pans entiers de leurs domaines d'intervention, faute de moyens pour les financer". - La politique américaine en matière de fiscalité est très claire puisque les principes mis en avant sont l'absence de tarifs douaniers sur les biens et services livrés par Internet. En ce qui concerne la TVA, M. John Medeiros considère que l'achat d'un livre par l'intermédiaire de l'Internet devrait être taxé de la même façon que lors d'un achat dans une librairie de quartier. La mise en place d'une taxation sur les achats en ligne requiert cependant un accord global entre les pays... - La
question de la taxation des transactions trouve en outre de farouches
opposants.
Divers organismes, dont le Citizens for a Sound Economy (citoyens
pour une économie saine) et la Progress & Freedom Foundation
(fondation progrès et liberté) ont rédigé
le texte d'une déclaration qu'ils entendent faire signer par
tout candidat à un poste électif dans le prochain cycle
électoral aux États-Unis. Le texte : «Attendu
qu'Internet représente la création d'emplois, la croissance
économique, la prospérité et de nouvelles ouvertures
pour tous les Américains; et, attendu que l'imposition de taxes
de vente, de taxes sur l'accès ou sur les services de télécommunications
met un frein à la croissance et ralentit le déploiement
d'Internet en Amérique; Je (nom du candidat ou de la candidate)
déclare que si je suis élu(e) au poste de (poste sollicité),
j'appuierai une exemption permanente de l'imposition de taxes sur
l'accès Internet et les achats en ligne, et travaillerai à
réduire et à éventuellement éliminer l'imposition
de taxes discriminatoire sur les services de télécommunications.»
Conclusion:
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