LA LIBERTÉ D'EXPRESSION SUR INTERNET
 

par

Jean-Baptiste Lebelle

 


 

De par ses caractéristiques extraordinaires, internet s'impose comme l'outil ultime pour la liberté d'expression. Les spécificités du discours internetiques permettent de s'exprimer d'une façon radicalement nouvelle : Un site peut revètir un aspect très officiel (sans pour autant l'être) ou se rapprocher de la propagande pure et simple, être une sorte de tract numérique, anonyme et massivement distribué, ou un journal d'opinion clandestin. Le réseau permet un échange sans précédent entre les utilisateurs dans une liberté absolue. Absolue ? pas véritablement puisque la liberté d'expression est toujours limitée par les plus importantes libertés publiques qu'elle peut bafouer : le respect de la personne humaine, de la vie privée, de la dignité, la protection des mineurs... C'est pourquoi l'idée de contrôler, de réguler, en fait de censurer le web est devenue une évidence. Cependant le respect de la liberté d'expression, plus particulièrement des opinions (politiques, religieuses, sociales...) s'accommode mal de la censure. Les internautes ont ériger un véritable réseau mondial de défense de la liberté d'expression dont l'activité est quotidienne. La "Cyber-dissidence" en est un exemple récent. Cette liberté peut conduire cependant à des excès dangereux et la prolifération de certains sites est inquiétante. Le web est donc controlé de façon fort différente à travers le monde.  

Voir l'article de McGEE : WWWBTB -- Freedom of Speech !!!DRAFT ONLY!!!  

L'internet : un véritable réseau de défense de la liberté d'expression :

 

La défense de la liberté d'expression

De nombreux sites se sont imposés comme les champions de la liberté d'expression : Ainsi parmi les nombreux serveurs on peut citer celui de "freedom on line" qui se consacre quotidiennement à l'actualité de la liberté d'expression. The Freedom Forum online. News about free press, free speech and free spirit.  

Le Digital Freedom Network propose une approche intéressante, en outre de l'actualité de la liberté d'expression, il met en ligne tous documents (articles, dessins...) qui ont été censuré dans leurs pays d'origine. (On trouve ainsi des articles et des caricatures du canard enchaîné et de charlie-hebdo qui ont été censurés en France).  

Le réseau voltaire est un site français qui surveille également toute atteinte à la liberté d'expression.  

Devant les menaces de censures (le Decency Act qui finalement a été jugé anticonstitutionnel) les internautes ont réagit vivement avec The Blue Ribbon Campaign for Online Free Speech.  

Les Cyber-dissidents :

L'utilisation de l'internet comme outil de dissidence, de lutte contre les dictatures est l'un des aspects récents les plus importants du problème de la liberté d'expression. Une véritable guérilla "numérique" se met en place pour lutter contre le totalitarisme. Les Hackers n'hésitent pas à se revendiquer de motifs politiques lors de piratages de site officiels. De plus des sites dissidents ou détournant des organes officiels apparaissent. Ainsi on peut relever l'initiative de Free Tibet Now! - Internet Campaign for the Freedom of Tibet qui recueille un important soutient sur le web. Monseigneur Gaillot peut également être considéré comme une sorte de dissident et son site web revendique la liberté d'expression : PARTENIA Actualité (Mars 96).  

Deux exemples récents permettent de mieux comprendre les "cyber-dissidents".  

L'exemple de l'affaire Anwar :  

L'ancien premier ministre de la Malaisie Ibrahim Anwar a été limogé puis emprisonné le 4 Septembre 1998, sous des chefs d'inculpation sordides (corruption et sodomie) vraisemblablement à cause de son glissement vers une politique plus libérale. Tous les médias locaux ont approuvé cette arrestation, c'est alors qu'un internaute malais, Sabri Zain a crée un site de soutient à l'ancien ministre : Justice for Anwar tandis que d'autre pages ont fait leur apparition comme : Le site original de Anwar. La page de Sabri Zain a connu un immense succès (plus de 3 millions de connections) et a permis de faire connaître l'affaire au monde entier et de faire réagir l'opinion publique malaise. Cf l'article Dissidences en ligne. Les autorités n'ont pu le censurer (leur politique en matière d'internet est très libérale pour des raisons économiques) et celui-ci a eu d'importantes répercussions dans la vie politique du pays.  

L'exemple de l'affaire Lin Haï :  

Lin Hai, un ingénieur informatique de Shanghai, a écopé le 20 janvier d'une peine de 2 ans de prison. Il était en procès depuis le 4 décembre pour avoir cédé une liste de 30.000 emails de résidents chinois à Dacankao (DCK, connue en anglais sous le nom de Chinese VIP Reference). DCK est l'une de ces publications chinoises envoyées par email depuis l'étranger et qui fournit des infos politiques contournant la censure locale. Les autorités Chinoises ont donc vivement réagit ce qui démontre leurs importantes craintes vis à vis de ce média qui se répand de plus en plus (environ 1 million et demi d'internautes en Chine). Cf l'article du e-zine : lambda 5.01 - Chine, le grand firewall .  

 

La liberté d'expression jusque dans ses excès :

 

Les sites "subversifs"

Ces sites proposent des informations "subversives" qui serait largement censuré dans certains pays, pour les atteintes qu'ils pourraient provoquer à l'ordre public. Hébergé dans des pays aux législations plus souples, ils permettent d'accéder à de véritable mode d'emploi : cultivateur de cannabis ou terroriste en herbe...  

Ainsi on trouve de nombreux sites militant pour la libération des drogues douces et qui fournissent également des conseils pour cultiver chez soi marijuana ou cannabis : Cannabis Cultivation ou encore CRRH Cannabis sont des exemples de la multitude des sites existants sur le sujet.  

Plus préoccupant encore pour les autorités publiques, certains sites se revendiquant plus ou moins d'une idéologie anarchiste propose des guides de fabrication pour toutes sortes d'engins explosifs : Jynx's jurnal v2.84 ainsi que la Stealth139's Security-File-Anarchy Page!, on peut même commander des Video Blasting for Beginners. On trouve même sur ces pages des conseils de préparation d'attentat à la voiture piégée par exemple.  

Les sites racistes, néo-nazis, négationistes :

Mais le véritable danger qui préoccupe à la fois les internautes et les autorités réside dans la prolifération des sites racistes, extrêmistes et négationistes. (c-f à ce sujet l'article de Libération : Poussée de néo-nazisme sur le web). Ces sites sont surveillés par de nombreuses associations tels que CyberWatch Perspective ou encore le célèbre Hatewatch.  

La législation américaine favorise les sites institutionnels tels que le NAZI PARTY USA dont les positions sont sans équivoques ou encore les nombreux sites du Ku Klux Klan (voir par exemple le ALABAMA KLAN CARTEL). Mais quantité de sites personnels sont également hébergés par des serveurs américains : for Folk and Fatherland est un impressionnant exemple de site néo-nazi. Toutes ces pages bénéficient de la protection du "1st Amendment" de la Constitution Américaine.  

Les révisionistes ont également fait de l'internet l'un des moyens phares de leur propagande. Le site de l'AAARGH traduit en plusieurs langues et hébergé à Chicago donne le ton : AAARGH - L'Association des Anciens Amateurs de Récits de Guerre et d'Holocauste.  

Les extrémistes de tout bord trouvent donc sur l'internet un moyen adapté à leur propagande. Il est alors très difficile de lutter contre ce type de site hébérgé le plus souvent sur des serveurs américains. Ainsi un site raciste canadien, condamné et interdit par un tribunal de Toronto a pu réouvrir ses pages une semaine après aux Etats-Unis. Certains hébérgeurs se sont ainsi spécialisé dans les pages extrémistes.  

Ce sont ces excès ainsi que les sites illégaux par rapport aux législations traditionelles, qui ont conduit les gouvernements à réagir pour tenter de réguler le contenu du web. Cependant la censure touche particulièrement les sites d'opinions :  


La Censure de l'internet :

 

Le World Wide Web pas si "World" que ça :

En réalité le web n'est donc pas si mondial que ça, mais soumis à des législations différentes et des restrictions plus ou moins importantes selon les pays. Ainsi un internaute chinois se connectant au réseau ne dispose pas des mêmes informations qu'un internaute tchèque ou japonais. Les autorités plutôt que de chasser les sites aux contenus qu'ils jugent impropres, empêchent l'accès à ces sites, puisque ceux-ci peuvent toujours trouver refuge sur un serveur étranger.  

Ce document fait le point sur la situation de la censure dans les différents pays du monde : WWWBTB -- Freedom of Speech !!!DRAFT ONLY!!!, mais il date un peu.  

A Cuba par exemple, un abonnement à internet (dont le coût est de 1600 F par mois) est soumis à une décision du Ministère des sciences (seul fournisseur d'accès) et limité de fait à un nombre réduit de personne. voir Fidel Castro censure le web.  

En Corée du Sud, un système de filtrage empêche théoriquement les internautes d'accéder aux sites pornographiques et subversifs (bombe, drogues...).  

En Arabie Saoudite seuls les hopitaux et le gouvernement bénéficient d'accès.  

En Europe les limitations sont théoriques et portent principalement sur les sites à caractère racistes pu négationistes.  

En Chine, le web est étroitement surveillé. Les utilisateurs doivent s'enregistrer auprès de la police. De plus des filtres ont été mis en place et empêchent de taper des mots comme "Tibet" "Taïwan" "Human Rights" ou de se connecter sur certains sites (CNN, New York Times..). voir : China poised to hunt down anti-government material online sur le site américain freedom forum..  

C'est donc finalement sur le continent américain que l'accès au web et la liberté d'expression sont les plus importantes, protégés par le premier amendement de la constitution américaine. Cependant certains éléments jugés trop subversifs ont été interdits comme par exemple, les détails des risques d'accidents des centrales nucléaires : Le FBI censure les écolos (article de libération).  

L'avenir de la liberté d'expression sur internet

Le problème de l'évolution de la liberté d'expression sur internet est à l'origine de nombreuses reflexions sur la possiblité et la manière de controler le contenu du Web : cf par ex. l'article du Monde : Interdire quoi, à qui et comment .  

Deux voies sont possibles pour les gouvernements qui veulent voire respecter la légalité sur internet :  

- Soit une coopération inter-gouvernementale qui passerait par une convention edictant des règles applicables au delà des frontière nationales. Dans ce cas chaque pays serait à même de faire respecter la convention sur son territoire. Cependant les positions américaines empêchent d'y voir inclus les discours à caractère raciste, néonazi ou révisioniste. De plus il existe un danger évident de censure orchestré par les fournisseurs d'accès eux-même. L'exemple de la justice française qui fait peser sur le fournisseur d'accès une responsabilité pénale pour les pages qu'il héberge conduit à des règlements internes trop sévères. Ainsi club-internet, un fournisseur d'accès français qui se vante dans ses publicités d'être le "club le plus ouvert de la planète" censure les newsgroup alternatif, et interdit "l'utilisation des pages personnelles en vue de véhiculer des idées politiques quelles qu'elles soient."  

Le législateur français s'est penché sur la question : sa position est résumée dans le Communiqué sur la Charte de l'Internet.  

- Soit le gouvernement décide de contrôler ses internautes, puisque le contenu lui échappe. C'est la voie que suit la Chine, mais qui est impossible à tenir pour les autres gouvernements à travers le monde compte tenue de son caractère totalitaire. Comment la Chine va-t-elle pouvoir maintenir un tel contrôle compte tenue de la croissance spectaculaire du nombre d'internautes chinois ?