LA JUSTICE FRANCAISE SUR INTERNET

 

 

par 

Céline LECLERC  

 

 


 

Après avoir vu la semaine dernière les institutions sur internet, il est intéressant de se consacrer plus précisément à la justice française sur internet. Le fait que la justice ait à juger des affaires concernant internet influe-t-il sur la manière dont elle se représente ?  
La justice française est représentée sur Internet sous un grand nombre de formes, et aussi avec des finalités différentes, que nous essayerons de déterminer.  
   
I.Les multiples représentations de la justice  
   
Quand on tape justice sur un moteur de recherche, on obtient comme réponses un grand nombre de sites. On peut les classer en quatres catégories :  
                        - le site du ministère  
                        - les sites des juridictions  
                        - les sites liés à la justice  
                        - les sites personnels  
   
            1) Le site du ministère  
   
Le site du ministère français de la justice   
Il a une vocation pratique. On remarque qu'il y a peu de symboles. Il met en ligne, dans la lignée de la politique du gouvernement, un grand nombre de textes.  
On peut le comparer avec des sites étrangers :  
    - Département de la Justice américain    
    - Département du Lord Chancelier anglais  
   
            2) Les sites de juridiction  
   
Tout d'abord, les hautes juridictions :  
            - le conseil constitutionnel   
            - la cour de cassation  
            - le conseil d'état, qui vient d'ouvrir son site  
Des sites qui veulent montrer le prestige de la juridiction, mais aussi la personnifier.  
En parallèle, des sites de juridictions subordonnées, et notamment :  
    - le tribunal de commerce de Toulouse 
    - le tribunal de commerce de Bobigny  
Pourquoi des tribunaux de commerce ? Sans doute parce qu'ils sont plus ouverts à la logique marchande de l'internet. Ils s'adressent veritablement aux gens qui sont à même de fréquenter leur tribunal.  
On peut se demander comment ses sites s'inscrivent dans la logique du ministère de la justice ? Les juridictions doivent-elles demander l'autorisation d'ouvrir un site ?  
   
Comme on le verra tout à l'heure, deux logiques différentes sont donc à l'oeuvre.  Certains sites étrangers se situent entre ces deux logiques, une logique pragmatique, et une logique de solennité, comme par exemple le site de la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE)  
   
            3) Des sites liés à la justice  
   
On peut citer des sites d'avocat, comme on en avait déjà vu, ou par exemple le site du barreau de Paris  
   
            4) Des sites personnels  
   
Certains sont consacrés à des affaires : par exemple un site sur l'affaire Papon  
Rare en France, ce genre de site est très courant aux Etats-Unis, notamment en ce qui concerne les grandes décisions de la cour suprème (par  
exemple un site sur la décision Brown vs Board of Education ).  
Le problème c'est l'absence d'information sur l'auteur du site et sur ses motivations.  
Un site de "détournement" du ministère de la justice : le ministère de l'injustice  
   
   
II. Des buts variés  
   
Il est souvent difficile de savoir quels sont les buts exacts qui ont présidé à la création d'un site. Sur le site du conseil constitutionnel, on trouve l'arrêté de création du site, pris par son président.  
   
            1) L'information du public  
   
Le but principal, comme dans ce cas, est souvent l'information du public, mais de quel public s'agit-il?  
On peut distinguer, entre les différents sites, et particuliers entre ceux concernant des juridictions, entre plusieurs types d'information, qui vont  
de la "brochure en ligne", avec peu de plus-value par rapport à l'information normale, à une information très précise :  
            - l'information de "proximité", pour le public qui va être en contact avec la juridiction - ainsi le tribunal de commerce de Toulouse  
propose un plan d'accès. C'est surtout le cas pour les juridictions de "proximité".  
           Pour les juridictions supremes, plutôt deux autres buts en ce qui concerne l'information  
            - l'information du public, par exemple sur le site du Conseil d'Etat ou du ministère de la justice  
            - l'information "pointue", qui s'adresse à un public spécialisé, et qui a des connaissances juridiques - magistrats, étudiants ... : site du  
conseil constitutionnel ou de la CJCE, avec des base de données assez importantes.  
Cela pose un problème classique sur Internet : les gens auxquels les sites veulent s'adresser ont-ils accès à Internet ? C'est louable d'offrir  
une explication claire du fonctionnement du système judiciaire, mais est-ce utile si ceux qui en ont le plus besoin - notamment ceux qui  
voudraient avoir recours à la justice mais ne savent pas comment procéder - n'ont pas la possibilité d'avoir un accès à Internet. De même, on  
peut se demander si les personnes qui ont des affaires devant le tribunal de Toulouse, et qui habitent sans doute la région, vont aller sur  
Internet chercher le plan d'accès !  
   
            2) Donner une image plus concrète de la justice  
   
C'est comme si, face à la virtualité d'Internet, il y avait une volonté d'ancrer la justice dans le réel.  
Ce but passe par une volonté de personnifier la justice. On donne le nom des magistrats (par exemple sur le site du tribunal toulousain), on  
montre leur photo (plan de table du conseil constitutionnel).  
On note que de nombreux sites permettent une visite des lieux (conseil d'état, ministère de la justice), ce qui permet à la fois de "donner  
corps" à la justice et aussi de faire profiter les internautes du patrimoine.  
Enfin, certains montrent leur activité concrète au jour le jour ; c'est aussi le cas dans d'autres pays : ainsi, le programme de la CJCE.  
   
   
En conclusion, il faut revenir sur les limites de ce qu'on peut qualifier "d'opération Internet" pour la justice française. Il semble que cette  
optique "grand public" ne peut réellement satisfaire ni les professionnels ni les justiciables.  
En effet les professionnels auraient besoin de toute la jurisprudence existence ; or celle ci ne peut être mise en ligne par les juridictions, car sa  
diffusion a été sous-traitée à des entreprises, telles Juridial, qui utilisent le minitel ou des CD-Rom et qui seraient alors concurrencées.  
Pour les justiciables, le véritable progrès serait la possibilité d'un veritable dialogue intéractif avec les juridictions - la possibilité par exemple  
pour un individu de demander où en est son affaire...