Une première approche du phénomène des « communautés
virtuelles » peut être descriptive. On peut en effet distinguer
parmi elles trois catégories très générales
:
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les communautés orientées «intérêts »,
dont les administrateurs ou les « propriétaires » sont
soit des particuliers, soit des associations. Parmi elles, et de manière
tout à fait anecdotique, on remarquera l'association américaine
de plongeurs noirs, la National
Association of Black Scuba-divers, ou bien encore le site
des habitants de la municipalité de Butchers Hill, proche de
la ville de Baltmore, dans le Maryland, aux États-Unis. On remarquera
que l'on a affaire à une simple transposition sur le web d'informations
pouvant par ailleurs être publiées sous d'autres formes, qu'il
s'agisse de cartes routières, de formulaires administratifs, ou
de renseignements concernant les activités de telle ou telle association
ou communauté.
-
les communautés professionnelles, qui traduisent à la fois
une exposition nouvelle des entreprises, une extension de leurs possibilités
de développement, et souvent un souci de faire éventuellement
collaborer leurs services en cas de délocalisation. Parmi
elles, le site GESICA vante les
mérites d'une association de plus de 200 cabinets d'avocats, en
France et dans le monde, garantissant un suivi optimisé des affaires
et une activité juridique transfrontalière. Ici l'entrée
dans le « cyberespace » n'est pas totalement dénuée
de signification, puisque les réseaux semblent permettre une extension
originale, ou du moins une optimisation de pratiques professionnelles préalablement
existantes.
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les communautés orientées « Internet », et qui
paraissent en constituer comme une mise en abîme, comme la
Citizens
Internet Empowerment Coalition, qui se consacre aux États-Unis
à la défense des intérêts des utilisateurs des
réseaux. Il est clair que de telles communautés n'ont d'autre
raison d'être que les réseaux, dont elles sont d'une part
l'émanation, qui qui en constituent d'autre part l'objet privilégié.
Cette rudimentaire typologie peut contribuer à forger une intuition
de ce qui se joue dans les pratiques communautaristes ayant cours sur les
réseaux. Que l'on se place au point de vue de communautés
traditionnelles se servant des réseaux comme un simple espace d'exposition,
ou de groupes d'intérêt dont toute la légitimité
est l'Internet lui-même, il semblerait qu'il y ait toujours un jeu
du « virtuel » et du « réel », et que le
« cyberespace » doive faire l'objet d'une appropriation ou
d'une maîtrise tout à fait analogues à celles qui régissent
les espaces de vie « réels ».
De façon assez anecdotique, et parce que le trait y est extrêmement
forcé, on pourra se référer ici à un
propos de l'écrivain et « visionnaire » Neal Stephenson
exprimé dans une des « HotWired Threads » du
magazine américain Wired. Invité à s'expliquer sur
son projet d'une «
Global Neighborhood Watch », il en
vient à définir le « voisin virtuel » d'une communauté
de voisinnage virtuel comme un « familier » et un individu
dont la proximité ne tient pas à l'aire géographique
ni à celle des rythmes de vie, mais à une préoccupation
commune, en l'occurrence la sécurité des lieux d'habitation.
La question est donc bien celle de l'extension que consituent potentiellement
les communautés virtuelles par rapport aux communautés réelles
dans lesquelles vivent les utilisateurs de l'Internet ; c'est celle de
savoir si elles sont simplement le lieu d'un simulacre électronique
d'activités sociales préalablement consolidées, ou
bien si elles donnent lieu à des pratiques dont les enjeux sont
spécifiques à leur existence en réseau ?
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