Nous avons montré dans les parties précédentes que l’informatique participait d’une transformation de l’écriture, puis que l’étude de son appropriation ou de son rejet permettait d’expliciter les pratiques scientifiques, et par suite, l’organisation sociale du monde universitaire: la lucidité scientifique est intimement liée à la capacité de comprendre que l’écriture est une technique, et donc à l’explicitation de ses mécanismes. Le texte, qui est toujours très dépendant des instruments (matériels, cognitifs, etc.) qui permettent de l’appréhender, voit son statut fortement transformé du fait que l’on sait maintenant le traiter avec des machines. Et nos enquêtes ont prouvé le gain intellectuel que l’on pouvait tirer de ce constat, même si le coût d’adoption des techniques contemporaines d’écriture est élevé, socialement comme intellectuellement. Pour autant, il nous semblait essentiel de donner aussi une preuve interne de la réflexivité de l’écriture, en montrant comment le texte et ses instruments s’infléchissent réciproquement, et comment ils générent une étrange production de sens, qui, à son tour invite à reconsidérer le statut du texte et à repenser les outils qui le donnent à voir. Notre espoir étant que le caractère récursif de ces influences prouve de façon définitive la technicité et la réflexivité de l’écriture, ou, en d’autres termes, que l’assertion « l’écriture est une technique réflexive » ne soit plus considérée comme un postulat que l’on pourrait toujours refuser, mais comme une proposition irréfutable.
Avant d’étudier de façon approfondie un texte électronique particulier (les access_log d’un moteur de recherche), il nous semble utile de rappeler brièvement la variété des types d’archives électroniques dont nous pouvons maintenant disposer, les débats que leurs traitements sont susceptibles d’engendrer, et bien sûr les travaux scientifiques qu’ils ont déjà suscités.