Résumé

Nous montrons tout d’abord comment l’informatique et l’internet transforment l’écriture : le code et son support visuel sont maintenant distants, la notion de texte s’étend aux programmes, puis aux sons et aux images. La production de listes, graphiques et hypertextes en est facilitée, mais la maîtrise des outils de manipulation de l’écrit requiert de nouveaux savoir-faire, qui élargissent potentiellement nos perspectives intellectuelles.

Ces interactions entre support matériel, système de signes et psyché — comme la production d’institutions autour de l’écriture tendant à nier son statut technique — n’ont rien de révolutionnaire. En nous inspirant des travaux de Jack Goody et de Pierre Bourdieu, et à partir de l’internet, nous détaillons les relations réciproques entre l’écriture et la production scientifique.

Au fil de deux enquêtes, des chercheurs en sciences humaines témoignent de la façon dont l’édition savante électronique transforme les conditions de l’argumentation scientifique et de la diffusion de la connaissance. Le coût d’un tel engagement est élevé, intellectuellement comme socialement ; mais la compréhension des relations entre l’outillage mental, les modalités de sa transmission, et l’économie symbolique du monde universitaire, s’en trouve accrue.

Enfin, nous donnons une preuve interne de la réflexivité de l’écriture : à partir de listes produites par des centaines de milliers de personnes, et archivées par des machines, nous montrons que ces textes électroniques ne peuvent s’appréhender sans outils spécifiques, mais qu’alors, les uns et les autres donnent à voir une réalité linguistique méconnue. Nous prouvons que les études sociologiques à partir de telles archives sont non seulement réalisables, mais aussi scientifiquement pertinentes. Et les résultats obtenus invitent à questionner la dépendance des concepts des sciences sociales face aux outils de mesure et d’écriture qui, implicitement, les organisent.


Table des figures
Liste des tableaux
Bibliographie