Atelier Internet Lyonnais (AIL)
Résumé de la conférence du 25 mai 2016
De l'écrit aux écrans: quelques éléments pour «une théorie réflexive adéquate»
Pierre-Antoine Chardel
Professeur de philosophie sociale et d'éthique (Institut Mines-Télécom/Ehess)
Pour cette intervention, je partirai de l'idée exprimée par Niklas Luhmann
selon laquelle «la crise» renvoie au «manque d'une théorie réflexive
adéquate». Cette idée souligne avec vigueur le besoin que nous avons
aujourd'hui de réfléchir aux conditions d'une «théorie réflexive adéquate»,
non pas avec la prétention de la trouver une fois pour toutes, mais avec
l'ambition d'effectuer le chemin qui y mène en s'appuyant sur le constat que
nous évoluons dans des sociétés des écrans qui nous laissent encore très
démunis d'un point de vue herméneutique. Nos existences sont encore
largement organisées en fonction de critères qui appartiennent aux registres
de l'instantanéité, de l'immédiateté et du consumérisme. Nous nous laissons
par ce biais assujettir au temps court des «machines informationnelles»
ainsi qu'à l'économie des affects qui les entoure.
Mais ce qu'il convient
d'interroger d'un point de vue critique n'est pas tant l'omniprésence des
écrans dans notre quotidienneté que la servitude volontaire et l'hétéronomie
que ceux-ci entraînent encore massivement. La libération des subjectivités
annoncée par la métamorphose numérique nécessite en ce sens une grande
prudence ainsi que l'exercice d'un jugement réflexif adéquat. Car si la
liberté de parler et d'interagir demeure fondamentale dans l'élaboration de
nos espaces politiques, l'exercice de la liberté dans la société des flux
informationnels ne doit-il pas aussi - et surtout - coïncider avec une
capacité de faire parler les flux (d'informations, d'images, de données
etc.), avec l'ambition de produire une nouvelle «culture du commentaire» à
l'ère numérique?
Page créée le 16 mai 2016,
modifiée le 16 mai 2016