Actualités et nouveautés | Le colloque de 1999 | Articles | |
Bilans, débats, comptes rendus | Dernier ouvrage | Pointeurs et Bibliographie | |
Page de garde | Vos commentaires et propositions |
Résumé : En France, les universités littéraires,
à la différence de leurs homologues scientifiques, ne se
sont mises à pratiquer Internet et les réseaux que depuis
peu de temps ; certaines même ne sont pas encore équipées.
Ce retard s'explique par le fait que les locaux littéraires sont
traditionnellement équipés en matériel informatique
après ceux des scientifiques, que les locaux informatiques des départements
littéraires sont faiblement utilisés et bénéficient
d'un moindre suivi technique, et enfin parce qu'il convient de déployer
des efforts spécifiquement adaptés à la mentalité
des littéraires pour convaincre ceux-ci d'employer l'outil informatique
dans l'enseignement et la recherche. En outre, la pratique d'Internet varie
fortement selon les publics : les enseignants-chercheurs et les étudiants
ont des besoins différents, et le matériel informatique présent
dans les cellules informatiques des départements ne remplit pas
la même mission que dans les bibliothèques. Pour combler ce
retard, l'État doit promouvoir une politique d'équipement
des universités littéraires conçue à l'échelle
nationale, afin d'éviter toute forme de développement individualiste
qui aboutirait à des inégalités entre elles dans leur
accès à Internet.
Summary : The French universities of arts, unlike the universities of sciences, have been using network services and Internet for only a short time, and network services were not brought yet into some of them. We might explain this slow development by the fact that universities of arts are usually fitted out with computers and network services after universities of sciences, that computer rooms belonging to their teaching departments are not filled with a lot of people and have not an enough high technical support, and that it is advisable to make an effort suited to the mentality of literary people in order to persuade them to use computers in teaching job and research work. Furthermore, different people use Internet differently : teachers, researchers and students expect from Internet to be connected to different Web servers, and network services don't fulfil the same purpose in teaching departments and in academic libraries. The universities of arts might have access to network services as quickly as possible if the state follows a policy of fitting out them on a national scale. By letting them to manage things themselves in an individualistic and erratic way, it might cause an uneven and unequal development of their network capacities.
A. Un besoin de repères stables dans un paysage mouvant B. Les individus en avance sur les institutions ?
A. N'oublier personne, n'oublier aucune étape, réfléchir à l'avenir B. Accompagner les utilisateurs dans leur apprentissage d'Internet C. Faire prendre conscience des nouvelles possibilités
A. Conceptions passive et active d'Internet B. Deux stratégies de développement individualiste C. Généraliser l'initiation aux outils informatiques
V. ConclusionA. Les bureaux d'enseignants B. Les salles communes d'informatique pour les étudiants C. Les cellules d'informatique des U.F.R. et départements D. Les postes informatiques dans les bibliothèques
Dans l'article intitulé Les antiquisants face à
l'informatique et aux réseaux que nous avons publié en
novembre 1996 et qui est encore disponible sur le serveur Web de l'École
normale supérieure[1], nous nous
étions attaché à énumérer un certain
nombre d'adresses Internet où les chercheurs antiquisants de diverses
disciplines pouvaient trouver des sources d'informations utiles à
leur activité scientifique. Moins d'un mois après la publication
de ces renseignements, plusieurs des adresses indiquées n'étaient
déjà plus valables, soit que les pages HTML correspondantes
aient été retirées, soit que le chemin d'accès
pour les atteindre ait été modifié, soit que leur
serveur ait disparu. Parallèlement, beaucoup d'autres serveurs mettaient
en ligne d'autres sources d'informations qui auraient mérité
de figurer dans notre article, notamment des catalogues de bibliothèques
et des pages concernant la paléographie grecque ou latine.
Le paysage Internet se caractérise donc par une grande mobilité, les sites Web et les pages HTML apparaissant et disparaissant quasiment du jour au lendemain, en sorte qu'il semble tout à fait vain d'espérer en dresser un panorama pertinent à l'aide des outils traditionnels que sont les annuaires ou répertoires sur papier. En revanche, les gateways, ces serveurs dont le but consiste à présenter des ressources Internet, classées et commentées, susceptibles de répondre aux besoins d'un public précis, ont une existence plus durable et jouent le rôle d'annuaires ou de répertoires électroniques. À condition qu'ils soient gérés par des personnes ayant la possibilité de les maintenir à jour fréquemment et régulièrement, ils représentent des points de repère précieux pour les débutants et même pour des utilisateurs chevronnés qui souhaitent gagner du temps en visualisant, d'un coup d'oeil, une page de catalogue listant les ressources électroniques fondamentales dans tel ou tel domaine. La quantité gigantesque d'informations déversée sur Internet par ceux qui la produisent ne serait guère accessible aux utilisateurs, sauf à une minorité de passionnés et de débrouillards, s'il ne venait s'interposer, entre les émetteurs et les récepteurs, une masse d'intermédiaires qui, inlassablement, collectent, filtrent, classent et présentent les informations sous une forme plus accessible à un public dont les compétences scientifiques dans tel ou tel domaine du savoir ne s'accompagnent pas nécessairement de compétences d'un niveau comparable en informatique documentaire. Il s'est constitué, pour ainsi dire spontanément, une fonction de documentalistes électroniques qui contribuent, souvent à titre bénévole, mais de façon décisive, dans l'ombre, modestement, et sans reconnaissance officielle de la nature de leur fonction, à l'efficacité de la circulation des informations sur Internet.
Certes, le novice qui souhaite devenir un utilisateur expérimenté
ne pourra se dispenser d'apprendre le fonctionnement des principaux indexeurs
et moteurs de recherche (Alta Vista,
Yahoo, Excite,
etc.) pour atteindre les informations intéressantes de manière
autonome et en ayant la certitude de dénicher même les serveurs
qui ne sont répertoriés nulle part. Mais la bibliothèque
planétaire que constitue Internet reproduit à une échelle
plus vaste un phénomène qu'on a déjà observé
dans les bibliothèques et centres de documentation traditionnels
: entre les demandeurs d'information et le gisement ultime de l'information
la plus rare et la plus spécialisée, il convient d'interposer
un nombre considérable de catalogues et répertoires triant
et classant les informations en fonction de domaines et d'angles d'approche
les plus variés possible.
Depuis 1996, le nombre de personnes sensibilisées à
Internet s'est manifestement accru, grâce à l'incessant travail
d'information mené par les médias, en sorte que même
ceux qui n'ont jamais approché un ordinateur connecté au
réseau savent à peu près de quoi il s'agit. La pénétration
d'Internet semble s'effectuer plus aisément au niveau individuel
et familial qu'au niveau institutionnel, grâce à la
démocratisation
des modems (internes ou externes) et à la
multiplication
des prestataires de services offrant une gamme d'abonnements plus
diversifiée, à des prix plus modiques (généralisation
des coûts de connexion forfaitaires ou au tarif des communications
locales), et même avec des
performances techniques supérieures
(liaisons réseau via Numéris ou, plus récemment, via
le câble à fibre optique, ainsi que le propose la Lyonnaise-Câble
dans certaines villes de certaines régions).
Le retard universitaire ne s'observe pas seulement en matière d'équipements : la manière d'envisager l'utilisation d'Internet se situe en retrait par rapport aux capacités du réseau. Par exemple, l'Université de Paris IV qui, depuis la parution de notre premier article, s'est dotée d'une adresse électronique[2], fait jouer pour le moment à son serveur Web le rôle d'un fournisseur d'informations dont l'utilisateur n'est que l'observateur passif, comme s'il se trouvait en présence d'une version électronique des brochures de présentation de tel ou tel département d'enseignement ou service administratif. Seule est prévue la possibilité de contacter par courrier électronique les responsables de la conception des pages Web ou des départements et services mentionnés, en vue d'améliorer la lisibilité et l'aspect « presse et communication » du serveur[3]. Alors qu'Internet a été fondamentalement conçu selon une architecture interactive dans laquelle chaque intervenant peut être tour à tour émetteur et récepteur d'informations, certaines universités françaises l'utilisent conformément au modèle informatique qui a précédé Internet : celui dans lequel des sites centraux envoient unilatéralement de l'information vers des terminaux passifs.
La première étape consiste à câbler
la totalité des locaux appartenant à l'institution désireuse
d'accéder à Internet, ce qui implique de n'oublier ni les
sous-sols et les greniers, s'ils sont occupés par des bureaux ou
des salles d'enseignement ou de recherche, ni les dépendances, si
les activités sont réparties entre plusieurs bâtiments.
On voit trop souvent les méfaits d'une politique d'équipement
qui, sous prétexte de répartir les coûts dans le temps,
adopte un plan par tranches : le début en est certes réalisé,
mais la programmation des tranches suivantes, élaborée suivant
un calendrier peu précis, ou ajournée pour diverses raisons,
finit par pérenniser une situation dans laquelle certains départements,
services ou secteurs sont bien équipés dès le début,
tandis que d'autres doivent se contenter de la promesse de l'être...
un jour. Ainsi, l'École normale supérieure de la rue d'Ulm
a oublié, voici quelques années, de faire passer le câblage
par certains bureaux situés en sous-sol et dans les combles aménagés,
et cet oubli n'a toujours pas été réparé. Une
telle situation crée artificiellement des conditions néfastes
générant un développement inégal de
l'usage d'Internet en réseau, sans compter le ressentiment éprouvé
par les personnels sacrifiés envers ceux qui ont été
correctement équipés.
Dans la deuxième étape, il convient d'implanter les « passerelles » et les « hubs », ces coffrets électroniques permettant à des parcs de micro-ordinateurs (Macintosh ou compatibles PC) d'accéder au trafic du réseau qui, lui, est géré par un ou plusieurs serveurs, généralement des stations UNIX. En l'absence de ce matériel, le câble a beau passer à proximité des utilisateurs : ils ne pourront pas profiter d'Internet et devront se contenter, au mieux, des petits réseaux locaux (LocalTalk pour Macintosh ou Novell pour les compatibles PC). Suivant le principe selon lequel ce qui n'est pas fait immédiatement ne le sera jamais, mieux vaut prévoir simultanément l'implantation des passerelles et le programme de câblage des locaux.
La troisième étape consiste à disposer les
prises auxquelles se connectera le matériel destiné à
profiter des services du réseau. Il est souhaitable de prévoir
un nombre de prises légèrement supérieur aux besoins
actuels, de façon à s'assurer une marge de manoeuvre
pour faire face sans douleur à une possible extension des équipement
dans un avenir proche. Beaucoup de négligences sont commises à
ce stade, génératrices de gênes qui paraîtront
légères au début, mais qui s'aggraveront avec le temps.
Il est fréquent de voir, par exemple, que dans tel département
ou tel service, certains locaux sont équipés de prises et
non certains autres ; ou encore que le nombre de prises est inférieur
à celui des micro-ordinateurs, ce qui oblige les utilisateurs à
faire du courrier électronique ou du Web sur certaines machines,
tandis que d'autres restent dévolues à des activités
monopostes ; ou encore que l'on n'a pas prévu de prise pour raccorder
l'imprimante, en sorte qu'il faut la partager au travers d'un réseau
local lent, alors que le réseau câblé aurait pu (par
exemple grâce au protocole Ethernet pour les Macintosh) garantir
des débits sensiblement plus rapides. Il est même possible
de voir actuellement (avril 1998), dans une salle informatique gérée
en commun par les Universités de Paris IV et de Paris V, un superbe
« hub » trôner sur un des murs, avec son câblage
inachevé, et une dizaine de micro-ordinateurs stationner à
proximité : version électronique du supplice de Tantale qui,
affamé, voit se dresser devant lui un arbre chargé de fruits,
sans pouvoir l'atteindre.
Une fois que les prises sont en place, prêtes à recevoir
les cordons de connexion en provenance des micro-ordinateurs et des imprimantes,
rien ne garantit que les utilisateurs vont s'y connecter. En effet, la
manière de raccorder le matériel au réseau varie selon
sa nature (micro-ordinateurs ou imprimantes) et son modèle : certains
micro-ordinateurs, par exemple, qui sont déjà équipés
d'une carte électronique adéquate, n'auront besoin que d'un
cordon pour se brancher sur la prise ; d'autres modèles devront
être équipés de ladite carte ; d'autres enfin, trop
anciens ou d'entrée de gamme, acquerront la capacité de se
connecter grâce à un boîtier externe. Si, dans une institution,
les services techniques qui supervisent le câblage global des locaux
sont étrangers aux départements, services ou laboratoires,
lesquels jouissent d'une autonomie dans leur équipement technique,
ou dépendent d'autres services techniques,
il risque de se produire
un hiatus entre la phase où l'ensemble des locaux est câblé
et celle où des entités plus petites et autonomes doivent
prendre la relève pour assurer l'accès effectif des utilisateurs
au réseau. Ainsi, à l'École normale supérieure,
il s'est écoulé plusieurs mois entre le moment où
le câblage global a été achevé et celui où
les départements ont effectivement connecté leur parc informatique
au réseau. La situation n'est paradoxale qu'en apparence, car savoir
comment créer un câblage et savoir comment raccorder du matériel
à un câblage sont deux formes différentes de compétences
techniques. Il importe donc de veiller, à l'intérieur
de l'institution, à ce que les services techniques concernés
par ces deux catégories de compétences existent tous deux
et qu'ils se passent le relais au moment voulu.
Ensuite, quand les machines sont convenablement connectées et que les logiciels gérant les différents services du réseau (courrier électronique, fax, Web) sont opérationnels, rien ne garantit, une fois de plus, que les capacités disponibles seront réellement employées : encore faut-il connaître les utilisateurs et songer à les former. À ce stade, plusieurs sortes de dysfonctionnements s'observent dans les universités littéraires. Lorsque les micro-ordinateurs disponibles sont en nombre insuffisant, certains établissements sont tentés d'en réserver l'accès aux seuls enseignants : l'inconvénient est que les bénéficiaires n'en seront peut-être pas les utilisateurs les plus assidus ni les plus dynamiques, et que le matériel restera sous-employé, pour ne pas dire inutilisé. D'autre part, quand le responsable du parc informatique est un informaticien peu familiarisé avec la psychologie des littéraires, il commet l'erreur de croire qu'il suffit de placer les micro-ordinateurs bien en évidence, munis de leurs logiciels en libre-service, pour que les utilisateurs, attirés comme des mouches par du miel, viennent spontanément s'asseoir devant les écrans et manier les programmes sous la conduite de leur intuition ou de quelque science infuse.
En réalité, l'utilisation des outils informatiques, contrairement à ce qu'affirme une publicité qui souligne abusivement le caractère intuitif de l'interface graphique et la prétendue simplicité des logiciels (alors que même l'aide en ligne exige un apprentissage pour être compréhensible), requiert une formation préalable. En milieu universitaire, les enseignants, les étudiants et le personnel administratif constituent autant de publics différents, approchant les micro-ordinateurs sous des angles différents et avec des motivations différentes. Ils doivent donc être formés dans des stages séparés et à contenus différenciés, même si on leur fait manipuler des logiciels identiques. Ainsi, à part le courrier électronique qui semble d'une égale utilité pour tous, le personnel administratif utilisera plutôt les logiciels de navigation (Netscape Navigator ou Internet Explorer) pour s'abonner à des listes de discussion rassemblant des personnes qui débattent de leurs problèmes professionnels (par exemple biblio-fr pour les bibliothécaires et documentalistes). Les étudiants, quant à eux, chercheront plutôt des serveurs Web affichant les pages d'informations d'universités, étrangères ou françaises, susceptibles de les accueillir durant leur cursus, ou leur fournissant de la bibliographie et des monographies utilisables dans leurs travaux universitaires. Enfin, les enseignants, qui sont en même temps des chercheurs, aiment se connecter aux catalogues électroniques de bibliothèques pour vérifier ponctuellement telle ou telle référence bibliographique ou se constituer une bibliographie pour un cours d'agrégation ; dans certains domaines, comme la géographie, il leur est même possible de récupérer via Internet des documents d'une importante valeur scientifique plus facilement et plus rapidement que s'ils voulaient les obtenir sur support papier[4].
Une fois passé le stade de la formation initiale, l'encadrement
pédagogique continue sous une autre forme. Lorsque les micro-ordinateurs
se trouvent dans des bureaux, à la disposition d'utilisateurs individuels
et familiarisés avec eux, les besoins d'assistance se réduisent
à ceux de la maintenance technique. Mais quand les machines sont
placées dans une salle en libre-service, il y arrive des personnes
novices ayant besoin qu'on leur mette le pied à l'étrier.
Des salles de ce type doivent être placées sous la surveillance
d'une personne remplissant plusieurs missions simultanées :
vérifier que le matériel reste en état de marche et
en signaler les pannes éventuelles au technicien compétent,
guider les débutants dans l'emploi de tel ou tel logiciel, donner
un supplément d'information aux non-débutants qui souhaitent
approfondir l'utilisation de leurs logiciels favoris. Pour éviter
que cette personne ne soit obligée de répéter indéfiniment
les mêmes instructions, il est souhaitable qu'elle se confectionne
un jeu de notices servant de modes d'emploi succincts aux différents
logiciels. Ces notices seront reproduites en de multiples exemplaires,
que les utilisateurs pourront consulter sur place et emporter. En effet,
lors du premier contact avec l'informatique, la majorité des gens,
encore aujourd'hui, aime à être formée oralement,
mais quand leur
appréhension est surmontée et qu'il
leur vient l'envie de se débrouiller par eux-mêmes, une
documentation courte et claire est la bienvenue. Il faut donc éviter
deux écueils : laisser des salles en libre-service sans surveillance,
et placer les salles sous la surveillance d'une personne démunie
de toute documentation à distribuer. La fréquentation et
la satisfaction maximales sont atteintes quand le public trouve simultanément
une
assistance humaine et une documentation écrite
à consulter et à emporter.
Un dernier point mérite d'être souligné, qui
n'est pas le moins important : lorsqu'une institution est fréquentée
par des individus qui n'y viennent que rarement ou ne passent pas suffisamment
de temps ensemble, les informations y circulent mal. Ainsi, dans une
grande école, presque tous les élèves finissent par
savoir, de bouche à oreille, qu'un nouvel équipement informatique
vient d'être installé ici ou là. Mais, à l'institut
de grec de l'Université de Paris IV, il existe une petite salle
en libre-service équipée de quelques Macintosh et d'un CD-ROM
dont l'existence est ignorée de la quasi-totalité des étudiants,
et que les enseignants n'utilisent guère, tout simplement parce
que la publicité concernant cette salle n'est pas faite de manière
systématique. De même, les différentes sections
de l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes possèdent des
micro-ordinateurs munis de CD-ROM et connectés à Internet
: mais comme les chercheurs continuent de percevoir cet établissement
comme un lieu où l'on consulte des microfilms, microfiches, catalogues,
répertoires, monographies concernant les manuscrits (ce qui reste
d'ailleurs sa vocation fondamentale), et que l'existence des nouveaux équipements
informatiques n'est pas suffisamment visible aux yeux des visiteurs, ces
équipements, malgré leur qualité, ne sont utilisés
que par une minorité de personnes.
Lorsqu'on annonce que de nouveaux équipements sont disponibles, les intéressés se demandent souvent quelle en est l'utilité et considèrent qu'ils peuvent fort bien s'en passer en conservant leurs méthodes de travail traditionnelles. Or, ce comportement existait avant la naissance de l'informatique. Il convient donc de donner envie aux gens de prendre contact avec les nouveautés, en faisant porter le message, non pas sur le matériel et les logiciels, mais sur les besoins que ces derniers sont capables de satisfaire. Cela ne s'obtient pas en énumérant sèchement, et souvent dans un langage ésotérique, les noms du matériel et des logiciels, mais en citant des exemples de besoins concrets habituellement ressentis par le public concerné et en montrant comment les outils informatiques peuvent les résoudre plus facilement et plus rapidement que les anciennes méthodes. Par exemple, au lieu d'annoncer vaguement « Faites de l'Internet avec Netscape Navigator (ou Internet Explorer) », il serait plus habile de présenter les choses ainsi : « Consultez sans vous déplacer les catalogues auteurs et matières de la bibliothèque X sur Internet », ou encore ainsi : « Un manuel de paléographie grecque disponible à tout moment grâce à Internet ».
Des outils nouveaux font naître des besoins nouveaux et permettent de résoudre aisément des problèmes qu'on avait pris l'habitude de considérer comme insolubles. Il est donc tout à fait judicieux, de la part d'un documentaliste électronique, de repérer quelques difficultés devant lesquelles les méthodes de travail traditionnelles sont peu efficaces ou inexistantes, et de signaler aux utilisateurs potentiels qu'Internet résout ces problèmes avec une facilité déconcertante. Ainsi, un helléniste sera heureux d'appendre que, grâce à Internet, il peut consulter le dictionnaire complet grec-anglais Liddell-Scott-Jones en ligne[5], bénéficier d'un analyseur automatique de la morphologie des noms et des verbes grecs[6], ou encore interroger par mots-clés grecs un fonds documentaire de papyrus[7]. Une fois mis en confiance et familiarisés avec ces nouveaux outils, leurs utilisateurs se chargeront de les employer à résoudre les anciennes difficultés, ainsi qu'à répondre aux besoins qu'ils feront naître.
En France, les universitaires français littéraires
accèdent actuellement à Internet par des voies différenciées,
symptômes d'une
inégalité d'accès aux nouvelles
technologies. Lorsque des collectivités sont incapables d'assurer
la disponibilité d'Internet aux individus qui les fréquentent,
ces derniers doivent mettre en oeuvre des solutions individuelles, qui
sont fortement inégalitaires car elles dépendant du niveau
de fortune et de connaissances de chacun.
Lorsque les institutions se lancent pour la première fois
dans l'aventure Internet, c'est généralement pour y présenter
des pages Web d'information sur les départements, laboratoires et
services qui les composent. Cette démarche revient à utiliser
le réseau comme un support de communication interne ou externe,
à en faire l'équivalent électronique d'une brochure
de renseignements. C'est assurément mieux que rien, mais l'utilisateur
est confiné à un rôle passif, puisqu'il lui
est impossible de créer ses propres pages Web sur le serveur, et
que le courrier électronique se réduit à une formule
du type « boîte à suggestions » qui vous autorise
seulement à contacter les responsables de la mise en page ou des
départements, laboratoires et services, pour leur donner votre sentiment
sur la présentation et le contenu des informations.
D'autres institutions, comme les grandes écoles et certaines
universités, surtout scientifiques, font jouer à leurs utilisateurs
un rôle pleinement actif. En plus de leurs pages d'information,
elles disposent d'un système de comptes électroniques permettant
à leurs élèves ou étudiants de faire du courrier
électronique et de créer leurs propres pages Web. Mieux encore,
certaines institutions, comme l'École normale supérieure,
pour montrer aux élèves (littéraires et scientifiques)
des nouvelles promotions combien la pratique d'Internet est devenue incontournable,
leur créent d'office des comptes dès la rentrée et
leur proposent des stages d'initiation à la pratique du réseau.
Par la suite, la présence de salles informatiques en libre-service
où se côtoient les élèves des différentes
promotions concourt à l'émulation générale
qui pousse chacun à acquérir une véritable formation,
nourrie à la fois par les stages, le bouche à oreille et
le travail personnel.
Certains départements ou laboratoires, que la lenteur
et l'inertie de l'institution gênent dans leurs activités
scientifiques, peuvent être tentés de s'équiper
par leurs propres moyens. Cela leur est possible grâce à
l'autonomie financière, qui est la règle en milieu universitaire,
et grâce au dynamisme de leurs patrons. Il s'agit certes de solutions
spécifiques à tel ou tel établissement et qui ne sont
pas transposables telles quelles ailleurs, mais il importe de souligner
que cela s'est déjà produit. Ainsi, en 1991, à l'École
normale supérieure, le département de sciences sociales,
qui entretient des contacts étroits avec une multitude de chercheurs
et d'établissements étrangers (d'où son besoin de
courrier électronique) et qui doit employer des moyens de calculs
puissants pour des statistiques, dépouillements d'enquêtes
et autres tâches analogues (d'où son besoin de stations de
travail UNIX connectées en réseau), a conclu avec l'I.N.S.E.E.
un contrat selon lequel il s'engageait à dépouiller d'énormes
quantités de données brutes provenant d'enquêtes, à
les analyser et à en tirer un rapport circonstancié. À
titre de rétribution, il a obtenu le financement d'un petit parc
de stations UNIX et l'extension jusqu'à ses locaux du câblage
déjà présent depuis de nombreuses années dans
les départements scientifiques. Il a ainsi été, durant
presque cinq ans, le seul département littéraire de l'École
à être relié à Internet. Le succès et
les conséquences heureuses d'une telle opération ont servi
d'exemple et, aujourd'hui, la quasi-totalité de l'École littéraire
est câblée. Tout est bien qui finit bien, mais dans d'autres
circonstances, ou dans d'autres institutions, cette situation aurait pu
donner lieu à un développement inégal et anarchique
des différents départements :
en l'absence d'une politique
claire et courageuse d'équipement global, il pourrait naître
un esprit d'individualisme, qui inciterait chaque département, laboratoire
ou service à ne compter que sur sa débrouillardise pour remédier
à l'ambiance d'inertie générale et pour s'en sortir
mieux que les voisins.
Cette attitude, qui ne manque jamais de se manifester dans un
système caractérisé par la pénurie de certains
biens ou services, s'observe aussi à l'échelon individuel.
Ainsi, plusieurs enseignants latinistes et hellénistes de l'Université
de Paris IV, lassés de l'absence ou de la rareté des micro-ordinateurs
équipés de CD-ROM (pour l'interrogation de corpus de textes)
ou connectés à Internet, ont fini par s'équiper à
leurs frais et à domicile. Moyennant un modem et un abonnement à
un prestataire de services[8], ils maintiennent
avec leurs collègues (surtout étrangers) des contacts plus
étroits que s'ils n'étaient pas équipés et,
en règle générale, les différentes formes
d'équipement informatique leur donnent des atouts dans la concurrence
scientifique qui anime le monde universitaire. Ils estiment que leurs
dépenses sont non seulement nécessaires, mais encore rentabilisées
par une meilleure production scientifique, la création de relations
professionnelles plus diversifiées, et les conséquences extrêmement
bénéfiques que tout cela entraîne pour leur notoriété
et leur carrière.
La principale difficulté qui s'oppose à ce que l'ensemble
de la population estudiantine soit familiarisée avec les micro-ordinateurs
et les réseaux, est l'absence d'intégration des outils dans
l'enseignement et l'initiation à la recherche. Il nous paraît
évident que la majorité des étudiants littéraires
n'aura jamais besoin d'apprendre un langage de programmation, et que la
façon dont l'informatique est abordée chez les scientifiques
leur est inadaptée. En revanche, il nous semble fondamental
qu'au cours de leur cursus, tous les étudiants littéraires
prennent l'habitude d'utiliser un traitement de texte, un gestionnaire
de bases de données, un tableur, un logiciel de dessin, un logiciel
de courrier électronique et un navigateur Internet. En maîtrise
ou en DEA, il serait normal que les étudiants sachent
se servir
de logiciels d'interrogation de CD-ROM pour retrouver les occurrences
de tel ou tel mot dans des corpus littéraires, consulter des
banques de données bibliographiques sur CD-ROM ou sur Internet,
et explorer les pages Web pour dénicher par leurs propres
moyens une source de renseignements qui n'est répertoriée
dans aucun catalogue ou annuaire.
À l'École normale supérieure, il existe une cellule informatique littéraire dont les enseignants assurent, à la rentrée, des stages d'initiation à l'informatique pour la nouvelle promotion, et, durant l'année, des séances de formation aux logiciels, aux CD-ROM et à Internet. En outre, les élèves disposent à la fois de salles communes en libre-service et de salles propres aux différents départements et laboratoires, dans lesquelles ils ont accès à des logiciels, des CD-ROM, au réseau, à des imprimantes, parfois à un scanner. Dans un tel environnement, ils finissent par considérer l'informatique comme un outil usuel, s'équipent à titre personnel pour plus de confort, et trouvent normal de recourir à l'ordinateur dans leurs tâches de recherche, d'enseignement, ainsi que dans leurs relations professionnelles et personnelles.
L'ambiance est tout autre en milieu universitaire. Ce ne sont pourtant ni la volonté ni les initiatives qui manquent. Par exemple, le C.I.E.S.-Sorbonne[9] organise, chaque année, des stages destinés aux étudiants-moniteurs, où sont abordés tous les aspects de l'informatique : notions de base, logiciels bureautiques, multimédia, CD-ROM de grec et de latin, didacticiels, logiciels de langues vivantes, Internet. Pendant que les étudiants-moniteurs, provenant de différentes universités parisiennes, sont rassemblés pour la durée des stages, ils disposent du matériel et de l'environnement adéquats. Mais trouveront-ils toujours sur leur lieu de travail habituel de quoi mettre en pratique leurs connaissances acquises ? Faute d'une pratique régulière, qui suppose des équipements permanents, la compétence obtenue risque de ne pas porter de fruits. De plus, ces étudiants-moniteurs pourront, dans le moins défavorable des cas, utiliser leur savoir à titre personnel, mais ils ne trouveront pas les conditions matérielles qui leur permettraient de former à leur tour des étudiants.
En milieu universitaire, il existe différents endroits,
fréquentés par des usagers différents, et dans
lesquels la pratique d'Internet est différente.
Bien que l'enseignant universitaire français moyen d'aujourd'hui
considère encore souvent le micro-ordinateur comme une machine à
écrire améliorée, Internet réussit à
pénétrer dans les bureaux. La raison première en est
généralement la nécessité de pratiquer le courrier
électronique. Quand leurs collègues universitaires (surtout
étrangers) pratiquent habituellement le « courriel »
(comme disent les Québécois) et sont désormais difficilement
joignables par les moyens de communications traditionnels, les retardataires
français sont bien obligés de se hisser à leur niveau.
En outre, il devient de plus en plus fréquent de diffuser par courrier
électronique les appels à communications pour les colloques,
au détriment des circulaires sur papier. Or, comme ces deux activités
sont incontournables dans la vie professionnelle de tout universitaire
qui fait de la recherche, il devient nécessaire, simplement pour
rester
dans la course, d'utiliser les mêmes outils informatiques et
les mêmes méthodes de travail que ceux qui mènent actuellement
la course.
Le courrier électronique étant, pour le moment, la principale utilité d'Internet aux yeux de la majorité des universitaires, il convient d'avoir, dans chaque bureau, au minimum un micro-ordinateur équipé d'un logiciel offrant un tel service. Cependant, il convient de savoir qu'en cas de partage d'un même logiciel de courrier électronique par plusieurs personnes sur une même machine, il est certes possible de gérer plusieurs boîtes aux lettres électroniques simultanément, mais que la confidentialité de chacune d'elle n'est pas toujours correctement assurée[10]. Même si, pour des raisons budgétaires, plusieurs collègues d'un bureau partagent le même micro-ordinateur, il est souhaitable que chacun ait au plus vite sa machine personnelle.
Lorsque l'enseignant-chercheur est familiarisé avec le
courrier électronique, et qu'il cherche à connaître
les autres services qu'Internet est susceptible de lui offrir, il est principalement
intéressé par les catalogues en ligne que proposent de plus
en plus de bibliothèques dans le monde. Pour s'y connecter, il lui
faut un logiciel de navigation, grâce auquel il fera progressivement
connaissance avec les services accessibles par le Web.
Quand un établissement universitaire commence à s'équiper
en matériel mis à la disposition des étudiants, il
est rare que l'opération se fasse à l'échelon de l'U.F.R.
ou du département, car les moyens financiers à mettre en
oeuvre sont importants, et il n'est pas simple d'obtenir que tous les U.F.R.
et départements d'un établissement s'équipent en même
temps. La solution généralement adoptée consiste à
créer une petite cellule informatique en libre-service, placée
sous la surveillance d'un personnel rattaché au service informatique
de l'établissement, et accessible à l'ensemble des étudiants.
Si l'établissement ouvre pour ses étudiants des comptes permettant d'accéder au courrier électronique, les problèmes de confidentialité, évoqués plus haut à propos des enseignants comme des risques potentiels, vont se poser de façon certaine, car l'anonymat qui règne dans une salle en libre-service offre de multiples tentations aux personnes malintentionnées ou à la moralité chancelante. C'est pourquoi, il est préférable de faire gérer, dans un tel environnement, le courrier électronique par un serveur UNIX, qui offre de meilleures garanties en matière de protection et de confidentialité du réseau. Les usagers, au moment de consulter leur boîte aux lettres électronique, se connecteront au serveur grâce à un login et un mot de passe, qu'ils taperont soit sur une station de travail UNIX, soit sur un micro-ordinateur communiquant avec le serveur à l'aide du protocole Telnet.
En revanche, l'emploi d'un logiciel de navigation pour consulter des pages Web ne nécessite aucune précaution spéciale. Afin de montrer l'utilité de telles consultations, il est judicieux de placer dans la barre de menu du logiciel des signets[11] prédéfinis pointant vers des adresses intéressantes, afin de rendre celui-ci immédiatement utilisable par un novice. Une fois familiarisés avec les navigateurs, les étudiants se montrent généralement plus entreprenants et plus curieux que les enseignants, et n'hésitent pas à rechercher ce que le Web peut receler de plus rare ou de plus original. Beaucoup se mettent à créer des pages Web à l'aide de l'éditeur intégré au navigateur et en apprenant le langage HTML.
On pourrait penser que les salles communes d'informatique constituent
des solutions transitoires destinées à répondre aux
besoins des étudiants tant que les U.F.R. et départements
ne disposent pas de leurs propres cellules informatiques, et qu'elles seront
définitivement condamnées le jour où la dernière
U.F.R. ou le dernier département se seront enfin équipés.
Cependant, l'exemple de l'École normale supérieure montre
que
ces deux types de locaux peuvent coexister en remplissant des
fonctions
complémentaires : les cellules informatiques des départements
sont équipées avec du matériel correspondant aux besoins
spéciaux de chaque discipline, tandis que les salles communes proposent
des environnements hétérogènes (micro-ordinateurs
et stations de travail munis de différents systèmes d'exploitation)
permettant aux usagers d'avoir un aperçu des différentes
gammes de matériel informatique, et ainsi de manipuler des appareils
ou des logiciels que l'U.F.R. ou le département dont ils dépendent
n'ont pas jugé bon d'acquérir.
Il est nécessaire que les U.F.R. et départements des
universités littéraires aménagent leurs propres locaux
informatiques pour la raison fondamentale que les spécialistes
de chaque discipline font un usage spécifique de l'informatique,
et n'utilisent pas le même matériel et les mêmes logiciels
que les autres, ou bien utilisent le même matériel et les
mêmes logiciels d'une façon différente. Pour cette
raison, il convient que les besoins en équipements de chaque
U.F.R. et département soient définis par des personnes appartenant
à ces entités, qui soient à la fois compétentes
dans leur discipline et en informatique, afin de pouvoir décider
avec pertinence de la nature des équipements à réaliser.
Par exemple, il existe désormais un nombre important de CD-ROM destinés
à la recherche scientifique et de contenu très différents
(corpus de littérature ancienne ou moderne, fonds de cartes, etc.)
: mieux vaut que l'acquisition et la consultation de cette multitude
de CD-ROM soit décentralisées au niveau des U.F.R. et
départements plutôt que d'être confiées à
un serveur central qui les rendrait accessibles en réseau à
tout le monde, ce qui serait très coûteux à réaliser
et à maintenir en état de marche. Selon le même principe,
la
décentralisation de l'accès à Internet permet de l'adapter
aux besoins de chacun : par exemple, les logiciels de navigation peuvent
être équipés de signets permettant aux personnes de
telle U.F.R. ou tel département de se connecter rapidement aux serveurs
Web dont le contenu intéresse spécialement cette U.F.R. ou
ce département.
L'autonomie en matière informatique doit être
assumée sous tous ses aspects, et notamment il incombe à
chaque U.F.R. ou département de s'assurer la présence
sur place d'une ou plusieurs personnes capables d'assurer la formation
des utilisateurs et la maintenance du matériel. L'expérience
a montré que si le parc informatique est décentralisé,
mais que l'assistance technique reste centralisée (par exemple en
demeurant de la seule compétence d'un Centre de calcul ou d'une
organisation analogue), le manque de personnel qui en résulte a
pour conséquence que certains U.F.R. ou départements sont
implicitement considérés comme prioritaires tandis que d'autres
souffrent de retards chroniques mis à remédier aux pannes
qui surviennent nécessairement et fréquemment. Or, un équipement
informatique qui n'est pas maintenu en état de fonctionnement régulier
ne vaut guère mieux que pas d'équipement du tout : non seulement
il fait fuir les utilisateurs, mais il jette le discrédit sur l'U.F.R.
ou le département qui se montre publiquement incapable de l'administrer
correctement.
Alors que les salles communes et les cellules informatiques propres
aux U.F.R. et départements doivent proposer à la fois le
courrier électronique et l'accès aux serveurs Web, les
postes informatiques installés dans les bibliothèques n'ont
besoin d'assurer à leurs usagers que l'accès au Web[12].
Dans la mesure où une multitude de serveurs offrent la consultation
en ligne de différents types de catalogues de bibliothèques
(auteurs, matières, périodiques, spécialisés
par disciplines, etc.) ou de bibliographies raisonnées sur tel ou
tel sujet, et même le téléchargement du texte[13]
des oeuvres complètes de tel ou tel auteur, dans sa langue originale
ou en traduction, Internet devient un outil d'informatique documentaire
qui prend sa place dans les bibliothèques, à côté
et en complément des dictionnaires, encyclopédies et collections
de textes sur papier.
Il y a dans la plupart des bibliothèques universitaires une ou plusieurs personnes qui, bénéficiaires d'une formation ou simplement autodidactes, possèdent des compétences en documentation électronique, sont passionnées par ce sujet, et se désolent du manque de moyens budgétaires dont disposent les bibliothèques françaises pour rester au niveau de ce qui se fait en Europe et aux États-Unis, ou de l'inertie dont font preuve certains bibliothécaires, alors qu'il faudrait adapter nos moyens et nos méthodes de travail aux transformations profondes qui s'effectuent en cette fin du XXe siècle. Ceux qui pourraient devenir les artisans de cette modernisation et de ce progrès n'ont pas voix au chapitre.
Des bibliothèques s'équipent néanmoins en matériel informatique, le plus souvent au hasard des initiatives individuelles ou des opportunités qui s'offrent à elles d'acquérir telle machine, tel logiciel ou tel CD-ROM. On voit ainsi apparaître le profil qui sera celui des postes informatiques en usage dans les bibliothèques de demain. Lorsque les micro-ordinateurs sont encore rares, ils remplissent par nécessité des tâches polyvalentes, mais dès que leur nombre s'accroît, une tendance à la spécialisation apparaît : certaines machines sont réservées à la consultation, en monoposte, de CD-ROM placés dans des lecteurs à tiroirs multiples, tandis que d'autres sont consacrées à Internet. Il est également possible d'utiliser, notamment à la section latine de l'I.R.H.T.[14], des micro-ordinateurs entièrement connectés en réseau et qui peuvent tous effectuer, au choix, une consultation de CD-ROM ou d'Internet.
De tels équipements requièrent une gestion particulière, relevant de la compétence de documentalistes électroniques. Il faut, entre autres, mener une politique cohérente d'achat de nouveaux CD-ROM, suivre les abonnements aux CD-ROM à renouvellement périodique, veiller à ce que les caractéristiques techniques des machines, les versions des systèmes d'exploitation et celles des logiciels restent compatibles, suivre en permanence la naissance, les changements d'adresse et la disparition des serveurs Web. Les nouveaux outils ne génèrent pas seulement de nouvelles façons de travailler, ils concourent aussi à la création de nouveaux profils professionnels.
On ne peut nier que l'équipement des universités littéraires
françaises s'effectue progressivement, mais on peut déplorer
qu'il le fasse avec un certain retard et sous la
pression d'événements
extérieurs : universitaires étrangers déjà
connectés, personnalités universitaires françaises
souhaitant trouver sur leur lieu de travail le même matériel
qu'à domicile, extension d'Internet aux départements d'enseignement
et de recherche après équipement préalable des services
administratifs de l'Éducation nationale.
Ces tâtonnements ne sont peut-être pas une spécificité française. Sans doute les Américains, inventeurs d'Internet, ont-ils connu des problèmes analogues. Mais les inventeurs ont le privilège de mener leur propre équipement à leur guise et à leur rythme, tant que la concurrence est inexistante dans le domaine concerné. En revanche, quand on se trouve forcé d'adopter une innovation répandue par d'autres, il est préférable de traîner et de trébucher le moins possible.
Le câblage et l'équipement informatique nécessaires
pour permettre l'accès à Internet exigent des investissements
qui dépassent largement les budgets alloués aux départements
et U.F.R. pour le simple fonctionnement ou l'équipement en petit
matériel à un échelon réduit. En outre, pour
qu'Internet devienne une réalité dans l'ensemble des universités
françaises, il convient d'envisager le raccordement au réseau
en terme de couverture nationale. Il paraît logique que l'État,
qui exerce sa tutelle sur l'ensemble des établissements relevant
de l'Éducation nationale, fasse preuve de souveraineté en
montrant qu'il possède une politique claire et cohérente
en ce domaine. Le raccordement à Internet de l'ensemble des universités
françaises doit être
harmonisée afin d'éviter
que ne se développent des initiatives anarchiques, et que le souci
d'intérêts particuliers ne l'emporte sur l'intérêt
général.
Actualités et nouveautés | Le colloque de 1999 | Articles | |
Bilans, débats, comptes rendus | Dernier ouvrage | Pointeurs et Bibliographie | |
Page de garde | Vos commentaires et propositions |