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Les antiquisants face à l'informatique et aux réseaux

Daniel Béguin
Cellule Informatique littéraire
École normale supérieure
Novembre 1996
Courriel : Daniel.Beguin arobase-anti__spam ens.fr


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Introduction
  1. 1. Réticences et attirance des antiquisants face à l'informatique
    1. A. Pourquoi rompre avec la tradition ?
    2. B. Intellectuels et techniciens
    3. C. Les transitions douces
    4. D. La machine au service de l'homme, et non l'inverse
    5. E. L'émergence d'un esprit nouveau
  2. 2. Obstacles structurels à l'informatisation des antiquisants
    1. A. Informatique littéraire et informatique scientifique
    2. B. Informatique individuelle et informatique collective
    3. C. Marginalisation structurelle des littéraires
    4. D. Dépendance technique des littéraires
    5. E. Le problème lancinant des jeux de caractères
    6. F. Les littéraires, consommateurs mais non acteurs de l'informatique
  3. 3. Outils informatiques destinés aux antiquisants
    1. A. Les logiciels
    2. B. Les CD-ROM
    3. C. Un cas particulier : Perseus
  4. 4. Services offerts par Internet en dehors du Web
    1. A. Le courrier électronique (e-mail)
    2. B. Les forums de discussion (newsgroups)
    3. C. Les listes de discussion (listservs)
  5. 5. Services offerts par le Web
    1. A. Un labyrinthe à explorer sans véritable guide
    2. B. Les trois manières de rechercher des adresses
    3. C. Sites généralistes et sites spécialisés
    4. D. Sites spécialisés par domaines
    5. E. Sites proposant des collections de données
    6. F. Revues électroniques
    7. G. Bibliothèques
    8. H. Catalogues d'éditeurs
  6. Conclusion


Introduction

Depuis dix ans environ, le monde des hellénistes, latinistes et archéologues vit une révolution presque silencieuse. Progressivement, des ordinateurs pénètrent non seulement dans les départements littéraires des universités et des grandes écoles, mais encore dans les foyers des chercheurs, et prennent en charge les tâches courantes qui aboutissent à la « production » du texte. Même si les outils traditionnels, reposant sur le support papier, n'ont pas été détrônés, la collecte des matériaux qui nourrissent la réflexion du chercheur et la mise en forme définitive des résultats de la recherche exploite désormais les supports électroniques de manière courante.

Alors que le monde extérieur considère souvent les antiquisants comme des personnes à la mentalité rétrograde et aux méthodes de travail routinières, ceux-ci ont pourtant été parmi les premiers littéraires à s'investir dans la maîtrise des nouvelles technologies informatiques. Cela ne s'est pas fait sans mal, mais le bilan est manifestement positif et la situation offre maintenant un aspect suffisamment cohérent pour mériter qu'on en dresse un état des lieux.

Le présent article ne prétend nullement constituer une étude historique ou sociologique. Il se destine, plus modestement, à transmettre le témoignage d'une personne qui, étant à la fois antiquisante et formée à l'informatique, a eu pour tâche professionnelle de guider ses collègues antiquisants de l'École normale supérieure principalement, mais aussi de l'université de Paris IV et d'autres établissements français, dans le monde étrange des ordinateurs. Les remarques qui vont suivre sont le fruit d'un contact direct de cinq années avec les hommes et les réalités.


1. Réticences et attirance des antiquisants face à l'informatique

A. Pourquoi rompre avec la tradition ?

Les antiquisants âgés de quarante ans et davantage, qu'ils soient en poste dans l'enseignement ou la recherche, ont appris à travailler avec des outils dont le support est le papier : dictionnaires et encyclopédies, index et concordances, fiches cartonnées des catalogues auteurs et matières dans les bibliothèques. L'habitude de travailler sans ordinateur est, chez eux, invétérée, indolore, évidente. Au rebours, l'idée d'introduire la machine au milieu de leurs méthodes de travail bien rodées leur semble, au mieux une incongruité, au pire une menace. Ne chercherait-on pas à leur imposer des outils moins performants afin de provoquer une baisse de qualité dans leur travail scientifique, et ainsi de remettre en cause la valeur et l'existence de leur discipline ?

Si on leur explique que l'ordinateur remplit avec plus de facilité, de rapidité, et même de sécurité, certaines tâches traditionnellement accomplies à la main, on leur paraît abstrait. Si on leur annonce que l'outil informatique peut, au surplus, satisfaire des besoins demeurés latents, voire donner naissance à de nouveaux besoins qui seraient inconcevables dans l'ancienne organisation du travail, on passe pour un habile rhéteur.

B. Intellectuels et techniciens

Si on leur propose un contact direct, grâce à des séances d'initiation, avec les matériels et les logiciels, la résistance initiale s'exprime par des arguments du style « Je ne suis pas doué pour cela ». Si l'on insiste, certains n'hésitent pas à préciser que « ce n'est pas à eux de faire cela ». Une barrière psychologique, implantée dans le milieu scolaire, affermie dans le milieu professionnel, dresse une séparation entre des activités intellectuelles valorisantes et des tâches manuelles indignes. L'imaginaire des antiquisants distingue entre les intellectuels, qui manipulent les abstractions et qui donnent des ordres, et les techniciens, qui reçoivent l'ordre de manipuler tel ou tel appareillage. La difficulté préalable que pose l'informatique, c'est de faire admettre comme normal de manipuler les idées et des choses, en allant incessamment des unes aux autres. Les scientifiques, habitués à associer la réflexion théorique et les travaux pratiques, voient dans l'ordinateur un matériel de laboratoire parmi tant d'autres. Chez certains littéraires, il peut se produire un blocage parce qu'on ne les a pas habitués à « penser avec leurs mains ».

C. Les transitions douces

Parmi les générations d'antiquisants qui ont été formées dans l'idée de la prééminence absolue du livre, certaines personnes se sont converties à l'informatique. Dans leur cas, l'aspect utilitaire de la démarche est primordial. Elles s'initient au traitement de texte car c'est le prolongement pour ainsi dire naturel de la machine à écrire. Les archéologues, qui semblent plus réceptifs à l'innovation technologique que les autres littéraires, peut-être parce que leur discipline exige l'emploi d'outils et le contact avec les réalités matérielles, voient dans les logiciels de dessin la forme évoluée des tables à dessin. De même, l'habitude de consulter les divers fichiers de bibliothèques rend plus acceptable l'idée de consulter les bases de données bibliographiques en ligne ou sur CD-ROM.

Mieux encore : l'utilisateur d'index et de concordances, désappointé de constater qu'il n'existe pas d'ouvrage de ce type sur l'auteur qu'il est en train d'étudier, ou que l'ouvrage disponible est notoirement incomplet, sera soulagé d'apprendre que des logiciels permettent de consulter des corpus littéraires en ligne ou sur CD-ROM et qu'ils fournissent des listes d'occurrences exhaustives. L'expérience concrète d'une limitation des outils papier dans un cas précis, immédiatement suivie de la solution du problème grâce à l'emploi de l'ordinateur, est la situation idéale qui provoque la conversion définitive d'un antiquisant aux bienfaits de l'informatique.

Les antiquisants attendent de l'ordinateur qu'il s'insère dans une continuité, et redoutent ce qui offre l'apparence d'une rupture avec les méthodes traditionnelles de travail. La néophilie obsessionnelle qui caractérise souvent les informaticiens de métier et qui les pousse à promouvoir l'adoption d'un matériel sur le seul critère de sa nouveauté fracassante constitue, vis-à-vis des antiquisants, une faute psychologique majeure. Certes, en tant qu'outil nouveau, l'ordinateur est virtuellement porteur de nouvelles façons de penser et de travailler. Mais plutôt que d'effrayer les gens en soulignant hyperboliquement son caractère « révolutionnaire », il est préférable de les laisser s'apprivoiser à son contact. Les changements ultérieurs, voire les ruptures, en sont moins douloureuses, et dans certains cas imperceptibles.

D. La machine au service de l'homme, et non l'inverse

Un ordinateur qui effectue les tâches requises moyennant une formation légère est au service de l'homme. Celui qui nécessite des procédures complexes et la consultation répétée de manuels gros comme des annuaires est un tyran. La conscience aiguë de cette forme moderne de la dialectique du maître et de l'esclave explique certains comportements des antiquisants. Toute tentative d'introduire l'ordinateur en violation de ce principe est ressentie comme une agression et provoque un rejet. Les corollaires de ce principe sont les suivants.

Premièrement, la valeur d'usage d'un matériel ou d'un logiciel se mesure à sa simplicité d'utilisation. Les interfaces graphiques sont les éléments décisifs qui ont accéléré la pénétration de l'informatique chez les antiquisants, car ces derniers attendent implicitement du matériel informatique un fonctionnement du type « presse-bouton », analogue à celui de l'appareillage électroménager. Inversement, les interfaces du type console (comme on en voit encore sur les machines à système d'exploitation UNIX) ou à ligne de commande (comme dans MS-DOS) suscitent une répulsion marquée. Dans les cas où l'utilisateur antiquisant est contraint et forcé d'avoir recours à ce genre de matériel, il s'arrange pour obtenir l'assistance d'une tierce personne qu'il ravale au rang de technicien en lui confiant le travail à effectuer.

Deuxièmement, les antiquisants considèrent que le temps qu'ils peuvent soustraire à l'accomplissement de leurs diverses activités pour le consacrer à la formation doit porter ses fruits dans leur domaine professionnel à brève échéance. Si on leur demande de s'investir dans l'apprentissage d'un langage de programmation, ou dans l'approfondissement d'un système d'exploitation, sans que cet effort soit mis en relation avec la réalisation d'un projet de recherches en cours, on s'expose à un échec. Les antiquisants font « de l'informatique pour les langues anciennes » et non pas « de l'informatique pour l'informatique ».

Troisièmement, le culte que certains vouent à l'objet informatique laisse les antiquisants de glace. Tout argument visant à leur faire acquérir du matériel, ou à remplacer l'équipement existant par un plus récent, et qui fait référence à la puissance du microprocesseur, au numéro de version du logiciel et autres considérations de même farine a peu de chance de les convaincre. Ils utilisent les matériels et les logiciels, non pour eux-mêmes, mais pour les services qu'ils leur rendent, et sans être « obsédés par le problème de l'obsolescence ».

Les antiquisants ne sont nullement imprégnés de culture scientiste. Ils ne croient pas que le progrès, dans quelque domaine que ce soit, résulte de la diffusion des produits des technosciences. D'après eux, la véritable science progresse grâce au labeur modeste et opiniâtre des générations successives, et non par le recours à des nouveautés spectaculaires censées apporter des solutions rapides.

E. L'émergence d'un esprit nouveau

Cependant, les étudiants actuellement engagés dans les divers cursus des sciences de l'Antiquité manifestent, à l'égard de l'informatique, une attitude différente de leurs aînés. De plus en plus, l'ordinateur devient un objet familier, soit par le biais de l'école, soit grâce au milieu familial. Parallèlement, les pratiques culturelles des nouvelles générations laissent plus de place aux supports audiovisuels. Même les futurs enseignants et chercheurs antiquisants sont acquis à l'idée que le livre n'est pas le support privilégié, voire unique, de la véritable culture et de la véritable science.

Les étudiants antiquisants, du moment qu'ils ont déjà utilisé un ordinateur, ou qu'ils voient leurs camarades en utiliser un, trouvent normal d'y recourir dans l'accomplissement des tâches liées à leur cursus universitaire, par exemple pour saisir un mémoire à l'aide d'un traitement de texte, ou pour gérer une bibliographie avec un logiciel de bases de données.

Quand l'institution universitaire leur propose des stages d'initiation, ils se montrent plus intéressés à les suivre que leurs aînés. Une fois formés, ils se posent plus souvent la question de savoir si l'informatique leur permettrait d'accomplir plus efficacement une tâche qu'on leur a appris à traiter par des méthodes manuelles : ainsi, les étudiants philologues demandent fréquemment si l'ordinateur peut automatiser la présentation des apparats critiques et des stemmas qui accompagnent la réalisation des éditions critiques de textes grecs et latins à la suite de la collation des différents manuscrits.

Les générations nouvelles sont animées d'un esprit ludique, et non plus strictement pragmatique, qui les pousse à explorer par elles-mêmes les possibilités de l'informatique et à aller beaucoup plus loin dans la maîtrise technique, pour peu que l'institution mette les moyens adéquats à leur disposition. Ainsi, à l'École normale supérieure, les ordinateurs qui donnent accès à Internet sont en libre-service. Grâce aux vertus de l'émulation mutuelle, les élèves (parmi lesquels des antiquisants) ont appris, non seulement à utiliser les navigateurs (dont Netscape), mais aussi à créer leur propres pages Web (élaborées à l'aide du langage HTML).

Les anciennes et nouvelles générations d'antiquisants ont donc franchi le pas en direction de l'informatique et des réseaux, bien que ce soit sous des formes et pour des motivations différentes. Encore faut-il que le milieu universitaire où elles travaillent dispose de structures adaptées, ce qui n'est pas toujours le cas.


2. Obstacles structurels à l'informatisation des antiquisants

A. Informatique littéraire et informatique scientifique

La pénétration de l'informatique dans les départements littéraires de l'université et des grandes écoles s'effectue avec retard par rapport aux scientifiques. Ce phénomène s'observe aussi à propos des réseaux. Alors que les scientifiques sont câblés depuis au moins dix ans, les littéraires ne le sont que depuis quelques années (comme à l'ENS), sont en train d'être câblés (comme à Paris IV), ou attendent encore de l'être. De même, l'exploitation confortable des réseaux exige des équipements informatiques puissants à base des stations de travail UNIX : celles-ci sont largement présentes chez les scientifiques, alors qu'elles ne font qu'une timide apparition chez les littéraires, qui utilisent plutôt des micro-ordinateurs.

Les besoins des littéraires et des scientifiques sont différents et impliquent l'acquisition de matériels différents. Les scientifiques réclament principalement la puissance et la vitesse de calcul, qu'ils sont prêts à payer au prix d'une interface éventuellement plus rustique. Les littéraires, en revanche, sont sensibles à l'agrément de l'interface graphique, qu'il n'est pas gênant de leur fournir car ils utilisent habituellement des logiciels qui passent leur temps à attendre des entrées d'informations par l'opérateur humain : la vitesse y constitue donc un facteur secondaire (traitements de texte, gestionnaires de fichiers, tableurs).

B. Informatique individuelle et informatique collective

La culture scientifique a intégré la notion de travail en équipe. Au lycée déjà, les élèves scientifiques sont associés en binômes ou en petits groupes. Cet encadrement collectif se retrouve dans les équipements informatiques mis à la disposition des chercheurs scientifiques : micro-ordinateurs et stations UNIX reliées en réseaux, mini-ordinateurs et terminaux passifs reliés à des sites centraux. L'actuelle percée des réseaux renoue, par certains côtés, avec le modèle d'une informatique centralisée qui avait cours jusqu'au milieu des années 70.

La culture littéraire, au contraire, est individualiste. La pénétration décisive de l'informatique, chez eux, date de la diffusion du micro-ordinateur dans le grand public[1]. Aujourd'hui encore, les machines de bureau des littéraires sont généralement monopostes, ou reliées par des réseaux locaux aux performances limitées (AppleTalk pour Macintosh, Novell pour les compatibles PC). En outre, les littéraires, qui travaillent volontiers en bibliothèque ou en villégiature, sont gros consommateurs de portables, c'est-à-dire d'une informatique nomade. Même s'il est possible de raccorder les portables à des réseaux, grâce à des cartes modem et à des logiciels de télécommunication, l'achat d'ordinateurs de cette catégorie montre que les utilisateurs recherchent avant tout l'autonomie et l'indépendance. C'est le personal computer, plus que le network computer, qui satisfait actuellement aux attentes des littéraires.

C. Marginalisation structurelle des littéraires

Dans les établissements universitaires, les diverses prestations informatiques sont fournies aux départements par l'intermédiaire d'une structure centralisée qui porte généralement (mais pas toujours) le nom de Centre de Calcul. Bien que l'efficacité d'une telle organisation soit indéniable, elle révèle certaines limites lorsque les littéraires et les informaticiens doivent dialoguer. Par formation, le personnel des Centres de Calcul est plus apte à comprendre les besoins des scientifiques que des littéraires et à les traduire en termes informatiques. Par ailleurs, les relations formelles et informelles sont plus étroites entre les Centres de Calcul et les laboratoires scientifiques, car les personnes qui y travaillent possèdent une culture, une sensibilité, des passions communes.

Dans un tel contexte, les départements littéraires apparaissent comme une frange marginale d'utilisateurs de l'informatique : ils sont équipés après les autres, disposent de crédits moins généreux, et la maintenance s'occupe d'eux en dernier. La spécificité des besoins littéraires en matériels et en logiciels est souvent mal identifiée, sous-estimée, et leur différence est considérée comme une infériorité.

D. Dépendance technique des littéraires

Les départements littéraires ne possèdent pas la maîtrise technique de l'outil informatique, et leur culture ne les pousse pas à l'acquérir. Si on ne leur fournit pas des solutions complètes à tout point de vue, la mise en service des équipements échoue, ou du moins s'effectue avec des limitations. Un exemple révélateur : lors du câblage des départements littéraires de l'ENS, le service qui a supervisé l'opération a veillé à ce que les câbles et les prises Ethernet soient placés aux endroits adéquats. Il ne s'est pas occupé du problème du raccordement des micro-ordinateurs aux prises, car la gestion des parcs informatiques est de la responsabilité de chaque département. Mais les littéraires, n'ayant pas une idée claire de ce qu'est un réseau, et n'imaginant pas que leurs ordinateurs actuels pouvaient être connectés à peu de frais, ont souvent laissé voisiner des machines monopostes avec des prises inutilisées. La situation a changé quand des personnes extérieures aux départements sont venues leur signaler qu'ils pouvaient réaliser les raccordements moyennant l'achat, tantôt de cartes, tantôt de boîtiers Ethernet. Un lecteur familier de l'informatique pensera qu'ils n'avaient qu'à faire l'effort de s'informer ; en réalité, quand on n'y connaît rien dans un domaine technique, certaines questions ne peuvent même pas venir à l'esprit. Le remède que certains départements littéraires commencent à appliquer, quand leur budget le leur permet, consiste à engager un informaticien qui travaille pour eux à plein temps, ce qui le rend plus proche intellectuellement des problèmes qu'il est chargé de résoudre.

E. Le problème lancinant des jeux de caractères

Tandis que l'informatique scientifique traite essentiellement des nombres, l'informatique littéraire traite des chaînes de caractères. Il existe déjà des programmes qui satisfont aux besoins littéraires : tris, recherches de mots entiers ou partiels, génération d'index et de concordances. Mais d'autres outils restent encore à créer, permettant, entre autres, de générer des index inverses ou d'identifier les mots selon leur appartenance à une même catégorie grammaticale. Les programmeurs ont proportionnellement moins travaillé pour l'informatique littéraire que pour les scientifiques ou la gestion.

Tout système d'exploitation manipule des jeux de caractères. Or, les normes actuellement en usage, ASCII[2] ou ANSI, font bon marché des besoins littéraires. Par exemple, en ASCII, les 128 premiers caractères sont classés selon un ordre qui se retrouve à l'identique, quelles que soient les machines et quels que soient les systèmes d'exploitation. Malheureusement, ce tableau ne concerne que les chiffres de 0 à 9, les lettres minuscules et majuscules non accentuées (a-z, A-Z) de l'alphabet latin, et les signes de ponctuation courants. Pour disposer de caractères accentuées ou accompagnés de signes diacritiques (circonflexe, cédille, etc.), ou d'autres signes spéciaux (le point d'interrogation inversé de l'espagnol, le signe supérieur ou égal, etc.), la norme ASCII a été « étendue » pour 128 caractères supplémentaires. Malheureusement, la répartition de ces caractères a été laissées à la discrétion des constructeurs et varie selon les systèmes d'exploitation (MacOS, Windows, NeXT, etc.). Considéré du point de vue linguistique, l'univers informatique est aujourd'hui une véritable tour de Babel, et quiconque veut transférer d'un système d'exploitation à l'autre un fichier comportant du texte doit posséder un minimum de connaissances préalables, et de préférence des logiciels de conversion.

Or, les antiquisants, comme un certain nombre d'autres littéraires, font un usage intensif, non seulement des caractères spéciaux de leur langue maternelle, mais encore des langues qui relèvent de leur domaine de recherche. Ainsi, les hellénistes ont besoin des caractères du grec ancien, qui comportent trois sortes d'accents, deux sortes d'esprits et un iota souscrit. Ceux qui font de la grammaire comparée entre le grec et le latin manipulent les signes diacritiques qui existent notamment dans le turc et les langues d'Europe orientale. Quelque vingt ans après l'émergence des micro-ordinateurs, et après bien des tâtonnements laborieux, il est désormais possible d'écrire dans presque n'importe quel alphabet sur les principaux systèmes d'exploitation du marché. Or, il est affligeant de constater que la norme ISO-LATIN adoptée pour la confection des pages Web sur Internet est bien trop limitée[3] pour prendre en charge les besoins d'écriture multilingue de l'ensemble de la planète. Les réseaux sont-ils en train de reproduire les mêmes erreurs, dans la manipulation des langues, que la micro-informatique de naguère ?

F. Les littéraires, consommateurs mais non acteurs de l'informatique

Les générations actuelles d'antiquisants, comme les autres littéraires, sont constituées d'utilisateurs de l'informatique. Elles sont capables de faire fonctionner les logiciels existants, mais ne savent pas créer de programmes car elles rechignent à s'initier à un langage de programmation, même simplifié (comme HyperTalk qu'utilise HyperCard sous Macintosh). Quelques rares individualités, qui sont des autodidactes passionnés maîtrisant un langage (HyperTalk, Pascal, Perl) peuvent fournir à leurs collègues des programmes effectuant des tâches que sont incapables de remplir les logiciels du marché[4]. Mais l'idéal, énoncé bien des fois depuis l'émergence de la micro-informatique, d'une participation plus active de l'ensemble des utilisateurs est très loin de sa réalisation. Ce phénomène se reproduit sur Internet car, parmi le peu de littéraires qui s'y connectent, seule une poignée programme ses propres pages Web.


3. Outils informatiques destinés aux antiquisants

A. Les logiciels

En latin, il n'existe qu'un dictionnaire électronique[5], le Humanist Latin Dictionary (latin-anglais). Il s'agit d'un outil plutôt destiné aux étudiants car il ne comporte que 15.000 entrées. Il inclut en outre des notes de grammaire et de syntaxe, ainsi que des résumés sur des questions de littérature, d'histoire et de civilisation. Le logiciel d'interrogation est prévu pour Mac (une pile HyperCard) et pour PC.

En grec, le dictionnaire le plus complet, le Liddell-Scott-Jones (grec-anglais) est disponible sur le serveur Perseus (cf. plus bas). Une version abrégée, l'Intermediate Liddell & Scott[6], existe sur le CD-ROM Perseus 2.0 (cf. plus bas) et, sous forme de module autonome, dans l'environnement Windows. Un autre dictionnaire grec-anglais, également disponible pour Windows, le Louw-Nida[7], classe les mots par thèmes (temps, éducation, religion, etc.).

Les CD-ROM comportant des corpus littéraires grecs (TLG) et latin (PHI)[8] sont livrés sans logiciel. Des programmeurs indépendants proposent des logiciels d'interrogation dont les uns tournent sur Macintosh et les autres sur les compatibles PC. Sur Macintosh, deux programmes font l'objet d'une large diffusion. Pandora, qui est une pile HyperCard, permet[9] des recherches d'occurrences exploitant éventuellement des opérateurs booléens (near, not near, then). Les corpus d'étude, librement définis par l'utilisateur, sont constitués de la totalité des textes, ou de la totalité des oeuvres d'un ou plusieurs auteurs, ou de quelques oeuvres appartenant à un ou plusieurs auteurs. Le codage plus complet du disque du TLG permet, pour les auteurs grecs, de constituer des corpus d'étude par genre littéraire, siècle ou origine géographique, ainsi qu'une forme accélérée de recherche qui consiste à examiner un index au lieu de balayer les textes l'un après l'autre. Enfin, Pandora dispose d'un « browser » qui rend possible (mais fastidieuse) la lecture complète d'un texte à l'écran, demi-page par demi-page. SNS Greek & Latin, qui est une application[10] autonome tournant sur Macintosh, comporte des capacités de recherches d'occurrences plus puissances, incluant les opérateurs booléens (or, and, except) et différents métacaractères (délimiteurs de début et de fin de mot, caractères polyvalents, signes indiquant la présence ou l'absence éventuelle de caractères, etc.). Comme Pandora, SNS Greek & Latin laisse l'utilisateur libre de constituer ses corpus d'étude selon différents critères et sait exploiter l'index intégré du TLG. Mais, en outre, ce programme est capable de travailler sur des fichiers extraits des CD-ROM et placés sur le disque dur, ce qui accélère notablement les opérations. Il réalise des extractions d'oeuvres complètes qu'il enregistre au format RTF, ce qui les rend lisibles (même pour le grec), sur n'importe quel traitement de texte. Il génère des index et des concordances en classant les mots par ordre alphabétique (y compris pour le grec), mais sans savoir regrouper les formes relevant d'une même déclinaison ou conjugaison. Quant au TLG Engine (version 2.0.2)[11], il a plutôt pour vocation d'extraire des oeuvres grecques pour les visualiser à l'écran ou les récupérer dans un traitement de texte.

Des programmes analogues existent pour les compatibles PC, et travaillent, s'agissant des versions les plus récentes, dans l'environnement Windows 3.1. Ainsi, TLG WorkPlace 4.0 interroge le disque grec du TLG, tandis que PHI WorkPlace réalise la même opération pour les textes latins des deux disques du PHI. Si l'on veut consulter les textes coptes de ces deux CD-ROM, il faut acquérir en outre Coptic WorkPlace[12]. Il existe aussi un programme unique pour travailler avec les trois CD-ROM, Musaios : ce dernier est prévu pour sortir prochainement dans une version Macintosh[13]. Il existe d'autres programmes d'interrogation tournant sur PC, mais comme l'auteur de ces lignes ne les a pas testés, ceux-ci seront cités uniquement pour mémoire : Chiron (qui interroge le TLG sous MS-DOS[14]), Lector (qui interroge les disques du TLG et du PHI sous MS-DOS)[15], Offload (qui extrait sous MS-DOS des oeuvres du TLG de façon à les rendre lisibles par les traitements de texte)[16], ainsi que V&F (qui interroge sous MS-DOS les disques du TLG et du PHI, extrait les oeuvres et génère des index)[17].

Ce programme[18] travaille sur des textes grecs et latins qui ont été extraits des CD-ROM de corpus littéraires ou directement saisis par l'utilisateur, et qui peuvent faire l'objet de recherches d'occurrences ou, et c'est la caractéristique principale du logiciel, d'une indexation. Ä la différence d'autres programmes analogues, Lexis est capable de reconnaître les formes déclinées ou conjuguées, même irrégulières, et de les classer sous l'entrée constituée par le substantif ou le verbe auquel elles se rapportent. Pour parvenir à ce résultat, Lexis demande à l'utilisateur d'analyser les formes qu'il ne connaît pas encore, puis il range l'information obtenue dans un dictionnaire qu'il consulte par la suite.

Cette pile HyperCard (actuellement en version 1.4), tournant sur Macintosh, a été développée[19] dans le cadre de l'Institut National de la Langue Française (INaLF) pour travailler sur des textes français. Mais elle est parfaitement capable de traiter tout texte saisi dans les caractères de l'alphabet latin. Après que l'utilisateur a découpé son texte en sections grâce à des balises, le programme génère automatiquement des index, des concordances, des tables de fréquences et des mesures statistiques dont certaines sont visualisées sous forme de graphiques.

Ce logiciel[20] se présente comme une aide à la collation des manuscrits et fonctionne sur Macintosh. Il requiert la saisie et le marquage, par un système de balises typographiques, de tous les textes des manuscrits collationnées en parallèle. Après quoi, il génère lui-même l'apparat critique et, en fonction du texte qu'on lui a désigné comme correspondant au manuscrit de base, il aide à la rédaction du texte final, conformément aux règles suivies dans les éditions critiques. Sa mise en oeuvre est néanmoins si contraignante que peu d'utilisateurs consentent à s'en servir.

B. Les CD-ROM

Les disques sont généralement utilisables en monoposte ou en réseau. Ils tournent sur Mac et sur PC. Si le logiciel d'interrogation est seulement prévu pour les PC, on peut le faire fonctionner sur Mac avec l'émulateur logiciel Soft-Windows sans aucun problème.

Le disque du Thesaurus Linguae Graecae (TLG) comporte 836 références d'auteurs[21], embrassant la littérature grecque depuis Homère jusqu'à l'an 600 ap. J.-C. Outre les grands auteurs classiques, il inclut des textes appartenant à des auteurs moins connus, comme les médecins, les grammairiens et les lexicographes, ou les théologiens.

L'équivalent latin du TLG est un disque produit par le Packard Humanities Institute (PHI) de Los Altos[22] et actuellement disponible dans sa version 5.3. Il comporte 362 références d'auteurs, dont les grands textes classiques, mais présente de notables lacunes pour la période postclassique. Outre les textes latins, il comprend la Bible juive (en caractères hébreux), la Septante et le Nouveau Testament grec (en caractères grecs), la Vulgate (en latin), la Bible anglaise dans deux traductions, celle du roi James et la version standard révisée, et le Nouveau Testament copte (en caractères coptes). S'y ajoutent deux oeuvres de Milton, le Paradis Perdu et la Defensionem Regiam.

Le PHI diffuse un second disque, actuellement dans sa version 6, qui présente divers corpus documentaires en caractères grecs et latins. Il s'agit des inscriptions de la collection Cornell, des papyri, ostraca et tablettes du fonds documentaire Duke (186 références au total). On y trouve de plus, en caractères coptes, la Bible sahidique et le fonds Nag Hammadi (64 références d'apocryphes bibliques).

Ce disque[23], livré avec son logiciel d'interrogation pour PC, est uniquement consacré à la poésie latine, depuis Ennius (époque archaïque) jusqu'à Eugène de Tolède (milieu du VIIe siècle ap. J.-C.), soit un ensemble d'environ 300.000 vers.

Ce disque rassemble les textes bibliques[24] en hébreu, grec et latin, ainsi que diverses oeuvres rédigées par des théologiens médiévaux et modernes (collectées parmi les textes librement disponibles sur Internet). Il inclut également un dictionnaire hébreu-anglais, les dictionnaires grec-anglais Intermediate Liddell & Scott et Louw-Nida (cf. plus haut), la traduction allemande de Luther et une traduction anglaise du Nouveau Testament grec. Les fonctions de recherche permettent de trouver des mots et des constructions grammaticales.

C'est une base[25] de données qui contient l'intégralité des inscriptions latines répertoriées dans le vol. VI du Corpus Inscriptionum Latinarum. Mais elle ne remplace pas totalement le volume car les commentaires en sont absents. Elle est livrée avec un logiciel d'interrogation pour Mac et pour PC.

Ce disque[26], livré avec un logiciel d'interrogation tournant sur PC, comporte un corpus d'auteurs patristiques latins provenant, chaque fois que possible, du Corpus Christianorum, Series Latina, et sinon, de la Patrologie Latine de Migne. Il inclut en outre des textes latins médiévaux figurant dans la Continuatio Mediaevalis, ainsi que d'autres auteurs importants tels qu'Augustin, Grégoire le Grand, Jérôme ou Isidore de Séville. Les textes se présentent sans apparat critique, sans notes et sans commentaires.

Pour qui veut retrouver sous forme électronique l'intégralité de la Patrologie Latine de Migne, en incluant les notes, commentaires, index et illustrations du support papier, Chadwick-Healey[27], propose un ensemble de quatre CD-ROM (avec logiciel d'interrogation pour PC). Ils couvrent l'ensemble de la patristique latine depuis Tertullien jusqu'à Innocent III.

Le disque[28] comporte non seulement les 118 ouvrages écrits par saint Thomas d'Aquin, mais aussi 61 autres textes rédigés par d'autres auteurs médiévaux appartenant au même milieu culturel. Il est livré avec un logiciel, tournant sur PC, permettant de naviguer entre les oeuvres grâce à des liens hypertextuels.

La Bibliotheca Iuris Antiqui rassemble des textes juridiques latins[29], accompagnés d'un peu de bibliographie. Elle est livrée avec un logiciel d'interrogation pour PC.

Disque de bibliographie[30] en droit romain, livré avec un logiciel pour PC.

Le disque[31] renferme la bibliographie du Centre de Documentation des Droits Antiques. Il est livré avec un logiciel pour Mac et un pour PC.

C'est la version électronique[32] des fichiers de l'Institut d'archéologie allemand de Rome. La base se présente comme un catalogue matière des ouvrages et périodiques concernant l'archéologie et l'histoire de l'art pour l'Antiquité. Les recherches s'effectuent par mots-clés de sujets, par noms d'auteurs, par noms de publications et par dates de publication. Elle inclut un logiciel d'interrogation pour PC.

Autre base[33] bibliographique (fournie avec un logiciel d'interrogation pour PC) qui couvre la Préhistoire et le Moyen Âge en histoire de l'art.

Ce disque, fourni avec un logiciel d'interrogation tournant sur PC, constitue une banque de données bibliographique couvrant actuellement les années 1925-1996. La recherche des références s'effectue par des critères qu'on peut utiliser isolément ou associer : auteur, titre, sujet, date de publication, numéro de périodique. On peut non seulement chercher un ouvrage ou sur un périodique sur tel ou tel sujet, mais aussi les comptes rendus sur tel ou tel sujet[34].

La DCB[35] est le fruit d'un travail d'équipe mené sous la direction du Pr Dee L. Clayman, de l'Université de New York. Elle reprend la totalité des informations que comporte la célèbre revue de bibliographie des antiquisants : L'Année Philologique. Fournie avec un logiciel d'interrogation pour Macintosh, un autre pour Windows, et des polices grecques de la famille SMK GreekKeys (en versions utilisables dans les deux environnements), elle couvre actuellement les années 1976-1987, c'est-à-dire les volumes 47 à 58 de la revue. Son mode d'emploi est en cours de traduction par Richard Goulet. L'interrogation de la base s'effectue par l'intermédiaire de 18 index qu'on peut utiliser séparément ou en association (noms d'auteurs, noms d'oeuvres, lexique de tous les mots contenus dans la base, titres, titres de collections, lieux d'édition, dates de publication, numéros de page de l'APh, matières de l'APh, rubriques de l'APh, etc.). Le langage d'interrogation différencie les caractères latins et grecs, l'accentuation grecque, et emploie les opérateurs booléens et les caractères jokers. Les résultats sont imprimables et récupérables dans les traitements de texte sans déperdition de formatage, grâce à l'exportation en RTF[36].

C. Un cas particulier : Perseus

Contrairement aux CD-ROM précédents, Perseus[37] ressemble davantage à une encyclopédie électronique consacrée à la civilisation grecque (périodes archaïque et classique) qu'à une banque de données. La version 2.0, qui comprend quatre disques (fonctionnant sur Macintosh), inclut les oeuvres complètes de 31 auteurs, appartenant majoritairement au Ve siècle av. J.-C. (Aristophane, Aristote, Démosthène, Eschyle, Hérodote, Homère, Isocrate, Lysias, Platon, Thucydide, Xénophon, etc., c'est-à-dire plus de 420 oeuvres). Les textes grecs sont accompagnés d'apparats critiques, de notes et de traductions anglaises (issues essentiellement de la collection Loeb). Il présente aussi 179 plans de sites, ainsi que la reproduction, avec commentaires, de 384 édifices, 366 sculptures, 1421 vases et 524 monnaies. Un atlas en couleurs montre des cartes de la Grèce réalisées à partir d'images satellite. Il dispose de la version électronique du dictionnaire grec-anglais Intermediate Liddell-Scott, d'un logiciel de recherche d'occurrences et d'un analyseur de formes grammaticales.

Perseus n'est pas une simple accumulation de données hétérogènes. L'emploi intensif de liens hypertextuels permet le rapprochement d'informations de nature différente, service qu'aucun autre CD-ROM destiné aux antiquisants ne sait offrir actuellement. Par exemple, quand on voit mentionné un personnage historique ou mythologique dans un texte littéraire, on peut afficher la notice biographique correspondante, ou encore le vase, la sculpture, la monnaie qui le représentent.

L'équipe qui a conçu Perseus entretient aussi une liste de discussion[38] destinée aux utilisateurs des CD-ROM, et par extension à tous ceux qui s'adonnent au grec ancien en tant qu'enseignants ou chercheurs. Elle possède également un site Web[39] où l'on peut, non seulement obtenir des informations sur Perseus, mais aussi faire fonctionner, en ligne, le dictionnaire complet Liddell-Scott-Jones, la recherche d'occurrences et l'analyseur grammatical. L'affichage du grec, avec le navigateur Netscape, s'effectue en utilisant une des polices de la famille SMK[40] sur Macintosh (Attika, Kadmos, Salamis, Sparta, etc.), ou bien, sous Windows, la police Sgreek, diffusée par Silver Mountain Software, et téléchargeable soit sur le site Internet de ce dernier (cf. note 12), soit sur celui de Perseus.


4. Services offerts par Internet en dehors du Web

A. Le courrier électronique (e-mail ou courriel)

Les antiquisants qui ont eu un premier contact avec Internet en retirent généralement l'impression que les serveurs Web n'offrent rien de vraiment utilisables pour eux dans leur domaine professionnel. En revanche, l'utilité du courrier électronique saute immédiatement aux yeux. C'est pourquoi l'ouverture d'une boîte aux lettre représente souvent le premier pas décisif qui introduit les antiquisants dans l'univers des réseaux.

Cependant, il ne suffit pas que les ordinateurs et les logiciels nécessaires soient en place, ni que des séances de formation soient organisées pour mettre le pied à l'étrier au futurs utilisateurs du courrier électronique. Plus que de la timidité devant une technologie nouvelle, il semblerait qu'une certaine paresse empêche beaucoup de personnes d'acquérir les nouvelles habitudes nécessaires à l'emploi du courrier électronique.

Le catalyseur semble être l'émulation universitaire. Quand nos antiquisants sont en contact avec des collègues (plus souvent étrangers que français) qui leur annoncent qu'ils disposent eux-mêmes d'une adresse électronique et qui leur demandent s'ils pourront désormais communiquer par ce moyen, une certaine peur du ridicule les pousse à répondre oui. S'ils savent que l'équipement existe déjà, les voilà soulagés ; sinon, ils se mettent soudainement à presser les responsables de l'équipement informatique d'installer le nécessaire dans les plus brefs délais, alors qu'auparavant, ils étaient les premiers à dissuader les responsables informatiques d'aller trop vite.

Une fois les premiers essais effectués, les antiquisants s'aperçoivent que le courrier électronique surclasse aisément le courrier papier, trop lent, le fax, qui requiert plus de manipulations, et même le téléphone, qui nécessite la présence du correspondant au bout du fil. Il apparaît manifestement comme la solution idéale pour l'échange de très courts messages pour lesquels la rédaction d'une lettre constituerait une perte de temps, et pour l'expédition de messages longs qui ne réclament pas une trace écrite. Le point décisif, c'est que des personnes qui bougent beaucoup, et qui sont donc difficilement joignables par les moyens classiques, ont néanmoins l'habitude de relever régulièrement leur boîte aux lettres électronique : ainsi, les questions et les réponses s'échangent dans des délais plus courts qu'avec n'importe quel autre système de correspondance.

Même si les antiquisants sont aisément conquis par le courrier électronique, ce dernier présente encore des limitations techniques qui ne manquent pas de choquer les utilisateurs les plus bienveillants. Bien que le protocole MIME, de plus en plus répandu, facilite la transmission des caractères accentués, la diversité des systèmes d'exploitation et des logiciels gestionnaires de courrier oblige encore à expédier, par prudence, des messages dénués de toute accentuation. Les littéraires comprennent mal cette situation : ils considèrent que l'introduction de nouvelles technologie n'a pas pour vocation de forcer l'abandon d'usages parfaitement justifiés, et que c'est plutôt aux « fabricants de médiocrités » de disparaître. Un autre aspect du problème, c'est que des utilisateurs accoutumés au traitement de texte sont désappointés d'apprendre que l'affichage du courrier électronique ne gère pas les polices multiples, et qu'il faut procéder manuellement aux correction après importation du message dans un traitement de texte[41].

B. Les forums de discussion (newsgroups)

Il existe au moins deux newsgroups susceptibles d'intéresser les antiquisants : sci.classics et sci.archaeology. On peut s'y connecter grâce à un navigateur polyvalent comme Netscape ou un logiciel plus spécialisé, comme NewsWatcher sur Macintosh et Alexandra sur les machines à système d'exploitation NextStep. L'auteur de ces lignes ne connaît aucun antiquisant en France qui fasse un quelconque usage, régulier ou non, de ces newsgroups. Lui-même ne les pratique pas, car la formule semble moins pratique que celle des listservs.

C. Les listes de discussion (listservs)

Alors que les newsgroups permettent de rejoindre une discussion sans autre formalité que de se connecter à l'adresse appropriée grâce à un logiciel, les listservs exigent qu'on s'abonne au préalable en envoyant une commande du type subscribe à un robot gestionnaire des abonnements (généralement reconnaissable par le mot listserv, listproc ou majordomo placé au début de son adresse). Les contributions à la discussion sont ensuite envoyées, via un logiciel de courrier électronique, à un deuxième robot, chargé de gérer la liste de discussion, puis éventuellement filtrées par un intervenant humain, le « modérateur » (si la liste est « modérée »), avant d'être réexpédiées (questions et réponses) par le courrier électronique aux abonnés de la liste. Cette formule présente, par rapport à celle des newsgroups, deux avantages. Le suivi d'une discussion, pour être fructueux, doit s'effectuer régulièrement ; or, il est plus commode de voir arriver d'elles-mêmes les contributions dans sa boîte aux lettres que d'aller à chaque fois se connecter via un navigateur. En outre, les listes se fixent des sujets de discussion plus ciblés que les newsgroups ; on peut donc choisir sa liste selon ses centres d'intérêts, en évitant ainsi la corvée de lire une avalanche de messages inopportuns avant de trouver celui dont le contenu est réellement intéressant.

Bien que l'information soit actuellement peu diffusée, il importe de savoir qu'il existe au moins une cinquantaine de listes, et qu'un antiquisant, quelle que soit sa spécialité, peut en trouver au moins une qui traite de ses préoccupations professionnelles. Cet article n'a pas l'intention d'en établir une liste exhaustive[42]. Que l'on sache simplement que certaines listes s'occupent de l'Antiquité par domaines : l'archéologie (ARCH-L[43]), l'histoire (ANCIEN-L[44]), la philosophie (SOPHIA[45]) ou la rhétorique (H-RHETOR[46]). D'autres abordent les problèmes par périodes chronologiques : la civilisation byzantine (BYZANS-L[47]), le Moyen Âge latin (MEDTEXTL[48]). D'autres se restreignent à un auteur, voire à une seule oeuvre : Homère (HOMER[49]), Thucydide (THUC-L[50]), la Bible (B-GREEK[51]), la Poétique d'Aristote (POET-L[52]). D'autres enfin traitent des différents problèmes concernant l'usage de l'ordinateur dans les sciences de l'Antiquité (CAAL[53] et TECHEVAL[54]).

Lorsqu'on est abonné à une liste de discussion, on peut recevoir la liste des adresses électroniques de ses abonnés. C'est ainsi qu'on constate que les antiquisants français (c'est-à-dire les adresses se terminant par le suffixe .fr) sont extrêmement minoritaires, loin derrière les Américains, les Canadiens, les Anglais, les Allemands, et même les Belges et les Italiens.

Les serveurs de listes sont majoritairement entretenus par des universités américaines, aussi n'est-il pas étonnant que la langue de communication y soit massivement l'anglais. Si l'on envoie une communication en français, on s'expose à recevoir un avis du modérateur de la liste, invitant poliment à réémettre celle-ci « à cause d'un problème de transmission », et si l'on persiste à employer la langue de Voltaire, on se fait tout simplement censurer. À notre connaissance, il n'existe qu'un serveur francophone ; il est dynamique et d'excellente tenue, mais s'adresse à ceux qui travaillent sur les littératures de langue française : BALZAC- L (Université de Montréal)[55].

Le dynamisme d'une liste de discussion reflète fidèlement celui de ses abonnés. Ainsi, PERSEUS offre un aspect relativement décevant parce que la majorité des contributions concerne actuellement les problèmes de saisie ou de visualisation des textes écrits en grec ancien, ou bien ne servent qu'à informer de l'existence de cours d'initiation ou de perfectionnement donnés en grec ancien dans tel ou tel établissement. Par contraste, la liste MEDTEXTL présente une véritable effervescence d'idées, car des chercheurs ont pris l'habitude d'y poser des questions très pointues[56], et qui trouvent des réponses en quelques jours.

Ainsi, l'usage des listservs reste l'apanage d'une minorité d'antiquisants dans le monde, et plus encore en France. Mais si on a la chance de découvrir une liste très active, on peut s'insérer dans une communauté intellectuelle élargie à l'échelle mondiale.


5. Services offerts par le Web

A. Un labyrinthe à explorer sans véritable guide

Le problème déjà soulevé pour les listservs se pose aussi pour les serveurs Web disponibles sur Internet : il existe une offre d'informations suffisamment diversifiée et généralement de bonne qualité, mais, parce qu'il manque un véritable répertoire d'adresses qui soit largement diffusé, peu d'antiquisants savent dénicher les sites susceptibles de les intéresser.

Livré à lui-même, un antiquisant ne sait pas par où commencer. Connaître une excellente adresse de départ représente un enjeu capital dans l'exploration d'Internet. Ensuite, au bout de quelques heures de navigation d'un site à l'autre, on se constitue facilement un stock d'adresses, car les sites entretiennent des liens hypertextuels entre eux : il est en effet d'usage de citer, au bas de la page d'accueil d'un site, les adresses d'autres sites traitant de questions identiques ou apparentées. Ce procédé aboutit à la création d'un maillage virtuel grâce auquel il devient possible de parvenir, par des chemins multiples, à un site dont on ne soupçonne même pas l'existence.

B. Les trois manières de rechercher des adresses

La stratégie la plus commode, pour un débutant, consiste à se connecter à un site dont la fonction principale consiste à présenter un catalogue, classé et commenté, d'autres sites. De tels sites sont désignés sous le nom de « Gateways » (portes d'entrée ou points d'accès). Sans vouloir prétendre à l'exhaustivité, citons-en quelques-uns :

(pour les antiquisants en général) ;

(pour les antiquisants et les historiens de l'Antiquité) ;

(cet excellent site, entretenu par Pierre-Paul Corsetti, directeur de l'Année Philologique, répartit les adresses en cinq sections : adresses d'ordre général ; adresses de départements et d'instituts d'études classiques, classées par pays ; banques de données et revues électroniques ; sommaires et index de périodiques ; répertoires d'associations d'antiquisants) ;

(autre excellent site en français, du nom de « Bibliotheca classica selecta », entretenu par Jacques Poucet, et qui propose des adresses réparties selon le classement : sources ; ouvrages de consultation ; bibliographie d'orientation ; départements et centres de recherches consacrés aux études classiques) ;

Une deuxième stratégie de recherche consiste à se connecter sur certains serveurs d'adresses qui, tel Yahoo[57], offrent des classements thématiques déjà réalisés. L'avantage est que le travail est, pour ainsi dire, prédigéré. Mais l'inconvénient est qu'il faut faire confiance au serveur, car on ne sait pas selon quels principes le classement a été effectué et quel en est le degré d'exhaustivité. En outre, selon la spécialité dont s'occupe l'antiquisant, les adresses dignes d'intérêt se trouvent dispersées dans des dossiers aussi divers que Archéologie, Éducation, Ethnologie, Histoire, Langues, ou Littérature.

Une fois qu'il aura passé l'étape des premières connexions, l'antiquisant devra recourir aux serveurs d'adresses qui offrent la possibilité d'interroger par mots-clés (Altavista, Infoseek, Yahoo, Lycos, WebCrawler, etc.). Pour affiner ses questions et éviter de recueillir trop de « déchet », il aura intérêt à utiliser les formes évoluées d'interrogation, qui emploient des opérateurs booléens. L'inconvénient de cette méthode est qu'il faut tester empiriquement la pertinence des mots-clés, vu qu'il n'existe aucun organisme pour les normaliser sur Internet. Généralement, on pense à employer des termes anglais, mais même cette méthode ne constitue pas la panacée universelle. En voici un exemple caractéristique : si l'on s'intéresse au droit romain et qu'on essaie des mots-clés tels que Roman Law, Latin Law, Law Codes, etc., on ne trouvera rien ; en revanche, si on tente Ius Romanum, on tombe sur le serveur de droit romain de l'Université de Sarrebrück[58] ; combien d'internautes auraient songé à procéder ainsi ?

C. Sites généralistes et sites spécialisés

De nombreux établissements universitaires entretiennent des sites Web généralistes destinés à faire connaître les différentes activités qu'ils proposent et les différents départements qui les constituent. Pour chacun de ces départements, on trouve le calendrier des cours, la liste des enseignants, et un descriptif des enseignements assurés. Il s'y ajoute souvent une section bibliographique répertoriant les ouvrages disponibles à la bibliothèque du département. Ce genre de service est utile aux futurs étudiants qui souhaitent recueillir des renseignements sur l'établissement avant de s'y inscrire, et à ceux qui, engagés dans un cursus de premier cycle, veulent obtenir, à distance, une bibliographie de base. Mais de tels sites ne sont guère utiles aux chercheurs confirmés.

En revanche, les sites qui se consacrent totalement à un domaine d'étude, en le ciblant par matières (médecine, philosophie, etc.), par périodes (Antiquité classique, Byzance, Moyen Âge latin, etc.) ou par contenus (collections de références bibliographiques, de textes, d'images, etc.) ont, pour les chercheurs, une valeur d'autant plus grande que l'information concentrée est plus dispersée dans les outils papier, et qu'elle est mise à jour le plus souvent possible. Car telle est la fragilité des sites spécialisés : l'information proposée est une denrée périssable dont l'absence de suivi cause l'abandon du site par ses utilisateurs.

D. Sites spécialisés par domaines

L'efficacité scientifique d'un site est d'autant plus grande qu'il couvre avec le maximum d'exhaustivité la spécialité qu'il s'est choisie. Comme aucun site ne pourra jamais à lui seul embrasser tous les aspects d'une question, les plus intelligemment conçus sont ceux qui, renvoient, par des liens hypertextuels, à d'autres sites spécialisés sur des questions voisines. En naviguant et en cliquant sur des intitulés d'adresses, l'utilisateur dispose en fait d'un super-site virtuel constitué de l'interconnexion de sites qui se sont répartis la question à traiter.

Prenons l'exemple de Medicina Antiqua, un site de médecine antique[59] sponsorisé par The Episcopal Academy (Merion, Pennsylvanie), dont l'ambition est de présenter tous les aspects de la médecine depuis l'époque mycénienne jusqu'à la chute de l'Empire romain. Sur ses propres pages, le site présente une bibliographie générale renvoyant à des ouvrages et à des revues, puis la traduction anglaise partielle d'un texte de Galien (On Diagnosis in Dreams), puis l'annonce de prochains colloques. Toutes les autres ressources s'obtiennent par connexion à d'autres sites. Ainsi, le philologue qui souhaite obtenir la traduction anglaise de textes médicaux (Hippocrate) clique sur un bouton qui le met en relation avec un serveur de traductions de textes grecs[60], situé au M.I.T. L'historien de la médecine sera redirigé vers MedWeb[61], un site de l'Université Emory, dont la page d'accueil, organisée comme une bibliographie, offre de nouveaux liens permettant de se connecter à des serveurs de bibliothèques scientifiques, de musées historiques et scientifiques, d'hôpitaux ou d'associations savantes. Celui qui s'intéresse à la médecine antique en tant que médecin sera aiguillé vers la Virtual Library de l'Université de Melbourne[62], qui lui donnera accès à des informations médicales modernes classées par spécialités (anatomie, cardiologie, etc.). Celui qui s'occupe de gynécologie antique sera orienté vers Diotima[63], un serveur qui rassemble des matériaux ayant trait à l'histoire de la femme et de la sexualité dans l'Antiquité.

Un autre serveur, dédié aux études byzantines[64], est organisé suivant le même principe. Il comporte relativement peu de ressources propres, mais présente une quantité de liens vers d'autres serveurs spécialisés, permettant ainsi aux byzantinistes d'accéder à des bibliographies, des notices historiques et littéraires, et même à des cours de paléographie et de papyrologie.

Le réseau Internet permet donc de construire une arborescence à l'échelle planétaire, dans laquelle certains sites jouent le rôle de niveaux racines, et d'autres celui de dossiers (ou de répertoires). Du point de vue de l'utilisateur, il faut passer, sans se tromper, par une série d'aiguillages ou de portes d'entrée avant de parvenir à l'information désirée. Ainsi se trouve réalisée la bibliothèque colossale et labyrinthique dont rêvait l'écrivain argentin Borges.

Le choix en serveurs spécialisés dans l'Antiquité est vaste, s'occupant de sujets aussi divers que l'archéologie latine[65], la linguistique grecque[66], l'art militaire[67], la mythologie grecque[68], la papyrologie[69] ou la paléographie[70].

E. Sites proposant des collections de données

Un certain nombre de serveurs diffusent, en langue originale, des textes latins et grecs. La récupération de ces textes pose plusieurs problèmes. Certains serveurs ont encodé leurs fichiers dans des formats qui nécessitent de la part de l'utilisateur la possession de logiciels spécialisés pour les relire : ainsi, le Libellus Project[71] utilise le format TEX (mais fournit un traducteur en format ASCII fonctionnant sur les compatibles PC), l'Electronic Text Centre[72] de l'Université de Virginie recourt au format SGML, et le Latina Folia Christi[73], au format HTML. Il arrive aussi que certains serveurs laissent une partie de leur collection en accès libre et imposent des restrictions sur une autre partie. L'accès restreint est réservé aux utilisateurs dûment enregistrés auprès du serveur, ou bien à ceux qui ont obtenu un droit d'utilisation de la part de la personne qui a déposé les textes sur le serveur. Le régime du double accès (public et restreint) caractérise notamment l'Oxford Text Archive[74] et celui de l'Electronic Text Centre (précédemment cité).

D'autres serveurs proposent des oeuvres grecques et latines en traduction anglaise. Outre le serveur du M.I.T., mentionné plus haut, citons le Center for Computer Analysis of Texts[75] de l'Université de Pennsylvanie et l'Electronic Books at Wiretap[76] de l'université de Cupertino. Le célèbre Project Gutenberg[77], dont l'ambition consiste à rassembler toutes les oeuvres de la littérature mondiale en anglais exclusivement (langue originale ou traduction), offre aussi plusieurs traductions d'auteurs antiques.

On trouve aussi des serveurs qui diffusent des images. Ainsi, l'Université de l'Indiana offre l'accès[78] à des photos numérisées qui représentent les vestiges archéologiques et architecturaux de l'Athènes antique. L'Université d'Haifa[79] présente, sous formes d'images enregistrées au format GIF, des représentations mettant en scène des dieux et des héros de la mythologie gréco-romaine. Des cartes de géographie sont également disponibles[80].

Les paléographes trouveront le catalogue des manuscrits grecs conservés au monastère Philotheou du mont Athos[81], ainsi qu'une sélection de manuscrits de la Mer Morte, accompagnés de leur traduction anglaise[82]. Les papyrologues pourront consulter plus de 200 images de papyri conservés dans la collection Duke[83].

F. Revues électroniques

Certains serveurs, comme Scholia[84] ou Bryn Mawr Classical Review[85], s'attachent à présenter des comptes rendus bibliographiques de tout ce qui est publié dans le domaine de l'Antiquité gréco-romaine. Un autre, TOCS-IN[86], fournit les sommaires de plus de 140 périodiques, regroupés par domaines (philologie, archéologie, religion, etc.).

Il existe certes des revues totalement électroniques s'adressant aux antiquisants, mais on ne trouve parmi elles presque aucune publication qui fasse autorité auprès des chercheurs. La validation des travaux scientifiques passe encore, chez les antiquisants, par la publication sur papier. Une exception à cette règle est illustrée par IOUDAIOS[87], dont les travaux en matière de judaïsme antique sont réputés et qui, parallèlement, se montre actif sur Internet. Parmi les revues électroniques, citons Arachnion[88], une publication non spécialisée qui s'adresse aux chercheurs et aux étudiants, et Didaskalia[89], une publication de l'Université de Tasmanie qui s'intéresse au théâtre grec et latin ainsi qu'à ses mises en scènes modernes. On trouve aussi des bulletins d'information (« newsletters »)[90].

Certaines revues sur papier utilisent néanmoins un serveur pour présenter un index des sujets antérieurement traités et pour annoncer les articles à paraître, comme American Journal of Philology, Arethusa et Journal of Early Christian Studies[91]. Les Transactions of the American Philological Association[92] maintiennent sur leur serveur les articles du prochain numéro de la revue papier jusqu'à ce que celui-ci soit paru.

G. Bibliothèques

Il devient de plus en plus facile de consulter les catalogues auteurs, matières et les fichiers des périodiques à distance. Ainsi, la Bibliothèque Nationale de France propose BN- Opale, une banque de notices concernant les livres et périodiques, tandis que BN- Opaline embrasse les collections spécialisées (cartes, plans, estampes, documents audiovisuels, monnaies, et ultérieurement les manuscrits[93]). Un serveur de la Bibliothèque Publique d'Information du Centre Beaubourg présente un annuaire des catalogues de bibliothèques publiques et universitaires en France et dans le monde[94]. Les grandes bibliothèques étrangères ont leur serveur, comme la Bodleian Library[95], mais la plus réputée (et malheureusement la plus difficile à joindre à cause de la saturation du trafic) est la Bibliothèque du Congrès[96], dont le moteur de recherche des références bibliographiques est plus perfectionné que ceux des établissements français.

H. Catalogues d'éditeurs

Certains éditeurs publiant des collections intéressant les antiquisants diffusent leur catalogue sur Internet. Citons seulement, pour mémoire, E.J. Brill[97], Cambridge University Press[98], Loeb[99]. et Scholars Press[100].


Conclusion

Les antiquisants ont été parmi les premiers littéraires à s'intéresser à l'informatique et à en faire usage à tous les niveaux de leur activité scientifique. Malgré les appréhensions initiales et les difficultés liées à l'organisation universitaire, chacun reconnaît aujourd'hui que les micro-ordinateurs, accompagnés de leurs logiciels et de leurs CD-ROM, font partie de la panoplie indispensable à tout chercheur performant.

Néanmoins, la micro-informatique se trouve à un tournant de sa jeune histoire, car les machines, autrefois solitaires, se connectent de plus en plus en réseau. De nouveaux services apparaissent, pour le plus grand bénéfice des études antiques. Actuellement, ils ne sont utilisés que par une minorité de « happy few », parce que les équipements nécessaires à leur exploitation ne sont pas toujours disponibles et que l'information les concernant n'est pas suffisamment diffusée. Puisse cet article contribuer à mieux les faire connaître.



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