Histoire/Genre/Migration
Sessions du Mardi 28 mars matin. Amphithéâtre
Jules Ferry, École Normale Supérieure, 29 rue d'Ulm, 75 005
Paris
Résumés des communications
8 h 30 – 10 h 30 Engagements et mobilisations/Taking sides
Discutante : Caroline
Douki, Université Paris-VIII (Paris, France)
• Claudie Lesselier, Responsable
du projet « Traces, mémoires et histoire des mouvements de
femmes de l’immigration », Aux origines des « mouvements
de femmes de l'immigration » en France. [The Creation
of Migrant Women’s Movements.in France durign the last third of the
XXth century]. [Texte]
Les associations et mouvements de femmes “ de l’immigration
” ont été l’objet de nombreux travaux sociologiques,
à partir des années 1990 surtout. Mais la dimension historique
est encore peu explorée, alors que c’est à partir du
début des années 1970 que des femmes étrangères,
immigrées ou exilées, vivant, temporairement ou durablement,
en France ont constitué des groupes ou des associations et pris des
initiatives collectives.
Ces “mouvements de femmes de l’immigration” présentent
l’intérêt de mettre en scène des femmes comme
actrices et sujets d’initiatives collectives et d’élaboration
de points de vue et de revendications, et de se situer au croisement des
dynamiques des mouvements de femmes et de celles des mouvements de l’immigration.
Cette relation comporte un apport réciproque mais aussi des conflits,
méconnaissances ou marginalisation.
Ils se situent aussi dans un espace entre “là bas” et
“ici”, ces groupes et leurs animatrices pouvant être des
passeuses d’informations, d’idées et de débats
entre pays ou entre continents. C’est dans un double rapport, avec
la France et avec le pays “ d’origine ” qu’ils se
constituent.
Une démarche historique permet aussi de mettre en lumière
les évolutions de ces mouvements. Elles sont à replacer dans
le contexte démographique, sociologique et politique (français
et international) et dans une interaction avec les autres mouvements sociaux.
Elles sont à mettre en relation aussi avec les parcours de leurs
militantes et, comme pour tout mouvement social en grande partie informel
ou composé de petites structures, il faut suivre les filiations,
les réseaux, les disséminations des pratiques, idées
et revendications. En outre les représentations qui sont construites
de ces femmes et de leurs mouvements sont à prendre en compte.
Cette démarche permet aussi de mettre en évidence la diversité
des actrices et de leurs trajectoires (y compris, mais pas seulement, géographiques),
la référence à “ l’immigration ”
étant en réalité complexe : migrantes ou immigrées
(venues en France enfants ou adultes), exilées ou réfugiées,
étudiantes étrangères (dont le séjour est parfois
temporaire, parfois durable ou définitif), filles de familles immigrées,
enfants de couples “ mixtes ”, constituent un milieu militant
composite, auquel il faut ajouter souvent des femmes “ françaises
” (ou du moins ne se revendiquant pas elles mêmes dans l’expérience,
ou l’héritage récent, de la migration), membres d’associations
de solidarité, féministes, travailleuses sociales, qui apportent
un appui à ces groupes et à ces initiatives. On peut aussi
prendre en compte le rôle de “ personnalités ”
(écrivaines, journalistes, artistes…) qui même si elles
ne sont pas engagées dans une action militante “ au quotidien
” expriment dans l’espace public et culturel des aspirations
et des problématiques qui ne sont pas éloignées de
celles portées par les mouvements collectifs et leur font écho.
Je m’efforcerai de traiter ces questions en me centrant sur une dizaine
d’années (milieu des années 70 milieu des années
80) qui constituent un tournant bien repéré dans l’étude
historique de l’immigration et des mouvements de l’immigration,
et sont particulièrement révélatrices pour éclairer
les problématiques évoquées ci-dessus.
Les premiers groupes dans les années 70 ont été formés
principalement par des étudiantes ou de jeunes intellectuelles, des
exilées politiques, des militantes de gauche, inspirées à
la fois par l’essor du féminisme, le contexte de contestation
en France et sur le plan international et les luttes sociales et politiques
concernant leur pays d’origine. Ainsi les “ groupes femmes ”
latino-américaines, marocaines, algériennes, la Coordination
des femmes noires cherchent à construire une action et une réflexion
“ en tant que femmes ”, autonome par rapport aux organisations
politiques (ce qui suscite de très vifs débats sur les relations
entre “ luttes des femmes ” et “ luttes de classes ”
ou “ anti-impérialistes ”) et promouvant une exigence
d’émancipation des femmes (contestation du code de statut personnel
ou des projets de code de la famille au Maroc ou en Algérie par exemple,
de la polygamie ou de l’excision en Afrique subsaharienne). La préoccupation
pour la situation des femmes “ immigrées ” est à
ce moment-là au second plan, non qu’il n’y ait pas de
femmes dans l’immigration économique, mais l’image du
“ travailleur immigré ” se décline avant tout
au masculin et les femmes restent le plus souvent dans l’ombre.
Au tournant des années 80, un contexte nouveau et l’engagement
de nouvelles actrices (en particulier de jeunes femmes de parents immigrés
ou venues très jeunes en France) favorisent l’élargissement
de ces perspectives, l’essor des groupes et associations de femmes
qui se comptent par dizaines au milieu des années 80 (associations
maghrébines et africaines subsahariennes surtout mais aussi portugaises
et sud-américaines), et une implication bien plus grande des femmes
dans les mouvements de l’immigration, que ce soit dans les grands
mouvements collectifs (Marche contre le racisme et pour l’égalité…)
ou les associations locales. Des femmes s’organisent pour parler de
leurs identités multiples, de leur rapport à leur famille,
des parcours de leurs parents, mettre sur pied des projets sociaux et culturels,
agir avec les femmes et les familles de l’immigration sur le terrain
social (aide à l’insertion professionnelle, permanences juridiques,
activités avec les enfants…) ou contre les violences faites
aux femmes. Certains groupes se constituent face aux enjeux politiques et
législatifs de l’heure. Ainsi le Collectif femmes immigrées
ou le collectif de femmes maghrébines “ Les Yeux ouverts ”
revendiquent la régularisation des femmes sans papiers et le “
statut autonome ” pour les femmes immigrées venant en France
par le regroupement familial. Les “ Mères des victimes des
crimes racistes ” sont un autre exemple d’implication des femmes.
Les organisations de soutien aux immigrés (FASTI, Cimade) appuient
la création de groupes ou de commissions femmes immigrées.
À partir de la fin des années 80, les mouvements de femmes
de l’immigration se déploient particulièrement sur le
terrain de la vie locale et d’une action de proximité sur des
thèmes très divers, mais aussi face à de nouveaux défis
d’ordre politique ou religieux, français ou internationaux,
et dans un cadre en partie normé par les politiques publiques qui
attribuent aux femmes un rôle d’ “ intégration
” ou de “ médiation ”. C’est une autre situation
qui ne sera pas examinée dans le cadre de cette communication.
Cette communication sera basée sur des entretiens avec des actrices
de ces mouvements et des documents d’archives (qui sont, bien entendu,
l’objet d’une étude critique en fonction de leur nature
et de leur condition de production), principalement des documents produits
par ces groupes, complétés par des articles parus dans la
presse principalement associative ou spécialisée sur l’immigration.
Elle s’inscrit dans un travail plus large, conduit avec le soutien
du FADILD et de l’ATF (Association des Tunisiens en France) et nommé
“ Traces, mémoires et histoire des mouvements de femmes de
l’immigration ”. Ce travail a donné lieu notamment à
une exposition “ Trente ans d’histoire des mouvements de femmes
de l’immigration ” présentée à Paris et
dans d’autres villes depuis mars 2004. Toujours dans ce cadre j’ai
rédigé des notices consacrées aux associations et collectifs
aujourd’hui disparus (une trentaine pour la seule région parisienne)
et à une partie de celles et ceux toujours en activité, qui
seront en ligne sur le site dédié à cette recherche,
histoire-femmes-immigration.fr, qui ouvrira fin 2005.
• Wendy
Pojmann, Siena College (USA), « We're right here! » The
Invisibility of Migrant Women in European Women's Movements: the Case of
Italy . [L’invisibilité des migrantes pour
le mouvement féministe. Le cas de l’Italie d’après
1945]. [Texte]
This presentation traces the history of the relationship between migrant
women and Italian feminists through an examination of women's associations.
Very few studies have attempted to connect the influence of migration to
European women's movements or to consider how migrant women have challenged
gender theories based on western European models. Using the Italian case
as an example, it will be argued that a major failure of European feminism
has been that of neglecting to recognize the value of the consistent and
growing presence of migrant women. When European feminists began in the
1980s to acknowledge failures in gender theories that did not consider differences
of ethnicity, race or class, they sought relationships with women from non-European
countries, especially with non-western and third world women. European women
traveled around the world and brought guest speakers to them from India,
Guatemala, and elsewhere to introduce European feminists to diverse cultures,
conceptualizations and activist strategies. Sadly, in most cases, European
feminists did not see the non-western women living right beside them and
as a consequence did not recognize what could be learned about the impact
of globalization on gender from talking to women living in their own nations.
The problem of invisibility has contributed to the development over the
past 30+ years of distinct organizations for women – those created
by natives and those created by migrants. This presentation will trace the
separate, parallel development of women's associations in Italy and consider
their significance to migration and feminism.
In the 1960s and 1970s when the first immigrant women were arriving in Italy,
Italian women had been struggling for women’s emancipation for more
than two continuous decades. Italian women were focused especially on equal
rights for women before the law and on improving conditions for women as
workers and mothers. The 1970s saw particular emphasis on women acquiring
power through the financial security of working outside the home, having
greater control over childbearing, and increasing their social visibility.
In these early years, Italian women benefited from the growing numbers of
migrant women by hiring them to perform the domestic duties many Italian
women needed to be freed from to enter the workforce. There was little or
no discussion of the relationship of migrant women to their Italian employers.
Studies of gender that confronted race, ethnicity, religion, or nationality
were minimal. Where they did exist, they were often superficial and did
not consider the impact of migration to Italy. Meanwhile, migrant women
were just beginning to adjust to life in Italy. Taking care of basic needs
and finding access to services generally outweighed any consideration of
joining the Italian women’s movement. When migrant women did begin
to organize, it was nearly always on the basis of national and/or ethnic
identities.
By the late 1970s, migrant women’s associations sprang from the informal
networks that had guided them in their early years in Italy. Italian institutions,
the Church, and NGOs had failed them. Mixed-sex migrant associations did
not meet all their gender-based needs. At the same time, another shift was
apparent within the Italian women’s movement. Small women’s
centers, often called women’s cultural centers, emerged throughout
Italy as an alternative to traditional political maneuvering. Political
parties had failed them. Large women’s associations could not meet
all their issue-based needs. There was little or no interaction between
Italian and immigrant women’s associations. The reasons behind their
development were similar though. The government, the parties, the Church,
mixed-sex immigrant associations and mixed-sex extra-parliamentary groups
failed to recognize and incorporate difference. Small structures organized
around specific identities presented other options and allowed groups outside
the dominant power structure to create their own identity-politics and act
as their own agents. It was not until the late 1980s that migrant and Italian
women first came together. In these initial meetings, there was clear evidence
of a power imbalance. Italian women, now convinced they had achieved key
components of liberation, looked at migrant women as gendered bodies in
need of assistance and guidance. Migrant women were victims of poverty,
war-stricken nations, and backwards gender roles. They needed language classes,
job training, health services and freedom from veils, genital mutilation,
and pimps. An inability to communicate contributed to the formation of stereotypes
and misunderstandings that characterized the early relationships between
Italian and migrant women’s groups. However, the women did not back
down from the hard work of examining the intersections of race, ethnicity,
and class, and by the late 1990s several multicultural groups had projects
underway to deal with difference without allowing it to hinder their commitment
to striving to eradicate gender oppression.
1) I recognize the problems associated with using terms such as non-western
or third world women and will address them in my presentation.
Selected bibliography
Andall, Jacqueline (2000) Gender, Migration and Domestic
Service: The Politics of Black Women in Italy, Hampshire: Ashgate Publishing.
Campani, Giovanna (2002) Genere, etnia e classe. Migrazioni al femminile
tra esclusione e identita`, Pisa: Edizioni ETS.
Danese, Gaia (1998) “Enjeux et limites du mouvement associatif immigré
en Italie,” Migrations Societe’ 55, pp. 67-74.
Kofman, Eleonore (1999) “Female ‘Birds of Passage’ a Decade
Later: Gender and Immigration in the European Union,” International
Migration Review 33, no. 2 (Summer), pp. 269-287.
Lenz, Ilse and Helen Schwenken (2003) "Feminist and Migrant Networking
in a Globalizing World - Migration, Gender and Globalisation," In Crossing
Borders and Shifting Boundaries. Gender on the Move, Opladen : Leske
& Budrich, pp. 147-178.
Schwenken, Helen (2003) “RESPECT for All: The Political Self-Organization
of Female Migrant Domestic Workers in the European Union.”
Tarrow, Sidney (1995) “The Europeanisation of Conflict: Reflections
from a Social Movement Perspective,” West European Politics
18, n. 2 (April), pp. 223-251.
Notre intervention se propose d’examiner l’expérience
migrante des femmes grecques et les rapports du genre à Paris pendant
la seconde moitié du XIXe et le début du XXe siècle.
Notre intérêt porte sur le rôle des femmes dans une communauté
à dominante masculine (par ailleurs peu nombreuse), qu’il s’agisse
des femmes qui font partie de ladite élite de cette première
communauté grecque de Paris ou bien de celles qui proviennent d’autres
couches sociales. Dans cette problématique, nous examinons le fonctionnement,
en rapport avec les femmes, de deux pratiques sociales, l’intermariage
et la philanthropie, qui nous aident à repérer les chemins
communs et divergents des divers groupes de femmes grecques à Paris.
Afin d’esquisser le profil des femmes grecques qui viennent s’établir
à Paris durant la seconde moitié du XIXe siècle, nous
avons eu recours à deux catégories de sources : les statistiques
basées sur les dénombrements de la Statistique générale
de la France, et les registres paroissiaux de l’église orthodoxe
grecque de Saint-Stéphane à Paris. Les résultats statistiques
des dénombrements témoignent d’une augmentation progressive
du nombre des femmes grecques en France. Malgré cette augmentation,
nous constatons un déséquilibre : le nombre des hommes est
presque le double de celui des femmes jusqu’en 1891, quand la différence
devient beaucoup plus grande encore.
Si nous considérons la répartition par âge des femmes
grecques à Paris en 1901, nous trouvons les plus grands effectifs
dans les tranches d’âge de 20 à 39 ans. En 1911 nous
rencontrons un grand pourcentage chez les femmes âgées de 20
à 34 ans et des effectifs importants pour les catégories de
40 à 54 ans. Dans leur majorité, les femmes sont jeunes. Cependant,
ce que nous constatons pour le dénombrement de 1901 par rapport à
celui de 1911, c’est que le nombre des femmes plus âgées
devient plus important, avec une augmentation significative dans le groupe
de 50 à 54 ans. Sans doute, il s’agit là d’un
indice d’une installation plus permanente des immigrées arrivées
à la fin du XIXe siècle.
Notons par ailleurs que l’endogamie dans la colonie des Grecs de Paris,
notamment en ce qui concerne les femmes, reste plus forte par rapport aux
autres nationalités méditerranéennes (Italiennes, Espagnoles)
présentes en France, pour lesquelles nous disposons d’éléments
pendant la même période.
Pour ce qui est de l’âge moyen du premier mariage, il s’élève
à 23 ans et 5 mois et il bien inférieur à l’âge
moyen des hommes grecs de Paris ; ceci peut s’expliquer par l’expansion
du modèle du mariage précoce pour les femmes qu’on rencontre
également dans d’autres colonies grecques de l’époque
en Europe.
Le nombre des femmes grecques qui obtient la naturalisation française
est, comme on pouvait s’y attendre, très limité, en
valeur absolue et en comparaison des hommes grecs. Notre répertoire
comprend toutes les naturalisations accordées aux Grec(ques) pour
une période qui s’étend à peu près en
un siècle, de 1831 à 1918.
La statistique sur les origines régionales des Grecques à
destination de la France, dressée sur la base des registres paroissiaux
de Saint-Stéphane, l’église orthodoxe grecque de Paris,
rend immédiatement perceptible la dispersion géographique
des lieux d’origine des immigrées. Des dizaines de Grecques
originaires surtout de l’Asie Mineure, de Constantinople, du Péloponnèse,
d’Athènes et des îles Ioniennes, mais aussi certaines
en provenance des Cyclades, de Crète, de Macédoine, de Thrace
et même du Dodécanèse prennent le chemin de la France
pendant la seconde moitié du XIXe et au début du XXe siècle.
Il est important de signaler l’absence, au moins déclarée,
d’occupation professionnelle chez les femmes, en contraste avec les
hommes de la communauté. C’est une remarque généralement
valable à peu d’exceptions près : dans les livres de
mariages, de baptêmes et de décès de l’église
orthodoxe grecque nous n’avons dépouillé que cinq femmes
exerçant une activité professionnelle ; il s’agit de
trois domestiques et de deux couturières. Il paraît que dans
la plupart des cas nous avons affaire à une immigration de familles
où la femme reste en général au foyer. Si l’on
voulait retracer à grands traits le groupe des femmes grecques de
Paris, selon des éléments démographiques et sociaux,
on dirait qu’elles viennent en France jeunes, de plus en plus nombreuses,
attirées par un mari.
Voyons maintenant une distinction que nous avons remarquée au sein
de ce groupe des femmes. Pour les femmes qui font partie de l’élite
de la colonie, notamment membres de familles des négociants Grecs,
le domaine du travail reste, tout comme pour les autres femmes grecques
de la communauté, un champ privilégié des hommes. Ce
n’est pourtant pas le cas de l’accès à l’éducation.
Il est caractéristique qu’elles sont envoyées aux pensions
des jeunes filles françaises « pour obtenir, outre l’accent,
les bonnes manières françaises ».
De plus, certaines de ces femmes sont engagées dans une activité
de philanthropie et de mécénat. Nous les rencontrons parmi
les membres de la Société Hellénique de bienfaisance,
créée en 1899 autour de l’église orthodoxe grecque
de Paris. Quelques-unes de ces femmes participent aussi au financement des
revues grecques publiées à Paris pendant la même période.
A travers leurs activités et leur financement les femmes de l’élite
grecque assument un rôle assez important et très en vue au
sein de la communauté grecque.
Les mariages parmi les membres de l’élite grecque de Paris
témoignent d’une vieille tradition d’intermariage. Ces
alliances matrimoniales permettent aux membres de ces familles de consolider
leur appartenance à l’élite sociale. Dans la même
période, le choix restreint du futur mari est aussi constaté
dans un groupe d’artisans grecs, présents à Paris à
partir de la fin du XIXe siècle : il s’agit des fourreurs originaires
de la ville de Castoria en Macédoine. Dans les deux cas, malgré
les différences apparentes, c’est la cohésion à
l’intérieur de chaque groupe qui prévaut.
10 h 45 – 12 h 45 Politiques du genre et politiques migratoires/ The Politics of Gender and Migration
Discutante : Manuela
Martini, Université Paris VII (Paris, France)
• Emmanuel
Blanchard, CNRS-ministère de la Justice, Centre d’études
sociologiques du droit et des institutions pénales (Paris), Police
des mœurs, identités de genre et construction de l'altérité
: les migrants algériens au regard des policiers parisiens (1944-1962),
[Police, Gender and Building Otherness. Algerians Migrants
and the Paris Police (1944-1962)].
Les institutions étatiques contribuent à la construction
des rapports de genre et leurs agents ont des pratiques professionnelles
qui s’inscrivent doublement dans la perpétuation d’identités
sexuées. Dans le cas de la police, une définition de la masculinité
est ainsi au cœur de l’identité professionnelle des agents
de la force publique tandis que les « clientèles »
policières sont très souvent perçues au travers de
leur distance par rapport à une définition idéalisée
des rôles masculins ou féminins. Dans le cadre de cette présentation,
nous voudrions ainsi contribuer à une étude des relations
entre la police parisienne et l’immigration algérienne qui
mette l’accent sur l’importance de représentations et
pratiques professionnelles qui tirent leurs origines dans des constructions
et perceptions identitaires ayant le genre pour fondement. Plus précisément,
ce travail ayant pour origine la recherche des conditions de possibilité
d’une violence policière extrême à l’encontre
d’une population en ayant été la cible principale, il
s’agira de voir comment, dans un contexte de domination coloniale, la
stigmatisation de pratiques sexuelles supposées et la dépréciation
d’une masculinité non conforme aux canons policiers en la matière
contribuent à construire une altérité essentialisée
• Linda
Guerry, Université d’Avignon, Laboratoire d’histoire
: territoires, pouvoirs, identités (France), Le genre de la naturalisation
: l'exemple des Bouches-du-Rhône (1918-1939) [Gender
and Naturalisation in the Bouche-du-Rhône (France) Between the Two
World Wars]. [Texte]
Le projet de thèse présenté lors de cette conférence
envisage l’histoire de l’immigration par le prisme du genre,
c’est-à-dire la différence socialement construite des
sexes. Cette recherche portera sur la région de Marseille entre 1918
et 1939. Le département des Bouches-du-Rhône est un de ceux
qui comptent le plus d’étrangers dans la France de l’entre-deux-guerres
et la proportion de femmes y est remarquable : près de la moitié
de la population étrangère pour les nationalités les
plus représentées (Italiens et Espagnols). Ce projet se décline
en trois principaux axes de recherches :
-Un discours « genré » de l’immigration
Les représentations d’un féminin et d’un masculin
« en immigration » conduisent à s’interroger sur
la production sociale des représentations, leurs usages et leurs
effets. La période de l’entre-deux-guerres et ses enjeux démographiques
et économiques s’avère être intéressante
quant au discours « genré » de l’immigration (chez
les géographes, les juristes, les démographes, les journalistes…).
-Femmes et hommes en immigration
Ce deuxième axe de recherche s’attèle à réfléchir
au genre du phénomène migratoire. En quoi les motifs de départ
des hommes et des femmes diffèrent-ils? Existe-t-il une chronologie
différente des migrations masculines et féminines? Quels sont
les processus à l’œuvre concernant la catégorisation
de la main-d’œuvre et l’intégration au marché
du travail des hommes et des femmes étrangers ?
-Le genre de la naturalisation
Le genre des individus joue-t-il un rôle déterminant dans l’acquisition
de la nationalité française ? C’est à partir
de dossiers de demandes de naturalisation que je propose une analyse comparative
des critères d’acceptations, d’ajournements et de refus
de la naturalisation pour les hommes et les femmes. Le cas de la naturalisation
par mariage à partir du décret-loi du 12 novembre 1938 qui
concerne uniquement les femmes de nationalité étrangère
sera également étudié.
• Amelia
Lyons, University of Illinois, Department of History (USA), Gender and
Decolonization : The Politics of Welfare and Algerian Immigration in France,
[État social et migrants algiériens dans la
France d’après 1945].
As anyone familiar with immigration studies in France knows, there has
been a surge in interest in the history of this previously non-existent
topic of research in the past thirty years. Yet, until recently—this
conference being a terrific sign that things are beginning to change—there
has been little interest in the history of women, gender, and family settlement
in France, especially where non-European migration is concerned. This has
been the case for several reasons. First, the traditional historiography
has been dominated by the notion that the French need for (male) labor during
the trentes glorieuses explained all immigration patterns and polices. While
it is certainly true that the Cold War economic boom depended, in large
measure, on migrant labor, the methodologies employed by most scholars have
obscured both the origins of family settlement and the messy process of
decolonization. In addition, a small but growing number of scholars have
begun to examine the experiences of female immigrants in France. Yet, they
have generally looked at the most contemporary period and often closely
examine the lived experience of a limited number of women. This type of
research is certainly invaluable and furthers our understanding of immigrants’
everyday experiences. Unfortunately, it usually does not help to place how
the French state has approached immigrant communities into the broader historical
context.
By using gender as a category of historical analysis, as Joan Scott famously
pointed out in the 1980s, my work seeks to highlight the complex policies
and attitudes put forth by the part of the French welfare state that concerned
itself with the small population of Algerian immigrant families in France
during the era of decolonization. In this paper, I will examine the origins
of three important social welfare institutions in order to examine (1) how
Algerian families began to settle in France at the height of the Algerian
War of Independence and (2) how the French government attempted to cope
with the possibility that it could lose control of this most prized imperial
possession.
The Service Social Familial Nord Africain (SSFNA, now L’ASSFAM), a
private association born of the social Catholic tradition, the Société
nationale d'économie mixte pour la construction de logements destinés
aux français musulmans originaires d'Algérie et à leurs
familles (SONACOTRAL, now SONACOTRA), a housing company jointly owned by
private and public interests, and the Fonds d’Action Sociale (FAS),
which oversaw funding for services provided to Algerians in France, together
provide an overview of the kinds of services and bureaucratic procedures
that were slowly put into place from the early 1950s until Algerian independence
in 1962. SSFNA, which began serving Algerian families in Paris in 1950,
had about a dozen offices in France a decade later. It provided a range
of educational and material aid directly to women and helped them navigate
the larger welfare system to obtain services for which they were eligible
as citizens. The SONACOTRAL, established in 1956, is certainly better known
for the housing it provided to male workers. Upon closer inspection, however,
it becomes clear that the SONCACOTRAL’s housing policies were inflected
with particular gendered assumptions. It provided segregated, dormitory
services for men and established several filial public housing companies,
known in French as HLMs, whose mission was to provide permanent homes to
Algerian families that integrated them into the general population. The
FAS, established by the Fifth Republic, was charged with streamlining services
and determining which private and public organizations would receive subsidies.
Control of the purse allowed the FAS to influence approximately 150 agencies’
agendas. In the final three years of the war, fifty percent of its resources
targeted women and families—a group that represented only about twenty
percent of the entire Algerian population in France.
Briefly examining how these institutions functioned, interacted with one
another, and developed as the war in Algeria intensified, paints a picture
that has been largely invisible in previous studies of this era. It highlights
the fact that all levels of the welfare system accepted Algerian family
settlement as the future of Algerian immigration in France. In addition
to believing that this small portion of the population would continue to
grow steadily, both direct service providers and high level policymakers
emphasized the family’s ability to temper or even dismantle the seemingly
out of control nationalist movement. As Franz Fanon argued in his now classic
essay “Algeria Unveiled,” the colonizer understood the importance
of conquering the woman, which he summed up in the “well known formula,
‘Let’s win over the women and the rest will follow.’”
Those who set metropolitan social welfare policy, many of whom had worked
in the colonies at one time, learned this lesson as well. Teaching Algerian
women how to behave like proper French housewives, constructing apartments
in which Algerian families could live among the general population, and
helping them access Family Allocations and other benefits, would turn the
tied of nationalism. Away from the radicalizing forces in the dormitories,
men who lived in nuclear families, it was argued, would prefer the domestic
bliss constructed by their wives and become reluctant to risk the material
rewards of consumer society for the cause of FLN. Moreover, while these
institutions remained separate from the increasingly aggressive surveillance
of Algerians in France, they certainly provided access to the intimate family
space, where undesirable activities could be monitored and curtailed. In
addition, if women could internalize French, ‘universal’ values,
they could help to convert future generations to the French way of life.
Whether those working with the Algerian population believed Algerians really
could become ‘French like any others’ or not, they certainly
intended to prove that Algerians’ could integrate into French society—maybe
as a final effort to save the crumbling empire.
Finally, I think the history of social welfare for Algerians is vital because
so many researchers working in related fields do not know that these institutions,
which remain the backbone of services for all immigrants in France to this
day, were molded during the era of decolonization. They bare the scares
of an era wrought with instability apparent in the competing ideologies
of the older civilizing mission, in the brutal surveillance associated with
the military in Algeria, and in the apathy that plagued a nation tired of
war.
• Jacqueline
Berman, Berkeley Policy Associates (USA), Trafficking in the Illicit:
From Trafficking in East and Central European Women to the Biopolitical
Management of Migration [Trafics illicites. De la traite
des femmes est européeennes à la gestion biopolitique des migrations].
Despite a surfeit of such stories in the western media, they continue to
appear: horrific and prurient accounts of Elena, “just one of thousands
of eastern European girls smuggled into the West every year - most of them
sold as sex slaves” or Majlinda “just 13 when she was snatched
from her Albanian village and sold into the sex industry.” (1) These
two articles echo the dominant tropes of these tales published and re-republished
since the early 1990s: extreme youth (13 and 15 year olds); utter innocence
(“grabbed . . . bundled her into a car, blindfolded, bound and gagged”);
prodigious numbers (“600,000 and 800,000” people trafficked
each year); violence and exploitation (repeated rape, beatings and threats
of murder); “white” girls (from Lithuania, Albania, Moldova,
Ukraine); dark menacing ‘eastern’ criminals (“a dark,
thick-set man” who “bought” one young woman; Albanian
gangsters who sold the other); extreme exploitation (forced to work from
8pm until 5am each night with some 20 different clients, all earnings taken
away); and illicit border crossings (from Albania to Greece, to Italy, to
the Netherlands; from Moldova to Britain). The prevalence and recurrence
of these tales for over a decade suggest that while they have raised public
awareness about the very real and brutal practice of human trafficking,
they also echo something more than a set of dominant tropes.
I have argued elsewhere that the current panic surrounding ‘sex-trafficking’
follows from the construction of the issue around a) eroticized tales of
criminal sexual slavery and a ‘white slave trade;’ b) a putative
‘whiteness’ attributed to EEC ‘victims’ juxtaposed
against ‘dark’ depraved underworld criminal traffickers in a
‘racialized economy of sex’; c) the involvement of some of these
women in the sex – as opposed to some other service – industry,
generating enormous revenues for organized crime; d) fear of the challenge
inherent in women’s attempts to harness ‘illicit’ sexuality
and movement away from ‘home’ and across borders (2) to generate
capital (in a conflation of prostitution and trafficking (3)); and e) their
contradictory status as ‘illegals’ who have violated state sovereignty
and ‘victims’ of a crime
This article will suggest that the alarm over trafficking in innocent east
European girls refers to a larger phantasmatic anxiety about being overrun
by dark, menacing, foreign criminals that threaten “our” families,
homes, indeed, way of life – a fear closely aligned with anti-immigrant
sentiments. Many Europeans, for example, feared that the May 2004 EU accession
of ten mainly eastern states (EECs) would “allow the mafias of central
and eastern Europe to tighten their grip on organised crime across the continent”
even as they acknowledge “that crime rarely waits for borders to open.”
(4) Indeed, it would appear that trafficking in women elicits fears of immigration
tied to criminality that occupy western imaginations as much as any concern
over the fate of trafficked persons themselves. This is not to say that
trafficking in women is not a real and unconscionable phenomenon, one that
has had a particular impact on EEC women. Indeed, one report to the Council
of Europe’s Parliamentary Assembly suggests that 78% of women victims
of trafficking in the EU are from central or eastern Europe. (5) This article
seeks only to suggest that existing constructions and understandings of
this problem have severely delimited how to imagine a meaningful response
to it.
In legislation and policy however, a separate debate over/conflation of
prostitution and consent in relation to trafficking – compounded by
anti-immigrant sentiments and increasingly restrictive EU member state immigration
policies that encourage the creation of trafficking channels (6) –
has occluded the complexity of and ceded legal ground to a crime control
approach to fighting trafficking. Most EU member states, the US and international
treaties have focused on the criminalization of human trafficking in order
to combat. In practice, however, this approach has done relatively little
to end trafficking or to assist trafficked women themselves. (7) Given this
lack of impact, this article will focus on the role of the ‘illicit’
border crossing highly constitutive of human trafficking and consider migration
as an alternative frame of migration in which to come to terms with trafficking
in women from ECE. It will examine the notion of the ‘migration project’
or attempts by women to harness trafficking networks in order to move and
work (often in the sex industry) abroad in pursuit of some individual proposition
they have set for themselves. Where global border crossings are understood
as constitutive of trafficking as crime, trafficking in women becomes as
much an immigration issue as a matter of exploitation, slavery and criminality.
(8) A migration frame presents a more integrated approach, one that has
already had, in some cases, a positive impact on combating trafficking,
especially in the case of Article 18 of the 1998 Italian Law 40. Indeed,
much of the International Organization for Migration (IOM) notion of “migration
management” occasions a more subtle understanding of the phenomenon
of trafficking in EEC women.
There remain, however, some important caveats surrounding a migration approach
to trafficking in women, especially in relation to current migration regimes
like IOM’s migration management scheme. In practice, it appears the
what might be termed the biopolitical management of movement – illicit
and otherwise – inform even the IOM’s (and others) calls for
more progressive migration policy. As such, this paper will also interrogate
the effects of IOM’s migration management regime in order to locate
a more nuanced migration frame, one that integrates the role of gender,
ethnicity, and movement, and that might better address women’s situations
as they travel and work abroad. Ultimately, this article seeks to move toward
an integrated, global approach to human trafficking, one that can both prevent
criminal activity (and thus decrease exploitation) and can facilitate women’s
movement across borders in pursuit of their own, self-devised departures.
(1) Bunyan, N. (2005) “I've run out of tears, says girl sold around
Britain as a sex slave at the age of 15.” The Daily Telegraph, 9 May
2005; Vulliamy, E. (2004) “Majlinda was just 13 when she was snatched
from her Albanian village and sold into the sex industry.” The Observer
Magazine, 3 October 2004.
(2) Ann McClintock argues that in western culture, women serve as threshold
and boundary markers especially between public and private life (1995).
I argue that it is, in part, their rejection of this position inherent in
their ‘illicit’ movement across sovereign and ‘moral’
borders that renders migrant sex workers’ movement so threatening.
(3) The ways in which trafficking and prostitution have been conflated in
debates over trafficking in women is an enormous topic; for some discussion
of how complex and problematic this conflation is see, for example, Kempadoo
1998; Sullivan 2003; Berman 2003; Andrijasevic 2003.
(4) Minder, R. (2004) “Accession countries may bear brunt of organized
crime in enlarged EU.” Financial Times, 16 April 2004.
(5) Council of Europe (2005) “Slaves at the heart of Europe.”
Accessed 3 Sept. 2005 at http://www.coe.int/T/E/Com/Files/Themes/trafficking/.
(6) Council of Europe (2005) “Slaves at the heart of Europe.”
Accessed 3 Sept. 2005 at http://www.coe.int/T/E/Com/Files/Themes/trafficking/.
(7) The notion that current legislation has done little to redress trafficking
in women from ECE comes from various trafficking experts including Madeleine
Rees of OHCHR, Stana Buchowska of La Strada, and Barabara Limanowska of
UNICEF/OSCE in conversation with the author.
(8) Again, this is not, in any way, to dismiss the fact that there is a
tremendous amount of exploitation and violence involved in trafficking in
women. Of course there is and there needs to be substantial work to fight
the victimization of women that does take place. My goals is to understand
the specific phenomenon of trafficking in women from EEC, where many educated
women utilize traffickers to move in ways they otherwise cannot for reasons
more complex than having been tricked and forced into it.