L'art roman dans la baie du Mont Saint-Michel (table / résumé) - Marie Lebert - 2006

Saint-Quentin-sur-le-Homme

* Le site / Emplacement / Histoire
* L’église / Le plan / Les matériaux / Les appareils / Les enduits, sols, plafonds et toitures
* Description extérieure / La façade occidentale / La nef / La tour
* Description intérieure / La nef / La tour
* La restauration des parties romanes au 20e siècle
* Datation
* Les portails des églises de Saint-Quentin et de Saint-Loup
* Les photos


Le site

Emplacement

Le village de Saint-Quentin-sur-le-Homme est situé au sud-est d’Avranches, à 5,5 kilomètres de la ville, dans un des plis des côteaux de la Sélune, une rivière coulant vers le sud (voir la carte).

Saint-Quentin était situé sur le chemin montois reliant le Mont Saint-Michel aux villes de l’actuel département du Calvados: Tinchebray, Condé-sur-Noireau, Falaise et Lisieux. Venant du Mont, le chemin passait par Pontaubault puis Saint-Quentin avant de se diriger vers Juvigny-le-Tertre et Sourdeval.

Histoire

Saint-Quentin faisait partie des neuf paroisses qui rayonnaient autour de la cité épiscopale d’Avranches et qui furent regroupées pour former le doyenné de la Chrétienté, lui-même compris dans l’archidiachoné d’Avranches.

Le patronage était partagé entre l’évêque et le Chapitre de la cathédrale. On en trouve la preuve dans une charte de l’évêque Richard Lainé datée de 1260. Selon la charte, cet évêque demandait au Chapitre la permission de nommer un curé à Saint-Quentin, bien que les six mois prévus pour cette nomination fussent déjà écoulés. [1]

Plus tard, l’évêque resta le seul patron présentateur. L’évêque d’Avranches n’avait ce privilège que pour dix-neuf cures sur cent quatre-vingt, dont celle de Saint-Quentin [2].


L’église

Le plan

L’église, régulièrement orientée (d’ouest en est), est formée d’une nef de trois travées et d’un choeur de trois travées à chevet plat (voir le plan). Au nord et au sud, deux larges chapelles sont accolées aux deux premières travées du choeur et constituent de véritables croisillons. La tour, située dans l’axe du vaisseau, est implantée entre choeur et nef. La façade occidentale est précédée sur toute sa longueur d’un grand porche rectangulaire non voûté formant une sorte de narthex.

Les matériaux

Les appareils

Les maçonneries présentent un appareil irrégulier de moëllons de schiste alors que les contreforts, le pourtour des ouvertures, les colonnes, les pilastres et les arcs sont en granit. Le schiste est la pierre locale puisque Saint-Quentin est situé dans une région de terrains sédimentaires schisteux. Le granit provient sans doute du massif granitique d’Avranches, qui s’étend au nord de Saint-Quentin.

Les enduits, sols, plafonds et toitures

Un enduit à la chaux recouvre les murs intérieurs. Le sol est recouvert d’un carrelage posé en 1929. La nef est surmontée d’une voûte en berceau de bois à poinçons et entraits apparents réalisée en 1927. La toiture a été entièrement refaite en ardoises d’Angers en 1921 et 1922. Une partie de la couverture nord de la nef a été changée en avril 1952 suite aux dommages de la seconde guerre mondiale.

Description extérieure

La façade occidentale

La façade occidentale est percée d’un portail aux vastes proportions. Son arcade en plein-cintre est formée de deux voussures surmontées d’une archivolte constituée d’un cordon chanfreiné. Les voussures présentent chacune les moulurations suivantes: un tore d’angle épais suivi de deux tores plus minces cernés de petits cavets. Ces voussures reposent sur quatre colonnes engagées par l’intermédiaire d’une imposte moulurée en quart-de-rond formant les tailloirs des chapiteaux. Les corbeilles sont sculptées de motifs variés: du nord au sud, des boules à l’angle et aux extrémités sous le tailloir, une tête, un personnage à quatre pattes dont la tête à l’angle de la corbeille est entourée des bras puis des jambes, une autre tête soutenue par une main sur le côté et l’autre sous le menton. Ces sculptures grossières sont en fort relief et le menton des visages est très proéminent. Les bases carrées sont ornées d’un tore surmontant un chanfrein. Les chanfreins sont sculptés sur la gauche de petites griffes triangulaires. On ne distingue plus rien sur la droite. Ces bases reposent sur un épais muret de pierre se prolongeant le long du mur de la façade. Un énorme bloc monolithe de granit forme le tympan du portail.

La nef

La nef comporte deux travées. Ses murs latéraux sont épaulés chacun de quatre contreforts plats peu saillants reposant sur un soubassement de pierre. Les contreforts supportent une corniche en partie refaite dont les modillons sont surtout sculptés de têtes humaines. Les autres modillons, récents, sont moulurés en quart-de-rond ou ils ont la forme d’un T.

La tour

La tour, massive, est située entre la nef et le choeur. Seule sa base est romane. Elle est reliée au premier étage par un glacis au nord et au sud. Les deux étages datent du 13e siècle. L’ensemble est surmonté d’un toit en bâtière.

Au sud, une porte est aujourd’hui murée. Son arcade en plein-cintre (voir le schéma) est formée d’une voussure entourée d’une archivolte formée par un cordon chanfreiné. La voussure est moulurée d’un épais tore d’angle suivi d’un listel puis d’un large cavet peu profond. Elle repose sur deux épaises colonnettes par l’intermédiaire d’un bandeau mouluré en quart-de-rond qui forme le tailloir des chapiteaux et se prolonge sur le nu du mur. Les corbeilles sont sculptées d’un arbre et d’une tête humaine. Les bases sont carrées. A gauche, la base est surmontée d’un chanfrein orné de petites griffes triangulaires et d’un tore. A droite, elle est surmontée d’un double tore. Le tympan est formé d’un gros bloc monolithe de granit, qui repose sur les piédroits intérieurs par l’intermédiaire du bandeau mouluré en quart-de-rond.

Description intérieure

La nef

Les murs latéraux de la nef sont ouverts de chaque côté par trois baies en plein-cintre fortement ébrasées. Ces baies aux proportions modestes ont remplacé en 1951 de très grandes baies ouvertes au 18e siècle à l’emplacement des petites baies romanes primitives [3]. Le mur occidental est percé d’une grande baie géminée datant du 15e ou 16e siècle.

La tour

Située entre choeur et nef, la tour repose sur quatre épais piliers qui reçoivent à l’est et à l’ouest deux arcs en plein-cintre à double rouleau.

L’arc séparant la nef de la base de la tour repose sur deux épais pilastres engagés sur dosseret par l’intermédiaire d’une imposte moulurée en quart-de-rond.

L’arc séparant le choeur de la base de la tour repose sur deux colonnes engagées jumelées par l’intermédiaire d’une imposte semblable qui forme le tailloir des chapiteaux. Les corbeilles sont sculptées de crochets d’angle en faible relief plus visibles au nord qu’au sud. Les bases carrées sont surmontées d’un double tore. Elles sont très abîmées au nord.

La travée entre choeur et nef est surmontée d’une voûte d’arêtes sur plan barlong. Les retombées des arêtes sont reçues au nord par les angles formés par les dosserets des pilastres, et au sud par des colonnes surmontées d’une imposte moulurée en quart-de-rond.

Les murs nord et sud sont percés de deux longues et étroites baies en plein-cintre à fort ébasement. Dans le mur sud, la niche d’une statue surmontée d’un arc surbaissé a été aménagée dans la porte murée.

La restauration des parties romanes au 20e siècle

La toiture fut refaite en 1921 et 1922 [4]. Une voûte en berceau de bois à poinçons et entraits apparents fut reconstruite en 1926 et 1927 [5]. Le dallage de la nef fut posé en 1929 [6].

En 1951, après les dommages de guerre, on entreprit la réfection du mur latéral nord de la nef, très endommagé. La corniche et une partie de ses modillons furent refaits. Les baies des murs latéraux furent transformées à la même époque. Les très grandes baies ouvertes au 18e siècle furent remplacées par des baies en plein-cintre aux proportions modestes. On refit aussi une partie de la couverture de la nef côté nord. [7]

Les murs intérieurs de l’église furent recouverts d’un enduit à la chaux en 1953 [8]. Les murs extérieurs furent entièrement rejointoyés en 1955 [9].

Datation

La nef et la base de la tour peuvent être datées de la première moitié du 12e siècle. Les portails constituent les principaux indices de datation. Le portail occidental et la porte sud présentent de nombreux points communs avec ceux de l’église de Saint-Loup, édifice de la première moitié du 12e siècle. De plus, la disposition intérieure de la travée surmontant la tour confirme cette datation.

Au 13e siècle furent construits le porche rectangulaire précédant la façade occidentale, les deux étages de la tour, le choeur de trois travées et sa chapelle latérale sud. La chapelle latérale nord fut édifiée au 15e ou 16e siècle [10].

Les portails des églises de Saint-Quentin et de Saint-Loup

Les deux portes sud des églises de Saint-Quentin et de Saint-Loup offrent de nombreuses similitudes: une arcade formée d’une voussure moulurée d’un tore d’angle suivi d’un listel puis d’un cavet large et peu profond; une voussure entourée d’une archivolte formée d’un cordon chanfreiné; des tailloirs moulurés en quart-de-rond; des corbeilles de chapiteaux sculptées de têtes d’angle (une à Saint-Quentin et deux à Saint-Loup); une colonne avec une base au chanfrein orné de petites griffes triangulaires.

Le portail occidental de l’église de Saint-Quentin présente lui aussi des traits communs avec les portes de l’église de Saint-Loup: une archivolte formée d’un cordon chanfreiné, des tailloirs moulurés en quart-de-rond, des corbeilles de chapiteaux sculptées de têtes proéminentes, des bases au chanfrein orné de petites griffes. Mais, à Saint-Quentin, l’arcade est plus grande, les moulurations des voussures sont différentes et les sculptures des corbeilles sont plus élaborées. Il est très possible que le sculpteur des corbeilles se soit inspiré des gros modillons situés au-dessus de la porte sud de l’église de Saint-Loup.


Documents

* La bibliographie de Saint-Quentin
* Le plan de l’église de Saint-Quentin
* Le schéma de la porte sud


Notes

[1] D’après: Cudeloup. Saint-Quentin-sur-le-Homme, in: Revue de l’Avranchin, tome XXIV, 1931, p. 469-470.

[2] Voir: Pigeon (Emile-Auber). Le diocèse d’Avranches. Coutances, Salettes, 1888, tome II, p. 696.

[3] D’après: Cudeloup. Saint-Quentin-sur-le-Homme, in: Revue de l’Avranchin, tome XXIV, 1931, p. 469.

[4] D’après les archives municipales: le dossier de l’église.

[5] D’après les archives paroissiales.

[6] D’après les archives paroissiales.

[7] Suite à la décision du conseil municipal du 17 décembre 1950, après un devis de reconstruction de Monsieur Edeline, architecte.

[8] Suite à la décision du conseil municipal du 11 mai 1953.

[9] Suite à la décision du conseil municipal du 25 septembre 1955.

[10] D’après: Thibout (Marc). Les églises des XIIIe et XIVe siècles dans le département de la Manche. Thèse de l’Ecole des Chartes, 1935, p. 288-289.


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