* Le site
/ Emplacement
/ Histoire
/ La pierre tombale du 12e siècle
* L’église
/ Le plan
/ Les matériaux
/ Les appareils
/ Les enduits, sols, plafonds et toitures
* Description extérieure
/ La façade occidentale
/ La nef
/ Le choeur
/ La tour
* Description intérieure
/ La nef
/ Le choeur
* Datation
* Les restaurations
/ Au 19e siècle
/ Au 20e siècle
* Une petite école locale d’architecture: Yquelon et Bréville
* Les photos
Le village d’Yquelon est situé à deux kilomètres de Granville, entre Donville-les-Bains et Saint-Nicolas, au sud de la rivière du Boscq (voir la carte). Yquelon était situé sur le chemin montois qui, venant du Mont Saint-Michel, passait par Saint-Pair et continuait vers Cherbourg.
D’origine scandinave, le terme “Yquelon” signifie “branche de chêne”.
Le saint patron de l’église d’Yquelon est Saint Pair. Le second saint est Saint Maur. La paroisse appartenait au doyenné de Saint-Pair et à l’archidiachoné de Coutances.
Le territoire de la paroisse faisait partie de la baronnie de Saint-Pair, propriété du Mont Saint-Michel depuis 1022, date à laquelle Richard II, duc de Normandie, donna la baronnie au Mont.
Le seigneur du lieu, Rogerius de Ikelun, apposa sa signature au bas de deux grandes chartes de l’abbaye de la Lucerne en 1162 [1].
Au 13e siècle, le patronage était certainement laïc. La dîme se partageait entre le curé, qui en recevait la plus grande partie, l’abbaye du Montmorel et la léproserie Saint-Blaise de Champeaux. Le Pouillé cité par Léopold Delisle (1251-1279 environ) mentionne ceci: “Ecclesia de Yquelon-Patronus... Rector percipit totum exceptis VII busselis frumenti quos reddit abbati de Monte Morelli et leprosis Sancti Blasii II quarteris frumenti et luminari ecclesiae unum quarterium frumenti. Et valet XXXIII libras.”[2]
Sise à Poilley, près de Ducey, l’abbaye du Montmorel était une abbaye de l’ordre des Augustins, qui fut détruite à la Révolution. Située dans la paroisse de Champeaux, à la lisière de la forêt de Bevais, la léproserie Saint-Blaise de Champeaux fut fondée par Henri II Plantagenêt et dotée par Guillaume de Saint-Jean. Elle vit ses biens réunis à l’Hôtel-Dieu d’Avranches en 1696. [3]
Le Pouillé de 1332 cité par Auguste Longnon mentionne Guillermus Courée pour seigneur patron: “Guillermus Courée est patronus ecclesie de Yquelon.” [4]
En 1885, on découvrit dans le cimetière au nord de l’église une pierre tombale en pierre calcaire tendre datant du 12e siècle.
En 1886, M. de Lomas la décrit ainsi: “La pierre tombale supporte un chevalier en relief représenté les mains jointes, la tête appuyée sur un oreiller et ayant un lévrier à ses pieds. Il est vêtu d’une tunique qui ne dépasse pas les genoux; cette tunique est serrée à la taille au moyen d’un ceinturon auquel est pendue une épée. Un bandeau large de quatre centimètres est noué ou attaché derrière la tête et retient une pièce d’étoffe qui sert de coiffure. Deux boucles de cheveux couvrent les tempes. Les détails de l’ornementation, du costume et de la coiffure permettent d’assigner le 12e siècle comme date de l’exécution de cette pierre tombale. Elle ne porte ni indication de nom, ni indication d’année; il serait par conséquent impossible de déterminer le personnage dont elle recouvrait les restes. Ce que l’on peut dire avec certitude, c’est qu’il appartenait à la puissante famille d’Yquelon dont un des membres, Roger d’Yquelon, apposa sa signature au bas de deux grandes chartes de l’abbaye de la Luzerne (devenue ensuite la Lucerne, ndlr), en 1162.” [5]
En février 1893, cette pierre tombale fut encastrée dans un enfeu présent dans le mur nord de la nef de l’église. Sa longueur – 2,15 mètres - correspond exactement à celle de la pierre tombale. Sans doute l’avait-il primitivement recueillie, avant que la pierre tombale ne soit enterrée dans le cimetière, peut-être au moment de la Révolution française.
L’église est formée d’un vaisseau rectangulaire régulièrement orienté (d’ouest en est) comprenant une nef de deux travées suivie d’un choeur de deux travées à chevet plat (voir le plan). La tour, massive, est accolée à la première travée du choeur côté nord.
Les contreforts, le pourtour des ouvertures et les croisées d’ogives du choeur sont en granit. L’appareil des maçonneries est un appareil irrégulier fait de moëllons de schiste et de quelques moëllons de granit. Toutes ces pierres sont des matériaux locaux: la formation de Granville est un flysch (formation détritique) composé de roches schisteuses. Et non loin de là affleure le massif granitique de Vire, à quelques kilomètres au sud d’Yquelon.
Les enduits, sols, plafonds et toitures
Un enduit à la chaux recouvre l’ensemble des murs intérieurs, à l’exception des doubleaux et ogives de la voûte du choeur et des arcs et piédroits des différentes baies, dont la pierre de granit est apparente.
Le sol est couvert sur toute son étendue de carreaux de céramique noirs et blancs. Ce carrelage a été posé au 19e siècle, à l’exception du carrelage situé sous les bancs de la nef, ajouté en 1970. La nef est surmontée d’une voûte en berceau de bois réalisée en 1896. La toiture, refaite en 1972, est en ardoises d’Angers.
La façade occidentale est consolidée aux deux extrémités par deux contreforts plats prenant appui sur un muret de pierre. Le mur pignon de la façade est surmonté d’une croix antéfixe aux branches bifides.
Le portail d’entrée est surmonté de trois baies en plein-cintre identiques surmontées elles-mêmes d’un oculus. Les trois baies ont remplacé en 1896 une grande ouverture rectangulaire, qui avait elle-même été percée à l’endroit de deux étroites baies romanes [6]. L’oculus, de petites dimensions, est d’origine. Il est orné sur son pourtour de billettes. Sa partie inférieure comprend une pierre sculptée de deux têtes humaines en fort relief.
L’arcade en plein-cintre du portail (schéma 2) est formée d’une voussure non moulurée reposant sur des piédroits sans ornement et surmontée d’une archivolte. L’archivolte est formée d’un cordon saillant orné de dents-de-scie en fort relief sculptées en creux d’un rang de bâtons brisés. Les deux extrémités de l’archivolte reposent chacune sur une pierre de granit sculptée d’une tête humaine. Le claveau central de la voussure est orné d’une tête humaine plus grande en fort relief. Les piédroits intérieurs sont moulurés d’une colonnette très engagée à tailloir et base carrés. Ces piédroits supportent un tympan de granit, qui a été restauré et sculpté d’une croix romane en 1897.
La nef comporte deux travées. Les murs latéraux sont épaulés chacun de trois contreforts plats reposant sur un soubassement de pierre et supportant une corniche soutenue par des modillons taillés en biseau.
Le mur latéral sud est percé de deux baies en plein-cintre, qui ont remplacé en 1896 deux grandes ouvertures rectangulaires. Ces deux baies sont semblables à la grande baie du mur latéral sud du choeur, qui a été prise comme modèle.
La première travée du mur latéral nord est percée d’une baie en plein-cintre semblable à celles du mur sud et elle aussi refaite en 1896. La seconde travée est ouverte par une baie trilobée. L’enfeu situé dans le mur de l’église forme à l’extérieur une saillie de 25 centimètres.
Le choeur, plus étroit que la nef, compte deux travées. La première travée du mur latéral sud comprend une porte en grande partie bouchée, avec une ouverture rectangulaire dans sa partie haute.
L’arcade en plein-cintre de la porte (voir le schéma) est formée d’une voussure moulurée d’un tore, le tore étant surmonté d’un chanfrein sculpté d’une rangée de dents-de-scie peu marquées. La voussure est entourée d’une archivolte formée d’un épais bandeau aux arêtes chanfreinées. Le chanfrein inférieur est également orné d’un rang de dents-de-scie peu visibles.
La partie interne de la voussure repose sur deux colonnettes engagées par l’intermédiaire de chapiteaux dont la corbeille, surmontée d’un tailloir carré, est ornée de petits crochets d’angle pratiquement disparus. Cette porte a certainement subi un remaniement: les chapiteaux, sans astragale, sont à la fois mal raccordés au fût des colonnes et au départ de la voussure, dont le tore est sectionné à cet endroit. La partie externe de la voussure et l’archivolte disparaissent dans les maçonneries de la nef à gauche, alors qu’à droite elles reposent sur une large pierre légèrement saillante et chanfreinée.
Deux contreforts plats prenant appui sur un soubassement de pierre soutiennent la corniche portée par des modillons taillés en biseau. Visiblement, comme celle de la nef, cette corniche a été refaite. Le mur est percé de deux baies en plein-cintre: l’une assez large, l’autre petite, longue et étroite. Leur pourtour de granit a été refait en 1896.
Le mur oriental est consolidé aux deux extrémités par un contrefort plat. En 1885, on a adossé au chevet plat une construction rectangulaire qui abrite la sacristie. A la même époque, le mur pignon a été percé d’une rose pour remplacer la grande baie géminée du chevet bouchée lors de la construction de cette sacristie.
La tour est accolée à la première travée du mur nord. La deuxième travée présente la même disposition qu’au sud. L’étroite petite baie aux piédroits de granit et au cintre creusé dans un linteau monolithe de granit est d’origine.
La tour, massive et de forme carrée, présente trois étages en léger retrait les uns des autres. Deux bandeaux marquent la séparation entre les deux étages: un bandeau mouluré en quart-de-rond sépare le premier étage du second, et le second étage est séparé du troisième par un bandeau droit. La tour, surmontée d’un toit en bâtière, présente le même type d’appareil que la nef et le choeur.
La tour présente les ouvertures suivantes: à l’étage inférieur, une porte rectangulaire à l’est et une baie en plein-cintre au nord; à l’étage supérieur, une longue ouverture rectangulaire sur chacune des faces; deux petites ouvertures rectangulaires percées à l’étage intermédiaire et dans le pignon à l’est et à l’ouest.
Toutes ces ouvertures rectangulaires permettent de penser que la tour a été reconstruite, du moins en partie, depuis le 12e siècle. A quelle époque? Aucun élément d’architecture ne permet de déterminer une date précise, et aucun document concernant la tour n’a été retrouvé dans les archives.
Les arcs et piédroits des trois baies en plein-cintre de la nef sont moulurés d’un tore épais semblable à celui qui orne les baies du choeur. Dans la seconde travée du mur nord, la baie trilobée est probablement le vestige de réfections postérieures, tout comme la piscine surmontée d’un trilobe dans le mur latéral sud.
Au-dessous de cette baie trilobée, l’enfeu de la pierre tombale est surmonté d’un arc surbaissé. L’arc et les piédroits de l’enfeu sont simplement chanfreinés.
La nef ouvre sur le chœur par un arc triomphal très épais, fourré et légèrement brisé reposant sur deux pilastres pris dans l’épaisseur du mur. Au nord, l’arc repose directement sur le pilastre alors qu’au sud, il s’appuie sur une imposte moulurée légèrement chanfreinée.
Le choeur est constitué de deux travées séparées par un arc doubleau sans ornement, très épais et légèrement brisé. Chaque travée est surmontée d’une voûte en croisée d’ogives. Les ogives, très larges, sont ornées de deux épais tores d’angle entourant une petite moulure triangulaire saillante. Doubleaux et ogives reposent sur des culots en forme de pyramide renversée. Les quatre culots supportant la retombée d’une seule ogive à l’est et à l’ouest sont simples. Les deux culots supportant à la fois la retombée d’un doubleau et les retombées de deux ogives sont formés d’un tailloir carré légèrement chanfreiné surmontant une grande pierre saillante pour le doubleau, encadrée de deux plus petites pour les ogives. Les deux clefs de voûte sont sculptées de motifs géométriques en faible relief compris dans un cercle: motifs triangulaires pour l’une et motifs semi-circulaires pour l’autre.
Une large piscine surmontée d’un arc surbaissé est présente dans la deuxième travée côté sud. Les arcs et piédroits de la piscine et des trois baies du choeur sont ornés d’un tore épais. Dans la première travée côté nord, une arcade en plein-cintre donne sur une chapelle qui correspond à l’étage inférieur de la tour.
La nef et le choeur de l’église d’Yquelon peuvent être datés de la seconde moitié du 12e siècle. Les indices de datation se trouvent dans la voûte en croisée d’ogives du choeur et dans les deux portes: portail occidental et porte sud.
Pour la voûte en croisée d’ogives du choeur, les ogives, très épaisses, sont moulurées de deux tores épais encadrant une petite moulure triangulaire saillante. Les clefs de voûte sont sculptées de motifs géométriques en très bas relief.
Pour le portail occidental, une archivolte sculptée de dents-de-scie en fort relief repose sur deux têtes sculptées. Pour la porte sud, un tore d’angle est surmonté d’un chanfrein. Ce chanfrein et le chanfrein inférieur de l’archivolte sont sculptés d’un rang de dents-de-scie peu marquées.
Les restaurations du 19e siècle furent importantes [7]. La sacristie fut construite en 1885 [8]. La baie géminée du chevet fut fermée et une rose fut ouverte dans le mur pignon pour la remplacer. La même année, on découvrit dans le cimetière une pierre tombale du 12e siècle. Cette pierre tombale fut encastrée dans l’enfeu du mur nord de la nef en février 1893 [9].
En 1896, les grandes baies rectangulaires de la nef furent remplacées par des baies en plein-cintre sur le modèle de la plus grande baie du choeur [10]. Le pourtour de granit des deux baies en plein-cintre du mur latéral sud du choeur fut refait. A la même époque, on ménagea dans la façade occidentale trois baies en plein-cintre identiques, à l’emplacement d’une grande ouverture rectangulaire [11]. La voûte de la nef fut refaite: un lambris en bois de sapin fut remplacé par une voûte en berceau de chêne [12]. Le tympan du portail occidental fut restauré et sculpté d’une croix romane en 1897 [13].
En 1969 et 1970, un enduit à la chaux fut refait sur toute la surface des murs latéraux de la nef [14]. En 1970, un carrelage fut posé sur les bancs de l’église [15]. Le reste du carrelage avait été posé au 19e siècle. En 1972, la toiture de l’église fut refaite en ardoises d’Angers [16].
Les portes des églises d’Yquelon et de Bréville présentent de nombreuses similitudes.
Le portail occidental d’Yquelon et la porte sud de Bréville présentent tous deux une archivolte formée d’un épais bandeau orné de dents-de-scie en fort relief. Le rang de dents-de-scie est lui-même sculpté en creux d’une rangée de bâtons brisés. L’archivolte repose sur des têtes sculptées. Une sculpture de tête humaine en fort relief orne le claveau central de la voussure. Les têtes d’Yquelon, sculptées dans le granit, sont beaucoup plus visibles que celles de Bréville, sculptées dans une pierre calcaire plus friable.
Les portes sud d’Yquelon et de Bréville présentent elles aussi des traits communs: une voussure moulurée d’un tore épais surmonté d’un chanfrein orné de dents-de-scie peu marquées, et des corbeilles de chapiteaux sculptées de crochets d’angle aujourd’hui pratiquement effacés.
La porte sud de Bréville est en quelque sorte la synthèse des deux portes d’Yquelon. Elles ont dû être exécutées dans le même atelier. On retrouve aussi le même type d’archivolte sculptée de dents-de-scie et reposant sur deux têtes humaines sculptées à Sartilly. Les moulurations et les sculptures du portail de Sartilly sont toutefois beaucoup plus soignées.
* La bibliographie d'Yquelon
* Le plan de l’église d’Yquelon
* Le schéma de la porte sud
[1] Voir: Le Cartulaire de la Lucerne, publié par M. Dubosc. Saint-Lô, 1878, p. 6 et 8.
[2] Delisle (Léopold). Pouillé du diocèse de Coutances, in: Recueil des historiens de la France, tome XXIII, 1876, p. 499.
[3] Voir: Documents relatifs à l’église et à la seigneurie d’Yquelon, in: Le Pays de Granville, 1906, p. 139 note 3.
[4] Longnon (Auguste). Pouillés de la province de Rouen. Paris, Imprimerie nationale, 1903, p. 284.
[5] Lomas (M. de). Les découvertes d’Yquelon, in: Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, tome XIV, 1886-1887, p. 44-45.
[6] Voir: Rabel (J.). L’église d’Yquelon, in: Revue de l’Avranchin, 1897, p. 239.
[7] Dates provenant de l’article suivant: Rabel (J.), L’église d’Yquelon, in: Revue de l’Avranchin, 1897, p. 237-248, et vérifiées dans le Registre des délibérations du conseil municipal (1880-1904).
[8] Voir le compte-rendu de la séance du 01.03.1885 dans le Registre des délibérations du conseil municipal (1880-1904).
[9] Voir le compte-rendu de la séance du 05.02.1893 dans le Registre des délibérations du conseil municipal (1880-1904).
[10] Voir le compte-rendu de la séance du 13.01.1895 dans le Registre des délibérations du conseil municipal (1880-1904).
[11] Voir: Rabel (J.). L’église d’Yquelon, in: Revue de l’Avranchin, 1897, p. 238.
[12] Voir le compte-rendu de la séance du 13.01.1895 dans le Registre des délibérations du conseil municipal (1880-1904).
[13] Voir: Rabel (J.). L’église d’Yquelon, in: Revue de l’Avranchin, 1897, p. 238.
[14] Voir les compte-rendus des séances du 31.10.1969 (p. 67) et du 08.02.1970 (p. 69) dans le Registre des délibérations du conseil municipal (1962-1978).
[15] Voir le compte-rendu de la séance du 08.02.1970 (p. 69) dans le Registre des délibérations du conseil municipal (1962-1978).
[16] Voir le compte-rendu de la séance du 11.02.1972 (p. 89) dans le Registre des délibérations du conseil municipal (1962-1978).
Haut de page / Table / Chapitre suivant / Résumé
Galerie Nef / Page d'accueil du NEF
© 2006 Marie Lebert. Tous droits réservés.