NEF - Le Livre 010101 de Marie Lebert - 1993-2003

Le Livre 010101 (2003)
Tome 2 (1998-2003)
8. Des appareils de lecture

Les livres numériques sont d’abord lisibles sur l’écran de notre ordinateur: ordinateur du domicile ou du bureau, ordinateur portable et ordinateur ultra-portable. Pour plus de mobilité, certains constructeurs conçoivent aussi des appareils de lecture appelés livres électroniques, alors que d’autres intègrent des logiciels de lecture dans leurs assistants personnels (PDA). Plus tard viendra le papier électronique, qui devrait permettre de concilier les avantages du numérique et le confort d’un matériau souple proche du papier.

8.1. Les livres électroniques
8.2. Les assistants personnels (PDA)
8.3. L'avenir des machines de lecture
8.4. Le papier électronique


8.1. Les livres électroniques

Pour le distinguer du livre numérique, qui est un livre en version numérisée, l’appareil exclusivement dédié à la lecture de livres numériques est appelé ici livre électronique, en attendant peut-être une terminologie plus adaptée.

Le livre électronique étant monotâche, les premiers modèles des années 1999-2001 résistent mal à la concurrence des assistants personnels (PDA), qui permettent eux aussi de lire des livres numériques tout en offrant d’autres fonctionnalités (agenda, dictaphone, lecteur de MP3, etc.). Les ventes des appareils pionniers que sont le Rocket eBook, le Softbook Reader, le Cybook et les modèles de Gemstar eBook sont très inférieures aux pronostics. La vente du Cybook cesse en juillet 2002, et celle des Gemstar eBook en juin 2003. Si le concept de livre électronique reste intéressant pour les gros lecteurs, il doit être entièrement repensé à la lumière de ces premières expériences.

Les premiers modèles

Mis sur le marché en 1999, les premiers livres électroniques sont conçus et développés en 1998 dans la Silicon Valley, en Californie. Le modèle le plus connu, le Rocket eBook, est créé par la société NuvoMedia, en partenariat avec la chaîne de librairies Barnes & Noble et le géant des médias Bertelsmann. Un deuxième modèle, le Softbook Reader, est développé par la société Softbook Press, en partenariat avec les deux grandes maisons d'édition Random House et Simon & Schuster. Plusieurs autres modèles ont une durée de vie assez courte, par exemple l’Everybook, appareil à double écran créé par la société du même nom, ou encore le Millennium eBook, créé par Librius.com. A cette époque, qui n’est pas si lointaine, toutes ces tablettes électroniques pèsent entre 700 g et 2 kg et peuvent stocker une dizaine de livres.

Les modèles de Gemstar eBook

Lancés en octobre 2000 à New York, les deux premiers modèles de Gemstar eBook sont les successeurs du Rocket eBook (conçu par la société NuvoMedia) et du Softbook Reader (conçu par la société Softbook Press), suite au rachat de NuvoMedia et de Softbook Press par Gemstar-TV Guide International en janvier 2000. Commercialisés en novembre 2000 aux Etats-Unis, ces deux modèles - le REB 1100 (écran noir et blanc, successeur du Rocket eBook) et le REB 1200 (écran couleur, successeur du Softbook Reader) - sont construits et vendus sous le label RCA (appartenant à Thomson Multimedia). Le système d’exploitation, le navigateur et le logiciel de lecture sont spécifiques au produit, tout comme le format de lecture, basé sur le format OeB (open ebook).

Le REB 1100 (18 cm x 13,5 cm) a une taille comparable à celle d’un (très) gros livre broché. Son poids est de 510 grammes. Son autonomie est de 15 heures. Il dispose d’un modem de 36,6 Kbps (kilobits par seconde). Sa mémoire compact flash de 8 Mo (méga-octets) permet de stocker 20 romans, soit 8.000 pages de texte. La mémoire peut être étendue à 72 Mo pour permettre un stockage de 150 livres, soit 60.000 pages de texte. L’écran tactile noir et blanc rétro-éclairé a une résolution de 320 x 480 pixels. Le REB 1100 est vendu par la chaîne de magasins SkyMall au prix de 300 dollars.

Un peu plus volumineux, le REB 1200 (23 cm x 19 cm) a la taille d’un grand livre cartonné. Son poids est de 750 grammes. Son autonomie est de 6 à 12 heures. Il dispose d’un modem de 56 Kbps et d’une connexion Ethernet permettant l’accès à l’internet par câble et DSL (digital subscriber line). Sa mémoire compact flash de 8 Mo permet de stocker 5.000 pages. La mémoire peut être étendue à 128 Mo pour permettre un stockage de 80.000 pages. L’écran tactile couleur rétro-éclairé a une résolution de 480 x 640 pixels. Le REB 1200 est vendu par la chaîne de magasins SkyMall au prix de 699 dollars.

La commercialisation du modèle européen, le GEB 2200, débute en octobre 2001 en commençant par l’Allemagne. Le GEB 2200 a les mêmes caractéristiques que le REB 1200. Son poids est un peu supérieur (970 grammes) parce qu’il inclut une couverture en cuir protégeant l’écran. Son prix est de 649 euros. Ce prix inclut deux abonnements - un abonnement de six semaines à la version électronique de Der Spiegel et un abonnement de quatre semaines à la version électronique du Financial Times Deutschland - ainsi que deux best-sellers et quinze oeuvres classiques en version numérique.

Aux Etats-Unis, les ventes sont très inférieures aux pronostics. En avril 2002, un article du New York Times annonce l’arrêt de la fabrication de ces appareils par RCA. A l’automne 2002, leurs successeurs, le GEB 1150 et le GEB 2150, sont produits sous le label Gemstar et vendus par SkyMall à un prix beaucoup plus compétitif, avec ou sans abonnement annuel ou bisannuel à la librairie numérique de Gemstar eBook. Le GEB 1150 coûte 199 dollars sans abonnement, et 99 dollars si on prend un abonnement annuel (de 20 dollars par mois). Le GEB 2150 coûte 349 dollars sans abonnement, et 199 dollars si on prend un abonnement bisannuel (de 20 dollars par mois). Les deux modèles GEB 1150 et GEB 2150 sont livrés non seulement avec un dictionnaire intégré, le Webster’s Pocket American Dictionary (publié par Random House), mais aussi avec la version anglaise du Tour du monde en 80 jours, de Jules Verne (publiée par eBooks Classics), best-seller universel qui poursuit ainsi sa carrière en version numérique. En Allemagne, on parle du remplacement du GEB 2200 par le GEB 1150 courant 2003. Mais le livre numérique au format propriétaire semble désormais condamné au profit du livre numérique distribué dans des formats "universels". Gemstar met fin à ses activités eBook en cessant la vente de ses appareils de lecture en juin 2003 et celle de ses livres numériques le mois suivant.

Le Cybook de Cytale

Premier livre électronique européen, le Cybook (21 cm x 16 cm) est conçu et développé par la société française Cytale, et commercialisé en janvier 2001. Son poids est de 1 kg. Sa mémoire - 32 Mo (méga-octets) de mémoire SDRAM (synchronous dynamic random access memory) et 16 Mo de mémoire flash - permet de stocker 15.000 pages de texte, soit 30 livres de 500 pages. Son autonomie est de 5 h. Il est équipé d’un modem 56 Kbps (kilobits par seconde), d’un haut-parleur, d’une sortie stéréo avec prise casque et de plusieurs ports pour périphériques. L’écran tactile couleur rétro-éclairé a une résolution de 600 x 800 pixels. L’affichage est possible en mode portrait ou paysage. Le Cybook utilise le système d’exploitation Windows CE de Microsoft, le navigateur Internet Explorer et un logiciel de lecture spécifique basé sur le format OeB (open ebook). Il intègre un dictionnaire Hachette de 35.000 mots. En mars 2002, il coûte 883 euros sans abonnement, et 456 euros pour ceux qui prennent un abonnement minimal d’un an au prix mensuel de 20 euros. Le téléchargement des livres s’effectue à partir du site web de Cytale, suite à des partenariats avec plusieurs éditeurs et sociétés de presse.

"J’ai croisé il y a deux ans le chemin balbutiant d’un projet extraordinaire, le livre électronique, écrit en décembre 2000 Olivier Pujol, PDG de Cytale. Depuis ce jour, je suis devenu le promoteur impénitent de ce nouveau mode d’accès à l’écrit, à la lecture, et au bonheur de lire. La lecture numérique se développe enfin, grâce à cet objet merveilleux: bibliothèque, librairie nomade, livre 'adaptable', et aussi moyen d’accès à tous les sites littéraires (ou non), et à toutes les nouvelles formes de la littérature, car c’est également une fenêtre sur le web."

Cytale développe aussi le Cybook Pro, une version du Cybook à destination des entreprises, des universités et des collectivités pour la gestion de leurs documents numérisés (dossiers clients, normes techniques, procédures, catalogues, cartes, etc.).

Par ailleurs, en collaboration avec l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), Cytale adapte son logiciel de lecture pour permettre la lecture de livres numériques sur plage braille ou sur synthèse vocale. La société développe le Cybook Vision, un livre électronique adapté aux besoins des malvoyants et distribué par un réseau d’opticiens. "Toutes les opérations de navigation, en mode autonome, ont été élaborées sur les conseils d’orthoptistes et à partir des suggestions de malvoyants, lit-on sur le site web. Réduites à l’essentiel, elles autorisent la création de stratégies de lecture personnalisées. L’appareil, qui fonctionne comme un enregistreur, est doté d’une capacité de mémoire qui autorise une contenance d’environ trente livres. Chaque ouvrage est lisible dans deux polices et six tailles de caractères. La catégorie la plus grande correspond à un corps de texte 28 ou à la taille P. 20 selon les normes des orthoptistes. La résolution d’écran 'Super VGA' (super video graphics adapter) de 100 DPI (dots per inch) offre une excellente netteté des caractères. Le rétro-éclairage de cet écran autorise la lecture dans une ambiance peu lumineuse. Le contraste et la luminosité peuvent être réglés séparément et sont activés par un bouton. Une icône autorise le changement de couleur de fond, qui passe du blanc au jaune pour répondre à certains problèmes de photosensibilité. Les textes peuvent être lus en corps noir sur blanc ou blanc sur noir, jaune sur noir ou noir sur jaune."

Pour les trois modèles, les ventes sont très inférieures aux pronostics. Ces ventes insuffisantes forcent la société à se déclarer en cessation de paiement, l’administrateur ne parvenant pas à trouver un repreneur après le redressement judiciaire prononcé en avril 2002. Cytale est mis en liquidation judiciaire en juillet 2002 et cesse ses activités.

Le baladeur de textes @folio

Si le concept de livre électronique séduit les professionnels du livre, les premiers modèles sont loin de susciter l’enthousiasme. "S’il doit s’agir d’un ordinateur portable légèrement 'relooké', mais présentant moins de fonctionnalités que ce dernier, je n’en vois pas l’intérêt, explique en juin 2001 Emilie Devriendt, élève professeure à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Paris. Tel qu’il existe, l’ebook est relativement lourd, l’écran peu confortable à mes yeux, et il consomme trop d’énergie pour fonctionner véritablement en autonomie. A cela s’ajoute le prix scandaleusement élevé, à la fois de l’objet même et des contenus téléchargeables; sans parler de l’incompatibilité des formats constructeur, et des 'formats' maison d’édition. J’ai pourtant eu l’occasion de voir un concept particulièrement astucieux, vraiment pratique et peu coûteux, qui me semble être pour l’heure le support de lecture électronique le plus intéressant: celui du 'baladeur de textes' ou @folio, en cours de développement à l’Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg. Bien évidemment, les préoccupations de ses concepteurs sont à l’opposé de celles des 'gros' concurrents qu’on connaît, en France ou ailleurs: aucune visée éditoriale monopolistique chez eux, puisque c’est le contenu du web (dans l’idéal gratuit) que l’on télécharge."

Conçu dès octobre 1996 par Pierre Schweitzer, architecte designer à Strasbourg, @folio (qui se prononce: a-folio) est considéré par son créateur moins comme un livre électronique que comme un support de lecture nomade permettant de lire des textes glanés sur l’internet. @folio cherche à mimer, sous forme électronique, le dispositif technique du livre, afin de proposer une mémoire de fac-similés reliés en hypertexte pour faciliter le feuilletage.

"J’hésite à parler de livre électronique, écrit Pierre Schweitzer en janvier 2001, car le mot "livre" désigne aussi bien le contenu éditorial (quand on dit qu’untel a écrit un livre) que l’objet en papier, génial, qui permet sa diffusion. La lecture est une activité intime et itinérante par nature. @folio est un baladeur de textes, simple, léger, autonome, que le lecteur remplit selon ses désirs à partir du web, pour aller lire n’importe où. Il peut aussi y imprimer des documents personnels ou professionnels provenant d’un CD-Rom. Les textes sont mémorisés en faisant: "imprimer", mais c’est beaucoup plus rapide qu’une imprimante, ça ne consomme ni encre ni papier. Les liens hypertextes sont maintenus au niveau d’une reliure tactile. (...)

Le projet est né à l’atelier Design de l’Ecole d’architecture de Strasbourg où j’étais étudiant. Il est développé à l’Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg avec le soutien de l’Anvar-Alsace. Aujourd’hui, je participe avec d’autres à sa formalisation, les prototypes, design, logiciels, industrialisation, environnement technique et culturel, etc., pour transformer ce concept en un objet grand public pertinent." La commercialisation d’@folio devrait débuter en 2004.


8.2. Les assistants personnels (PDA)

Le principal concurrent du livre électronique se trouve être l’assistant numérique personnel, appelé plus généralement assistant personnel ou encore PDA (personal digital assistant). Lorsque le livre numérique (livre en version numérisée) commence à se généraliser en 2000, les fabricants de PDA décident d’intégrer un logiciel de lecture dans leur machine, en plus des fonctionnalités habituelles (agenda, dictaphone, lecteur de MP3, etc.). Parallèlement, à partir de la production imprimée existante, ils négocient les droits de diffusion numérique de centaines de titres. Si certains professionnels du livre s’inquiètent de la petitesse de l’écran, les adeptes de la lecture sur PDA assurent que la taille de l’écran n’est pas un problème.

Les modèles de Psion

Marie-Joseph Pierre, enseignante-chercheuse à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE, section Sciences religieuses, Paris-Sorbonne), utilise un Psion depuis plusieurs années pour lire et étudier dans le train lors de ses fréquents déplacements entre Argentan, sa ville de résidence, et Paris. Elle achète son premier Psion en 1997, un Série 3, remplacé ensuite par un Série 5, remplacé lui-même par un Psion 5mx en juin 2001. En février 2002, elle raconte: "J’ai chargé tout un tas de trucs littéraires – dont mes propres travaux et dont la Bible entière – sur mon Psion 5mx (16 + 16 Mo), que je consulte surtout dans le train ou pour mes cours, quand je ne peux pas emporter toute une bibliothèque. J’ai mis les éléments de programme qui permettent de lire page par page comme sur un véritable ebook. Ce qui est pratique, c’est de pouvoir charger une énorme masse documentaire sur un support minuscule. Mais ce n’est pas le même usage qu’un livre, surtout un livre de poche qu’on peut feuilleter, tordre, sentir..., et qui s’ouvre automatiquement à la page qu’on a aimée. C’est beaucoup moins agréable à utiliser, d’autant que sur PDA, la page est petite: on n’a pas de vue d’ensemble. Mais une qualité appréciable: on peut travailler sur le texte enregistré, en rechercher le vocabulaire, réutiliser des citations, faire tout ce que permet le traitement informatique du document, et cela m’a pas mal servi pour mon travail, ou pour mes activités associatives. Je fais par exemple partie d’une petite société poétique locale, et nous faisons prochainement un récital poétique. J’ai voulu rechercher des textes de Victor Hugo, que j’ai maintenant pu lire et même charger à partir du site de la Bibliothèque nationale de France: c’est vraiment extra."

Psion, société britannique, lance dès 1984 le Psion Organiser, qui se trouve donc être le vétéran des agendas électroniques. Au fil des ans, la gamme des appareils s’étend et la société se développe à l’international. En 2000, les différents modèles (série 7, série 5mx, Revo, Revo Plus) sont fortement concurrencés par le Palm Pilot et le Pocket PC. Suite à une baisse des ventes, la société décide de diversifier ses activités. Fondé en septembre 2000 suite au rachat de Teklogix, Psion Teklogix développe des systèmes informatiques mobiles sans fil à destination des entreprises. Créé en 2001, Psion Software développe les logiciels de la prochaine génération d’appareils mobiles utilisant la plate-forme Symbian OS, par exemple ceux du smartphone Nokia 9210, modèle précurseur commercialisé la même année.

L’eBookMan de Franklin

Basée dans le New Jersey (Etats-Unis), la société Franklin commercialise dès 1986 le premier dictionnaire consultable sur une machine de poche. Quinze ans après, Franklin distribue 200 ouvrages de référence sur des machines de poche: dictionnaires unilingues et bilingues, encyclopédies, bibles, manuels d’enseignement, ouvrages médicaux et livres de loisirs. En octobre 2000, Franklin lance l’eBookMan, un assistant personnel multimédia qui, entre autres fonctionnalités (agenda, dictaphone, etc.), permet la lecture de livres numériques sur le logiciel de lecture Franklin Reader. A la même date, l’eBookMan est récompensé par l’eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort. Trois modèles (EBM-900, EBM-901 et EBM-911) sont disponibles début 2001. Leurs prix respectifs sont de 130, 180 et 230 dollars. Le prix est fonction de la taille de la mémoire vive (8 ou 16 méga-octets) et de la qualité de l’écran à cristaux liquides, rétro-éclairé ou non selon les modèles. Nettement plus grand que celui de ses concurrents, l’écran n’existe toutefois qu’en noir et blanc, contrairement à la gamme Pocket PC ou à certains modèles Palm avec écran couleur. L’eBookMan permet aussi l’écoute de livres audio et de fichiers musicaux au format MP3.

En octobre 2001, Franklin décide de ne pas intégrer le Microsoft Reader à l’eBookMan, mais de lui préférer le Mobipocket Reader, logiciel de lecture jugé plus performant (et primé à la même date par l’eBook Technology Award de la Foire de Francfort). Parallèlement, le logiciel de lecture Franklin Reader devient progressivement disponible pour les gammes Psion, Palm, Pocket PC et Nokia. Franklin développe aussi une librairie numérique sur son site en passant des partenariats avec plusieurs éditeurs, notamment avec Audible.com, ce qui lui permet d’accéder à une collection de 4.500 livres audionumériques.

Le Palm Pilot et le Pocket PC

Les usagers intéressés par la lecture de livres numériques se tournent bientôt vers deux autres gammes de PDA, les Palm Pilot et les Pocket PC.

La société Palm lance le premier Palm Pilot en mars 1996 et vend 23 millions de machines entre 1996 et 2002. Le Palm Pilot utilise un système d’exploitation éponyme, le Palm OS, et le logiciel de lecture Palm Reader. En mars 2001, les modèles Palm permettent aussi la lecture de livres numériques sur le Mobipocket Reader.

Commercialisé par Microsoft en avril 2000 pour concurrencer le Palm Pilot, le Pocket PC utilise un système d’exploitation spécifique, Windows CE. Il intègre le logiciel de lecture Microsoft Reader, lancé à la même date dans ce but. En octobre 2001, le Pocket PC troque Windows CE pour le système d’exploitation Pocket PC 2002, qui permet entre autres de lire des livres numériques sous copyright. Ces livres sont protégés par un système de gestion des droits numériques intitulé Microsoft DAS Server (DAS: digital asset server). En 2002, le Pocket PC permet la lecture sur trois logiciels: le Microsoft Reader bien sûr, le Mobipocket Reader et le Palm Reader.


8.3. L'avenir des machines de lecture

L’avis des professionnels du livre

A l’exception de quelques spécialistes enthousiastes, les professionnels du livre restent assez sceptiques sur le confort de lecture procuré par une machine. Tous attendent une amélioration des appareils de lecture. "Je pense qu’on est loin des formats et des techniques définitifs, déclare en novembre 2000 Nicolas Pewny, fondateur des éditions du Choucas. Beaucoup de recherches sont en cours, et un format et un support idéal verront certainement le jour sous peu."

Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses livres, écrit à la même date: "Le livre électronique est avant tout un moyen pratique d’atteindre différemment une certaine catégorie de lecteurs composée pour partie de curieux aventuriers des techniques modernes et pour partie de victimes du mode résolument technologique. (...) Je suis assez dubitative sur le "plaisir" que l’on peut retirer d’une lecture sur un écran d’un roman de Proust. Découvrir la vie des personnages à coups de souris à molette ou de descente d’ascenseur ne me tente guère. Ce support, s’il possède à l’évidence comme avantage la disponibilité de toute oeuvre à tout moment, possède néanmoins des inconvénients encore trop importants. Ceci étant, sans nous cantonner à une position durablement ancrée dans un mode passéiste, laissons à ce support le temps nécessaire pour acquérir ses lettres de noblesse."

Cet avis est partagé par Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d’inédits artistiques et littéraires. Interviewé en octobre 2000, il explique: "L’ebook est sans aucun doute un support extraordinaire. Il aura son rôle à jouer dans la diffusion des oeuvres ou des journaux électroniques, mais il ne remplacera jamais le véritable bouquin papier de papa. Il le complétera. (...) Voyez la monnaie électronique: on ne paie pas encore son boulanger ou ses cigarettes avec sa carte de crédit et on a toujours besoin d’un peu de monnaie dans sa poche, en plus de sa carte Visa. L’achat d’un livre n’est pas un acte purement intellectuel, c’est aussi un acte de sensualité que ne comblera jamais un ebook. Naturellement, l’édition classique devra en tenir compte sur le plan marketing pour se différencier davantage, mais je crois que l’utilisation des deux types de supports sera bien distincte. Le téléphone n’a pas tué le courrier, la radio n’a pas tué la presse, la télévision n’a pas tué la radio ni le cinéma... Il y a de la place pour tout, simplement, ça oblige à chaque fois à une adaptation et à un regain de créativité. Et c’est tant mieux!"

Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l’Université Paris 8, écrit pour sa part en janvier 2001: "J’attends de voir concrètement comment ils fonctionnent et si les éditeurs sont capables de proposer des produits spécifiques à ce support car, si c’est pour reproduire uniquement des livres imprimés, je suis assez sceptique. L’histoire des techniques montre qu’une technique n’est adoptée que si - et seulement si... - elle apporte des avantages concrets et conséquents par rapport aux techniques auxquelles elle prétend se substituer."

Ce scepticisme est partagé par Olivier Bogros, directeur de la médiathèque municipale de Lisieux (Normandie), qui s’exclame en août 2000: "De quoi parle-t-on? Des machines monotâches encombrantes et coûteuses, avec format propriétaire et offre éditoriale limitée? Les Palm, Psion et autres hand et pocket computers permettent déjà de lire ou de créer des livres électroniques (appelés ici livres numériques, ndlr), et en plus servent à autre chose. Ceci dit, la notion de livre électronique m’intéresse en tant que bibliothécaire et lecteur. Va-t-il permettre de s’affranchir d’un modèle économique à bout de souffle (la chaîne éditoriale n’est pas le must en la matière)? Les machines à lire n’ont de mon point de vue de chance d’être viables que si leur utilisateur peut créer ses propres livres électroniques avec (cf. cassettes vidéo)."

Patrick Rebollar, professeur de français et d’informatique dans des universités japonaises, écrit en décembre 2000: "Je trouve enthousiasmant le principe de stockage et d’affichage mais j’ai des craintes quant à la commercialisation des textes sous des formats payants. Les chercheurs pourront-ils y mettre leurs propres corpus et les retravailler? L’outil sera-t-il vraiment souple et léger, ou faut-il attendre le développement de l’encre électronique? Je crois également que l’on prépare un cartable électronique pour les élèves des écoles, ce qui pourrait être bon pour leur dos..."

Olivier Gainon, fondateur de CyLibris, maison d’édition littéraire en ligne, manifeste lui aussi un certain scepticisme à l’égard des modèles actuels. Il explique à la même date: "Je ne crois pas trop à un objet qui a des inconvénients clairs par rapport à un livre papier (prix / fragilité / aspect / confort visuel / etc.), et des avantages qui me semblent minimes (taille des caractères évolutifs / plusieurs livres dans un même appareil / rétro-éclairage de l’écran / etc.). De même, je vois mal le positionnement d’un appareil exclusivement dédié à la lecture, alors que nous avons les ordinateurs portables d’un côté, les téléphones mobiles de l’autre et les assistants personnels (dont les Pocket PC) sur le troisième front. Bref, autant je crois qu’à terme la lecture sur écran sera généralisée, autant je ne suis pas certain que cela se fera par l’intermédiaire de ces objets."

Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique, partage le même sentiment. "Ces appareils ne me paraissent pas porteurs d’avenir dans le grand public tant qu’ils restent monotâches (ou presque), écrit-il en avril 2001. Un médecin ou un avocat pourront adopter ces plates-formes pour remplacer une bibliothèque entière, je suis prêt à le croire. Mais pour convaincre le grand public de lire sur un écran, il faut que cet écran soit celui du téléphone mobile, du PDA ou de la télévision. D’autre part, je crois qu’en cherchant à limiter les fournisseurs de contenus pour leurs appareils (plusieurs types d’ebooks ne lisent que les fichiers fournis par la bibliothèque du fabricant), les constructeurs tuent leur machine. L’avenir de ces appareils, comme de tous les autres appareils technologiques, c’est leur ouverture et leur souplesse. S’ils n’ont qu’une fonction et qu’un seul fournisseur, ils n’intéresseront personne. Par contre, si, à l’achat de son téléphone portable, on reçoit une bibliothèque de vingt bouquins gratuits à lire sur le téléphone et la possibilité d’en charger d’autres, alors on risque de convaincre beaucoup de monde."

Les atouts de l’assistant personnel

D’après Seybold Reports.com, en avril 2001, à l’échelle de la planète, on compte 100.000 livres électroniques pour 17 millions d’assistants personnels (PDA). Deux ans plus tard, en juin 2003, plus aucun livre électronique n'est commercialisé. De nouveaux modèles pourront-ils réussir à s’imposer face à l’assistant personnel (PDA), qui offre aussi d’autres fonctionnalités? Existera-t-il une clientèle spécifique pour les deux machines, la lecture sur assistant personnel étant destinée au grand public, et la lecture sur livre électronique étant réservée aux gros consommateurs de documents que sont les lycéens, les étudiants, les professeurs, les chercheurs ou les juristes?

Au début des années 2000, le choix des gros lecteurs semble se porter vers l’ordinateur ultra-portable, du fait de ses fonctions multi-tâches. Outre le stockage d’un millier de livres sinon plus, celui-ci permet l’utilisation d'outils de bureautique standard et de l’internet, l’écoute de fichiers MP3 et le visionnement de vidéos ou de films. Certains gros lecteurs sont tentés par le webpad, un ordinateur-écran sans disque dur disposant d’une connexion sans fil à l’internet, apparu en 2001, ou la tablette PC, une tablette informatique équipée d’un écran tactile, apparue fin 2002.

Parallèlement, le marché des assistants personnels poursuit sa croissance. 13,2 millions de PDA sont vendus dans le monde en 2001, et 12,1 millions en 2002. En 2002, Palm est toujours le leader du marché (36,8% des machines vendues), suivi par la gamme Pocket PC de Microsoft et les modèles de Hewlett-Packard, Sony, Handspring, Toshiba et Casio. Les systèmes d’exploitation utilisés sont essentiellement le Palm OS (pour 55% des machines) et le Pocket PC (pour 25,7% des machines). Si le marché se tasse un peu en 2002 et 2003, une reprise est annoncée pour les prochaines années, grâce à l’amélioration des produits, une plus grande diversité des modèles et la baisse des prix chez tous les fabricants.

Les futurs appareils de lecture

Les PDA seront eux-mêmes concurrencés par les smartphones, une nouvelle génération de téléphones portables intégrant les fonctions de l’assistant personnel. Le premier smartphone est le Nokia 9210, modèle précurseur mis sur le marché en 2001 par la société finlandaise Nokia, premier fabricant mondial de téléphones portables. Le Nokia 9210 est suivi de la gamme Nokia Series 60 et du Sony Ericsson P800. Ces différents modèles permettent de lire des livres numériques sur le Mobipocket Reader.

Si les livres numériques ont une longue vie devant eux, ceci est beaucoup moins probable pour les appareils de lecture, qui risquent de muer régulièrement. En février 2003, Denis Zwirn, PDG de la librairie numérique Numilog, résume bien la situation. "L’équipement des individus et des entreprises en matériel pouvant être utilisé pour la lecture numérique dans une situation de mobilité va continuer de progresser très fortement dans les dix prochaines années sous la forme de machines de plus en plus performantes (en terme d’affichage, de mémoire, de fonctionnalités, de légèreté…) et de moins en moins chères. Cela prend dès aujourd’hui la forme de PDA (Pocket PC et Palm Pilot), de tablettes PC et de smartphones, ou de smart displays (écrans tactiles sans fil). Trois tendances devraient être observées: la convergence des usages (téléphone / PDA), la diversification des types et tailles d'appareils (de la montre-PDA-téléphone à la tablette PC waterproof), la démocratisation de l’accès aux machines mobiles (des PDA pour enfants à 15 euros). Si les éditeurs et les libraires numériques savent en saisir l’opportunité, cette évolution représente un environnement technologique et culturel au sein duquel les livres numériques, sous des formes variées, peuvent devenir un mode naturel d’accès à la lecture pour toute une génération."


8.4. Le papier électronique

Considéré par beaucoup comme transitoire, l’appareil de lecture ne serait qu’une étape vers le papier électronique. De l’avis d’Alex Andrachmes, explorateur d’hypertexte, interviewé en décembre 2000, "c’est l’arrivée du fameux 'papier électrique' qui changera la donne. Ce projet du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui consiste à charger électriquement une fine couche de 'papier' - dont je ne connais pas la formule - permettra de charger la (les) feuille(s) de nouveaux textes, par modification de cette charge électrique. Un ebook sur papier, en somme, c’est ce que le monde de l’édition peut attendre de mieux."

Lucie de Boutiny, romancière multimédia, écrit en juin 2000: "Et voici le changement que j’attends: arrêter de considérer les livres électroniques comme le stade ultime post-Gutenberg. L’ebook rétro-éclairé a pour l’instant la mémoire courte: il peut accueillir par exemple dix livres contenant essentiellement du texte mais pas une seule oeuvre multimédia riche en son et images, etc. Donc ce que l’on attend pour commencer: l’écran souple comme une feuille de papier légère, transportable, pliable, autonome, rechargeable, accueillant tout ce que le web propose (du savoir, de l’information, des créations…) et cela dans un format universel avec une résolution sonore et d’image acceptable."

Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D, explique en février 2001: "Si l’invention du livre-papier avait été faite après celle de l’ebook, nous l’aurions tous trouvé géniale, Mais un ebook a un avenir prometteur si on peut télécharger suffisamment d’ouvrages, si la lecture est aussi agréable que sur le papier, s’il est léger (comme un livre), s’il est pliable (comme un journal), s’il n’est pas cher (comme un livre de poche)... En d’autres mots, l’ebook a un avenir s’il est un livre, si le hard fait croire que l’on a du papier imprimé... Techniquement, c’est possible, aussi j’y crois. Au niveau technologique, cela exigera encore quelques efforts (chimie, électronique, physique…)."

Les recherches sur le papier électronique sont en cours. Il s’agira d’un support souple d’une densité comparable au papier plastifié ou au transparent. Ce support pourra être utilisé indéfiniment et le texte changé à volonté au moyen d’une connexion sans fil. Si le concept est révolutionnaire, le produit lui-même est le résultat d’une fusion entre trois sciences, la chimie, la physique et l’électronique. Plusieurs équipes travaillent à des projets différents. Les deux projets les plus avancés émanent des sociétés E Ink et Gyricon Media. Philips travaille quant à lui sur un projet de papier électronique couleur qui serait disponible dans une dizaine d’années.

Fondée en avril 1997 par des chercheurs du Media Lab du MIT (Massachusetts Institute of Technology), la société E Ink met au point un support utilisant l’encre électronique. Prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de microcapsules contiennent chacune des particules noires et blanches (ou une autre combinaison de couleurs) en suspension dans un fluide clair. Un champ électrique positif ou négatif permet de faire apparaître le groupe de particules souhaité à la surface du support, afin d’afficher, de modifier ou d’effacer des données. En juillet 2002, E Ink présente le prototype du premier écran couleur utilisant cette technologie, un écran de haute résolution à matrice active développé en partenariat avec les sociétés Toppan et Philips. La commercialisation de cet écran est prévue en 2004, pour équiper des assistants personnels (PDA), des appareils de communication mobile et des livres électroniques (appareils de lecture). Dans un deuxième temps seront envisagés des livres et journaux électroniques sur support souple.

Parallèlement, des chercheurs de PARC (Palo Alto Research Center), le centre Xerox de la Silicon Valley, travaillent depuis 1997 à la mise au point d’une technique d’affichage dénommée gyricon. Le procédé est un peu différent de celui d’E Ink. Prises entre deux feuilles de plastique souple, des millions de micro-alvéoles contiennent des microbilles bicolores en suspension dans un liquide clair. Chaque bille est pourvue d’une charge électrique. Cette fois, c’est une impulsion électrique extérieure qui permet la rotation des billes, et donc le changement de couleur, permettant ainsi d'afficher, de modifier ou d'effacer les données. Intitulé SmartPaper, le matériau correspondant sera produit en rouleaux, tout comme le papier traditionnel. Sa commercialisation sera assurée par la société Gyricon Media, créée en décembre 2000 dans ce but. Le marché pressenti est d’abord celui de l’affichage commercial, qui utilise le système SmartSign, développé par Gyricon Media en complément du SmartPaper. La vente d’affichettes fonctionnant sur piles devrait débuter en 2004. Viendront ensuite les panneaux de signalisation, puis le papier électronique et le journal électronique.

Christian Vandendorpe, professeur à l’Université d’Ottawa et spécialiste des théories de la lecture, résume les développements probables de ces dix prochaines années. "Le livre électronique va accélérer cette mutation du papier vers le numérique, surtout pour les ouvrages techniques, écrit-il en mai 2001. Mais les développements les plus importants sont encore à venir. Lorsque le procédé de l’encre électronique sera commercialisé sous la forme d’un codex numérique plastifié offrant une parfaite lisibilité en lumière réfléchie, comparable à celle du papier - ce qui devrait être courant vers 2010 ou 2015 -, il ne fait guère de doute que la part du papier dans nos activités de lecture quotidienne descendra à une fraction de ce qu’elle était hier. En effet, ce nouveau support portera à un sommet l’idéal de portabilité qui est à la base même du concept de livre.

Tout comme le codex avait déplacé le rouleau de papyrus, qui avait lui-même déplacé la tablette d’argile, le codex numérique déplacera le codex papier, même si ce dernier continuera à survivre pendant quelques décennies, grâce notamment au procédé d’impression sur demande qui sera bientôt accessible dans des librairies spécialisées. Avec sa matrice de quelques douzaines de pages susceptibles de permettre l’affichage de millions de livres, de journaux ou de revues, le codex numérique offrira en effet au lecteur un accès permanent à la bibliothèque universelle. En plus de cette ubiquité et de cette instantanéité, qui répondent à un rêve très ancien, le lecteur ne pourra plus se passer de l’indexabilité totale du texte électronique, qui permet de faire des recherches plein texte et de trouver immédiatement le passage qui l’intéresse. Enfin, le codex numérique permettra la fusion des notes personnelles et de la bibliothèque et accélérera la mutation d’une culture de la réception vers une culture de l’expression personnelle et de l’interaction."


Chapitre 9: Langues
Table des matières


Vol. 1 (1993-1998)
Vol. 1 & 2 (1993-2003)


© 2003 Marie Lebert