NEF - Le Livre 010101 de Marie Lebert - Entretiens 1998-2001 - Guy Bertrand & Cynthia Delisle

Entretiens en français
Interviews in English


Guy Bertrand & Cynthia Delisle (Montréal)
Respectivement directeur scientifique et consultante au CEVEIL (Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues)

Créé en 1995, le CEVEIL est un organisme québécois qui s'intéresse à l'utilisation et au traitement des langues sur les inforoutes dans une optique francophone, via des activités de veille et la création d'un réseau d'échanges et d'expertise. Le CEVEIL s'intéresse également aux industries de la langue en général (reconnaissance vocale, traduction automatique, reconnaissance optique de caractères, etc.) et à des domaines d'activité connexes, tels la gestion stratégique de l'information, la gestion des connaissances, la normalisation, la standardisation, etc. Le CEVEIL fait partie du CEFRIO (Centre francophone d'information des organisations).

Entretien 23/08/1998
Entretien 13/03/2000
Entretien 04/06/2001


Entretien du 23 août 1998

Quel est l'apport de l'internet pour votre organisme?

Mentionnons, tout d'abord, que l'existence du web constitue en soi une des raisons d'être du CEVEIL, puisque nous concentrons nos activités principalement autour de la thématique de l'utilisation et du traitement des langues sur internet.

Par ailleurs, le web est notre principal terrain de cueillette d'information sur les thématiques qui nous préoccupent. Nous procédons notamment à une fréquentation assidue des sites abordant nos thématiques de travail - plus particulièrement des sites diffusant des nouvelles quotidiennes et/ou hebdomadaires. A ce niveau, on peut affirmer sans hésitation que nous exploitons davantage internet que les diverses ressources écrites disponibles pour réaliser nos activités.

Dans un ordre d'idées un peu différent, nous utilisons abondamment le courriel pour entretenir des relations avec les intervenants du milieu et ainsi obtenir des informations et mener à bien divers projets. Le CEVEIL est une structure-réseau qui survivrait difficilement sans internet pour relier toutes les personnes impliquées.

Enfin, il convient de signaler que le web constitue également notre plus important outil pour la diffusion de nos produits aux clientèles-cibles: envoi de bulletins électroniques de nouvelles à nos abonnés, création d'un périodique électronique, diffusion d'information et de documents via notre site web, etc.

Comment voyez-vous l'expansion du multilinguisme sur le web?

Le multilinguisme sur internet est la conséquence logique et naturelle de la diversité des populations humaines. Dans la mesure où le web a d'abord été développé et utilisé aux Etats-Unis, il n'est guère étonnant que ce médium ait commencé par être essentiellement anglophone (et le demeure actuellement). Toutefois, cette situation commence à se modifier et le mouvement ira en s'amplifiant, à la fois parce que la plupart des nouveaux usagers du réseau n'auront pas l'anglais comme langue maternelle et parce que les communautés déjà présentes sur le web accepteront de moins en moins la "dictature" de la langue anglaise et voudront exploiter internet dans leur propre langue, au moins partiellement.

On peut prévoir que l'on arrivera sans doute, d'ici quelques années, à une situation semblable à ce qui prévaut dans le monde de l'édition en ce qui concerne la répartition des différentes langues. Ceci signifie néanmoins que seul un nombre relativement restreint de langues seront représentées (comparativement aux quelques milliers d'idiomes qui existent). Dans cette optique, nous croyons que le web devrait chercher, entre autres, à favoriser un renforcement des cultures et des langues minoritaires, en particulier pour les communautés dispersées.

Enfin, l'arrivée de langues autres que l'anglais sur internet, si elle constitue un juste rééquilibre et un enrichissement indéniable, renforce évidemment le besoin d'outils de traitement linguistique aptes à gérer efficacement cette situation, d'où la nécessité de poursuivre les travaux de recherche et les activités de veille dans des secteurs comme la traduction automatique, la normalisation, le repérage de l'information, la condensation automatique (résumés), etc.

Comment voyez-vous l'avenir?

Internet est là pour demeurer. L'apparition de langues autres que l'anglais sur ce médium constitue également un phénomène irréversible. Il sera donc nécessaire de tenir compte de ces nouvelles réalités aux points de vue économique, social, politique, culturel, etc. Des secteurs comme la publicité, la formation professionnelle, le travail en groupes et en réseaux, la gestion des connaissances devront évoluer en conséquence. Cela nous ramène, tel que nous l'avons mentionné plus haut, à la nécessité de développer des technologies et des outils vraiment performants qui faciliteront les échanges dans un Village global terriblement plurilingue...


Entretien du 13 mars 2000

Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Le CEVEIL a cessé la production de ses clips d'information hebdomadaires et de son périodique mensuel. Cette situation résulte moins d'un changement d'orientation que d'un manque de ressources humaines et financières. La reprise de ces activités, sans être impossible, n'est pas envisagée pour le moment.

Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

Guy Bertrand: Il est très important de respecter le droit des auteurs et c'est aux auteurs de décider de ce qu'ils veulent en faire. Le web accorde une place de plus en plus grande à la gratuité des usages. Les auteurs ne sont pas tenus de s'y plier, mais de plus en plus d'auteurs s'y adaptent volontairement et avec profit. Les modèles d'affaires sur le web évoluent très rapidement et n'ont pas fini de le faire. De nouveaux modèles d'affaires se développeront et la place de la gratuité y sera forte, mais les droits des auteurs devront être respectés de façon innovatrice de la part des auteurs et des fournisseurs de services et de contenus.

Cynthia Delisle: Les droits d'auteur devraient idéalement faire l'objet du même respect sur le web que dans d'autres médias, la radio ou la presse par exemple. Cela dit, internet pose à ce niveau des problèmes inédits à cause de la facilité avec laquelle on peut (re)produire et (re)distribuer l'information à grande échelle, et aussi en raison de la tradition de gratuité du réseau. Cette tradition fait, d'une part, que les gens rechignent à débourser pour des produits et services qu'ils trouveraient tout naturel de payer dans d'autres contextes et, d'autre part, qu'ils ont peut-être moins d'états d'âme, dans le contexte du net, à utiliser des produits piratés. La problématique du respect des droits d'auteur constitue, à mon sens, un des enjeux majeurs pour l'évolution du réseau, et il sera certainement très intéressant de voir les solutions qui seront mises de l'avant à cet égard.

Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Guy Bertrand: Depuis 1998, le commerce électronique international s'est beaucoup développé et les vendeurs veulent de plus en plus communiquer dans les langues préférées par les acheteurs, ce qui augmentera encore le caractère multilingue du web. Le commerce électronique ne dominera pas le web, mais son importance augmente ainsi que se marque le caractère multilingue du web. Les outils pour le multilinguisme sur le web sont, hélas!, toujours en retard.

Cynthia Delisle: Je pense que la tendance déjà amorcée en 1998 s'est confirmée depuis et que l'avenir d'internet passe irrémédiablement par le multilinguisme. Internet s'internationalise, et on voit mal comment ce phénomène pourrait se réaliser sans s'accompagner d'une diversification linguistique et culturelle du réseau. Même si l'anglais demeurera sans doute toujours la langue la plus utilisée sur internet, le pourcentage de sites et de documents offerts en d'autres langues continuera régulièrement d'augmenter, jusqu'à ce qu'un certain "équilibre" soit atteint.

Par ailleurs, je suis entièrement d'accord avec M. Bertrand lorsqu'il souligne que les outils aptes à traiter cette diversité linguistique ne sont pas encore au point. La traduction automatique, par exemple, piétine dangereusement depuis nombre d'années... Pourtant, les besoins ne cesseront de croître, d'où la nécessité de multiplier les efforts de R&D (recherche et développement) dans ces secteurs.

Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Guy Bertrand: Ma première expérience avec le site www.neuromedia.com.

Cynthia Delisle: Le maintien régulier et à moindre coût, grâce au courriel, du contact avec mes proches lors de séjours prolongés à l'étranger.

Et votre pire souvenir?

Cynthia Delisle: D'avoir vécu des problèmes de harcèlement (envois répétitifs de courriels personnels non sollicités... c'était il y a plusieurs années, avant que les logiciels de messagerie ne soient équipés de fonctions de filtres!).


Entretien du 4 juin 2001

Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Le CEVEIL termine présentement ses mandats des dernières années sur la promotion des normes pour la francisation des technologies de l'information et des communications (TIC). Actuellement, nous n'avons plus d'autres mandats à réaliser par la suite. Le site du CEVEIL affiche, en ce moment, beaucoup de nouveaux contenus (rapports, textes de vulgarisation, etc.) et demeurera en ligne pour au moins une autre année.

Ceci étant dit, et bien que le comité de direction ne soit plus fonctionnel depuis 1999, le CEVEIL demeure apte à remplir (sous la tutelle du CEFRIO) différents mandats sur la thématique des inforoutes et des langues. Nous sommes donc ouverts à toute proposition intéressante!


Guy Bertrand & Cynthia Deslisle (Montreal)
Respectively scientific director and consultant at the CEVEIL (Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues - Centre for Assessment and Monitoring of Information Highways and Languages)

The CEVEIL, set up in 1995, is a non-profit-making body based in Quebec whose main purpose is to think about the use and processing of languages on information highways, from a French-language viewpoint, through strategic monitoring activity and creating a network of exchanges and evaluation. The CEVEIL also focuses on the language industry in general (voice recognition, machine translation and optical character recognition, for example) and related fields such as strategic management of data, knowledge management, setting norms and standardisation. The CEVEIL is part of the CEFRIO (Centre francophone d'information des organisations - French-language Centre for Information on Organisations).

Interview 23/08/1998
Interview 13/03/2000


Interview of August 23, 1998

(original interview in French)

What did using the Internet affect the CEVEIL?

First, the Web is one of the reasons for CEVEIL's existence, because we focus on things like language use and processing on the Internet.

The Web is also where we get most of our information on the topics we're interested in. We regularly monitor sites that supply daily and weekly news. So we definitely make more use of the Internet than we do other written sources.

We also use electronic mail a great deal to keep in touch with our contributors, to obtain information and carry out projects. CEVEIL is a "network structure" which might not survive without the Internet to link all the people involved in it.

The Web is also the most important means for distributing our products to target clients -- sending electronic news to our subscribers, creating an online magazine, and distributing information and documents through our website.

How do you see the growth of a multilingual Web?

Multilingualism on the Internet is the logical and natural consequence of the diversity of human beings. Because the Web was first developed and used in the United States, it's not really surprising it started out as -- and still is -- essentially Anglophone. But this is beginning to change, because most new users will not have English as their mother tongue and because non-English-speaking communities already on the Web will no longer accept the dominance of English and will want to use their own language to some extent.

We can envisage, in a few years time, a situation similar to the one in publishing concerning use of different languages. This means only a small number of languages will be used (compared to the several thousand that exist). So we think the Web should try to further support minority cultures and languages, particularly in the case of dispersed communities.

The arrival on the Internet of languages other than English, while demanding genuine readjustment and providing undeniable enrichment, emphasizes the need for linguistic tools to cope with the situation. These will emerge from research and promoting awareness in areas such as machine translation, standardization, searching for information, automatic summarizing, and so on.

How do you see the future?

The Internet is here to stay. The arrival on it of languages other than English is also irreversible. So we have to take that into account from an economic, social, political and cultural point of view. Sectors such as advertising, vocational training, knowledge management, and work in groups or within networks will have to change. This brings us back to the need to develop really effective technology and tools to encourage exchanges in a truly multilingual global village.


Interview of March 13, 2000

(original interview in French)

What has happened since our first interview?

Since then, the CEVEIL has stopped putting out weekly news bulletins and its monthly magazine. This is not so much because we've changed direction but rather for want of staff and funding. We don't plan to resume those activities for the moment.

What do you think of the debate about copyright on the Web?

Guy Bertrand: It's very important to respect copyright and it's up to the authors to decide what they want to do about it. The Web is offering more and more things for free. Authors don't have to accept that, but a growing number of them are choosing to adapt to it and are benefitting. The business models on the Web are changing very rapidly and will continue to. New ones will spring up with a strong free-of-charge content, but copyright will have to be respected in newer and more original ways by authors and providers of services and content.

Cynthia Delisle: Ideally, copyright should be respected on the Web as it is in other media such as the radio and the written press. However, the Internet raises new kinds of problems here because of the ease that data can be (re)produced and (re)distributed on a huge scale and because of the tradition of it being available for free. This tradition means people balk at paying for products and services they'd find it quite normal to pay for in other situations and they also perhaps have fewer qualms, in the context of the Net, about using pirated products. I think respecting copyright is one of the biggest issues for the future of the Net and it'll certainly be very interesting to see what solutions will emerge to deal with it.

How do you see the growth of a multilingual Web?

Guy Bertrand: Worldwide e-commerce has grown enormously since 1998 and businesses are increasingly keen to use the languages of their potential customers, which is going to boost further this multilingual aspect. E-commerce won't take over the Web, but its importance is growing as multilingualism increases there. But the tools for multilingualism on the Web are unfortunately always one step behind.

Cynthia Delisle: I think the trend which had already begin in 1998 has now established itself and the future of the Internet is definitely going to be a multilingual one. The Net is becoming more international and it's hard to see how this can happen without it becoming linguistically and culturally more diverse. English will probably always be the Net's most frequently-used language, but the proportion of sites and pages available in other languages will steadily increase until a certain equilibrium is reached. I also quite agree with Mr Bertrand when he points out that the tools to handle this linguistic diversity are not yet ready. Machine translation, for example, has made woefully little headway in recent years. Yet the needs are growing all the time, which is why we need to step up research and development in these areas.

What is your best experience with the Internet?

Guy Bertrand: My first one with the site www.neuromedia.com.

Cynthia Delisle: Being in regular touch with my family at little cost through e-mail while I was abroad for long periods.

And your worst experience?

Cynthia Delisle: The problem of harrassment, such as constant unsolicited personal e-mails several years ago, before servers installed spam filters.


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