NEF - Le Livre 010101 de Marie Lebert - Entretiens 1998-2001 - Jean-Pierre Cloutier
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Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, lance en novembre 1994 Les Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, sous la forme d'une lettre hebdomadaire envoyée par courrier électronique (5.000 abonnés en 2001). A partir d'avril 1995, on peut également lire les Chroniques directement sur le web. Depuis bientôt sept ans maintenant, elles font référence dans la communauté francophone, y compris dans le domaine du livre. Chroniqueur à temps plein, Jean-Pierre Cloutier est également photographe.
Entretien 08/06/1998
Entretien 06/08/1999
Entretien 05/08/2000
Il y a deux choses ici, dans mon cas. D'abord une époque où j'étais traducteur (après avoir travaillé dans le domaine des communications). Je me suis branché à internet à la demande de clients de ma petite entreprise de traduction car ça simplifiait l'envoi des textes à traduire et le retour des textes traduits. Assez rapidement, j'ai commencé à élargir mon bassin de clientèle et à avoir des contrats avec des clients américains.
Puis, il y a eu carrément changement de profession, c'est-à-dire que j'ai mis de côté mes activités de traduction pour devenir chroniqueur. Au début, je le faisais à temps partiel, mais c'est rapidement devenu mon activité principale. C'était pour moi un retour au journalisme, mais de manière manifestement très différente. Au début, les Chroniques traitaient principalement des nouveautés (nouveaux sites, nouveaux logiciels). Mais graduellement on a davantage traité des questions de fond du réseau, puis débordé sur certains points d'actualité nationale et internationale dans le social, le politique et l'économique.
Dans le premier cas, celui des questions de fond, c'est relativement simple car toutes les ressources (documents officiels, dépêches, commentaires, analyses) sont en ligne. On peut donc y mettre son grain de sel, citer, étendre l'analyse, pousser des recherches. Pour ce qui est de l'actualité, la sélection des sujets est tributaire des ressources disponibles, ce qui n'est pas toujours facile à dénicher. On se retrouve alors dans la même situation que la radio ou la télé, c'est-à-dire que s'il n'y a pas de clip audio ou d'images, une nouvelle même importante devient du coup moins attrayante sur le plan du médium.
Dans le cas des Chroniques de Cybérie, nous avons pu lancer et maintenir une formule en raison des coûts d'entrée relativement faibles dans ce médium. Cependant, tout dépendra de l'ampleur du phénomène dit de "convergence" des médias et d'une hausse possible des coûts de production s'il faut offrir de l'audio et de la vidéo pour demeurer concurrentiels. Si oui, il faudra songer à des alliances stratégiques, un peu comme celle qui nous lie au groupe Ringier et qui a permis la relance des Chroniques après six mois de mise en veilleuse. Mais quel que soit le degré de convergence, je crois qu'il y aura toujours place pour l'écrit, et aussi pour les analyses en profondeur sur les grandes questions.
Projets et réalisations, non, pas vraiment. Nouvelles idées, oui, mais c'est encore en gestation.
Vaste question.
Il y a d'abord les droits d'auteurs et droits de reproduction des grandes entreprises. Ces dernières sont relativement bien dotées en soutien juridique, soit par le recours aux services internes du contentieux, soit par l'embauche de firmes spécialisées.
Il est certain que la "dématérialisation" de l'information, apportée par internet et les techniques de numérisation, facilite les atteintes de toutes sortes à la propriété intellectuelle.
Là où il y a danger, c'est dans le cas de petits producteurs/diffuseurs de contenus "originaux" qui n'ont pas les moyens de surveiller l'appropriation de leurs produits, ni d'enclencher des mesures sur le plan juridique pour faire respecter leurs droits.
Mais tout ça, c'est de l'"officiel", des cas de plagiat que l'on peut prouver avec des pièces "rematérialisées". Il y a peut-être une forme plus insidieuse de plagiat, celle de l'appropriation sans mention d'origine d'idées, de concepts, de formules, etc. Difficile dans ces cas de "prouver" le plagiat, car ce n'est pas du copier/coller pur et simple. Mais c'est une autre dimension de la question qui est souvent occultée dans le débat.
Des solutions? Il faut inventer un processus par lequel on puisse inscrire sans frais une oeuvre (article, livre, pièce musicale, etc.) auprès d'un organisme international ayant pouvoir de sanction. Cette méthode ne réglerait pas tous les problèmes, mais aurait au moins l'avantage de déterminer un cadre de base et qui sait, peut-être, agir en dissuasion aux pillards.
Cet été, le cap a été franchi. Plus de 50% des utilisateurs et utilisatrices du réseau sont hors des États-Unis. L'an prochain, plus de 50% des utilisateurs seront non anglophones. Il y a seulement cinq ans, c'était 5%. Formidable, non?
Mais voilà, c'est que l'internet est devenu multiforme et exige de plus en plus des outils performants en raison de l'"enrichissement" des contenus (ou plutôt des contenants, car sur le fond, le contenu véritable, rien n'est enrichi sauf les entreprises qui les vendent). Il faut des systèmes costauds, bien pourvus en mémoire, avec des microprocesseurs puissants. Or, s'il y a développement du web non anglophone, il s'adressera pour une bonne part à des populations qui n'ont pas les moyens de se procurer des systèmes puissants, les tout derniers logiciels et systèmes d'exploitation, et de renouveler et mettre à niveau tout ce bazar aux douze mois.
En outre, les infrastructures de communication, dans bien des régions hors Europe ou États-Unis, font cruellement défaut. Il y a donc problème de bande passante.
Je le constate depuis le tout début des Chroniques. Des correspondants (Afrique, Asie, Antilles, Amérique du Sud, région Pacifique) me disent apprécier la formule d'abonnement par courrier électronique car elle leur permet en récupérant un seul message de lire, de s'informer, de faire une présélection des sites qu'ils ou elles consulteront par la suite. Il faut pour eux, dans bien des cas, optimiser les heures de consultation en raison des infrastructures techniques plutôt faibles.
C'est dans ces régions, non anglophones, que réside le développement du web. Il faut donc tenir compte des caractéristiques techniques du médium si on veut rejoindre ces "nouveaux" utilisateurs.
Je déplore aussi qu'il se fasse très peu de traductions des textes et essais importants qui sont publiés sur le web, tant de l'anglais vers d'autres langues que l'inverse.
Je m'explique. Par exemple, Jon Katz publie une analyse du phénomène de la culture Goth qui imprégnait les auteurs du massacre de Littleton, et de l'expression Goth sur le web. La presse francophone tire une phrase ou deux de l'analyse de Katz, grapille quelques concepts, en fait un article et c'est tout. Mais c'est insuffisant pour comprendre Katz et saisir ses propos sur la culture de ces groupes de jeunes.
De même, la nouveauté d'internet dans les régions où il se déploie présentement y suscite des réflexions qu'il nous serait utile de lire. À quand la traduction des penseurs hispanophones et autres de la communication?
Ce n'est pas très gai, et ça n'a rien à voir avec le rayonnement important qu'ont acquis Les Chroniques de Cybérie au fil des ans.
Début 1996, j'ai reçu un message qui disait à peu près ceci: "Mon fils, dans le début de la vingtaine, était gravement malade depuis des mois. Chaque semaine, il attendait avec impatience de recevoir dans sa boîte aux lettres votre chronique. Ne pouvant plus sortir de la maison, votre chronique lui permettait de 'voyager', d'ouvrir ses horizons, de penser à autre chose qu'à son mal. Il est décédé ce matin. Je voulais simplement vous remercier d'avoir allégé ses derniers mois parmi nous."
Alors, quand on reçoit un message comme ça, on se fout pas mal de parler à des milliers de gens, on se fout des statistiques d'achalandage, on se dit qu'on parle à une personne à la fois.
Pas vraiment un seul "gros et méchant" souvenir. Mais une foule de petits irritants. Le système est fragile, le contenu passe au second plan, on parle peu du capital humain, on nous inonde de versions successives de logiciels, etc. Mais c'est très vivable...
Disons que fin juillet 1998, à peu près au moment où nous avions notre tout premier entretien, j'écrivais: "Quelqu'un me demandait récemment quelles étaient les grandes tendances d'internet et si quelque chose avait changé dans la couverture journalistique de l'espace cyber. Après avoir feint de ne pas avoir entendu la question, question de songer à une réponse adéquate, je lui ai répondu qu'au début, un bon chroniqueur se devait d'avoir les deux pieds bien ancrés dans le milieu des technologues et des créatifs. Maintenant, il importe d'avoir un bureau à mi-chemin entre le Palais de justice et la Place de la bourse, et de cultiver ses amis avocats et courtiers." (Chroniques de Cybérie, 28 juillet 1998)
Je constate que, depuis ce temps, mais surtout depuis un an, cette tendance s'est confirmée. Les considérations financières comme les placements initiaux de titres (les IPO - initial public offers), les options d'achat d'actions, la montée fulgurante du Nasdaq fin 1999 et début 2000, puis la correction boursière du printemps, bref, toute cette activité a dominé grandement l'actualité du cyberespace.
Puis, sur le plan juridique, il y a eu l'affaire Microsoft (qui n'est pas encore terminée en raison des appels). C'est la plus visible, celle qui a monopolisé l'attention pendant des mois. Plus récemment, c'est l'affaire Napster qui retient l'attention (là aussi, on attend les décisions en appel). L'affaire UEJF (Union des étudiants juifs de France) - LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) - Yahoo! en France est aussi, à mon avis, éminemment importante car elle implique le concept de censure "géographique", à partir d'un territoire donné. Mais outre ces "causes célèbres", il ne se passe pas une journée sans que les fils de presse ne rapportent des décisions de tribunaux qui ont des incidences sur l'avenir d'internet.
Ce sont donc les manoeuvres boursières et les objets de litiges portés devant les tribunaux qui façonnent le mode de vie en réseau, et ce au détriment d'une réflexion et d'une action profonde sur le plan strict de la communication.
Disons que, dans mon cas, l'utilisation du support papier est plus sélective. Pour mes besoins, j'imprime parfois un document récupéré en ligne car le papier est une "interface de lecture" des plus portables. Sans connexion, sans piles, sans attirail technique, on transporte le document où on veut, on l'annote, on le partage, on le donne, on le récupère, puis il peut prendre facilement le chemin du bac de recyclage.
Côté des journaux et périodiques, j'en consomme moins qu'avant mon utilisation régulière d'internet (1991). Mais là encore, c'est sélectif. Le seul périodique que j'achète régulièrement est le mensuel Wired. Je n'ai jamais été abonné, je l'achète en kiosque, c'est comme voter avec son fric pour le changement.
Pour ce qui est des livres, comme je suis en guerre perpétuelle avec le temps, j'ai peu l'occasion de lire. Au cours de mes vacances, cet été, j'ai acheté des livres de cyberlibraires et je les ai fait livrer poste restante au bureau de poste du village où j'étais. Entre trois à cinq jours pour la livraison, c'est génial.
Le cinéma n'a pas sonné la mort des spectacles sur scène et des arts d'interprétation, pas plus que la radio. La télévision n'a pas relégué aux oubliettes le cinéma, au contraire, elle a contribué à une plus grande diffusion des films. Même chose pour la vidéocassette. Les technologies se succèdent, puis cohabitent.
Je crois qu'il en sera de même pour le papier. Il est certain que son rôle et ses utilisations seront modifiés, que certains contenus demeureront plus portables et conviviaux sur papier, il y aura des ajustements.
Curieusement, dans l'édition du 28 juillet 1998 des Chroniques de Cybérie que je cite plus haut, je parlais du numéro 4 des Cahiers de médiologie ayant pour thème "Les pouvoirs du papier", et aussi des premiers livres numériques.
Force est de constater que, deux ans plus tard, peu de choses ont évolué. D'abord, sur le plan technique, les nouvelles interfaces de lecture n'ont pas rempli leurs promesses sur le plan de la convivialité, de l'aisance et du confort, du plaisir de l'expérience de lire.
D'autre part, les contenus proposés sont encore assez maigres. Je ne dis pas qu'il n'y a rien, mais c'est peu varié, et encore peu de grands titres qui permettraient des économies d'échelle.
Oui, Stephen King a fait un pied de nez aux éditeurs et publié des oeuvres originales en ligne. Et alors? On peut difficilement, encore, parler d'une tendance.
J'ai une théorie des forces qui animent et modifient la société, et qui se résume à classer les phénomènes en tendances fortes, courants porteurs et signaux faibles.
Le livre électronique ne répond pas encore aux critères de tendance forte. On perçoit des signaux faibles qui pourraient annoncer un courant porteur, mais on n'y est pas encore. Cependant, si et quand on y sera, ce sera un atout important pour les personnes qui souhaiteront s'auto-éditer, et le phénomène pourrait bouleverser le monde de l'édition traditionnelle.
Mes suggestions s'adressent surtout aux diffuseurs de contenus qui ne respectent pas les normes techniques. Je m'explique. Le Consortium W3C est un organisme de normalisation des techniques du web. Ses comités étudient les nouvelles techniques, et prescrivent des normes d'utilisation. Or les producteurs et diffuseurs de contenus utilisent souvent des techniques propriétales, hors normes, propres à un logiciel ou à une plate-forme, ce qui donne lieu, par exemple, à des "sites optimisés" pour Netscape ou pour Internet Explorer.
Si ces sites soi-disant optimisés pour un fureteur ou un autre causent des problèmes pour les utilisateurs ordinaires, imaginez la difficulté d'adapter des contenus livrés hors normes à un consultation pour non-voyants.
Il y a des efforts énormes pour rendre accessible à tous le contenu du web, mais tant et aussi longtemps que les diffuseurs utiliseront des technologies hors normes, et ne tiendront pas leurs engagements pris, notamment, dans le cadre du Web Interoperability Project (WIP), la tâche sera difficile.
Un monde parallèle, un espace où se déroule l'ensemble des activités d'information, de communication, et d'échanges (y compris échanges commerciaux) désormais permises par le réseau. Il y a un centre, autonome, très interconnecté qui vit par et pour lui-même. Puis des collectivités plus ou moins ouvertes, des espaces réservés (intranets), des sous-ensembles (AOL, CompuServe). Il y a ensuite de très longues frontières où règne une culture mixte, hybride, issue du virtuel et du réel (on pense aux imprimés qui ont des versions web, aux sites marchands). Il y a aussi un sentiment d'appartenance à l'une ou l'autre de ces régions du cyberespace, et un sentiment d'identité.
Une société où l'unité de valeur réelle est l'information produite, transformée, échangée. Elle correspond au "centre" du cyberespace. Malheureusement, le concept a tellement été galvaudé, banalisé, on l'a servi à toutes les sauces politiciennes pour tenter d'évoquer ce qu'on ne pouvait imaginer dans le détail, ou concevoir dans l'ensemble, de sorte que l'expression a perdu de son sens.
Chroniques de Cybérie was launched in November 1994 as a weekly newsletter sent by email. Since April 1995, it has been available on the Web. Both versions are currently available: the e-mail version (5,000 subscribers) and the Web version.
In The New York Times, Bruno Giussani wrote: "Jean-Pierre Cloutier (...) is one of the leading figures of the French-speaking Internet community. Cloutier writes one of the most intelligent, passionate and insightful electronic newsletters available on the Internet (...) an original mix of relevant Internet news, clear political analysis and no-nonsense personal opinions, (...) a publication that gave readers the feeling that they were living 'week after week in the intimacy of a planetary revolution'."
Interview 08/06/1998
Interview 06/08/1999
(original interview in French)
There are two different things. First I was a translator (after working in communications). I got connected to the Internet at the request of my small translation company's customers because it made it easier to receive the work to translate and then send the result back to them. Quite quickly, I began to get a broader range of customers, including some in the US.
Then I made a switch. I stopped translating and became a columnist. At first I was doing it part-time, but it soon became my main activity. For me it was a return to journalism, but in a very different way. In the beginning, Chroniques de Cybérie dealt mainly with news (new sites and new software). But gradually I tackled more fundamental aspects of the Internet, and then branched out into current national and international social, political and economic events.
With basic issues, it's fairly simple because all these resources (official documents, news stories, commentary and analysis) are online. You can delve into them, quote them, broaden the analysis and go on with the research. For current events, the choice of subject depends on available resources, and resources are not always easy to find. So you're in the same situation as radio or TV, that if there aren't any audio clips or pictures, even a major event becomes less interesting on the Internet.
For Chroniques de Cybérie, we could introduce and maintain a formula because entry costs are quite low in this medium. However, everything will depend on the extent of what's called media "convergence" and on whether production costs rise if we need to offer audio and video material to stay in the game. If that happens, we'll have to rethink our strategic partnerships, such as the one linking us to the Ringier group which enabled us to relaunch Chroniques after six months of silence. But however much "convergence" there is, I think there'll always be room for written work and for in-depth analysis of the main questions.
(original interview in French)
No real new projects. New ideas, yes, but I'm still working on them.
That's a very big subject.
First there are the copyright and reproduction rights of big companies. These are relatively well supported legally, either through internal legal means or by hiring specialized companies.
There's no doubt the "dematerialization" of information, brought about by the Internet and digitization, makes it easier to undermine intellectual property in various ways.
The danger is real for small producers/distributors of "original" content, who don't have the means to monitor the theft of their products, or to take legal action to ensure their rights are respected.
But all this is the "official" part -- cases of plagiarism that can be found in "rematerialized" works. There is perhaps a more insidious form of plagiarism, which is the theft of ideas, concepts, formulas, etc., with no mention of their origin. It's hard to "prove" such plagiarism because it is not just a matter of "copy and paste". But it's another aspect of the issue which is often obscured in the debate.
What's the solution? We need a system where you can register free of charge an article, book or piece of music with an international organization that can take legal action against plagiarism. This wouldn't solve all the problems, but would at least establish a basic structure and, who knows, might deter the thieves.
We passed the milestone this summer. Now more than half the users of the Internet live outside the United States. Next year more than half of all users will be non English-speaking, compared with only 5% five years ago. Isn't that great?
At the same time, the Internet has became multi-faceted and now requires more and more efficient tools because of the "enrichment" of content (or rather of what contains it, because as far as the real content is concerned, there's no enrichment, except of the firms that sell it). The Internet needs strong systems, with good memory and powerful microprocessors. Development of the non English-speaking Web will be mainly aimed at people who have no way of getting powerful systems or the latest software and operating systems, or of upgrading or renewing it all every year. Also, communication infrastructure is sorely lacking in many places outside Europe and the United States. So there is a problem of bandwidth.
I've been noticing this phenomenon since the very beginning of Chroniques. Some readers (in Africa, Asia, Caribbean, South America and the Pacific) tell me they like being able to suscribe to an e-mail version. They can get Chroniques as a single message, read it off-line and choose the sites they want to consult later. Often they have to plan their time online carefully because of poor communication links.
The Web is going to grow in these non English-speaking regions. So we've got to take into account the technical aspects of the medium if we want to reach these "new" users.
I think it's a pity there are so few translations of important documents and essays published on the Web -- from English into other languages and vice-versa.
Let me explain. Jon Katz published on the Web an analysis of the "Goth" culture which the perpetrators of the Littleton slaughter were into, and of the term "Goth". The French-speaking press quoted one or two sentences of his analysis, lifted a few of his ideas, made an article out of it and that's all. But it wasn't enough to allow one to understand Katz and his analysis of this youth culture.
In the same way, the recent introduction of the Internet in regions where it is spreading raises questions which would be good to read about. When will Spanish-speaking communications theorists and those speaking other languages be translated?
It's not a very cheerful one and has nothing to do with the significant influence Chroniques de Cybérie has gained over the years.
At the beginning of 1996, I got a message which roughly said: "My son, in his early twenties, has been very ill for months. Every week, he looked forward very much to getting your newsletter in his electronic mailbox. As he could no longer leave the house, the newsletter allowed him to 'travel', to open his mind and think about something else other than his pain. He died this morning. I just wanted to thank you because you lightened his last months with us."
When you get a message like this, you don't care about speaking to thousands of people, you don't care about lots of statistics, you tell yourself you're talking to one person at a time.
I haven't really had a "big bad" experience. Lots of small and irritating ones, though. The system is fragile, content takes second place, the human resources aren't talked about much and lots of new software is inundating us. But we can live with it all quite easily.
Empezadas en noviembre de 1994 por Jean-Pierre Cloutier como una carta semanal enviada por correo electrónico, las Chroniques de Cybérie son difundidas en la Red desde abril de 1995. La versión por correo electrónico aún se encuentra mantenida (5.000 suscritos), así como el sitio web.
Entrevista 08/06/1998
Entrevista 06/08/1999
(entrevista original en francés)
En mi caso fueron dos épocas. Primero una época en la que era traductor (después de haber trabajado en las comunicaciones). Me conecté a Internet a petición de los clientes de mi pequeña empresa de traducción, porque simplificaba el envío de textos a traducir y el regreso de textos traducidos. Rápidamente empecé a ampliar mi clientela y a tener contratos con clientes de Estados Unidos.
Luego cambié completamente de trabajo, es decir que dejé a lado mis actividades de traducción para hacerme cronista. Al principio lo hice a medio tiempo, pero rápidamente se hizo mi actividad principal. Para mí era un retorno al periodismo, pero de una manera visiblemente muy distinta. Al principio, las Chroniques trataban sobre todo novedades (sitios nuevos, programas de computación nuevos). Pero gradualmente traté cada vez más cuestiones de fondo de la Red, y después amplié con algunos puntos de la actualidad nacional e internacional - social, política y económica.
En el primer caso, el de las cuestiones de fondo, es relativamente simple porque todos los recursos (documentos oficiales, noticias, comentarios, análisis) están en línea. Por lo tanto se puede poner su graito de sal, citar, ampliar el análisis, extender las investigaciones. Con respecto a la actualidad, la selección de los temas depende de los recursos disponibles, lo que no es siempre fácil de encontrar. Se encuentra uno en la misma situación que en la radio o en la televisión, es decir, que si no hay audioclips e imágenes, una noticia aunque sea importante se hace menos atrayente por este medio.
En el caso de las Chroniques de Cybérie, pudimos lanzar y mantener una fórmula a causa de los costos relativamente bajos de instalación en este medio. Sin embargo, todo dependerá de la amplidud del fenómeno llamado "convergencia" de los medias y de una posible alza de los costos de producción si tenemos que ofrecer audio y video para mantenernos competitivos. Si es el caso, tendremos que pensar en alianzas estratégicas, un poco como la que nos relaciona con el grupo Ringier et que permitió la "reactivación" de las Chroniques después de seis meses de "puesta en espera". Pero cualquiera que sea el grado de convergencia, creo que siempre habrá un lugar para "lo escrito", y también para los análisis aprofundizados de los grandes problemas.
(entrevista original en francés)
Proyectos y realizaciones, no, no exactamente. Nuevas ideas, sí, pero está todavía en gestación.
Es un problema amplio.
Hay primero los derechos de autor y derechos de reproducción de las grandes empresas. Estas últimas están relativamente bien dotadas en apoyo jurídico, ya sea por el recurso a los servicios internos de litigios, ya sea por la contratación de compañías especializadas.
Es cierto que la "inmaterialización" de la información, aportada por Internet y las técnicas numéricas, facilita los ataques variados de la propiedad intelectual. Donde está el peligro, es en el caso de pequeños productores/distribuidores de temas o contenidos "originales" que no tienen los medios para cuidarse de la apropiación de sus productos ni de iniciar medidas jurídicas para el respeto de sus derechos.
Pero todo esto es el lado "oficial", son casos de reproducción o imitación que se pueden probar con documentos "rematerializados". Quizás una de las formas más insidiosa de imitación, sea la de la apropiación sin mención del origen de las ideas, de conceptos, de fórmulas, etc. Es difícil en estos casos de "probar" la imitación, porque no es un mero "copiar y pegar". Sin embargo, es otra dimensión del problema la que está a menudo ocultada en el debate.
¿Soluciones? Se debe inventar un proceso por el cual se pueda inscribir sin gastos una obra (artículo, libro, obra musical, etc.) ante un organismo internacional con poder de sanción. Este método no arreglaría todos los problemas, pero tendría por lo menos la ventaja de determinar un cuadro de base y, quién sabe, quizás, actuaría para disuadir a los saqueadores.
Un giro se tomó este verano. Ahora más de 50% de los/las usuarios/usuarias de la Red viven fuera de Estados Unidos. El año próximo, más de 50% de los usuarios serán no anglófonos. Hace solamente cinco años era un 5%. Estupendo, ¿verdad?
Pero al mismo tiempo Internet se hizo multiforme y exige cada vez más instrumentos competitivos a causa del "enriquecimiento" de los contenidos (o más bien de los contenientes, porque sobre el fondo, el contenido verdadero, no enriquece nada salvo las empresas que los venden). Se necesitan sistemas fuertes, provistos de buena memoria, con microprocesores poderosos. Ahora bien, si la Red no anglófona se desarrolla, se dirigirá en una buena parte a poblaciones que no tienen los medios de conseguir sistemas poderosos, como los últimos programas de computación y sistemas de explotación, ni de renovar y poner a nivel todo este bazar cada año. Además, las infraestructuras de comunicación faltan en muchas regiones fuera de Europa y de Estados Unidos. Hay por lo tanto un problema de ancho de banda.
Lo observo desde el principio de las Chroniques. Algunos corresponsales (África, Asia, Antillas, América del Sur, región del Pacífico) me dicen que les gusta la fórmula de suscripción por correo eléctronico, porque les permite primero recuperar un único mensaje y luego leerlo, informarse, hacer una preselección de sitios que consultarán después. En muchos casos se necesitan optimizar horas de consulta a causa de infraestructuras técnicas bastante simples.
Es, por consiguiente, en estas regiones no anglófonas que reside el desarrollo de la Red. Por lo tanto hay que tener en cuenta las características técnicas del medio de comunicación si se quiere dar con estos "nuevos" usuarios.
Deploro también que se hagan muy pocas traducciones de textos y ensayos importantes publicados en la Red, tanto del inglés hacia otras lenguas como en sentido contrario.
Me explico. Por ejemplo, Jon Katz publicó un análisis del fenómeno de la cultura Goth que impregnaba los autores de la matanza de Littleton, y de la expresión Goth en la Red. La prensa francófona extrae una frase o dos del análisis de Katz, recolecta algunos conceptos, hace un artículo de eso, y es todo. Pero no basta para entender Katz y comprender sus ideas sobre la cultura de estos grupos de jóvenes.
De la misma manera, la novedad de Internet en las regiones donde se muestra ahora, suscita ahí reflexiones que nos serían útiles de leer. ¿Cuándo podremos tener la traducción de pensadores de la comunicación hispanohablante o de otras lenguas?
No es muy alegre, y no tiene nada que ver con la importante difusión obtenida por las Chroniques de Cybérie a lo largo de los años.
A principios de 1996 recibí un mensaje que decía más o menos esto: "Mi hijo, al principio de sus veinte años, estaba gravemente enfermo desde hacía meses. Cada semana esperaba impacientemente la llegada de su crónica en su buzón electrónico. Como no podía salir de casa, su crónica le permitió 'viajar', abrir sus horizontes, pensar en otra cosa que en su mal. Murió hoy por la mañana. Yo quería simplemente agradecerle de haberle ayudado durante sus últimos meses entre nosotros."
Entonces, cuando se recibe un mensaje como éste, nos vale hablar a millares de personas, nos valen las buenas estadísticas, se dice uno mismo que hablamos con una persona a la vez.
No tengo un único recuerdo "grande y malo". Pero una multitud de pequeños e irritantes recuerdos. El sistema es frágil, el contenido pasa al segundo plano, se habla poco del capital humano, estamos inundados con versiones sucesivas de programas de computación. Pero es soportable...
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